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Cardiovasculaire

Publié le 15 déc 2016Lecture 8 min

Dyslipidémies, prévention cardiovasculaire : quoi de neuf ?

Un entretien avec E. BRUCKERT, Service d’endocrinologie métabolisme et prévention cardiovasculaire, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, Institut hospitalo-universitaire cardio-métabolisme (ICAN)

N’en déplaise aux sceptiques qui nient l’intérêt de prendre en charge le cholestérol, les résultats des essais cliniques ont apporté la démonstration irréfutable que le LDL-cholestérol est associé de manière dose-dépendante au risque cardiovasculaire. outre la publication des nouvelles recommandations ESC/EAS pour la prise en charge des dyslipidémies(1), deux revues majeures viennent conforter ces recommandations en apportant des éléments de preuve indiscutables en faveur du bénéfice des statines(2) et, plus généralement, de la réduction du LDL-cholestérol(3), en prévention des événements cardiovasculaires. Puissent ces données probantes recevoir autant d’écho médiatique que la campagne acharnée menée par les détracteurs, avec pour seuls bénéfices de renforcer leur image et l’audimat de certains médias, mais au détriment des patients.

Quelles nouveautés dans les recommandations ESC/EAS(1) ?   L’évaluation du risque cardiovasculaire reste basée sur son calcul au moyen du système SCORE (http://www.heartscore.org), de préférence aux autres modèles de risque. Les patients ayant une maladie cardiovasculaire avérée, un diabète de type 1 ou 2, des facteurs de risque très importants ou une insuffisance rénale chronique sont a priori considérés comme à haut risque. Le risque calculé par SCORE est modulé selon la présence de 12 situations, qui sont toutes associées, dans les grandes métaanalyses à une augmentation de > 50 % du risque (encadré 1). Ainsi, l’identification de l’une de ces situations chez un patient à risque modéré peut le faire reclassifier dans la catégorie à haut risque. Quatre catégories de risque cardiovasculaire total sont proposées (tableau 1). Concernant le bilan lipidique, la nouveauté est qu’il n’est plus nécessaire de le réaliser à jeun dans le cadre du dépistage des dyslipidémies et pour l’évaluation du risque. En effet, il a été montré que les concentrations lipidiques sont très peu augmentées chez le patient non à jeun (environ 0,3 mmol/l, soit 0,27 g/l) comparativement aux prélèvements à jeun. Il est toutefois précisé que, chez le patient diabétique, le prélèvement non à jeun peut sous-estimer de 0,6 mmol/l les valeurs de LDL-C. La Lp(a) est un réel facteur de risque indépendant. Toutefois, l’efficience de sa mesure et ses conséquences pratiques en termes de traitement sont imprécises. Son dosage spécifique est recommandé chez certains patients (encadré 2) dans le cadre de l’évaluation du risque. Les cibles thérapeutiques sont inchangées - Patients à risque cardiovasculaire très élevé : LDL-C < 0,7 g/ (< 1,8 mmol/l) ou réduction de ≥ 50 % si le LDL-C est compris entre 0,7 et 1,35 g/l (< 1,8 à 3,5 mmol/l). - Patients à risque cardiovasculaire élevé : LDL-C < 1 g/l (< 2,6 mmol/l) ou réduction de ≥ 50 % si le LDL-C est compris entre 1 et 2 g/l (2,6 à 5,2 mmol/l). - Patients à risque faible ou modéré : LDL-C < 1,15 g/l (< 3 mmol/l). Pour les patients à risque faible, cette cible idéale ne doit pas conduire à un traitement médicamenteux systématique si elle n’est pas atteinte. En effet, dans ce contexte de bas risque, seul un seuil supérieur à 1,90 g/l (> 4,9 mmol/l) doit conduire à une prescription de statine. Les modifications hygiénodiététiques Les recommandations accordent une place importante à la modification des facteurs de risque liés au mode de vie, et tout particulièrement à la diététique. À cet égard, le régime méditerranéen a fait la preuve de son efficacité. Les conseils relatifs au mode de vie (diététique, activité physique, arrêt du tabac) de même que le contrôle du poids et de la pression artérielle, constituent la base de la prise en charge à tous les niveaux de risque, en association au traitement médicamenteux chez les sujets à risque (tableau 2). Les