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Études

Publié le 05 sep 2016Lecture 7 min

Prévenir le diabète de type 2 : une place de choix confirmée pour la nutrition - Résultats de l’étude DPPOS

P.-H. DUCLUZEAU, Unité d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, Pôle de médecine, CHRU de Tours

L’OMS estime à 420 millions le nombre de sujets diabétiques dans le monde dont plus de 90 % seraient des diabètes de type 2. les cas d’intolérance au glucose sont estimés à 320 millions de personnes, indiquant une forte augmentation des cas de diabète dans les décennies à venir (+35 % en 2040) (figure 1). Compte tenu des coûts considérables liés à la prise en charge du diabète, une politique de prévention du diabète de type 2 est mise en avant depuis près de 20 années. Dans cette optique, l’étude princeps DPP (Diabetes Prevention Trial 1998-2002) a été poursuivie jusqu’en 2013 (DPP-os 2003-2013) et ses résultats ont été récemment publiés(1).

  Figure 1. Prévalence du diabète dans le monde selon 4 groupes de PIB, OMS, 2015. Que peut-on prévenir et comment ?   La prévention du diabète de type 2 implique la reconnaissance et le contrôle des facteurs de risque impliqués dans sa physiopathologie, qui comporte deux principales anomalies : l’insulinorésistance et l’insulinopénie. Concernant l’insulinopénie, les facteurs de risque reconnus sont l’âge, la génétique et les maladies pancréatiques : tous sont peu modifiables dans le but d’une prévention du diabète. En revanche, concernant les facteurs de risque liés à l’insulinorésistance, on retrouve les facteurs définissant le syndrome métabolique (hyperglycémie, dyslipidémie, HTA et accumulation de graisse viscérale) ainsi que l’inactivité physique. Toutes ces anomalies sont étroitement liées à l’équilibre énergétique de l’individu qui, en présence d’un apport calorique chronique supérieur à ses dépenses, va développer une accumulation de graisse. Lorsque ces lipides se déposeront dans les viscères et le foie, ils seront alors responsables d’une résistance à l’insuline et d’une dérégulation du métabolisme glucido-lipidique. Prévenir ces anomalies revient alors à réduire l’insulinorésistance en « dégraissant » les organes métaboliques. Le moyen le plus logique sera donc de « négativer » le bilan énergétique de l’individu, c’est-à-dire de promouvoir une alimentation légèrement hypocalorique et d’augmenter les dépenses liées à l’activité physique. De ce fait découle la mise en place au cours des 20 dernières années d’études de prévention du diabète dans des populations à risque d’en développer un. Ces études visent toutes à identifier le meilleur moyen de prévention en comparant des groupes avec modification du mode vie (véritablement coachés) et des groupes avec une thérapeutique médicamenteuse agissant sur l’insulinorésistance (metformine le plus souvent). Sur le plan nutritionnel, les conseils généraux étaient basés sur la diminution globale des aliments caloriques sans interdit, mais en ciblant les aliments mis en évidence comme étant à risque dans les études antérieures, à savoir : apports élevés en graisses, notamment acides gras saturés et transformés, et boissons caloriques. Les groupes intensifs rencontraient régulièrement des diététiciennes. Sur le plan de l’activité physique, les conseils de pratiquer au moins 30 minutes de marche par jour étaient délivrés à tous, mais les groupes intensifs bénéficiaient initialement d’un véritable réentraînement physique.   Les preuves par les études : bien à moyen terme Trois études randomisées, une chinoise Da Qing, une finlandaise Diabetes Prevention Study (DPS) et une américaine Diabetes Prevention Program(DPP), ont spécifiquement démontré la faisabilité d’une approche énergétique pour prévenir le diabète de type 2 chez des sujets à risque (avec intolérance aux hydrates de carbone)(2-4). • L’étude Da Qing a été la seule à essayer de différencier l’effet propre de l’augmentation de l’exercice physique et du régime alimentaire, puisqu’elle comportait quatre bras : un groupe contrôle, un groupe exercice seul, un groupe régime seul et un groupe régime avec exercice. Le résultat en était que l’exercice seul donnait des résultats à peu près comparables à exercice plus régime, soit une diminution de l’ordre de 45 % du risque relatif de conversion (figure 2). • L’étude DPS montre que l’exercice physique et les modifications du régime alimentaire appliqués, comme pour l’étude DPP, dans des conditions particulièrement exigeantes, donnaient eux aussi les mêmes résultats, très supérieurs aux conseils habituels « conventionnels » (56 % de diminution du risque relatif) ; la limite de l’étude était le nombre de sujets inclus (260 par groupe). • Si les deux premières études comportaient peu de sujets inclus, l’étude DPP était la première grande étude de prévention du diabète avec plus de 3 200 sujets répartis dans trois groupes, et suivis au moins 3 années. Elle visait à comparer une intervention intense sur le style de vie à la prise masquée de metformine versus un placebo dans une cohorte choisie pour être à risque très élevé de développer un diabète, car présentant une glycémie à jeun entre 1,10 et 1,26 g/l. DPP confirme l’effet puissant des modifications de style de vie retrouvé dans DPS, soit près de 60 % de diminution du risque relatif ! Dans l’étude DPP, le nombre de personnes à traiter pour éviter un nouveau cas de diabète est de 14 en utilisant la metformine, et 8 en modifiant intensivement son