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Insuline

Publié le 31 aoû 2005Lecture 12 min

Les analogues de l’insuline - Mode d’emploi du schéma basal-bolus

O. RONSIN, V. VAGUE, Hôpital Sainte-Marguerite, Marseille

Depuis environ 15 ans, les insulines sont produites par génie génétique. Il est donc devenu possible de modifier la molécule initiale pour fabriquer un analogue de l’insuline avec des propriétés physico-chimiques différentes qui influent sur sa cinétique. L’étude DCCT (Diabetes Control and Complications Trial) a clairement démontré le lien entre un bon équilibre métabolique et la prévention ou le ralentissement des complications du diabète, mais cela au prix d’une fréquence plus élevée d’hypoglycémies dues à la cinétique des insulines. Les laboratoires ont alors développé des insulines qui reproduisent la sécrétion physiologique du pancréas (une insuline basale et des suppléments au moment des repas) et ont alors été produits des analogues rapides (lispro et aspart) de l’insuline, puis des analogues lents (la glargine, puis la detemir).

L’analogue lent assure la dose basale nécessaire pour lutter contre le flux hépatique constant de glucose et la lipolyse ; les analogues rapides reproduisent les pics d’insuline déclenchés par la prise alimentaire.   Les analogues rapides de l’insuline   Pharmacocinétique L’insuline lispro, premier analogue rapide de l’insuline à avoir été développé, diffère de l’insuline rapide ordinaire par sa capacité à se dissocier rapidement en monomère dans le tissu sous-cutané, ce qui permet une absorption plus rapide. Cette capacité est liée à sa structure particulière (inversion de la lysine et de la proline en position 28 et 29 sur la chaîne B) qui limite la formation de dimères ou d’hexamères (figure 1). Le deuxième analogue rapide de l’insuline produit est l’aspart qui résulte du remplacement de la proline en position 28 sur la chaîne B par un acide aspartique chargé négativement (figure 2). Ces deux analogues ont la même pharmacocinétique : leur action débute 5 à 15 minutes après l’injection, leur pic d’action 30 à 90 minutes plus tard ; leur durée moyenne d’action varie de 4 à 6 heures. En comparaison des insulines ordinaires leurs principales caractéristiques (tableau 1) sont : – un pic d’action deux fois plus précoce ; – une concentration maximale deux fois plus importante ; – une durée d’action plus courte. Les analogues ont donc une action hypoglycémique plus brutale et les injections doivent être réalisées 15 minutes maximum avant un repas ; ce dernier ne doit pas être sauté ; en revanche les collations ne sont plus nécessaires. Les analogues peuvent être également utilisés en vue de corriger des hyperglycémies trop importantes soit avant soit entre les repas. Il n’existe pas d’AMM en ce qui concerne leur utilisation en IM ou IV. Figure 1. Structure de l’insuline lispro. Figure 2. Structure de l’insuline aspart. Efficacité clinique Chez les diabétiques de type 1 Ces deux analogues rapides de l’insuline sont principalement utilisés comme insuline prandiale (sauf dans les pompes à infusion sous-cutanée). Elles sont donc injectées avant chaque repas. Étant donné leur pharmacocinétique (pic d’action plus rapide et durée plus courte), ces deux analogues sont plus efficaces sur les glycémies postprandiales que l’insuline ordinaire et sont moins pourvoyeurs d’hypoglycémies à distance des repas. La plupart des études (tableau 2) ont montré une diminution des excursions glycémiques postprandiales avec les analogues, comparativement à l’insuline ordinaire. Toutefois cela ne s’accompagne d’une diminution significative de l’HbA1c que si l’insuline basale est optimisée. En effet, dans le cas contraire on observe avec les analogues, en raison de leur brièveté d’action, une réascension des glycémies à distance des repas, en particulier en fin d’après-midi. Cela est plus particulièrement noté dans les pays où le dîner se prend vers 20 heures au plus tard. Les deux études italiennes qui associent à l’utilisation des analogues rapides une optimisation de l’insuline de base ont montré une diminution de l’HbA1c de l’ordre de 0,55 % ; ce bénéfice en termes d’HbA1c s’accompagne par ailleurs d’une réduction des hypoglycémies. Une métaanalyse réalisée sur plus de 1 400 patients a montré qu’on assiste sur 1 an à une diminution de 25 % du nombre d’hypoglycémies sévères (c’est-à-dire nécessitant l’intervention d’un tiers pour le resucrage) avec l’insuline lispro