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Cardiovasculaire

Publié le 08 jan 2017Lecture 7 min

Testostérone et risque cardio-métabolique chez les hommes avec un diabète de type 2

F. BONNET, Service endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHU de Rennes

L’hypogonadisme, défini par une concentration basse de testostérone plasmatique (le plus souvent une testostérone totale < 10 ou 8 nmol/l ou testostérone libre < 0,25 nmol/l), est fréquent chez les patients diabétiques de type 2 (entre 15 et 35 % selon les études)(1,2). La testostérone circulante est composée de la forme liée à la SHBG qui est prédominante (60 à 80 %), la forme liée à l’albumine (20 à 40 %) et la forme libre qui est minoritaire (2 %). La testostérone peut moduler le risque de maladie cardiovasculaire par l’intermédiaire de ses effets sur la sensibilité à l’insuline, les modifications de la composition corporelle et l’inflammation.

De nombreuses études épidémiologiques d’observation ont montré une association entre l’hypogonadisme et le risque de maladie cardiovasculaire en population générale, même s’il existe une certaine hétérogénéité entre les études. Le traitement par testostérone des patients DT2 hypogonadiques permet souvent une amélioration de la dysérection et de la baisse de la libido (si ces signes cliniques sont présents) mais les effets à moyen et long terme sur le risque cardiovasculaire demeurent mal connus et très controversés. Il existe des arguments pour suggérer qu’un traitement par testostérone peut améliorer le contrôle glycémique chez les hommes avec DT2 et hypogonadisme(3). Cependant, les données spécifiques au diabète de type 2 sont peu nombreuses et portent sur de faibles effectifs.   Épidémiologie   Prévalence Une réduction de la concentration plasmatique de testostérone est fréquente chez les hommes avec un syndrome métabolique (30 %) ou un diabète de type 2. D’autres études ont retrouvé une prévalence entre 17 et 36 % de testostérone abaissée chez des patients DT2(1,4). Dans le diabète de type 1, la prévalence de l’hypogonadisme est beaucoup plus faible (7 %)(5). La concentration de testostérone dans ces études est inversement corrélée à l’insulinorésistance, définie par l’index HOMA-IR(5).   Hypogonadisme et altérations cardio-métaboliques • Adiposité La présence d’une concentration basse de testostérone et de SHBG (la protéine porteuse de la testostérone circulante) est associée à l’accumulation de graisse viscérale, à un tour de taille augmenté et à une insulinorésistance accrue (figure)(6-8). La testostérone a une influence sur la composition corporelle en favorisant une augmentation de la masse musculaire et une diminution de la masse grasse. Plusieurs mécanismes moléculaires permettent d’expliquer le lien entre hypogonadisme et adiposité. La testostérone favorise la transformation des cellules souches pluripotentes en myocytes, alors que le déficit en testostérone favorise le développement des adipocytes via l’activation du récepteur aux androgènes (figure)(9). La testostérone inhibe également la lipoprotéine lipase, ce qui contribue à diminuer l’adipogenèse et facilite la lipolyse. Il existe des relations bidirectionnelles entre surpoids et hypogonadisme. En effet, l’accumulation de graisses contribue à majorer l’hypogonadisme. Les cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-1α, IL-6) sécrétées par le tissu adipeux inhibent la production de testostérone, à la fois au niveau hypothalamo-hypophysaire et au niveau testiculaire (figure)(10). De plus, la leptine inhibe l’effet stimulant des gonadotrophines sur les cellules de Leydig, ce qui contribue à expliquer l’hypogonadisme observé dans l’obésité(11). • Diabète de type 2 Plusieurs études épidémiologiques ont montré qu’un hypogonadisme est associé à une augmentation du risque de développer une insulinorésistance et un diabète de type 2 chez l’homme d’âge moyen(6,12,13). La concentration plasmatique de testostérone est inversement corrélée au niveau d’insulinorésistance et d’HbA1c en population générale(14,15). La testostérone inhibe la production de cytokines proinflammatoires comme le TNFα et l’IL-6, ce qui peut expliquer l’effet bénéfique du traitement sur la sensibilité à l’insuline(16).   Testostérone et dyslipidémies La concentration plasmatique de testostérone est corrélée négativement à celle du cholestérol total et du cholestérol LDL(17,18). Les patients avec hypogonadisme sont donc plus à risque de présenter une hypercholestérolémie. Cependant, même si les données d’intervention sont contrastées, pour les patients avec DT2, deux essais ont montré une diminution de la concentration du LDL-cholestérol et surtout du cholestérol total après traitement(19,20). La concentration de testostérone est corrélée positivement à celle du HDL-C chez les hommes en population générale mais aussi chez les patients DT2(21). Les études d’intervention ont montré des résultats contradictoires sur le taux de HDL-C avec une tendance, néanmoins, à une diminution de la concentration sous traitement(22,23). Cette réduction du HDL-C pourrait être liée à l’inhibition de la lipoprotéine lipase par la testostérone mais aussi à une augmentation du catabolisme du HDL-C(3). Les patients avec hypogonadisme biologique ont une concentration de triglycérides plus élevée(24). Cependant, les essais d’intervention n’ont pas montré de données concordantes sur la concentration des triglycérides chez l’homme. Un essai prospectif randomisé chez des patients DT2 avec hypogonadisme a montré une diminution de la concentration plasmatique de Lp(a) sous traitement par testostérone(19).   