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Rein

Publié le 31 aoû 2011Lecture 7 min

Quel objectif tensionnel chez le patient diabétique souffrant de néphropathie ?

B. VENDRELY, Service de néphrologie, CHU de Bordeaux

Le contrôle optimal de la pression artérielle (PA) chez les patients diabétiques ayant une néphropathie est nécessaire pour limiter les complications cardiovasculaires mais aussi pour ralentir voire stopper la progression des lésions rénales. À la suite de plusieurs études, notamment de l’étude UKPDS, la baisse des chiffres tensionnels est apparue comme un élément central dans la prise en charge de la néphropathie diabétique. Cependant, une pression artérielle basse peut être délétère chez ces patients et la fourchette des objectifs tensionnels doit être précisée.

Pourquoi doit-on baisser la PA des patients diabétiques ?   La baisse de la pression artérielle améliore le pronostic cardiovasculaire Au cours des années 1990, plusieurs études ont été conduites chez les patients diabétiques pour démontrer qu’un meilleur contrôle tensionnel permet de diminuer les complications cardiovasculaires et rénales du diabète. Il faut néanmoins se souvenir que, dans l’étude UKPDS débutée en 1987 et publiée en 1998, le groupe traité devait avoir une PA < 150/85 mmHg alors que le groupe contrôle avait pour objectif une PA < 180/105 mmHg. Les objectifs ont beaucoup évolué depuis. Dans UKPDS, mais également dans l’étude HOT publiée la même année, la baisse tensionnelle a montré un bénéfice clair en termes de complications macrovasculaires et microvasculaires. Il y a une amélioration de la survie dans les groupes les mieux contrôlés sur le plan tensionnel, notamment grâce à une diminution de l’incidence des infarctus du myocarde (IDM) ou des accidents vasculaires cérébraux (AVC). D’autres études randomisées incluant des patients diabétiques et publiées par la suite ont confirmé qu’un contrôle optimal de la PA améliore la survie cardiovasculaire quand l’objectif est atteint. Dans l’étude UKPDS, une baisse de 10 mmHg de la PAS diminue le risque de complications micro- et macrovasculaires de 10 à 15 %. La baisse de la PA améliore le pronostic rénal Au cours de la néphropathie diabétique, l’évolution vers l’insuffisance rénale peut être rapide avec une perte de 10 ml/min/an de débit de filtration glomé­rulaire en moyenne après l’apparition de la protéinurie. La baisse de la PA freine cette évolution et peut parfois même la stopper si l’objectif de 140/80 mmHg est atteint. La majorité des patients diabétiques de type 2 mais aussi de type 1 avec une atteinte rénale présentent une hypertension artérielle (PA > 140/90 mmHg). L’HTA est même quasi constante au stade de macroalbuminurie et contribue à la progression de la néphropathie. Baisser la PA de ces patients permet de diminuer la protéinurie d’autant plus que l’on utilise des traitements bloqueurs du système rénine-angiotensine (SRA). Cette protéinurie est un facteur de risque reconnu et un marqueur de la progression de la maladie rénale chronique. Le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale augmente dès que la PA est > 139/89 mmHg et l’évolution est d’autant plus rapide que la PA est élevée, ce qui a bien été observé dans l’étude MRFIT. Dans IDNT, chez les patients diabétiques de type 2, la baisse de la PA à 140/80 mmHg diminue la protéinurie et la progression de la néphropathie avec un bénéfice encore supérieur chez les patients ayant atteint une PAS < 120 mmHg. Ce bénéfice supplémentaire sur la fonction rénale n’a pas été retrouvé dans l’étude ABCD sur une durée de 5 ans malgré la baisse de la protéinurie dans le groupe traité de façon intensive (PA 128/75 mmHg). Chez le patient diabétique de type 1 avec atteinte rénale, on peut tout de même observer une stabilisation voire une régression de l’insuffisance rénale chez plus de 20 % des patients pour un objectif tensionnel de 135/80 mmHg. Il apparaît donc possible de stopper l’évolution de la néphropathie par ce biais, bien entendu grâce au traitement antihypertenseur par bloqueur du SRA mais aussi sans ce blocage chez les patients présentant les PA les plus basses. Près de la moitié des patients ayant une PA < 120/80 mmHg et une néphropathie diabétique au stade de micro- ou de macroalbuminurie n’évoluent pas vers l’insuffisance rénale, même sans traitement spécifique. Jusqu’où faut-il baisser la pression artérielle ? Des recommandations ont été établies au cours des années 2000 à l’issue des différentes études par les sociétés savantes de cardiologie, néphrologie ou diabétologie sur la cible tensionnelle à atteindre dans cette population. Elles sont relativement similaires et correspondent pour la plupart à celles du  JNC 7 à savoir une PA < 130/80 mmHg chez les patients diabétiques. Cette cible est également celle proposée aux patients ayant une maladie rénale chronique d’une