publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Peau-Muqueuse-Plaie

Publié le 30 avr 2009Lecture 8 min

Diabète et parodontite

O. IONESCU, CH Yves Le Foll, Saint-Brieuc

La maladie parodontale est le « parent pauvre » des complications chroniques du diabète. Trop souvent négligée, la cavité buccale est victime du déséquilibre métabolique prolongé. À son tour, la maladie parodontale peut jouer un rôle important dans l’apparition du déséquilibre métabolique. Sans oublier que parfois c’est le chirurgien dentiste qui pose le diagnostic de diabète devant des manifestations orales associées à un syndrome cardinal.

Pathogénie de la maladie parodontale   La maladie parodontale est le reflet du processus d’inflammation chronique initié par l’agression bactérienne et entretenu par la cascade des réponses immunitaires de l’organisme. Chez le diabétique, comme chez les autres patients porteurs d’une maladie systémique, la réponse à l’agression est exagérée. Il en résulte une destruction excessive du tissu parodontal (figure). Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer la destruction des tissus parodontaux chez le patient diabétique. Figure 1. La maladie parodontale : mécanismes pathogéniques. La flore parodontale est similaire chez les diabétiques et les sujets sains mais la réponse immunitaire à l’agression bactérienne est modifiée avec une augmentation de la réaction monocytaire et une sécrétion importante de cytokines. La diminution de l’immunité cellulaire et la microangiopathie semblent jouer un rôle clé1.    L’hyperglycémie salivaire stimule la prolifération bactérienne et la formation de la plaque dentaire. La concentration accrue du glucose dans le liquide gingival diminue l’activité locale des fibroblastes. La cicatrisation est ralentie du fait d’une dégradation rapide du collagène par les métalloprotéinases, dont la concentration est augmentée chez le diabétique. Les infections parodontales aggravent le déséquilibre métabolique. La bactériémie induite par la parodontite détermine une élévation du taux plasmatique des cytokines pro-inflammatoires, suivie par une hyperlipémie qui majore l’insulinorésistance. Plusieurs études montrent que le traitement des infections parodontales améliore l’équilibre glycémique2. Les maladies parodontales touchent le parodonte, tissu de soutien de la dent qui comprend la gencive, le cément, l’os alvéolaire et le ligament alvéolo-dentaire (qui s’étend entre le ciment et l’os alvéolaire). On décrit deux types de parodontopathies : la gingivite et la parodontite.   Manifestations buccales chez les diabétiques (encadré 1)   La gingivite La gingivite est une atteinte inflammatoire réversible de la gencive marginale induite par la plaque bactérienne, qui se limite aux tissus mous supracrestaux. Elle se manifeste par des saignements spontanés et/ou provoqués (par le bol alimentaire ou le brossage), un œdème ou une hyperplasie, une rougeur, voire une ulcération. L’incidence de la gingivite chez les jeunes diabétiques de type 1 est deux fois plus importante que chez les non-diabétiques. Chez les diabétiques de type 2, l’inflammation gingivale concerne 64 % des patients contre 50 % des sujets non diabétiques. La sévérité des manifestations orales est corrélée avec le degré de déséquilibre métabolique. Une valeur d’HbA1c > 10 % est un facteur de risque majeur pour l’apparition de la gingivite. La présence d’une gingivite chez le sujet diabétique n’est pas liée à l’accumulation de la plaque dentaire, l’index plaque n’étant pas significativement élevé dans cette population. La normalisation des valeurs glycémiques diminue la sévérité et l’étendue des lésions gingivales.   La parodontite La parodontite est caractérisée cliniquement par une inflammation de la gencive accompagnée de saignements spontanés ou provoqués. La résorption osseuse conduit à la formation d’une poche parodontale qui crée des conditions favorables au développement des bactéries pathogènes avec comme conséquence l’apparition des écoulements purulents. L’étape finale est marquée par la perte des dents, pouvant causer des douleurs occasionnelles, voire l’impossibilité de mastiquer.        La parodontite débute plus tard dans la vie, les lésions étant encore minimes à l’âge de l’adolescence. Malgré cela, la prévalence chez l’enfant diabétique est plus importante, estimée à 9,8 %, contre 1,7 % chez les enfants non diabétiques1,2. Les facteurs de risque de l’apparition des lésions de parodontite sont : la durée d’évolution du diabète, l’existence d’autres complications, le mauvais contrôle métabolique, le tabac. Les diabétiques de type 1 dont la maladie évolue depuis plus de 10 ans enregistrent une perte d’attache plus importante que ceux dont le diabète est plus récent, surtout après l’âge de 35 ans. Les diabétiques de type 2 ont un risque trois fois plus élevé de développer une maladie parodontale1. L’existence de complications chroniques (néphropathie, rétinopathie ou neuropathie) expose à un risque accru de perte d’attache dentaire, d’où l’importance d’un suivi dentaire attentif. Le risque d’avoir une parodontite sévère comparé aux sujets sains est majoré de 50 % si l’ HbA1c est < 9 % et de 200 % si elle est > 9 %1. Les effets néfastes du tabac et du diabète sont additifs. Ainsi, le risque de développer des lésions sévères est 2,3 fois plus important en cas de diabète bien équilibré chez un fumeur et 4,6 fois si le diabète est mal contrôlé chez le même patient1. D’autres facteurs de risque ont été décrits : la mauvaise hygiène dentaire, la durée d’évolution du diabète, la grossesse et l’adolescence, le stress, la prise de certains médicaments (phénitoïne, ciclosporine) (encadré 2).   Les caries dentaires Le risque de développer des caries est plus important chez le diabétique. Sont impliqués les facteurs de risque traditionnels (les antécédents de caries, la présence de Streptococcus mutans) ainsi que des éléments plus spécifiques comme le niveau du contrôle métabolique. Les patients diabétiques ont besoin d’un suivi régulier auprès d’un chirurgien dentiste.   La dysfonction salivaire La xérostomie (sensation de « bouche sèche ») concerne plus de 75 % des diabétiques. Les concentrations salivaires de glucose, urée et protéines sont élevées, le flux salivaire diminue. Se rajoutent des modifications morphologiques des glandes salivaires, à savoir une infiltration adipeuse du stroma et une atrophie des acini2. Les modifications qualitatives et quantitatives de la salive rendent la denture vulnérable aux caries. La muqueuse buccale est sèche, parfois craquelée. Il se rajoutent des ulcérations et une desquamation muqueuse ; la langue est inflammatoire, dépapillée. Les difficultés de mastication et déglutition, les troubles du goût modifient les apports alimentaires et peuvent avoir des conséquences graves sur l’équilibre métabolique.   Les infections orales   Les infections opportunistes sont parfois à l’origine du diagnostic de diabète. Parmi elles, les mycoses buccales sont fréquentes chez les diabétiques. Les facteurs favorisant leur apparition sont : le tabac, le mauvais contrôle métabolique et l’utilisation des prothèses. La dysfonction salivaire, la dysfonction immunitaire et l’hyperglycémie salivaire favorisent la colonisation par Candida albicans3.   Les maladies de la muqueuse buccale   Le lichen plan, la stomatite aphteuse, les infections fongiques ou virales sont plus fréquentes chez les patients diabétiques. Le principal facteur favorisant est l’état d’immunosuppression. Dans le diabète de type 1, il s’agit le plus souvent d’une séquelle immunitaire, tandis que dans le type 2, c’est l’hyperglycémie qui détermine une altération de la réponse immune. L’optimisation du contrôle métabolique diminue le risque d’infection buccale.   Les troubles du goût   Un tiers des patients diabétiques ont une hypogueusie, probablement imputable à la neuropathie. La diminution de la perception gustative peut entraîner une hyperphagie et par conséquent une obésité. Cette dysfonction sensorielle peut déterminer des troubles de l’alimentation ayant comme conséquence une altération de l’équilibre glycémique.   Les troubles neurosensitifs et visuels   Les patients diabétiques rapportent souvent des phénomènes de glossodynie et/ou stomatopyrosis. Ces troubles neurosensoriels sont difficiles à expliquer. L’examen de la cavité buccale est normal. Il s’agit probablement de manifestations de la neuropathie autonome et sensitivo-motrice qui  entrent dans le cadre du « burning mouth syndrome »3. Les patients décrivent des paresthésies orales, des douleurs à type de brûlure, des fourmillements, etc., auxquels s’associent souvent des paresthésies périphériques (membres inférieurs le plus souvent). Le risque est une négligence de l’hygiène dentaire. Se rajoutent la dysphagie due aux troubles de coordination de la musculature crânienne et la rétinopathie qui entraîne des troubles visuels et par conséquent une mauvaise hygiène buccale.   Les effets du traitement parodontal   Le chirurgien dentiste doit être informé de l’existence du diabète et des éventuelles complications de la maladie. Il décide de la nécessité d’une antibiothérapie et du type de traitement : conservateur ou chirurgical. L’utilisation des tétracyclines a montré des bénéfices non seulement dans le traitement de l’infection, mais aussi sur l’os, en diminuant la résorption osseuse via l’inhibition des métalloprotéases. L’utilisation des corticoïdes doit être justifiée compte tenu du risque de déséquilibre métabolique. La durée du traitement doit être réduite au minimum et suivie par une décroissance progressive. Il faut veiller à ce que les apports caloriques soit corrects pendant la durée du traitement parodontal afin d’éviter les hypoglycémies. Les candidoses nécessitent un traitement antimycotique administré souvent sous forme de sirop ou de comprimés à sucer qui peuvent contenir du glucose et favoriser l’hyperglycémie. À contrario, l’application locale de crèmes contenant des corticoïdes ne semble pas influer sur la glycémie compte tenu de la surface d’application réduite. Le traitement du « burning mouth syndrome » comprend l’administration de petites doses d’antidépresseurs tricycliques, anticonvulsivants ou benzodiazépines qui peuvent avoir comme effet secondaire une sécheresse buccale. Le traitement de la maladie parodontale peut avoir des effets bénéfiques sur le contrôle glycémique des patients diabétiques de types 1 et 2. Plusieurs études montrent une amélioration de l’équilibre glycémique après un traitement spécifique efficace de la parodontopathie. Ainsi, il a été décrit une diminution des besoins en insuline et de l’insulinorésistance, une amélioration des glycémies et de l’hémoglobine glyquée4. Cependant les effectifs de petite taille (< 100 individus) et l’absence de randomisation dans la plupart des travaux empêchent de formuler des conclusions définitives. Quoi qu’il en soit, les données actuelles incitent à prévenir et traiter correctement la maladie parodontale afin d’améliorer l’équilibre glycémique.   Conclusion   La maladie parodontale est considérée par certains auteurs comme la « 6e complication du diabète ». Même si le mécanisme exact n’est pas connu, il est certain que le mauvais équilibre glycémique ainsi que la durée prolongée du déséquilibre en sont des facteurs de risque. Par ailleurs, une prise en charge correcte par le chirurgien dentiste peut améliorer le contrôle glycémique. Les patients diabétiques doivent bénéficier d’un suivi dentaire régulier. Les chirurgiens dentistes peuvent participer au diagnostic du diabète devant des manifestations buccales suggestives et à la prise en charge correcte, et contribuer à la réduction de la morbi-mortalité de cette maladie. Remerciements : Je remercie le Professeur V. Kerlan pour ses conseils précieux.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème