publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Physiologie-Physiopathologie

Publié le 30 avr 2009Lecture 9 min

La cellule alpha, cette inconnue…

M. DOLZ, Hôpital de la Cavale-Blanche, CHU de Brest.

L’actualité thérapeutique récente, avec la mise à notre disposition de nouveaux antidiabétiques qui agissent en partie en réduisant la sécrétion post-prandiale de glucagon, nous offre l’opportunité de redéfinir la place de la cellule alpha dans la physiopathologie du diabète de type 2, ainsi que l’intérêt de cibler cette cellule pour le traitement du diabète de type 2 en particulier.

Qu’est-ce qu’une cellule α ?   La cellule alpha fut découverte dès 1907. Elle constitue l’une des quatre principales cellules des îlots de Langerhans du pancréas endocrine, aux côtés des cellules bêta, delta et PP qui synthétisent respectivement l’insuline, la somatostatine et le polypeptide pancréatique. La cellule α produit le glucagon, hormone essentielle pour l’homéostasie glucidique. En effet, cette hormone est le principal contrepoids à l’effet hypoglycémiant de l’insuline et elle est sécrétée en situation d’hypoglycémie pour stimuler la production hépatique de glucose. Chez le rongeur, il est actuellement admis que les cellules alpha sont situées à la périphérie des îlots et sont irriguées par les veinules postcapillaires intra-insulaires (figure 1). À l’inverse, les cellules β sont principalement situées au centre des îlots, à l’exception de quelques cellules au contact de la capsule insulaire, là où pénètrent les artérioles afférentes. Dans ce modèle, les cellules β sont les premières à bénéficier des différents stimuli atteignant l’îlot via le flux sanguin artériel. Les cellules α sont donc sous la dépendance des produits de sécrétion des cellules β. Il semblerait que les îlots humains, comme ceux des singes, ne présentent pas une telle compartimentalisation, mais une plus grande dispersion des différentes cellules au sein de l’îlot. Cependant, les règles de communication entre cellules β et α ne semblent pas affectées par cette variabilité morphologique. La cellule α est aussi sous le contrôle de neurotransmetteurs du système nerveux végétatif tels que la noradrénaline, la galanine et le neuropeptide Y pour le sympatique, et l’acétylcholine, le peptide intestinal vasoactif (VIP) ou le PACAP (pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide) pour le parasympathique. Figure 1. L’architecture et la vascularisation des îlots de rongeurs. La compartimentalisation cellulaire en différentes régions et le sens de la circulation sanguine jouent un rôle fondamental dans la coordination fonctionnelle des l’îlots de Langerhans. La cellule α est une cellule β qui s’ignore !   Jusqu’à récemment, car nous l’avions appris ainsi, nous étions tous convaincus que l’élévation de la glycémie inhibait la sécrétion de glucagon, alors que sa diminution stimulait la sécrétion de glucagon par la cellule α. Or, les données de la littérature récente sur la physiologie de la cellule α démontrent au contraire que des concentrations croissantes de glucose stimulent la libération de glucagon par la cellule α isolée de son environnement insulaire. En fait, cela n’est guère surprenant car l’équipement enzymatique et en canaux ioniques de la cellule α est globalement comparable à celui de la cellule β (figure 2). Tout comme la cellule β, la cellule α exprime un transporteur du glucose, ainsi que la glucokinase. Elle peut donc métaboliser le glucose et produire de l’ATP (glycolyse oxydative). L’ATP produit en réponse au glucose va fermer les canaux K+-ATP (cibles des sulfamides hypoglycémiants et des glinides), ce qui induit en cascade (par analogie à la cellule β) la dépolarisation de la membrane plasmique de la cellule α et l’activation de différents canaux, dont les canaux calciques qui permettent l’entrée de calcium. C’est l’augmentation du calcium intracellulaire qui déclenche l’exocytose des granules de glucagon. Les preuves de l’implication des canaux K+-ATP dans le contrôle de l’activité électrique de cellules α isolées sont venues des travaux démontrant une stimulation de la sécrétion de glucagon en réponse aux sulfamides hypoglycémiants (figure 2). Sur le plan des mécanismes