traitements pharmacologiques La place des statines dans la prévention des événements cardiovasculaires est confirmée en première intention : - prescrire une statine à la dose maximale recommandée ou tolérée pour atteindre la cible de LDL-C (IA) ; - en cas d’intolérance aux statines, envisager la prescription d’ézétimibe seul ou associé à un chélateur des acides biliaires (IIaC) ; - si l’objectif n’est pas atteint sous statine, envisager son association à un inhibiteur de l’absorption du cholestérol (IIaB) ; - si l’objectif n’est pas atteint sous statine, envisager son association à un chélateur des acides biliaires (IIbC) ; - chez les patients à très haut risque non contrôlés sous statine à la dose maximale tolérée, envisager son association avec l’ézétimibe ou chez les patients intolérants aux statines une association avec un inhibiteur de PCSK9 (IIbC). Il va sans dire que le dernier point de cette recommandation ne peut être appliqué en France, seul pays européen avec la Bulgarie où les i-PCSK9 ne sont pas disponibles. Il s’ensuit qu’il faut recourir aux aphérèses chez les patients ayant une hypercholestérolémie familiale grave non contrôlée par les traitements disponibles, ce qui représente un millier de patients. Or, cette procédure longue, répétitive et coûteuse, ne peut être réalisée que dans une douzaine de centres inégalement répartis sur le territoire. Les recommandations consacrent également un chapitre à la prise en charge au quotidien des patients visant à améliorer l’observance et l’acceptation du traitement, en rappelant les bases de l’entretien motivationnel. Cette approche est très spécifique des recommandations européennes qui se veulent une prise en charge des patients et non un résumé de la médecine fondée sur les preuves (EBM) à l’instar des recommandations nord-américaines. Intolérance aux statines L’intolérance aux statines est un problème clinique fréquent. Dans les études observationnelles, au moins 10 % des patients se plaignent de douleurs musculaires, ce qui est compatible avec un effet des statines. Toutefois, les données actuelles montrent qu’une part importante de ces douleurs relève d’un effet nocebo. Ainsi, dans la première phase de l’étude GAUSS-3 durant laquelle des patients intolérants aux statines ont participé à une étude croisée statine versus placebo, un quart des patients ont présenté des symptômes musculaires sous placebo et non sous statine, ce qui illustre bien l’importance de l’effet nocebo et explique la discordance entre la pratique clinique et les études randomisées où l’incidence des douleurs musculaires dans le groupe traité par statine est très faible (environ 5 %)(4). Une avancée réside dans l’élaboration d’un score clinique permettant d’évaluer la probabilité que la plainte myalgique soit liée à la statine(5) (tableau 3). En revanche, le mécanisme des douleurs reste inexpliqué. Par ailleurs, il est aujourd’hui reconnu que la pharmacologie des statines est extrêmement variable d’un individu à l’autre, ce qui offre un argument majeur pour changer de statine en cas de douleurs musculaires sous traitement. En outre, les effets secondaires sont très dose-dépendants. En pratique, il est donc recommandé chez un patient qui se plaint de myalgies sous traitement de changer de statine, de faire au moins 3 essais de statine, d’utiliser de faibles doses, éventuellement en espaçant les prises un jour sur deux, et de passer rapidement à un traitement associant l’ézétimibe. Un algorithme de prise en charge des symptômes musculaires est proposé dans les recommandations (figure 1). Figure 1. Algorithme de prise en charge des symptômes musculaires sous traitement par statine. CK : créatine kinase ; LSN : limite supérieure de la normale. Par exemple atorvastatine ou rosuvastatine. Bénéfice et sécurité des statines Le Lancet a publié en septembre une grande revue intitulée « Interprétation des éléments de preuve d’efficacité et de sécurité du traitement par statine »(2) qui réexamine et explique la validité des données d’efficacité et de sécurité d’emploi des statines issues des essais contrôlés et réfute les allégations d’effets