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Diabéto-Cardio

Publié le 20 déc 2021Lecture 7 min

Effets cardiovasculaires du traitement hormonal d’affirmation de genre

Eva FEIGERLOVA(1,2), Caroline SAMHANI(1), 1. Endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHRU de Nancy, 2. INSERM UMR-S 1116 - DCAC, université de Lorraine

Le traitement hormonal d’affirmation de genre est prescrit chez les sujets transgenres dans le but de favoriser le développement des caractères sexuels secondaires du genre désiré et atténuer l’expression phénotypique du sexe non désiré. Les données dans la littérature suggèrent une augmentation de morbidité et mortalité cardiovasculaire dans cette population.

| Contexte L’incongruence de genre (« dysphorie de genre ») résulte d’une inadéquation entre le genre ressenti par l’individu et le genre qui lui a été assigné à la naissance. Le diagnostic de dysphorie de genre repose sur des arguments cliniques et psychologiques regroupés dans la 5e version du manuel diagnostique des troubles mentaux et dans la 11e version de la classification internationale des maladies. Une femme transgenre est une personne assignée homme à la naissance et s’identifiant au genre féminin. À l’inverse, un homme transgenre est une personne assignée femme à la naissance s’identifiant au genre masculin. Nous avons peu de données épidémiologiques précises en France. Dans la littérature internationale, les données varient selon la définition retenue pour parler des personnes transgenres. On peut s’appuyer sur différents indices comme le nombre de changements de prénom ou de sexe à l’état civil, ou encore, le nombre de réassignations sexuelles ou d’hormonothérapies. D’après une revue récente de la littérature portant sur vingt-sept études, la prévalence de la dysphorie de genre est estimée à 5-20 pour 100 000 sujets lorsque ces estimations se basent sur les actes liés aux soins, et elle s’élève à 355 pour 100 000 sujets si ces estimations sont basées sur l’autoidentification(1). | Nombre de consultations pour l’incongruence de genre en hausse dans les différents centres experts La littérature internationale montre une augmentation du nombre de sujets référés pour la dysphorie de genre dans les différents centres experts. Dans le service d’endocrinologie du CHRU de Nancy, la prise en charge a été initiée dans les années 1990. Au total, 224 sujets (134 assignés hommes à la naissance) ont été référés entre 2002 et 2017 (figure 1) ; en moyenne 7 sujets par année jusqu’en 2013 avec une augmentation à 27 sujets par année à partir de 2014(2). À l’heure actuelle, la population au CHRU de Nancy comporte 373 sujets avec en moyenne 65 nouveaux cas par an (70 nouveaux cas en 2019) (données personnelles). Lors de la 1re évaluation, les sujets assignés femmes à la naissance (24,2 ± 6,7 ans) sont en moyenne significativement plus jeunes que les sujets assignés hommes à la naissance (35,6 ± 11,2 ans) (p < 0,05) (figure 2). Le rapport du sexe de naissance masculin/ féminin diminue de 1,9 à 0,9 entre 2002 et 2017 avec l’inversement de ce rapport au profit du sexe de naissance féminin à partir de l’année 2016 chez les sujets jeunes âgés de moins de 25 ans(2,3). | Organisation de la prise en charge en France La prise en charge médicale en France s’appuie sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (2009). Dans un premier lieu, un entretien psychiatrique est nécessaire pour confirmer le diagnostic et écarter les troubles mentaux non contrôlés. Le médecin endocrinologue apporte l’accompagnement et le soutien au début de la prise en charge. Les soins sont dans la majorité des cas remboursés par la Sécurité sociale. Avec le décret no 2010- 125 du 8 février 2010, la dysphorie de genre est considérée comme une affection de longue durée hors liste (ALD 31), permettant ainsi le remboursement de certains soins. Le traitement hormonal d’affirmation de genre est prescrit dans le but de favoriser le développement des caractères sexuels secondaires du genre désiré et atténuer l’expression phénotypique du sexe non désiré (estrogènes et antiandrogènes chez les femmes transgenres ; androgènes chez les hommes transgenres). Avant de discuter l’hormonothérapie, le bilan initial est réalisé pour : – s’assurer que le sujet n’a pas d’affection susceptible d’être à l’origine d’un trouble de l’identité ; – rechercher d’éventuelles contreindications au traitement hormonal ; – obtenir des données de base permettant de préciser l’état biologique avant toute prise de traitement hormonal et discuter le traitement le plus approprié selon les comorbidités éventuelles présentées par le patient. | Traitement hormonal d’affirmation de genre Certaines conditions doivent être respectées avant d’initier l’hormonothérapie par un médecin endocrinologue ayant l’habitude de cette prise en charge spécifique : – la persistance de la dysphorie de genre ; – la capacité à donner un consentement éclairé est requise ; pour les mineurs le consentement de l’enfant et des deux parents est nécessaire ; – l’âge de la majorité est exigé dans certains pays (l’âge de 16 ans est exigé en France) ; – l’état psychique compatible avec la démarche. Chez les femmes transgenres, l’atténuation des caractères sexuels du sexe de naissance est obtenue par des substances qui interfèrent avec la production de testostérone ou sa conversion périphérique en 5-alpha-dihydrotestostérone (DHT) ou des substances qui bloquent les récepteurs androgéniques. Le développement des caractères féminins est favorisé par les estrogènes. Concernant les antiandrogènes stéroïdiens, la spironolactone peut être proposée. Les agonistes de GnRH sont une alternative aux antiandrogènes, mais leur coût est plus élevé. Les estrogènes sont surtout l’estradiol sous forme orale ou percutanée (patch transdermique ou gel). Chez les hommes transgenres, les androgènes favorisent le développement des caractères sexuels masculins. La testostérone est le plus souvent utilisée sous forme injectable intramusculaire (énanthate de testostérone). | Effets cardiovasculaires du traitement hormonal Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité dans le monde. Chez la femme, la prévalence des maladies cardiovasculaires, telles que la maladie coronaire, est plus faible et leur survenue plus tardive. L’effet protecteur des estrogènes sur l’endothélium vasculaire n’est pas observé chez la femme après la ménopause avec un risque accru de maladies cardiovasculaires. Dans les deux sexes, avec l’avancée en âge, le traitement hormonal substitutif est associé à un risque accru d’événements cardiovasculaires. Une hausse de la mortalité des personnes transgenres de 10 %, principalement de cause cardiovasculaire, a récemment été observée(6). Le risque d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique chez les femmes transgenres semble augmenté, en particulier en présence d’autres facteurs de risque cardiovasculaires comme le tabagisme ou le syndrome métabolique(7). Les données rétrospectives du CHRU de Nancy incluant 150 sujets âgés de 25 à 65 ans rapportent un AVC chez 1,4 % des hommes transgenres et une coronaropathie chez 2,7 % des femmes transgenres(5). La littérature existante également suggère que les effets cardiovasculaires du traitement hormonal d’affirmation de genre diffèrent chez les hommes transgenres et chez les femmes transgenres. La mortalité cardiovasculaire à long terme semble plus élevée chez les femmes transgenres comparativement à la population générale(7,8). | Effets métaboliques du traitement hormonal d’affirmation de genre Parmi les effets métaboliques précoces observés chez les hommes transgenres sont observées une augmentation des taux de cholestérol LDL et de triglycérides (TG) et une diminution des taux de cholestérol HDL, alors que l’administration des estrogènes chez les femmes transgenres induit une augmentation des taux de TG, de cholestérol HDL et une diminution des LDL(4). Sur le plan de la composition corporelle, les modifications de paramètres en direction du sexe désiré ont été décrites. À 2 ans d’un traitement par estrogènes chez les femmes transgenres, une majoration de la masse grasse au niveau des régions androïdes de 18 %, de 34 % au niveau des régions gynoïdes et de 42 % au niveau des jambes ainsi qu’une diminution du rapport taille/hanche ont été observées. Chez les hommes transgenres, il existait une baisse de la masse grasse au niveau gynoïde de 16 % et des jambes de 14 % avec une augmentation du rapport taille/hanche(9). Une augmentation du tissu adipeux viscéral (TAV) chez les femmes transgenres (n = 20) et hommes transgenres (n = 17) non obèses (tranche d’âge 16-36 ans) a été observée 12 mois après le début du traitement hormonal(10). Dans une autre étude incluant les femmes transgenres (n = 18 ; âge 18-37 ans) et les hommes transgenres (n = 15, tranche d’âge 16-33 ans) non obèses, le TAV a augmenté de 18 % et de 17 %, respectivement, un an après le début du traitement hormonal(11). | Suivi du traitement hormonal d’affirmation de genre Les sociétés savantes recommandent la surveillance des facteurs de risque cardiovasculaires chez les personnes transgenres(12). Le bilan initial comprend : – hémogramme, bilan lipidique, glycémie à jeun, bilan hépatique, ionogramme sanguin, urée et créatininémie, bilan d’hémostase de première ligne ; – FSH, LH, prolactine, testostérone biodisponible et/ou totale, SHBG, estradiol ; – bilan osseux (ostéodensitométrie) ; – bilan cardiovasculaire. Par la suite, le médecin endocrinologue assure le suivi thérapeutique après mise en place d’un traitement hormonal avec un suivi clinique 3, 6 et 12 mois après celle-ci puis tous les 6 mois avec recherche des signes de féminisation ou masculinisation, des signes d’ostéoporose ou de thrombose veineuse et un bilan cardiovasculaire, dont poids et tension artérielle. Une réévaluation lors du suivi est réalisée régulièrement, celle-ci comprend : – chez les femmes transgenres : cholestérol HDL, cholestérol LDL, cholestérol total, triglycérides, glycémie à jeun, ASAT, ALAT, GGT et phosphatases alcalines à 3, 6, 12 mois après le début du traitement puis annuellement ; – chez les hommes transgenres, un dosage de l’hémogramme est associé aux mêmes dates. Sur le plan clinique, la HAS précise également l’importance d’une évaluation de la féminisation et de la masculinisation avec entre autres la détermination de la masse musculaire et de la répartition des graisses. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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