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Congrès

Publié le 14 déc 2016Lecture 7 min

Après SPRINT : faut-il revoir les objectifs de PA ?

M. DEKER

EASD

Parmi toutes les questions relatives au traitement de l’hypertension artérielle, l’une demeure sans réponse : quelle est la cible optimale de pression artérielle (PA), d’une part, chez les patients apparemment en bonne santé et, d’autre part, chez les patients ayant des comorbidités, par exemple un diabète, ou susceptibles de présenter une pathologie sous-jacente infraclinique ? En mettant en évidence un bénéfice à traiter intensivement la PA comparativement à la prise en charge standard, l’étude SPRINT repose la question, sans y répondre chez les patients diabétiques, toutefois.

La majorité des études épidémiologiques montrent une relation linéaire entre la pression artérielle et la mortalité par coronaropathie ischémique. Il en est de même des événements rénaux. Il ne semble pas y avoir de seuil de risque pour la pression artérielle systolique et diastolique, quels que soient le sexe ou l’âge. Chez les patients complexes, tels que les sujets diabétiques, il n’y a pas non plus de seuil de risque, comme le montre l’étude UKPDS 36. Dans les études d’intervention, les analyses chez les patients sous traitement confirment que le pronostic cardiovasculaire est d’autant meilleur que la PA est basse. Il existe néanmoins quelques exceptions notables à cette règle. Une courbe en J a été mise en évidence dès les années 1990 entre la pression artérielle, principalement diastolique, et les accidents coronariens, contrairement aux AVC. Une très récente analyse du registre CLARIFY chez des patients hypertendus, porteurs d’une maladie coronaire stable a mis en évidence une courbe en J(1). Il faut cependant noter qu’il s’agissait de patients ayant de multiples comorbidités et de lourds antécédents (IDM, 58 %, angioplastie coronaire 57 %, pontage 25 %, insuffisance cardiaque 17 %). En outre, le suivi dans un registre n’est pas aussi rigoureux que dans un essai clinique, ce qui amoindrit la validité des résultats. Dans les analyses sous traitement, les résultats doivent être interprétés très soigneusement car ce ne sont pas des comparaisons randomisées, les résultats sont basés sur la pression artérielle atteinte, avec un risque d’erreur; en particulier pour ce type d’étude, il est possible que les patients n’aient pas atteint la cible de PA en raison de leur pathologie. Avant la mise en route de l’étude SPRINT, bien d’autres études ont été réalisées qui montrent globalement un bénéfice de la réduction intensive de la PA. Une métaanalyse rassemblant 19 essais, sur près de 45 000 patients montre qu’une réduction plus prononcée (133/76 mmHg) comparativement à une moindre réduction de la PA (140/81 mmHg) permet de réduire les risque de mortalité cardiovasculaire de 14 %, d’IDMde 13 %, d’AVC de 22 %, d’albuminurie de 10 % et de rétinopathie de 19 %(2). SPRINT (Systolic blood PRessure Intervention Trial)(3) L’objectif de cette étude était d’évaluer le bénéfice d’une réduction de la PAS < 120 mmHg versus < 140 mmHg, sur un critère composite (IDM, SCA, AVC, insuffisance cardiaque décompensée et mortalité cardiovasculaire) et sur la mortalité toutes causes, les événements rénaux et cérébraux (démence, déclin cognitif). Six sous-groupes préspécifiés ont été définis, selon l’âge (< 75 et ≥75 ans), le sexe, la race/ethnie, la fonction rénale (< 60 et ≥ 60 ml/min/1,73 m2), les antécédents cardiovasculaires et le niveau de PA de base. Cette étude a été réalisée aux États-Unis chez des sujets de plus de 50 ans, ayant une PAS de base 130-180 mmHg traitée ou non, et des facteurs de risque cardio vasculaire, à l’exception de patients ayant un antécédent d’AVC, un diabète, une insuffisance cardiaque, une protéinurie, notamment. Plus de 9 300 patients ont été randomisés. À l’inclusion, plus de 90 % d’entre eux étaient traités pour une hypertension (1,7 ± 1 anti-HTA), avec une PA de 139,7/78,1 mmHg en moyenne ; 20 % avaient une maladie cardiovasculaire avérée. Une différence d’environ 15 mmHg en moyenne a été obtenue entre les deux groupes qui s’est maintenue durant l’étude (durée médiane 3,26 ans). Dans le groupe de traitement intensif, 62 % des patients ont atteint une PAS < 120 mmHg, 80 % < 130 mmHg (vs 14 % et 34 % du groupe de traitement standard). Sur le critère d’évaluation combiné, le traitement intensif a permis de diminuer les événements de 25 % (IC : 0,64-0,89, p < 0,001), soit un NNT de 61. Les courbes d’événements divergent dès la 1re année. Le bénéfice est principalement tiré par une réduction des insuffisances cardiaques (HR = 0,62, p = 0,002) et de la mortalité cardiovasculaire (HR = 0,57, p = 0,005), mais tous les critères sont améliorés. Le risque de mortalité