Stéatose hépatique   Le récepteur aux androgènes est exprimé au niveau du foie et il a été montré qu’un déficit en testostérone favorise le développement de la stéatose hépatique chez l’animal et chez l’homme(25,26). Un inhibiteur de l’enzyme 5α-réductase induit une stéatose hépatique chez le rat obèse et insulinorésistant(27). Un effet de la testostérone sur l’expression du transporteur du glucose GLUT 2 a été mis en évidence chez l’animal, ce qui suggère un possible effet bénéfique sur la production hépatique de glucose.   Mortalité cardiovasculaire   La majorité des études d’observation en population ont montré que des taux bas de testostérone étaient associés à une augmentation du risque de mortalité totale et d’origine cardiovasculaire(28,29). Ceci a été retrouvé dans plusieurs métaanalyses, même s’il existe une grande hétérogénéité parmi les études(30,31). Par ailleurs, la présence d’une dysfonction érectile qui est souvent la conséquence d’un hypogonadisme, est associée en parallèle à une augmentation du risque cardiovasculaire chez l’homme diabétique, ce qui suggère une possible implication de l’hypogonadisme dans ce lien entre dysfonction érectile et morbi-mortalité cardiovasculaire(32). La relation de causalité entre l’hypogonadisme et le risque cardiovasculaire ne peut pas être démontrée par les études d’observation et des biais pourraient expliquer le lien. Ainsi, une faible concentration de testostérone pourrait être un simple indicateur d’une santé plus précaire ou de comorbidités associées. Les études d’intervention randomisées permettent de s’affranchir de ces biais.   Effets métaboliques des études d’intervention   Une étude d’intervention chez 67 patients obèses avec un syndrome d’apnée du sommeil a montré que l’administration de testostérone diminue l’accumulation intrahépatique de graisses(33). De même, un essai randomisé en cross-over versus placebo a montré sur un petit effectif qu’un traitement par testostérone (200 mg en IM toutes les 2 semaines pendant 3 mois) améliore le contrôle glycémique avec une diminution de 0,37 % de l’HbA1c chez des patients DT2 avec hypogonadisme(15). Dans cet essai, la réduction de l’HbA1c et de la glycémie à jeun était liée principalement à une diminution de l’adiposité abdominale et à une amélioration de la sensibilité à l’insuline(15). Un essai prospectif multicentrique européen a montré une amélioration de la sensibilité à l’insuline de 15 % après 6 mois de traitement par voie transdermique chez des patients avec DT2 et/ou syndrome métabolique(19). Dans ce dernier essai, il existait une amélioration significative du contrôle glycémique (réduction de l’HbA1c de 0,4 %) chez les patients DT2.   Effets cardiovasculaires des études d’intervention   Plusieurs métaanalyses récentes ont montré l’absence de bénéfices cardiovasculaires d’un traitement par testostérone exogène comparativement au placebo (OR : 1,14 ; IC : 0,59-2,20). Deux métaanalyses ont mis en évidence en analyse de sous-groupes une augmentation du risque pour un traitement par voie orale et durant la première année de traitement, en particulier pour des hommes de plus de 65 ans(34). Il n’existe malheureusement aucun essai d’intervention qui ait étudié spécifiquement les patients DT2 avec hypogonadisme. Conclusion   Il n’existe pas de résultats tangibles et convaincants démontrant un bénéfice CV de l’administration de testostérone en population générale. En parallèle, il est considéré que le traitement par testostérone n’a pas d’effet net sur les marqueurs de l’inflammation et les lipides. Cependant, il n’y a aucun essai d’intervention ayant inclus spécifiquement des patients DT2. En revanche, plusieurs études ont montré une amélioration de l’HbA1c après traitement par testostérone chez des patients DT2 avec hypogonadisme. Ce bénéfice métabolique s’accompagnait d’une réduction de l’adiposité abdominale et d’une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Le niveau de preuves en faveur d’un bénéfice de l’administration de testostérone en présence d’un diabète reste donc faible. Le traitement se justifie donc avant tout par la présence de symptômes cliniques d’hypogonadisme et beaucoup moins dans une démarche de prévention des complications CV en l’absence d’études d’intervention. La perspective d’une réduction de la stéatose hépatique après mise en route d’un traitement substitutif chez des hommes diabétiques de type 2 présentant une concentration basse de testostérone est séduisante mais, là encore, le niveau de preuves chez l’homme demeure modeste.

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