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30 ans de Cardiologie

Publié le 07 déc 2020Lecture 4 min

BNP et NT-proBNP : que dose-t-on vraiment ?

G. LAMBERT, Paris

Nicolas Vodovar (INSERM UMR-S 2412, Paris) a répondu d’emblée à la question posée dans le titre de son intervention : nous ne dosons pas ce que nous croyons doser. Alors que dosons-nous ? Les réponses d’un chercheur en endocrinologie cardiovasculaire.

L’insuffisance cardiaque (IC) touche 2 % de la population globale et plus de 10 % des sujets âgés de plus de 70 ans. Aux États-Unis, la survie à 5 ans est estimée à 50 % et le taux de réhospitalisation est extrêmement élevé. On peut distinguer deux types d’IC (en dehors d’autres classifications) : l’IC chronique et l’IC aiguë. L’histoire naturelle de l’IC chronique est émaillée d’épisodes d’ICA qui dégradent la fonction cardiaque. Les signes cliniques de l’IC sont peu spécifiques (dyspnée, œdèmes, toux, fatigue, nausées, manque d’appétit, etc.). Or, la prise en charge le plus précoce de ces patients tend à améliorer leur pronostic. Les peptides natriurétiques (PN) ont joué un rôle important dans cette stratégie interventionniste. Ils permettent de confirmer le diagnostic, d’établir un pronostic et d’identifier les patients les plus à risque. Ils sont également utilisés pour ajuster le traitement des patients en IC, une stratégie toutefois discutée par certaines études ne montrant pas d’amélioration de la survie de ces patients avec un traitement guidé par le dosage du NT-proBNP(1). Métabolisme des peptides natriurétiques Les PN sont sécrétés par les cardiomyocytes dans trois circonstances : lorsqu’ils sont étirés, en raison de l’inflammation et/ou de l’hypoxie. Le proBNP est clivé par la furine ou la corine pour donner du BNP (1-32) et du NT-proBNP (1-76). Le proBNP peut aussi être glycosylé sur de nombreuses positions protéiques, dont la thréonine 71 qui empêche alors le clivage(2). Au total, de nombreuses espèces de NT sont présentes dans le plasma. La question de savoir ce qui était réellement dosé est née de l’étude PARADIGM-HF(3) qui a testé l’efficacité du sacubitril/valsartan chez des patients en IC avec fraction d’éjection abaissée. La prise de ce traitement entraîne une stabilisation, voire une légère augmentation du BNP, et une baisse du NT-proBNP. L’explication de cette stabilisation serait qu’étant la cible de la néprilysine le BNP est clivé par cette molécule et ne peut plus être dégradé par la furine ou la corine. En fait, la glycosylation en T71 augmente significativement au cours du traitement, ce qui pourrait expliquer les différentes cinétiques de PN observées avec ce traitement(4). Toutefois, la corrélation n’est pas vérifiée lorsque l’on dose les patients séparément. Pour le BNP on savait déjà qu’en réalité le proBNP est la molécule principalement dosée. Mais différentes autres espèces sont dosées : le proBNP, le BNP 1-32, le BNP 3-32 et le BNP 5-32. En considérant l’ensemble de ces molécules comme celles dosées par le test habituel, on peut établir un taux d’immunoréactivité théorique, qui est parfaitement corrélé aux valeurs fournies par les dosages sanguins, le proBNP constituant 90 % du signal. Pour le NT-proBNP on savait que le dosage réagissait à la fois au proBNP et au NT-proBNP en quantités variables et que la glycosylation pouvait avoir une influence, en particulier en position S44. L’immunoréactivité NT-proBNP peut donc être la somme du proBNP 1-108 et du NT-proBNP 1-76 non glycosylé en S44. En adoptant la même démarche que pour le BNP, par comparaison de l’immunoréactivité théorique et réelle, la corrélation n’est pas totale, suggérant que des espèces minoritaires contribuent également au signal, qui s’avère composite. En poursuivant les investigations, on s’aperçoit que le glycosylation du proBNP en S44 est beaucoup plus importante que celle du NT-proBNP et que cette glycosylation augmente dans tous les cas chez les patients traités par sacubitril/valsartan. De plus, les concentrations en proBNP 1-108 et NT-proBNP 1-76 évoluent différemment en fonction de la pathologie et du traitement. Il n’y a aucune corrélation entre ces deux molécules dans leur forme glycosylée, de telle sorte que chez un patient donné on ne peut définir la part de chacune de ces molécules impliquée dans le signal NT-proBNP. Conclusion Au total, on ne dose pas ce que l’on croit doser. Pour le BNP il s’agit surtout du proBNP 1-108. Pour le NT-proBNP, il apparaît que l’on dose un mélange fluctuant de proBNP 1-108 et du NT-proBNP 1-76. Toutefois ces observations biologiques n’ont pas de conséquences sur la pratique clinique, le BNP et le NT-proBNT demeurant d’excellents biomarqueurs. La différence observée entre les patients traités par sacubitril/valsartan et les autres n’est en réalité qu’un artefact analytique. Il faut toutefois poursuivre les recherches afin de développer des biomarqueurs plus spécifiques ou de doser proBNP et NT-proBNP simultanément, en définissant des profils de production qui permettrait de préciser des phénotypes de patients afin de mieux cibler diagnostic et pronostic. D'après la communication de Nicolas VODOVAR (Paris) dans le cadre de la journée "30 ans d'innovation en cardiologie", organisée par Roche Diagnostics France << RETOUR  

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