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Neurologie

Publié le 31 mai 2011Lecture 8 min

Prise en charge des neuropathies périphériques douloureuses du patient diabétique

H. GIN, Université Bordeaux 2

Il s’agit bien sûr d’un patient qui se plaint de douleurs au niveau des membres inférieurs, mais les causes de douleur au niveau des membres inférieurs sont nombreuses. Il importe, par une bonne analyse clinique, d’arriver au diagnostic positif de douleur neuropathique.

Assurer le diagnostic   Caractéristiques de la douleur L’interrogatoire permet d’apprendre que le patient présente des signes cliniques qu’il va décrire en situation distale et périphérique, le plus souvent symétriques, et survenant de manière spontanée ou provoqués par le frottement, mais jamais provoqués par la marche. Cet élément est un point important. Il importe cependant de prendre conscience qu’au cours de la marche, le frottement du pantalon peut être la cause de la douleur, il s’agit d’une douleur de contact et non pas d’un périmètre de marche. De la même manière, la nuit, le patient peut ressentir des douleurs liées au contact des draps, l’amenant à mettre les pieds hors du lit, ce qui est totalement différent du symptôme de la jambe pendante de l’artérite. Les douleurs décrites sont, la plupart du temps, superficielles, à type de brûlures, ou profondes, à type d’étau, continues ou paroxystiques ; quand elles sont paroxystiques, elles sont décrites sous forme de décharges électriques ou d’élancements brefs ; elles peuvent enfin, être provoquées par le frottement des vêtements, des draps, le changement de température. Il existe toute une série de nuances, allant de l’allodynie (sensation douloureuse provoquée par un stimulus normalement non douloureux), à la dysesthésie (sensation anormalement désagréable, spontanée, ou provoquée), à l’hyperesthésie douloureuse (sensation exagérée d’une stimulation) ; les sensations de morsure des mollets sont rares, mais décrites ; les allodynies thermiques existent ; l’aggravation par le port des chaussettes, le frottement du pantalon est assez souvent retrouvé. Au total, il s’agit d’une symptomatologie excessivement riche, qui ne sera obtenue que par une écoute attentive du patient et qui ne peut, en aucun cas, être confondue à une symptomatologie artérielle.   Le questionnaire DN4 Il peut être parfois difficile de faire le tri de tous ces symptômes, c’est ce pourquoi un questionnaire a été récemment validé, il s’agit du DN4 englobant 10 items. Les items de ce test sont les suivants : La douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : – brûlure ? – sensation de froid douloureux ? – décharges électriques ? La douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants : – fourmillement ? – picotements ? – engourdissements ? – démangeaisons ? La douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence : – une hypoesthésie au tact ? – une hypoesthésie à la piqûre ? Lors de l’examen la douleur est provoquée ou augmenté par le frottement. Chaque item est coté 1 point si positif et le diagnostic de douleurs neuropathiques peut être retenu pour un score > 4, avec une sensibilité de 82,9 %, une spécificité de 89,9 %.    L’analyse sémiologique de la douleur permet une évaluation diagnostique relativement simple : • il s’agit d’une douleur apparaissant au repos : elle n’est probablement pas vasculaire ; • cette douleur est distale et bilatérale, elle est très probablement neurologique ; elle est associée à des allodynies et des paresthésies, elle est très certainement neuropathique.   