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Cardiovasculaire

Publié le 15 juin 2019Lecture 7 min

Statines d’intensité « forte » ou « modérée » - Comment les définir et quand les prescrire chez les patients diabétiques ?

Louis MONNIER, Claude COLETTE, Institut de recherche clinique, Université de Montpellier, Montpellier

Deux textes de recommandations internationales sur la prise en charge des dyslipidémies chez les patients diabétiques viennent d’être publiées. Le premier texte émane comme tous les ans de l’American Diabetes Association (ADA), qui publie ses recommandations dans le numéro spécial de Diabetes Care qui paraît au mois de janvier(1). Le deuxième texte de recommandations rédigées au nom de l’American College of Cardiology (ACC) et de l’American Heart Association (AHA)(2) est le fruit du travail des experts du comité de rédaction des « Guidelines on the management of blood cholesterol ». Ces « guidelines », qui ont paru dans le Journal of American College of Cardiology avec comme premier signataire Scott Grundy, une référence internationale dans le domaine de la lipidologie, contiennent tout un chapitre consacré à la prise en charge des hypercholestérolémies chez les adultes diabétiques.

Dans ces deux textes, les statines ont été classées en fonction de l’intensité de leur effet hypocholestérolémiant ; les recommandations sur l’usage de telle ou telle statine ont été établies en fonction de leur degré d’efficience jugé essentiellement sur leur efficacité et sur leur rapport bénéfice/risque. Les grandes classes de statines selon l’intensité de leur effet sur le LDL-cholestérol : fort ou modéré Le label de statine à intensité modérée ou forte dépend du type de statine et de la dose utilisée. Globalement, il est possible de dire que les premières statines mises sur le marché (pravastatine, simvastatine) appartiennent au groupe des statines à action modérée car la chute du cholestérol qu’elles engendrent reste en général < 50 %. L’atorvastatine, quand la dose est < 40 mg/jour, appartient à cette classe. En revanche, sont considérées comme statines fortes l’atorvastatine lorsque la dose est ≥ 40 mg/jour et la rosuvastatine. Dans ce dernier cas, la baisse du LDL-cholestérol est ≥ 50 %. Ces considérations sont illustrées sur la figure 1. Toutefois il convient de souligner qu’il existe une part d’arbitraire dans cette classification des statines en 2 catégories « fortes » ou « modérées ». En effet, l’action sur le LDL-cholestérol d’une statine donnée à une dose donnée n’est pas la même d’un sujet à l’autre. Ainsi, une statine à action « forte » d’un point de vue général risque de n’exercer qu’un effet modéré chez certaines personnes. Figure 1. Classification des statines en fonction de leur intensité d’action : modérée ou forte. Les recommandations 2019 de l’American Diabetes Association Elles peuvent être formulées de la manière suivante : • Pour les patients diabétiques quel que soit leur âge, un traitement par statine à intensité forte doit être choisi et prescrit en plus des mesures diététiques dès lors qu’ils présentent des signes d’athérosclérose ou qu’ils ont un risque > 20 % de développer une maladie cardiovasculaire par athérosclérose dans les 10 années à venir. • Pour les patients diabétiques âgés de moins de 40 ans mais présentant d’autres facteurs de risque de maladie cardiovasculaire par athérosclérose, on devrait envisager de prescrire une statine d’intensité modérée en plus des mesures hygiéno-diététiques. • Pour les patients diabétiques âgés de plus de 40 ans mais ne présentant aucun signe de maladie cardiovasculaire par athérosclérose, un traitement par statine à intensité modérée doit être choisi et prescrit en plus des mesures diététiques. • Pour les patients diabétiques ayant plusieurs facteurs de risque de maladie cardiovasculaire par athérosclérose, il est raisonnable de prescrire un traitement avec une statine d’intensité forte. • Pour les patients qui ne tolèrent pas la dose de statine envisagée au départ, il convient de ramener la dose de statine à son maximum toléré. • Pour les patients diabétiques présentant des signes de maladie cardiovasculaire par athérosclérose et gardant un LDL-C ≥ 0,70 g/l avec une statine prescrite à dose maximale tolérée, il convient d’ajouter un autre agent médicamenteux hypocholestérolémiant (ézétimibe ou un inhibiteur de la PCSK9). Dans tous les cas, il est préférable de choisir en premier l’ézétimibe dont le coût est très inférieur à celui des inhibiteurs de la PCSK9. • Pour les patients qui ne tolèrent pas la dose de statine envisagée au départ, il convient de ramener la dose de statine à son maximum toléré. • Le traitement par statines est contre-indiqué chez les femmes enceintes. Pour simplifier la lecture, les recommandations de l’ADA sont indiquées sur la figure 2. Figure 2. Schéma synthétique des recommandations 2019 de l’American Diabetes Association (ADA) pour la prise en charge des hypercholestérolémies chez les patients diabétiques (d’après la référence 1). LDL-C : LDL-cholestérol ; PCSK9 : proprotein convertase subtilisin-kenin type 9. Les recommandations de l’AHA/ACC Par bonheur, ces recommandations(2) ne sont pas foncièrement différentes