secondaires venant des études observationnelles. Cette revue rappelle que : - une statine efficace à dose moyenne (par exemple atorvastatine 40 mg) permet de diminuer le LDL-C de moitié (environ 2 mmol/l, 0,77 g/l) en partant d’un taux initial ≥ 4 mmol/l (≥ 1,55 g/l) ; - chaque réduction de 1 mmol/l du LDL-C sous statine s’accompagne d’une réduction de 25 % environ des événements cardiovasculaires majeurs, pour chaque année de prise du traitement ; une réduction du LDL-C de 2 mmol/l réduit le risque de 45 % environ ; le bénéfice absolu augmente à mesure de la durée du traitement et persiste à long terme ; - en traitant 10 000 patients pendant 5 ans par une statine efficace (par exemple atorvastatine 40 mg) pour obtenir une réduction du LDL-C de 2 mmol/l, on évite environ 1 000 événements cardiovasculaires majeurs chez les sujets à haut risque (bénéfice absolu : 10 %) et 500 événements chez les patients à moindre risque en prévention primaire (bénéfice absolu : 5 %) ; - il n’existe pas de preuves solides d’un effet bénéfique des statines sur d’autres pathologies (cancers, infections, maladies respiratoires, arythmies). Le bénéfice absolu du traitement est bien entendu variable en fonction du risque d’événement cardiovasculaire majeur et de la réduction du LDL-C obtenue sous traitement par statine (figure 2). Figure 2. Réduction du risque absolu d’événements cardiovasculaires majeurs (après la 1re année de traitement) grâce à la réduction du LDL-C obtenue sous traitement par statine pendant 5 ans(2). Quant aux effets secondaires, les seuls réellement documentés sont les effets musculaires (rhabdomyolyse associant des douleurs ou une faiblesse musculaire et une augmentation importante des concentrations de créatine kinase), le risque de survenue d’un diabète et probablement une augmentation du risque d’AVC hémorragique, soit pour 10 000 patients traités pendant 5 ans par une statine efficace à dose moyenne (ex. : atorvastatine 40 mg) : - 5 cas de myopathie, rapidement résolutifs à l’arrêt du traitement ; - 50-100 nouveaux cas de diabète ; - 5-10 AVC hémorragiques. Cela représente en risque absolu un excès d’événements indésirables d’environ 10-20 cas par an pour 10 000 patients traités. Les symptômes musculaires sans élévation majeure de la créatine kinase représentent 50-100 cas pour 10 000 patients traités pendant 5 ans.   Réduction du LDL-C : quel bénéfice ?   Une autre revue méthodique a évalué le bénéfice tiré de la réduction du LDL-C sur le risque cardiovasculaire selon le traitement utilisé (statine, régime, chélateur des acides biliaire, bypass iléal, ézétimibe, fibrate, niacine, inhibiteur de CETP, inhibiteur PCSK9), soit 49 essais au total regroupant plus de 312 000 patients suivis durant 4,3 ans en moyenne (1,3 million de personnes- années de suivi) avec près de 40 000 événements cardiovasculaires majeurs(3). La réduction du risque d’événement cardiovasculaire majeur dépend essentiellement de la réduction du LDL-C. Ainsi, le risque relatif associé à une réduction de 1 mmol/l (0,38 g/l) est de 0,77 (0,71-0,84, p < 0,001) chez les patients traités par une statine (RR = 0,70 en prévention primaire et 0,79 en prévention secondaire) et de 0,75 (0,66- 0,86, p < 0,002) chez les patients bénéficiant d’un traitement qui régule à la hausse l’expression des récepteurs LDL, c’est-à-dire le régime, les chélateurs des acides biliaires, le bypass iléal et l’ézétimibe. La réduction du risque relatif observée dans les essais avec les fibrates est plus élevé que ne voudrait le très faible impact de ces molécules sur le LDL-C. Cette différence est probablement expliquée par la diminution de certaines particules riches en triglycérides et athérogènes (figure 3). Ainsi, le bénéfice cardiovasculaire observé s’explique par la réduction absolue du LDL-C, à une exception près, les inhibiteurs de CETP. Ce qui importe donc, c’est d’abaisser le LDL-C. Figure 3. Différence pondérée entre les groupes pour le taux de LDLC atteint sous traitement et risque relatif d’événement cardiovasculaire majeur. Propos recueillis par M. DEKER

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