Faut-il demander des examens complémentaires ? À ce stade du diagnostic, des examens complémentaires sont inutiles chez le patient diabétique. L’électromyogramme n’est pas recommandé car les douleurs neuropathiques correspondent à des lésions des petites fibres, amyéliniques, et celles-ci peuvent être muettes en électromyographie ; un électromyogramme normal n’élimine donc pas une douleur neuropathique. De la même manière, le Doppler n’a pas lieu d’être demandé, puisqu’il s’agit de douleurs survenant spontanément. Si jamais celui-ci était demandé, il pourrait éventuellement montrer une surcharge athéromateuse diffuse (le patient est diabétique et peut donc avoir des microanévrismes dans l’œil, une microalbuminurie au niveau des urines, une surcharge athéromateuse au niveau du Doppler, toutes choses qui n’ont rien à voir avec les douleurs neuropathiques). Si cet examen était demandé, il serait confondant pour le médecin et pour le patient : le médecin risquant de porter un diagnostic de douleurs artérielles, alors qu’il s’agit d’une douleur neuropathique, et le patient ne comprenant pas pourquoi on dit que ses douleurs sont neuropathiques alors que le Doppler a montré des lésions au niveau des artères. Ceci est un point important dans la prise en charge avec une démarche de certitude que doit avoir le médecin et non une démarche confondante.   Comprendre la douleur neuropathique Il est important pour le médecin de bien comprendre la problématique de la neuropathie chez un patient diabétique. Les fibres nerveuses sont complexes, chacun le sait, et il existe chez le patient diabétique, plusieurs types de lésions totalement différentes. Le patient peut présenter une altération des fibres véhiculant les douleurs nociceptives, c’est-à-dire en fait toutes les douleurs lésionnelles périphériques. Ces voies de conduction sont altérées, la transmission des stimuli est diminuée et ceci explique le caractère non douloureux des lésions observées au niveau des pieds des patients diabétiques conduisant au mal perforant plantaire. D’autres fibres nerveuses vont conduire les influx correspondant aux douleurs neuropathiques. Il s’agit cette fois-ci de lésions qui exacerbent ou déséquilibrent le cheminement de l’influx nerveux, et cette exacerbation conduit aux douleurs neuropathiques que décrit le patient. Il existe donc deux phénomènes physiopathologiques sous-jacents, sous-tendant : – d’un côté, l’hypoesthésie qui permet à de petites lésions cutanées d’évoluer à bas bruit vers les grands délabrements du pied du patient diabétique ; – de l’autre côté, la douleur neuropathique ressentie et décrite par le patient. Le tout peut aboutir au tableau d’hypoesthésie douloureuse.   Prise en charge thérapeutique La douleur neuropathique altère la qualité de vie engendrant des troubles de l’humeur, des troubles du sommeil, une diminution parfois du goût de vivre, et une modification des activités sociales. Les antalgiques usuels sont peu efficaces et la plupart du temps, il faut recourir soit aux antiépileptiques, soit aux antidépresseurs tricycliques.   Comment prescrire ? Dans les deux cas, il importe d’informer les patients que ces médicaments ont d’autres indications que celles pour lesquelles ils vont être prescrits, mais qu’ils ont aussi l’indication de la douleur neuropathique et que c’est dans le cadre de celle-ci que ces médicaments leur sont prescrits. Ils doivent, par ailleurs, être informés que les effets sur la douleur seront partiels et en conséquence une non-disparition totale de celle-ci reste possible malgré un traitement que l’on considérera comme efficace. Par ailleurs, les effets sont obtenus au long cours, et ces médicaments ne doivent pas être manipulés à la demande, comme ceci est habituel avec un certain nombre d’autres médicaments de la douleur ; ils doivent au contraire, être pris au long cours, la prise étant systématique et quotidienne. Il faudra savoir ne pas les interrompre trop tôt s’ils sont jugés faiblement efficaces, car l’efficacité n’est pas immédiate. Enfin, le médecin doit savoir débuter, à dose progressive, en assurant une titration maximale en fonction de la tolérance, avant de décréter que le produit n’est pas efficace. Cette règle est un incontournable de la thérapeutique de la douleur neuropathique. Deux mois d’un traitement bien conduit à dose maximale sont nécessaires avant de conclure à l’inefficacité des produits que l’on a retenus.   