comparativement à l’insuline ordinaire. Chez le diabétique de type 2 L’utilisation seule d’analogues de l’insuline sans insuline basale est peu évaluée. Une seule étude a montré la supériorité en termes HbA1c de l’introduction d’insuline lispro pour les repas après échec d’un traitement oral par glyburide sur l’utilisation de metformine ou de NPH au coucher. En fait, chez le diabétique de type 2, lorsqu’un traitement par insuline est instauré, on utilise principalement une insuline lente ou semi-lente au coucher, de façon à améliorer la glycémie à jeun tout en maintenant les hypoglycémiants oraux dans la journée ; ce n’est que lors de l’intensification du traitement insulinique que les analogues rapides sont utilisés en complément d’une insuline basale. Les analogues lents de l’insuline   Pharmacocinétique Le premier analogue lent de l’insuline commercialisé a été la glargine (printemps 2001 aux États-Unis ; été 2002 en France). Cet analogue résulte de la substitution d’une glycine par une asparagine en position 21 de la chaîne A et de l’addition de deux arginines en position 30 de la chaîne B (figure 3). Ces modifications structurales modifient le point isoélectrique de la molécule, ce qui la rend insoluble à pH neutre (celui du tissu sous-cutané). Il s’ensuit, après une injection sous-cutanée, la formation d’un dépôt, ce qui ralentit l’action de l’insuline et prolonge sa durée d’action. La pharmacocinétique de la glargine a été étudiée comparativement à l’insuline NPH ou ultralente chez des volontaires sains, des diabétiques de type 1 et des diabétiques de type 2. La glargine est caractérisée par une durée d’action plus longue que celle de la NPH, une absence de pic d’action, et une moins grande variation dans l’absorption d’un jour à l’autre. Son efficacité est comparable quel que soit l’horaire auquel elle est injectée (matin, midi et soir) (figure 4). Le deuxième analogue lent de l’insuline qui va être commercialisé est l’insuline detemir. Cet analogue est caractérisé par l’absence de thréonine en position 30 de la chaîne B, et par la liaison avec la lysine en position 29 de la chaîne B de l’acide myristique, un acide gras saturé de 14 atomes de carbone (figure 5). L’originalité de la detemir réside dans sa haute affinité pour l’albumine sérique, utilisée comme protéine porteuse, afin de réaliser la prolongation de l’effet biologique insulinique et de réduire la variabilité d’un jour à l’autre. Cet analogue a une durée d’action de 18 heures sans pic d’action et une plus grande reproductibilité d’un jour à l’autre chez les patients. Afin d’assurer l’insuline basale, elle doit être injectée deux fois par jour. Figure 3. Structure de la glargine. Figure 4. Mode d’action de la glargine. Figure 5. Structure de la detemir. Efficacité clinique Chez le diabétique de type 1 La plupart des études réalisées ont été faites en comparant une injection sous-cutanée de glargine à plusieurs injections de NPH. Ces études utilisent comme insuline rapide soit de la rapide ordinaire soit des analogues. Les résultats en termes d’HbA1c sont encore incertains (4 études sur 8 montrent une supériorité de la glargine), mais on note une amélioration de la glycémie à jeun et une diminution des hypoglycémies, surtout nocturnes, avec la glargine (tableau 3). Chez 80 % des patients une seule injection par jour suffit à assurer la couverture des besoins de base, ce qui apporte une amélioration du confort de vie (par rapport à 2, 3, voire 4 injections de NPH). L’efficacité est la même si la glargine est injectée le matin, le midi ou le soir. Chez 20 % des patients, une deuxième injection de glargine s’avère nécessaire. Les études réalisées avec la detemir ont également été faites comparativement à la NPH. Une métaanalyse montre que la detemir entraîne une diminution de l’incidence des hypoglycémies, surtout nocturnes, une diminution de la glycémie à jeun, une perte de poids alors que les patients sous NPH grossissaient, et une amélioration de l’HbA1c. Chez le diabétique de type 2 Chez le diabétique de type 2 en échec de traitement standard (antidiabétique oral ou insuline au coucher), l’introduction d’une injection de glargine permet d’obtenir une HbA1c au moins équivalente à celle observée avec deux injections de NPH, ce avec moins d’hypoglycémies, en particulier nocturnes, et quelle que soit l’heure d’injection de glargine. L’avantage de la detemir réside dans une moindre prise de poids lors de l’intensification du traitement. Populations