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Congrès

Publié le 31 mai 2015Lecture 7 min

Sécurité d’emploi des analogues du GLP1 : les preuves en 2015

M. DEKER, d’après une communication de B. GUERCI (Nancy)


SFD
Nous disposons aujourd’hui de suffisamment de données pour répondre aux questions soulevées sur d’éventuels effets pancréatiques des médicaments incrétinomimétiques dont la presse médicale s’est largement fait l’écho. Les études épidémiologiques infirment le lien entre ces agents antidiabétiques et les pathologies pancréatiques. 

Davantage de pancréatites aiguës et de cancers du pancréas chez les diabétiques ou les personnes à risque de diabète L’incidence de la pancréatite aiguë est évaluée de 0,05 à 0,5 cas/1 000 patients-années (PA) dans la population générale européenne ; elle est plus élevée aux États-Unis (1,5/1 000 PA) en raison de la plus forte prévalence de l’obésité. Chez les sujets diabétiques de type 2 (DT2), cette incidence est 2,8 fois plus élevée et s’établit à 4,2 cas/1 000 PA. Cette augmentation comparativement à la population générale s’explique par l’existence d’autres facteurs de risque fréquemment retrouvés chez les patients diabétiques : l’obésité, parfois l’abus d’alcool, l’hypertriglycéridémie et les lithiases biliaires (deux fois plus fréquentes chez les diabétiques), comme l’a montré une étude de cohorte rétrospective chez plus de 300 000 patients DT2(1). Une récente analyse des données de mortalité par cancer chez les personnes diabétiques et/ou en fonction du taux de glycémie a été réalisée à partir d’une cohorte de plus de 820 000 sujets inclus dans 97 études prospectives(2). Elle montre une augmentation du risque de décès par cancer du pancréas, mais aussi du foie, de l’ovaire, du côlon, des poumons et du sein, après ajustement sur l’âge, le sexe, le statut tabagique et l’IMC. La relation entre la mortalité par cancer et la glycémie à jeun montre que le risque augmente au-delà d’un seuil glycémique de 1 g/l. Pancréatite aiguë et incrétinomimétiques : des hypothèses à la réalité Le risque de pancréatite aiguë chez les patients DT2 est largement documenté. Ainsi, l’analyse rétrospective de près de 800 000 patients d’une base de données nord-américaine des caisses médicales de remboursement a montré une incidence des pancréatites aiguës 3 fois supérieure chez les sujets diabétiques comparativement aux non diabétiques (5,6 vs 1,9/1 000 PA) ; aucune différence n’a été observée selon que les patients étaient traités par incrétinomimétiques (exénatide ou stitagliptine) ou un autre antidiabétique(3). Par ailleurs, les patients DT2 se caractérisent par une élévation des enzymes pancréatiques. Les taux de lipases, plus spécifiques du risque de pancréatite aiguë que ceux d’amylase, sont augmentés de 11 à 20 % selon les études, mais rarement à des niveaux > 3xVSN. Cette augmentation a été retrouvée chez près de 23 % des patients à l’inclusion dans l’étude LEADER, étude d’événements cardiovasculaires sur le long terme chez des patients bénéficiant ou non d’un traitement par liraglutide(4). Les résultats de ce large essai clinique devraient être disponibles début 2016. D’où vient la suspicion ? L’hypothèse de la toxicité pancréatique des médicaments incrétines repose sur deux types de données. L’étude anatomopathologique autopsique de 34 pancréas (8 patients DT2 ayant reçu un traitement par exénatide ou sitagliptine ; 12 DT2 ayant reçu un autre antidiabétique ; 14 témoins non diabétiques) publiée en 2013 avait montré, chez les DT2 traités par incrétine, une augmentation de la masse pancréatique, une hyperplasie des cellules b et a, ainsi qu’une inflammation avec le développement de pancréatite, des dysplasies cellulaires et des images de métaplasie canalaire(5). Cette étude très alarmante n’était pas dénuée de biais comme l’ont noté des experts. En particulier, les diabétiques sous incrétines étaient nettement plus âgés que les témoins diabétiques (58 vs 40 ans), le pourcentage d’hommes était plus important (75 vs 28 %) et un certain nombre de patients sous incrétines avaient reçu des traitements insuliniques parfois très intensifiés, ce qui soulève l’hypothèse qu’il souffraient de diabète de type 1 (et non de diabète de type 2), hypothèse confortée par la présence d’autoanticorps. Le deuxième élément à charge est issu d’une analyse rétrospective des notifications spontanées et enregistrées dans la base de données AERS (Adverse Events Reporting System) de la FDA entre 2004 et 2009, comparant les notifications de pancréatites et de cancers du pancréas rapportées avec l’exénatide ou la sitagliptine et celles rapportées avec 4 autres antidiabétiques oraux. Cette analyse suggérait un lien entre les deux traitements incrétinomimétiques et les événements pancréatiques avec des odds ratio très élevés(6). Ces résultats sont néanmoins à pondérer par le fait que les comparateurs étaient des ADO connus et commercialisés de longue date (répaglinide, natéglinide, rosiglitazone et glipizide), ayant un profil de sécurité et une place dans la stratégie thérapeutique différents, alors qu’une thérapeutique d’introduction récente dans la pharmacopée et inscrite dans un plan de gestion des risques est plus suspecte en cas d’événement indésirable, d’où un probable biais de surdéclaration. Ce dernier point est d’autant plus important à considérer que le diagnostic positif de pancréatite aiguë n’a pas été respecté. Ce dernier repose en effet sur la classification d’Atlanta qui veut que le diagnostic soit posé sur au moins 2 des 3 éléments suivants : - élévation des enzymes pancréatiques (lipase et/ou amylase > 3xVSN) ; - douleurs abdominales évocatrices de pancréatite aiguë ; - éléments caractéristiques à l’imagerie (scanner, IRM, échographie). Que disent les études pharmaco-épidémiologiques ? Les analyses des bases de données d’assurance maladie permettant d’établir une correspondance entre les traitements prescrits pour le diabète et le diagnostic de pancréatite aiguë ne montrent pas d’augmentation du risque chez les patients traités par exénatide ou sitagliptine comparativement à une population non traitée par incrétine(7). Les hospitalisations sont légèrement mais non significativement plus élevées, mais il faut encore souligner que les définitions de la maladie n’ont pas toujours été observées ; la présence de douleurs gastriques, caractéristiques des effets indésirables des agonistes du récepteur du GLP1, associée à une augmentation des taux de lipase expliquerait les hospitalisations un peu plus fréquentes qui, en réalité, seraient sans rapport avec le diagnostic de pancréatite aiguë. Une étude cas-contrôles européenne, rétrospective, réalisée sur la base de données administratives régionales du Piémont (Italie) a analysé les patients DT2 ayant reçu au moins une dose d’incrétinomimétique pendant 5 ans : 1 003 cas hospitalisés pour pancréatite aiguë ont été appariés à 4 012 témoins(8). L’étude ne montre pas de sur-risque de pancréatite dans le groupe traité par incrétines et précise les facteurs de risque : présence de lithiase biliaire ou antécédent de pancréatite chronique principalement. Elle a aussi le mérite d’analyser la grande majorité des traitements actuellement commercialisés (sitagliptine, vildagliptine, saxagliptine, exénatide, liraglutide). La taille de l’échantillon est toutefois insuffisante pour exclure une faible augmentation du risque. En outre, on peut regretter l’absence de données dans cette cohorte sur le contrôle métabolique, le poids et la durée du diabète. Au total, parmi huit études observationnelles de cohortes ou castémoins, seule une montre une augmentation du risque de pancréatite aiguë liée au traitement incrétine. Enfin, une métaanalyse récente a rassemblé les données de plus de 350 000 patients de 60 études (55 études randomisées contrôlées, 5 études d’observation) et n’a pas retrouvé d’augmentation du risque de pancréatite sous incrétinomimétiques(9). Concernant le liraglutide, une analyse poolée des études de phases 2 et 3 regroupant 9 016 patients, dont 6 345 sous liraglutide, 1 846 sous comparateur actif et 825 sous placebo, montre une incidence de pancréatites aiguës, certes, un peu plus élevée sous liraglutide (1,6 vs 0,7 et 0,9/1 000 PA respectivement) ; toutefois, le nombre de cas est restreint : 8 sous liraglutide, dont 4 avec facteurs de risque et 1 cas sans critère de diagnostic précis, versus 1 cas sous comparateur. Des données pharmaco-épidémiologiques complémentaires sont disponibles grâce à la base de données de l’assurance maladie des États-Unis (2010-2013), qui ne montrent aucune différence de risque pancréatique (pancréatite ou cancer) sous liraglutide versus comparateur sur un suivi de 18 mois. Enfin, les résultats des études de sécurité cardiovasculaire conduites avec les i-DPP4, SAVOR et EXAMINE, où les événements pancréatiques étaient adjudiqués, apportent des éléments de preuve supplémentaires rassurants. EMA, ADA : une déclaration commune sur l’absence d’augmentation du risque Après l’agence européenne, l’EMA, qui concluait en juillet 2013 à l’absence d’augmentation des risques d’effets secondaires pancréatiques avec les médicaments incrétinomimétiques, la FDA a statué en faveur de cette classe d’antidiabétiques. Il est toutefois souhaité de la part du CHMP européen une harmonisation de toutes les déclarations, ce qui permettrait aux patients comme aux médecins d’avoir une vue plus objective sur la sécurité d’emploi des incrétinomimétiques. L’EMA estime aussi nécessaire de poursuivre la surveillance et la mesure du rapport bénéfice/risque. L’EMA et la FDA ont publié conjointement en juillet 2014, un travail regroupant une analyse des données de 250 études toxicologiques sur 18 000 animaux, avec analyses complémentaires de toxicité pancréatique et des analyses histopathologiques réalisées en insu par trois anatomopathologistes indépendants de la FDA et une revue de 200 essais cliniques sur 41 000 patients, dont 28 000 exposés à un traitement incrétine, parmi lesquels 15 000 pendant 24 semaines et 8 500 pendant ≥ 52 semaines(10). Au terme de cet article, il est conclu à l’absence de lien de causalité entre les traitements incrétine et l’incidence des pancréatites et/ou des cancers du pancréas.   L’ADA et l’EASD ont adopté une position commune conforme aux déclarations des agences européenne et nord-américaine, en précisant que le risque de pancréatite aiguë reste hypothétique, nécessitant la poursuite de la surveillance. Quant au risque de cancer médullaire de la thyroïde observé chez l’animal, il est probablement inexistant chez l’homme. Les diverses études de sécurité cardiovasculaire entreprises avec les médicaments de la classe des incrétinomimétiques fourniront d’autres éléments de preuve sur la sécurité pancréatique.

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