de transduction du signal glucose, la cellule α ressemble donc étonnamment à une cellule β. Pour autant, le glucose conserve son effet inhibiteur de la sécrétion de glucagon par les îlots intacts non diabétiques, quand les cellules α sont sous la dépendance des cellules β au sein des îlots. Figure 2. Effet comparable du glucose sur les cellules β et α ! Les cellules α et β sont toutes les deux capables de métaboliser le glucose. Les mécanismes de sécrétion sont également proches. La cellule α est particulièrement sensible aux produits de sécrétion de la cellule β   En effet, dans les conditions physiologiques, les interactions endocrines (via le flux sanguin) et paracrines (via l’interstitium) au sein de l’îlot, impliquant l’insuline et le zinc libérés par les cellules β, déterminent le débit de sécrétion de glucagon par les cellules α.   Effet de l’insuline sur la cellule α Le contrôle de la sécrétion de glucagon par l’insuline reste encore sujet à controverses, mais différents arguments, à la fois in vivo et in vitro, plaident pour un rôle central de l’insuline, parmi les nombreux produits sécrétés par les cellules β en réponse au glucose, pour assurer l’effet endocrine/paracrine inhibiteur sur l’activité des cellules α (figure 3). Ainsi, chez l’homme, au cours du diabète de type 1 (DT1), quand la fonction de la cellule β est fortement altérée (diabète insulinoprive), le glucose peut stimuler la sécrétion de glucagon. Au cours du DT2, il existe un hyperinsulinisme basal qui devrait en théorie inhiber la sécrétion de glucagon. Cependant, le système d’échange entre cellule β et cellule α est régulé de façon dynamique et dépend donc davantage des variations de la sécrétion de l’insuline que de sa concentration basale. En d’autres termes, il faut que la concentration d’insuline monte pour inhiber la sécrétion de glucagon par la cellule α. On comprend alors mieux pourquoi, au cours du DT2, quand l’insuline ne s’élève pas après un repas, l’inhibition physiologique de la sécrétion de glucagon est perturbée. Cela provoque une hyperglucagonémie qui aggrave le statut diabétique (figure 4). Il est important de se rappeler que la sécrétion de glucagon par la cellule α lors d’une hypoglycémie est abolie chez les enfants souffrant d’hyperinsulinisme congénital. L’effet inhibiteur de l’insuline implique une activation indirecte des canaux K+-ATP, ce qui empêche la dépolarisation de la membrane plasmique et limite donc l’entrée du calcium nécessaire à la sécrétion de glucagon.  Cette hyperpolarisation membranaire est facilitée par la translocation, induite par l’insuline, des récepteurs de type A à l’acide γ-aminobutyrique (GABAA) sur la membrane des cellules α. Le GABA est un neurotransmetteur inhibiteur, également produit et sécrété de façon régulée par les cellules β. L’activation de GABAA induit une hyperpolarisation de la membrane plasmique des cellules α en provoquant un influx de chlore. Figure 3. Effet endocrine/paracrine inhibiteur des cellules β sur l’activité des cellules α. Les produits de sécrétion des cellules β sont essentiels pour la régulation des la fonction sécrétoire des cellules α. Figure 4. Chez les DT2, les sécrétions d’insuline et de glucagon sont altérées. L’hyperglycémie induite par un repas riche en sucre s’explique à la fois par un défaut de sécrétion d’insuline,  mais aussi par une absence d’inhibition de la sécrétion de glucagon chez les diabétiques de type 2. Effet du zinc sur la cellule α Le zinc participe à la formation des cristaux d’insuline. Il est co-sécrété avec l’insuline lors de la stimulation de la cellule β par le glucose. In vitro chez le rat, l’apport exogène de zinc sur des cellules α isolées inhibe la sécrétion de glucagon induite par le glucose ou le pyruvate. Le zinc active les canaux K+-ATP, ce qui empêche la dépolarisation de la membrane plasmique et limite donc l’entrée du calcium nécessaire à la sécrétion de glucagon. Il y a donc une convergence d’action de l’insuline et du zinc pour l’inhibition de la sécrétion de glucagon : effet lié à la modulation de l’activité des canaux ioniques.   Implications pharmacologiques   Ces précisions sur la communication entre cellules α et β permettent de mieux saisir les modifications hormonales induites par les thérapeutiques de nos patients.   