toutes causes est également réduit de 27 % (0,60-0,90) et diverge vers la 2e année. Il n’apparaît pas d’hétérogénéité selon les sous-groupes. Un sous-groupe tire encore davantage de bénéfice que l’ensemble de la cohorte sous traitement intensif, les patients de ≥ 75 ans, y compris les plus fragiles(4). Faut-il généraliser les résultats de SPRINT ? Bien qu’il soit toujours difficile de généraliser les résultats d’un essai clinique, l’objectif d’abaisser la PA le plus possible semble raisonnable chez de nombreux patients à haut risque, répondant aux critères d’inclusion de SPRINT. Cet essai ne fournit pas de réponse aux questions posées par les patients plus jeunes ou par les patients à très haut risque, ayant un diabète ou un antécédent d’AVC. Environ 25 % des sujets diabétiques aux États-Unis répondraient aux critères d’inclusion de l’étude SPRINT ; plus de 30 % ont une PAS ≥ 130 mmHg. Comment expliquer la divergence de résultats entre SPRINT et ACCORD-BP, qui n’a pas montré de bénéfice ? Plusieurs explications sont avancées : - l’une tient au plan de ces études (deux bras en groupes parallèles vs un plan factoriel) ; - plus importante sans doute est la puissance statistique : la taille de l’échantillon dans SPRINT est le double de celle d’ACCORD-BP, mais le profil de risque est assez semblable ; le taux d’événements observés dans ACCORD est près de fois plus faible qu’attendu, alors qu’ils sont identiques dans SPRINT. Dans l’ensemble, ces deux études vont toutefois dans le même sens. Quelles sont les implications de SPRINT dans la prise en charge des patients diabétiques ? La recherche d’un objectif idéal de PA peut paraître mineure au regard du problème principal, à savoir que la majorité des patients hypertendus ne sont pas à une cible « raisonnable » (< 140 mmHg), ce qui est notamment le cas de sujets diabétiques dans les études de cohorte et les registres nationaux. Autrement dit, en pratique l’obtention d’une cible de PA « assez bonne » prévaut sur celle d’une cible de PA « parfaite ». La méthodologie de l’étude SPRINT n’est pas sans poser des questions. La première concerne la mesure de la pression artérielle qui a été réalisée automatiquement au cabinet médical par le patient en l’absence de personnel médical, ce qui peut impliquer des biais : il a en effet été montré que cette mesure minore de 6 mmHg la PA comparativement à l’automesure à domicile et de 15 mmHg comparativement à la mesure standard au cabinet médical. Cette modalité de mesure de la pression artérielle n’a d’ailleurs encore jamais été validée sur des critères vasculaires. La population incluse dans l’essai SPRINT est une population âgée, donc à très haut risque d’insuffisance cardiaque, et c’est sur le critère insuffisance cardiaque que les résultats sont les plus importants sous traitement intensif. Un tiers des patients inclus dans SPRINT étaient initialement très bien contrôlés (PA ≥ 132 mmHg), ce qui signifie que les patients randomisés dans le bras de traitement standard ont probablement vu leur traitement modifié et reçu moins de diurétiques alors que les patients du groupe intensif en ont reçu davantage. Il est tout aussi étonnant que ce soit la réduction de l’insuffisance cardiaque et non celle des AVC, généralement associée à la réduction de la PA, qui ressorte dans les critères d’évaluation. Pour P.M. Nilsson, il est inquiétant de constater que les patients du groupe intensif ont présenté un nombre significativement supérieur d’événements rénaux (HR = 1,66, p < 0,001). Les autres effets indésirables ne sont pas négligeables. Sur la base des résultats de SPRINT, il a été estimé qu’en moyenne pour 1 000 patients traités à la cible de 120 mmHg comparativement à 140 mmHg, 16 en tireront un bénéfice et 22 pâtiront d’un événement indésirable grave, alors que 962 n’en tireront rien. Étant donné les incertitudes concernant l’étude SPRINT dans les méthodes de mesure de la PA et l’ajustement des traitements (moins de diurétiques dans le bras standard, davantage dans le bras intensif), P.M. Nilsson recommande de ne pas modifier les recommandations de PA chez les patients diabétiques hypertendus : < 140/85 mmHg. Chez certains patients, tels que les sujets jeunes en particulier, ou albuminuriques, hypertendus avec ≥ 1 facteur de risque, il peut être licite de cibler une PAS < 130 mmHg, à condition de ne pas augmenter le risque. Seul un très grand essai évaluant plusieurs cibles de pression artérielle dans une population de sujets diabétiques permettrait de déterminer la cible idéale.  Figure. Évolution de la pression artérielle durant l’essai(3).   D’après P.K. Whelton (La Nouvelle-Orléans, EU) et P.M. Nilsson (Malmö, Suède) Symposium EASD/ESC « Blood pressure in diabetes: how low to go

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