particulières   Enfants et adolescents Les analogues rapides sont utiles lors du traitement des adolescents diabétiques. La puberté altère la sensibilité à l’insuline et bien souvent les doses doivent être majorées au cours de cette période de la vie. En cas d’utilisation d’insuline rapide ordinaire, cette augmentation conduit bien souvent à retarder le pic d’action (3 à 4 heures) et à prolonger sa durée d’action (8 heures, voire plus), ce qui entraîne des hypoglycémies retardées et bien souvent nocturnes (entre 22 et 02 heures). Dans une étude réalisée chez 400 jeunes diabétiques de type 1, à doses d’insuline égales, une diminution des fluctuations glycémiques et des hypoglycémies nocturnes a été observée sous analogues rapides. Un autre problème que soulève l’adolescent diabétique est l’imprévisibilité de son appétit au cours d’un repas. La rapidité d’action des analogues aspart et lispro permet de réaliser parfois les injections après les repas en fonction de la quantité de glucides ingérés ou de faire un complément si le repas a été copieux. Dans le cadre d’un schéma basal-bolus, leur durée d’action courte permet de faire une collation ou un goûter au cours de la journée en calculant la dose nécessaire d’analogue rapide pour la quantité de glucides ingérés. Du fait d’une plus grande flexibilité, les analogues rapides semblent donc plus faciles à utiliser dans cette tranche d’âge. La glargine n’a pas l’AMM chez l’enfant de moins de 6 ans. Son utilisation chez les jeunes diabétiques de type 1 a montré une diminution du nombre d’hypoglycémies sans modification de l’HbA1c.   Chez les insuffisants rénaux Les diabétiques en insuffisance rénale sont exposés à un plus grand risque d’hypoglycémie par diminution de la clairance rénale de l’insuline. Les études réalisées dans cette population montrent qu’il est préférable d’utiliser les analogues rapides de l’insuline plutôt que l’insuline rapide ordinaire. En effet, leur pic d’action précoce et leur moins longue durée d’action limitent le risque d’hypoglycémies. L’utilisation de la glargine chez l’insuffisant rénal a été peu évaluée. Une étude rétrospective portant sur 20 patients diabétiques insuffisants rénaux dialysés traités par glargine pendant 9 mois montre une amélioration de l’HbA1c sans augmentation du risque d’hypoglycémies sévères. Les données, bien qu’encore insuffisantes, semblent donc indiquer que la glargine est efficace et bien tolérée chez l’insuffisant rénal.   Dans les pompes à insuline L’utilisation des analogues rapides de l’insuline dans les pompes externes s’est avérée très efficace. En effet, si l’on se heurte à la difficulté d’optimiser la basale lors de leur utilisation au cours d’injections sous-cutanées, le problème ne se pose pas avec les pompes. Une métaanalyse récente incluant les essais comparatifs randomisés en cross-over de durée d’au moins 10 semaines a montré une amélioration d’au moins 0,26 % de l’HbA1c avec de l’insuline lispro utilisée dans les pompes à infusion sous-cutanée comparativement à l’insuline ordinaire. Cette amélioration de l’hémoglobine glyquée s’associe à une diminution du nombre des hypoglycémies dans la moitié des études. Une seule étude a comparé la lispro et l’aspart dans les pompes avec des résultats similaires pour les deux insulines.   Le schéma basal-bolus en pratique   Le schéma basal-bolus (figure 6) combine : • une injection d’analogue lent ou deux injections d’analogue ou de NPH, afin de reproduire l’imprégnation basale en insuline ; • des injections d’analogues rapides avant les repas, appelés bolus par analogie au traitement par pompe. Figure 6. Le basal-bolus en pratique. Adaptation des doses   - Insuline basale. Les objectifs en termes de glycémies sont variables en fonction de chaque patient ; on cherche classiquement à avoir une glycémie à jeun entre 0,80 g/l et 1,20 g/l et une glycémie postprandiale < 1,80 g/l. Pour cela, on utilise l’insuline basale ayant pour but de stabiliser les glycémies en dehors des repas. La dose administrée aux patients varie de 0,3 à 0,4 UI/kg/j et s’adapte ensuite lorsque l’on est à distance d’un repas. Son efficacité peut être évaluée lors d’un jeûne ou la nuit en dehors de tout apport glucidique. En pratique, la dose s’adapte à l’aide de deux glycémies capillaires : celle du coucher et celle du réveil, en modifiant les doses d’insuline de 2 unités par palier de 3 jours. Ainsi : - Si la glycémie au lever est égale à la glycémie 4 heures après le