autre origine que le diabète. Cependant, les PA moyennes obtenues sous traitement dans les différentes études sont souvent > 140/80 mmHg (figure). C’est l’étude ABCD dans laquelle l’objectif tensionnel du groupe traité de façon intensive était plus strict avec une pression obtenue de 128/75 mmHg contre 137/81 mmHg dans le groupe contrôle qui a conduit à proposer des cibles thérapeutiques plus basses dans la majorité des recommandations internationales en montrant une diminution plus importante du risque d’AVC alors qu’il n’y a pas de gain supplémentaire sur la mortalité cardiovasculaire. Les mêmes résultats ont été obtenus plus récemment chez les patients diabétiques de type 2 de l’étude ACCORD pour une PA encore plus basse de 119/64 mmHg comparativement à des patients ayant en moyenne une PA de 133/70 mmHg. Le contrôle très strict de la PA n’apporte pas de bénéfice supplémentaire sur la mortalité cardiovasculaire mais diminue également dans cette étude le risque d’AVC. Il y a des inconvénients à baisser toujours davantage la PA, notamment puisqu’il faut utiliser un plus grand nombre de traitements pour atteindre l’objectif avec le risque de survenue d’un plus grand nombre d’effets secondaires. Dans ACCORD, 41 % des patients traités de façon intensive recevaient 4 à 5 classes d’antihypertenseurs avec un risque accru d’hypotensions, de troubles du rythme cardiaque, d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale aiguë. On sait aussi depuis longtemps qu’une baisse excessive de la PA augmente le risque d’IDM chez les patients ayant une coronaropathie préexistante ou une hypertrophie ventriculaire gauche sévère. Le risque augmente progressivement pour des PA < 110/70 mmHg, ce qui doit attirer l’attention dans cette population de patients en particulier. Seuls les patients ayant déjà fait un AVC semblent tirer un bénéfice en termes de survie et de récidive lorsque la PA atteint ces valeurs basses. Concernant la progression de la néphropathie diabétique, aucune étude n’a montré de bénéfice net à baisser de façon excessive les chiffres tensionnels. En revanche, l’association de nombreux médicaments antihypertenseurs et notamment d’un double blocage du SRA, habituellement nécessaire pour atteindre ces objectifs, augmente le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. Figure. Cibles tensionnelles atteintes dans les principales études chez les patients diabétiques. Quelle cible ?   Une métaanalyse publiée cette année portant sur 13 études randomisées contrôlées, soit  un total de 37 736 patients suggère qu’une cible de PAS de 130-135 mmHg est la plus adaptée chez les patients diabétiques pour diminuer le risque d’événements cardiovasculaires et d’évolution de la néphropathie. Le seul bénéfice observé avec une PA plus basse est la diminution des AVC mais le risque de survenue d’événements indésirables est plus élevé. Les recommandations de l’American Diabetes Association revues en 2011 sont d’obtenir une PA inférieure à cet objectif bien que les auteurs reconnaissent qu’il n’y a pas d’argument fort qui le justifie. Les recommandations des sociétés savantes de cardiologie ou de néphrologie sont similaires à celles de l’ADA mais ont été établies il y a déjà quelques années. L’European Society of Hypertension recommande actuellement de traiter les patients diabétiques lorsqu’il y a une HTA (PA > 140/90 mmHg) afin d’atteindre des valeurs de 130/80 mmHg sans aller au-delà en l’absence d’atteinte rénale. Au vu des différentes publications, il parait légitime de proposer des cibles plus basses chez les patients à haut risque d’AVC. Chez les patients diabétiques restant albuminuriques malgré un traitement adapté, des cibles < 130/80 mmHg semblent également justifiées puisque le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est majeur si la protéinurie reste élevée. Le rapport bénéfice/risque doit cependant être évalué régulièrement chez ces patients compte tenu des effets secondaires engendrés par la multiplication des classes thérapeutiques.   Conclusion   Le contrôle tensionnel est une des priorités chez les patients diabétiques ayant une atteinte rénale pour diminuer la fréquence des complications cardiovasculaires et la progression de la maladie rénale sans chercher à aller toujours plus bas car il ne faut pas négliger le risque d’effets indésirables qui augmente avec la multiplication des traitements. Le rapport bénéfice/risque d’une prise en charge stricte doit être évalué pour chacun des patients en particulier chez les plus âgés compte tenu du risque accru d’hypotension. La pression artérielle doit être comprise entre 130/80 et 140/85 mmHg chez la majorité des patients diabétiques. Une PA < 130/80 mmHg mais > 120/75 mmHg est recommandée chez les patients à risque de progression de la maladie rénale ou ayant un antécédent d’AVC.

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