Que prescrire ? L’évaluation des comorbidités liées à la douleur est importante pour présider au choix de première intention des produits. Une dépression, un état anxieux dominant inciteront à choisir les tricycliques en première intention. Une insomnie, une gêne importante au repos conduira plutôt au choix des antiépileptiques. Les antidépresseurs tricycliques sont nombreux ; l’amitriptyline, l’imipramine, la clomipramine ont l’AMM pour les douleurs neuropathiques. Ces antidépresseurs tricycliques ont quelques effets indésirables, les uns par leur effet anticholinergique (troubles de la vision, bouche sèche, constipation, rétention urinaire), les autres par leurs effets antihistaminiques (somnolence, prise de poids). Il existe aussi des effets cardiovasculaires à la fois liés aux effets anticholinergiques et aux effets adrénolytiques a-1, caractérisés par une tachycardie, une hypotension orthostatique, parfois un trouble du rythme ou un trouble de la conduction. Les antidépresseurs tricycliques justifient, par ailleurs, une titration progressive et régulière pour atteindre la posologie efficace ; une connaissance de l’état cardiaque du patient avec un ECG, est un préalable souvent nécessaire à la prescription. Une autre classe d’antidépresseurs est caractérisée par une inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Ces produits ont l’avantage d’avoir un double mécanisme d’action (sérotonine et adrénaline) et donc parfois une meilleure efficacité. Dans cette classe, seule la duloxétine (Cymbalta®) a l’AMM dans les douleurs neuropathiques. La maniabilité de ces agents est beaucoup plus simple que celle des antidépresseurs tricycliques, leurs effets secondaires ne sont que digestifs et il ne nécessitent pas de bilan préthérapeutique cardiaque : la duloxétine inhibe faiblement la recapture de la dopamine et n’a pas d’affinité pour les récepteurs histaminiques et dopaminergiques, cholinergiques et adrénergiques. Cela explique l’absence d’effets cardiovasculaires ; en revanche, le double effet sur la sérotonine et la noradrénaline est un élément intéressant. De plus, ils n’ont aucun effet sur la prise pondérale. Les antiépileptiques sont représentés par deux grandes classes : – les bloqueurs des canaux calciques ; – les bloqueurs des canaux sodiques. Les bloqueurs des canaux sodiques sont représentés par la carbamazépine (Tégrétol®), les bloqueurs des canaux calciques sont représentés par la gabapentine (Neurontin®), et la prégabaline (Lyrica®). Ces produits ont une AMM dans les douleurs neuropathiques : – la gabapentine (paliers de 100 mg chez le sujet âgé) doit être prescrite à la dose initiale de 300 à 400 mg le soir, augmentée par paliers de 300 mg tous les 2 à 3 jours, pour atteindre des doses moyennes maximales de 1 200 à 3 600 mg ; – la prégabaline se prescrit par paliers de 150 mg tous les 3 à 7 jours (25 mg chez le sujet âgé), pour atteindre des doses maximales de 300 à 600 mg en 2 à 3 prises par jour. Les effets secondaires sont la somnolence, parfois l’impression vertigineuse, la prise pondérale. Les posologies doivent être adaptées en fonction de la clairance de la créatinine et doivent être réduites chez le sujet âgé ; les bénéfices essentiels, au-delà de la douleur, seront l’amélioration des troubles du sommeil. Les autres classes médicamenteuses type benzodiazépines sont peu efficaces, de même les AINS, le paracétamol et la codéine. Les antalgiques de paliers 2 et 3, opioïdes et tramadol, peuvent être utilisés. Il s’agit, là encore, de produits qui doivent être utilisés par paliers ; à titre d’exemple, le tramadol est débuté à 50 mg en deux prises, augmentés par paliers de 50 à 100 mg, pour atteindre une dose totale de 200 à 400 mg en 2 à 4 prises par jour (300 mg au-delà de 75 ans). Ces produits ont pour eux leur rapidité d’effet ; il peuvent être utilisés seuls ou en association avec soit les antidépresseurs (quelle que soit leur classe), soit les anticomitiaux.  

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