Effet des sulfamides hypoglycémiants et glinides Comme nous l’avons signalé plus avant, in vitro on observe un effet stimulant direct des sulfamides hypoglycémiants (SH) sur la sécrétion de glucagon par les cellules α en l’absence des cellules β fonctionnelles. Chez l’homme, les effets des SH sur la sécrétion de glucagon sont variables selon qu’il s’agit de patients avec sécrétion d’insuline persistante ou non. Ainsi, le traitement oral par SH diminue les taux plasmatiques de glucagon à la fois chez les sujets sains et chez les DT2 non insulinorequérants. En effet, la libération d’insuline par la cellule β (mécanisme indépendant de la concentration de glucose en présence de SH) inhibe la sécrétion de glucagon (cf supra) et expose donc les sujets à l’hypoglycémie. À l’inverse, des travaux chez des DT1 sans sécrétion résiduelle d’insuline, indiquent clairement que l’injection de SH induit une discrète stimulation de la sécrétion endogène de glucagon.   Effet du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) Le GLP-1 est une hormone produite par les cellules intestinales L, en réponse à la prise alimentaire. Cette hormone amplifie la sécrétion d’insuline préalablement stimulée par le glucose. Elle devient inefficace dès que la glycémie se normalise, évitant le maintien d’une sécrétion d’insuline inappropriée (à l’inverse des SH). C’est aussi une puissante hormone capable d’inhiber la sécrétion de glucagon. Or, nous l’avons vu, les patients DT2 présentent une hyperglucagonémie à jeun et une absence d’inhibition de la sécrétion du glucagon après un repas. La réduction de la production de glucagon (en utilisant du GLP-1) est donc intéressante cliniquement. Même si le mécanisme de l’effet glucagonostatique du GLP-1 reste encore discuté, en raison de l’organisation architecturale insulaire, et sur la base des données actuelles de la littérature, un effet inhibiteur direct du GLP-1 sur la sécrétion du glu­cagon en situation postprandiale est improbable : d’abord parce qu’un bon nombre de données expérimentales in vitro indique que le GLP-1 pourrait au contraire présenter un effet stimulant direct de la sécrétion de glucagon sur les cellules α isolées ;  mais aussi parce que dans une étude qui, in vivo, suggérait un effet glucagonostatique direct du GLP-1 chez des DT1, on constate qu’une discrète élévation de peptide-C était détectée, de telle sorte qu’un effet indirect du GLP-1, via l’activation d’une activité résiduelle des cellules β, ne peut être formellement exclu. À nouveau, les effets endocrines/paracrines de l’insuline et du zinc, libérés par les cellules β lors d’une stimulation par le GLP-1 en présence de glucose, semblent avoir une place centrale dans l’inhibition de la sécrétion de glucagon (figure 5).           Il est intéressant de noter d’un point de vue thérapeutique que l’effet glucagonostatique du GLP-1 est régulé de façon glucose-dépendante : quand le taux de glucose redescend dans les valeurs normales ou basses, la stimulation de la sécrétion de l’insuline chute et l’inhibition sur la cellule α est levée, réduisant ainsi le risque d’hypoglycémie sous GLP-1. Figure 5.  Effet du GLP-1 sur la sécrétion d’insuline et de glucagon. Conclusion   Jusqu’à récemment, il apparaissait acquis que l’élévation de la glycémie inhibait la sécrétion de glucagon, alors que sa diminution stimulait la sécrétion de glucagon par les cellules α. L’hyperglucagonémie des DT2 était alors présentée comme la preuve d’une altération de la capacité des cellules α à reconnaître le glucose (cellules « aveugles » au glucose !). Les données récentes de la littérature sur la manière dont se parlent les cellules α et β donnent tous leur sens à des travaux plus anciens qui, au contraire, avaient démontré une réponse sécrétoire au glucose des cellules α. Cette hyperglucagonémie ne serait donc que la conséquence de l’altération de la communication entre cellules α et β. La cellule α nous livre peu à peu ses secrets. La compréhension de sa physiologie apparaît à présent essentielle pour le développement de molécules antidiabétiques efficaces et peu iatrogènes.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème