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Insuline

Publié le 16 déc 2012Lecture 8 min

Comment identifier en pratique clinique les patients insulinorésistants ?

F. BONNET, Hôpital Sud, Rennes

L’insulinorésistance correspond à une diminution de l’action de l’insuline dans les tissus cibles (muscles squelettiques, foie, tissu adipeux en particulier). Elle s’explique par des altérations de la signalisation moléculaire de l’insuline après liaison à son récepteur membranaire. L’insulinorésistance précède l’apparition du diabète de type 2 et est associée au risque d’hyperglycémie et d’hypertension artérielle(1). Il a été démontré que l’activité physique couplée à des mesures diététiques est efficace pour prévenir l’évolution vers le diabète chez des sujets intolérants au glucose. Il est donc important d’identifier les individus avec une insulinorésistance afin de leur proposer des mesures hygiénodiététiques et un suivi biologique approprié pour diminuer leur risque métabolique. Comme la technique de référence pour mesurer la sensibilité à l’insuline (le clamp euglycémique-hyperinsulinémique) est complexe et requiert un centre d’investigation approprié et un personnel formé, il est nécessaire en pratique clinique d’utiliser des critères simples pour identifier les patients insulinorésistants.

Prédisposition génétique L’insulinorésistance est favorisée par des facteurs génétiques, ce qui explique en partie, par exemple, pourquoi certaines ethnies sont plus à risque de diabète de type 2 et d’hypertension artérielle : Micronésiens, Aborigènes, Indiens, individus du Sud-Est asiatique. En cas de prédisposition génétique, on constate une insulinorésistance malgré l’absence d’obésité ou en présence d’un tour de taille plus bas. Ces individus devraient bénéficier d’un dépistage ciblé d’une hyperglycémie. Il faut donc garder en mémoire les valeurs des seuils spécifiques du tour de taille pathologique selon l’origine ethnique. La notion de cas familiaux de diabète de type 2 peut suggérer la présence d’une insulinorésistance plus marquée mais il faut savoir que la prédisposition génétique à la survenue d’un diabète de type 2 est surtout liée à des altérations de l’insulinosécrétion précoce qui se surajoutent à une insulinorésistance, ce qui explique l’apparition du diabète. Présence d’une adiposité viscérale L’obésité est associée à une augmentation de l’insulinorésistance. Cependant, au-delà de l’index de masse corporelle (IMC), la répartition du tissu adipeux a un rôle plus important dans la détermination de la sensibilité à l’insuline. Ainsi, l’expansion du tissu adipeux viscéral s’accompagne d’une insulinorésistance, même en l’absence d’obésité concomitante. Le tissu adipeux viscéral peut être mesuré par la tomodensitométrie ou l’IRM mais la mesure du tour de taille est un index fiable reflétant l’hypertrophie de la graisse intra-abdominale. De nombreuses études ont montré que l’augmentation du tour de taille (> 94 cm chez l’homme et > 80 cm chez la femme) est associée à une insulinorésistance confirmée par la technique de référence du clamp. D’ailleurs, un tour de taille élevé constitue dans les études épidémiologiques un robuste facteur de risque de survenue d’un diabète de type 2, y compris chez des patients non obèses(2). La mesure du tour de taille est importante pour identifier des patients avec une insulinorésistance en l’absence d’obésité, en particulier dans des groupes ethniques à plus haut risque de diabète comme les individus originaires du Sud-Est de l’Asie. Dans cette population, il existe une accumulation préférentielle de la graisse en intraviscéral qui s’associe à une insulinorésistance importante malgré un IMC tout à fait physiologique entre 23 et 25 kg/m2. C’est pourquoi, la norme du tour de taille est plus faible chez les patients d’Asie du Sud-Est (< 90 cm pour les hommes et < 80 cm pour les femmes). Il a été montré que, chez des individus non obèses mais avec une hyperglycémie modérée à jeun, l’augmentation du tour de taille au cours du temps est un facteur indépendant de survenue d’un diabète de type 2(3). Ceci a également été observé pour les sujets ayant un IMC normal, < 25 kg/m2 à l’inclusion(3). L’explication physiopathologique avancée est que l’augmentation du tour de taille, même en l’absence d’obésité, s’accompagne d’une aggravation de l’insulinorésistance qui est préjudiciable pour l’homéostasie glucidique car elle induit une augmentation des contraintes pour les cellules b et précipite ainsi la survenue d’une défaillance de la fonction insulinosécrétrice.   Le tour de hanches n’est globalement pas associé à l’insulinorésistance car il s’agit d’une graisse métaboliquement peu active qui sécrète beaucoup moins de cytokines et autres facteurs pro-inflammatoires que la graisse intraviscérale. Son utilisation en pratique clinique est donc peu informative, d’autant plus que la reproductibilité de sa mesure chez le même individu en présence d’obésité n’est pas très bonne en raison de la difficulté de localisation du site précis de mesure. Élévation de la glycémie Une hyperglycémie modérée à jeun, définie par une glycémie ≥ 1,10 g/l (ou 6,1 mmol/l) est associée à une insulinorésistance à prédominance hépatique avec une augmentation de la production hépatique de glucose, même s’il existe aussi le plus souvent une insulinorésistance périphérique musculaire sous-jacente. L’hyperglycémie isolée après charge orale en glucose (ou intolérance au glucose) est davantage associée à une insulinorésistance musculaire puisque près de 70 % des glucides ingérés sont oxydés au niveau musculaire en période absorptive. L’hyperglycémie postprandiale est aussi le reflet d’altérations déjà importantes de la fonction des cellules b. La présence d’une élévation de la glycémie, qu’elle soit à jeun ou en postprandial, ou après charge orale en glucose, est donc presque constamment le reflet d’une insulinorésistance évoluant souvent depuis longtemps. Facteurs lipidiques L’insulinorésistance favorise la présence d’une hypertriglycéridémie (> 1,5 g/l) et d’un HDL-C bas (< 0,4 g/l). Ceci est lié à l’augmentation de la sécrétion des VLDL par le foie et à une augmentation de l’activité de la lipase hépatique. Nous avons montré dans la cohorte française D.E.S.I.R. que la présence d’un HDL-C bas est significativement associée au risque ultérieur de diabète de type 2, avec un effet plus marqué en présence d’un surpoids ou d’une obésité (tableau)(4). La mesure de la concentration du HDL-C représente donc un marqueur fiable de la présence d’une insulinorésistance lorsqu’il est bas et a fortiori en présence d’une hypertriglycéridémie, même modérée (> 2,0 g/l) associée. Ces patients méritent d’être surveillés régulièrement sur le plan glycémique et pondéral.   Hypertension artérielle De nombreuses études ont montré que l’HTA est associée à une insulinorésistance accrue1. La présence d’une HTA augmente le risque de développer un diabète de type 2, surtout en présence d’une obésité associée(4). Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents ne sont pas très clairs. L’accumulation de la graisse viscérale est un dénominateur commun car elle favorise à la fois l’insulinorésistance mais aussi l’élévation de la pression artérielle. La dysfonction endothéliale et la raréfaction artériolocapillaire qui coexistent dans l’HTA et le diabète de type 2 pourraient jouer un rôle étiopathogénique en favorisant à la fois le développement de l’hypertension artérielle et la diminution du captage musculaire du glucose. De même, l’élévation de la microalbuminurie, qui est favorisée en partie par la dysfonction endothéliale, a été aussi associée à la présence d’une insulinorésistance.   En pratique clinique, la présence d’une élévation de la pression artérielle chez un individu avec un tour de taille élevé et/ou une hypertriglycéridémie peut permettre d’identifier un sujet insulinorésistant à plus haut risque de dysglycémie. Marqueurs hépatiques Le foie a un rôle physiologique important dans le métabolisme du glucose. Il a été de plus démontré qu’une élévation même modérée des marqueurs hépatiques comme les gamma glutamyltransférase (GGT) et les alanine transférase (ALAT) est un marqueur solide d’insulinorésistance. Nous avons récemment montré, au sein d’une large cohorte européenne de 1 310 sujets en