repas, la dose basale est correcte. - Si la glycémie au réveil est supérieure à la glycémie 4 heures après le repas du soir, il faut augmenter la dose de base, sauf s’il y a eu une hypoglycémie nocturne. - Si la glycémie au réveil est inférieure à la glycémie 4 heures après le repas du soir, il faut diminuer la dose de base. Dans 20 à 30 % des cas, la durée de la glargine est inférieure à 24 heures ; il faut alors réaliser deux injections par jour à 12 heures d’intervalle pour avoir une insulinémie basale la plus proche du physiologique. Dans cette situation, on peut soit utiliser les analogues lents, soit la NPH. - L’insuline rapide a deux rôles principaux : permettre l’assimilation des glucides alimentaires et corriger les excursions hyperglycémiques. L’efficacité des doses d’insuline rapide s’évalue sur les glycémies postprandiales (2 heures après un repas) et la fin de son action est estimée 4 heures après l’injection. Les doses sont variables pour chaque patient et pourront par la suite être déterminées en fonction de la quantité de glucides contenue dans chaque repas et de la glycémie avant les repas. Cette éducation à l’adaptation des doses peut être acquise lors de stages d’insulinothérapie fonctionnelle. Si le patient décide de sauter un repas, l’injection d’analogue rapide ne doit pas être réalisée. Chez des patients avec un appétit variable (adolescent ou sujet âgé), les injections d’analogues rapides peuvent être réalisées après un repas. Ces insulines rapides servent également à corriger les hyperglycémies entre les repas. - Ce type de schéma permet au patient diabétique de manger à des horaires variables, autorise une plus grande liberté alimentaire et permet de faire la grasse matinée (si la basale est injectée le midi ou le soir). L’efficacité de tous les analogues, rapides ou lents, est identique quel que soit le site d’injection (bras, cuisses, ventre). - Lors de la pratique d’une activité physique, les doses d’insulines doivent être revues à la baisse préventivement. Si l’activité se situe dans les 4 heures qui suivent une injection d’analogue rapide, il faut diminuer cette dose de moitié pour un effort physique intense et d’un tiers pour un effort physique modéré. Par contre, si l’exercice est pratiqué en dehors de l’action d’une insuline rapide, on conseille au patient de prendre 20 à 30 g de glucides avant l’exercice. On constate également bien souvent, après la pratique d’une activité physique, la survenue d’hypoglycémies retardées liées à la reconstitution des stocks de glycogène par les muscles. Dans ce cas, il faut diminuer les doses d’insuline rapide du repas suivant.   Spécialités, présentations et conservation Il existe actuellement deux analogues rapides sur le marché : la lispro (Humalog®) et l’aspart (Novorapid®), et deux analogues lents : la glargine (Lantus®) et la detemir (Levemir®). Toutes ces insulines existent sous forme de stylos jetables (Flexpen pour Novorapid et Levemir, Humalog Pen et Optiset pour Lantus), de cartouches pour stylos non jetables (cartouches de 3 ml Penfl pour Novorapid et Levemir, et sans dénomination particulière pour Lantus ou Humalog) et de flacons pour seringue. Seule Lantus®, du fait des ses propriétés pharmacologiques, ne peut pas être mélangée dans une seringue avec une autre insuline. Ces insulines peuvent être conservées à température ambiante quand il fait moins de 30 °C et doivent être réfrigérées au-delà, sinon l’efficacité est diminuée.   Conclusion   Pour qu’elle soit acceptée par les patients, une insulinothérapie intensifiée ne peut être entreprise que si le nombre d’hypoglycémies reste acceptable. C’est pourquoi ont été développées des insulines plus « physiologiques », c’est-à-dire se rapprochant le plus possible de la sécrétion pancréatique. La commercialisation des analogues d’abord rapides puis lents de l’insuline a permis de mimer cette sécrétion physiologique, de réduire le nombre d’hypoglycémies, surtout nocturnes, et d’améliorer la qualité de vie des patients par une plus grande flexibilité dans les horaires (possibilité de grasses matinées ou de repas à heures irrégulières avec un schéma basal-bolus) et une plus grande liberté alimentaire (adaptation des doses d’analogues rapides en fonction de la quantité de glucides ingérés). Mais ces bénéfices ne peuvent s’obtenir qu’avec une éducation renforcée, comme dans le cadre des séances « d’insulinothérapie fonctionnelle ».

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