mode de vie. La perte de poids cible dans les trois études de prévention nutritionnelle précédemment citées était entre 5 à 7 % du poids initial (objectif atteint par un peu moins de la moitié des sujets). C’est réellement cette perte de poids qui est associée à la réduction du risque de diabète, les déclarations de modifications alimentaires et d’activité physique étaient sans effet si le poids restait identique, mettant en doute la bonne application des conseils par les patients. Figure 2. Réduction du risque relatif de développer un diabète versus le groupe contrôle des 3 études princeps ayant un suivi moyen de 4 années. Le suivi à long terme   Cependant, la courte durée du suivi (4 années en moyenne) a incité les investigateurs à prolonger l’étude en ouvert. À la fin de l’étude, en 2001, 88 % de la cohorte DPP ont été suivis 12 années supplémentaires dans l’étude DPP Outcomes Study (DPPOS 2002-2014). Pendant DPPOS, le groupe initial d’intervention sur le mode de vie a continué à recevoir des séances de renforcement éducatif tous les 6 mois, et le groupe initial avec metformine (en aveugle) a continué à recevoir la metformine en traitement ouvert. L’objectif principal était le taux de développement d’un diabète, et l’objectif secondaire la prévalence de complications microvasculaires regroupées en un critère composite comportant au moins l’apparition d’une néphropathie, d’une rétinopathie ou d’une neuropathie. Les analyses étaient réalisées en intention de traiter sur la base de l’affectation des 3 groupes d’origine dans DPP. On notera que, dans le groupe contrôle, 50 % des sujets sont devenus diabétiques en 10 ans, ce qui confirme les données habituelles sur le taux de conversion des sujets intolérants au glucose. Au terme de 15 années de suivi au total, la réduction d’incidence obtenue dans le groupe modification du mode de vie était de 27 %, significativement supérieure à la réduction d’incidence obtenue dans le groupe recevant de la metformine, de 18 %. Néanmoins la différence entre les 3 groupes tend à s’estomper avec le temps (figure 3). Ainsi, au cours de la phase additionnelle de suivi, l’incidence du diabète est identique dans les 3 groupes (style de vie, metformine et placebo), comme en témoigne une pente de la courbe identique entre 8 et 15 années (figure 3). Il reste néanmoins un bénéfice puisque l’incidence cumulée du diabète sur 10 ans est réduite de 34 % dans le groupe « style de vie ». Figure 3. Incidence cumulée du diabète en fonction des 3 groupes DPP-DPPOS. La perte progressive des effets favorables des modifications intensives du style de vie est certainement multifactorielle, faisant intervenir une diminution de l’observance, pouvant être due à la lassitude des patients, mais aussi à celle des soignants. Il est en effet évident que, si l’on veut respecter les conditions initiales du DPP, compte tenu du nombre potentiel de patients concernés (un adulte sur trois a une glycémie supérieure à 1 g/l aux États-Unis), les soignants seront vite « débordés ». Un autre écueil probable est que l’on va s’adresser à une population non malade ; quand on connaît les difficultés d’observance chez des sujets « déjà » diabétiques, il est probable que bon nombre de sujets « prédiabétiques » perdent rapidement leur motivation initiale au changement du mode de vie. En fait, on peut également remarquer que les patients de l’étude DPP ont reçu soit de la metformine, soit un programme intensif de modification du style de vie. Il aurait été intéressant de disposer d’un groupe recevant la metformine plus le programme intensif afin de connaître l’effet cumulatif de ces deux méthodes de prévention. Concernant le critère secondaire, associant la présence simultanée ou non de complications microvasculaires, il n’y avait aucune différence significative, les 3 groupes présentant à la fin de l’étude autour de 12 % de sujets avec au moins une complication microvasculaire (critère composite) (figure 4). On notera cependant que les sujets devenus diabétiques présentaient le critère secondaire pour 16 % d’entre eux et que les sujets restés non diabétiques étaient tout de même 10 % à présenter une ou plusieurs « complications microvasculaires » ! Bien entendu, les définitions cliniques (neuropathie) ou opérateur-dépendantes (rétinopathie minime) rendent prudente toute interprétation des données du critère secondaire retenu dans l’étude DPPOS.  Figure 4. Prévalence des complications microvasculaires (composite ou séparées) dans les 3 groupes de l’étude DPPOS Conclusion   D’un point de vue médico-économique, il paraît indispensable de ralentir le développement du diabète de type 2 dans nos sociétés. Nous avons maintenant la preuve à long terme que le moyen le plus efficace pour y parvenir est, d’une part, de s’adresser aux sujets les plus à risque (présentant une élévation de la glycémie à jeun) et, d’autre part, de modifier durablement le mode de vie (équilibre nutritionnel et activité). Cela impose de disposer d’un nombre important de professionnels formés, disponibles et motivés. Cette motivation est indéniablement influencée par celle des patients qui a tendance à s’essouffler avec les années, alors que les perturbations métaboliques ont également tendance à s’aggraver. Des objectifs simples mais efficaces doivent être mis en avant et reconnus par tous, comme le maintien d’une perte de poids qui, même minime (5 %), sera efficace sur le long terme. 

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