bonne santé et sans hypertension, que la prévalence de l’intolérance au glucose augmente au fur et à mesure de l’élévation de la concentration de ces deux enzymes hépatiques (figure 1)(5). Sur le plan mécanistique, l’élévation des marqueurs hépatiques est associée à une diminution de la sensibilité affectant à la fois les muscles squelettiques mais aussi le foie (figures 2 et 3), et ceci indépendamment de l’adiposité abdominale, de l’obésité et de la consommation d’alcool(5). Cette relation positive entre les marqueurs hépatiques et la présence d’une insulinorésistance était retrouvée après exclusion des individus ayant des valeurs supérieures à la limite supérieure de la normale, ce qui souligne la solidité de l’association. Ainsi en pratique clinique, la présence de GGT ou d’ALAT > 30 UI/l permet d’identifier des patients qui ont plus fréquemment une insulinorésistance par rapport à ceux avec des taux inférieurs.   Figure 1. Prévalence de l’intolérance au glucose en fonction des marqueurs hépatiques dans une population de 1 310 volontaires sains. Figure 2. Sensibilité à l’insuline lors du clamp selon les concentrations des marqueurs hépatiques (stratifiés en quartiles respectifs). Figure 3. Corrélations entre les gamma GT et les ALAT et l’insulinorésistance hépatique mesurée par traceur.    Ceci est cohérent avec un grand nombre d’études qui ont décrit une association épidémiologique entre la concentration des GGT et des ALAT et le risque ultérieur de diabète de type 2, que ce soit chez les hommes ou les femmes et dans différents groupes ethniques. Il faut souligner que l’élévation modérée des marqueurs hépatiques n’est pas associée à une altération de la réponse insulinosécrétoire au glucose lors d’une hyperglycémie provoquée par voie orale(5). Les enzymes hépatiques sont avant tout des marqueurs d’une insulinorésistance périphérique et hépatique et non d’une défaillance des cellules b. L’augmentation de l’insulinorésistance hépatique se traduit par une augmentation de la production hépatique de glucose qui contribue elle-même à l’hyperglycémie au réveil. De plus, nous avons également mis en évidence que l’élévation, même modérée, des ALAT est associée à une augmentation de la concentration plasmatique de glucagon, ce qui constitue un mécanisme supplémentaire pour expliquer le risque accru de diabète chez ces sujets(5). En parallèle, il a été montré qu’une élévation des GGT chez des diabétiques traités par une insuline basale permet d’identifier des patients avec une résistance hépatique accrue à l’insuline pour lesquels il faut de fortes doses d’insuline basale pour normaliser la glycémie à jeun(6). Les mécanismes physiopathologiques qui expliquent pourquoi l’élévation des GGT est associée à l’insulinorésistance restent mal connus. Il a été proposé que l’élévation des GGT soit un marqueur du stress oxydatif en raison de son rôle au niveau cellulaire dans le métabolisme du glutathion réduit. Enfin, nous avons montré que l’élévation des GGT est associée à une diminution de la clairance hépatique de l’insuline, ce qui contribue à entretenir un hyperinsulinisme qui peut favoriser le maintien de l’insulinorésistance(5). Conclusion En pratique clinique, l’augmentation du tour de taille et l’hypertension artérielle sont des paramètres cliniques associés à une probabilité accrue d’insulinorésistance. Sur le plan biologique, l’hypertriglycéridémie et la baisse du HDL-C mais aussi l’élévation même très modérée (> 40 UI/l) des GGT ou des ALAT (> 30 UI/l) sont des marqueurs fiables d’insulinorésistance, y compris en l’absence d’obésité ou d’hyperglycémie associée. La conjonction de ces différents paramètres chez un même individu, comme dans le syndrome métabolique, augmente la probabilité de la présence d’une insulinorésistance. Ces marqueurs simples sont utiles en pratique pour identifier plus précocement un sujet insulinorésistant non obèse, notamment avant la survenue d’une hyperglycémie, qui signe déjà l’existence d’altérations sévères de l’insulinosécrétion favorisées par une insulinorésistance le plus souvent déjà ancienne mais négligée.

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