de celles de l’ADA bien qu’elles ne soient pas totalement identiques. Sur certains points elles sont un peu plus précises tandis qu’elles restent muettes sur d’autres points. À titre d’exemple les traitements par iPCSK9 ne sont pas mentionnés alors qu’ils le sont dans les recommandations de l’ADA(1). Ces recommandations sont indiquées sur le tableau avec leur degré de force (fortes, moyennes ou faibles) déterminé en fonction de leur niveau de preuve (A, B, ou C). Une recommandation forte (bénéfice >>> risque) est basée sur un niveau de preuve A fourni soit par des essais interventionnels randomisés (RCT pour Randomised Controlled Trial) soit par des métaanalyses provenant de RCT de haute qualité. Une recommandation moyenne (bénéfice >> risque) est basée sur un niveau de preuve B fourni soit par RCT de qualité moyenne et par leur métaanalyse (niveau de preuve B-R), soit par des études non randomisées, de qualité moyenne et par leur métaanalyse (niveau de preuve B-NR). Enfin, les recommandations faibles (bénéfice > risque) sont basées sur un niveau de preuve C fourni par des études observationnelles et par leur métaanalyse ou bien par des études mécanistiques réalisées chez l’homme. Les recommandations basées sur des conférences de consensus tenues par des experts ne sont pas prises en compte par l’AHA et l’ACC. Les recommandations de l’AHA/ACC sont indiquées sur le tableau. Dans l’article publié dans J Am Coll Cardiol(2), elles sont suivies par un synopsis précisant que la plupart des diabétiques adultes âgés de 40 à 75 ans sont des sujets ayant un risque significatif (haut ou intermédiaire) de maladie cardiovasculaire en relation avec l’athérosclérose. Dans la mesure où la plupart des études de prévention primaire ont démontré qu’un traitement par statine à dose modérée est efficace chez ces sujets, ils devraient bénéficier de ce type de traitement. Toutefois, dans la mesure où la morbidité et la mortalité sont franchement augmentées chez les patients diabétiques ayant déjà souffert d’un événement vasculaire, ces sujets devraient être passés à un traitement par statine à action forte car dans ce cas les statines d’intensité modérée ne sont pas capables de juguler le risque résiduel. Chez les diabétiques âgés de 20 à 39 ans, le risque à 10 ans de maladie cardiovasculaire est faible chez la plupart d’entre eux, mais un traitement par statine d’intensité modérée est une mesure raisonnable chez ceux qui ont un diabète depuis longtemps ou qui ont un ou deux autres facteurs de risque associés. Chez les sujets diabétiques de plus de 75 ans, le risque de maladie cardiovasculaire est toujours élevé. Les essais cliniques suggèrent qu’ils devraient bénéficier d’un traitement par statine mais son efficacité est loin d’être garantie en raison d’une espérance de vie réduite au-delà d’un certain âge. Remarques personnelles Pour terminer, nous nous permettrons d’émettre quelques commentaires. Bien que les recommandations de l’ADA(1) et de l’AHA/ACC(2) soient bien documentées et bien qu’elles s’appuient sur des études d’intervention thérapeutique irréprochables, leur lecture peut paraître un peu difficile pour le professionnel de santé non spécialisé en lipidologie. À titre d’exemple, comment doiton individualiser les sujets dont le risque de maladie cardiovasculaire est > 20 % dans les années à venir ? Ce risque peut être quantifié à l’aide de tables. Toutefois la plupart des médecins au cours d’une consultation ont rarement le temps nécessaire pour évaluer ce risque avec précision, même s’ils disposent de ce type de tables. Pour cette raison, nous aurions souhaité que les recommandations soient basées sur des considérations plus simples. À titre d’exemple, il eut été intéressant de définir les seuils et les cibles de LDL-C. Les premiers sont destinés à savoir à partir de quel niveau le traitement par statine doit être mis en route et les secondes le niveau en dessous duquel il est nécessaire de ramener le LDL-C. Ainsi, tout diabétique dont le taux de LDLcholestérol est > 1 g/l devrait bénéficier d’un traitement par statine et l’objectif devrait être de ramener le LDL-C au minimum en dessous de 1 g/l chez la plupart des diabétiques. Chez ceux qui sont à haut risque en raison de leur âge, de la présence de complications cardiovasculaires avérées ou d’autres facteurs de risque associés (hypertension artérielle, néphropathie) l’objectif devrait être porté en dessous de 0,70 g/l. Une telle lecture aurait été peutêtre plus simple… mais les experts, quand ils sont trop spécialisés, sont parfois un peu éloignés des prescriptions faites sur le « terrain » par les professionnels de santé non spécialisés. Dans ces conditions, on comprend que les recommandations soient parfois mal comprises. Le résultat est que certains patients sont traités de manière excessive alors que d’autres restent non traités ou sous-traités. Le pire est que lorsque certains « pseudo-experts » incompé tents dans un domaine donné se permettent d’édicter des recommandations infondées qui ne font qu’alimenter la confusion. La prescription des statines dans les hypercholestérolémies n’a malheureusement pas échappé à ce travers.

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