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Thérapeutique

Publié le 06 mai 2014Lecture 5 min

Les insulines non injectables : quel avenir ?

J.-P. SAUVANET, Polyclinique de médecine interne, Hôpital Saint-Louis, Paris


La conférence de William Cefalu (Institut de recherche biomédicale Pennington, Bâton-Rouge, États-Unis ; Congrès ADA 2013) était consacrée aux formes alternatives, non injectables, de l’insuline. Si de nombreuses firmes sont impliquées dans cette recherche, peu de données sont publiées et, pour des raisons évidentes de confidentialité et de secret industriel, beaucoup répugnent à communiquer, d’autant qu’il s’agit souvent de petites sociétés de biotechnologie cherchant des investisseurs et/ou de grands groupes auxquels s’adosser afin de pouvoir s’engager dans un développement et une mise au point extrêmement coûteux. 

La prescription et l’utilisation de l’insuline injectable (sous-cutanée) se heurtent à de nombreuses barrières, parfois réelles, mais souvent liées à l’image de l’insuline et/ou de « la piqûre », et ne reposant que sur des présomptions conduisant au phénomène bien connu de résistance psychologique à l’insuline, tant de la part des médecins que des patients. S’y ajoute la perception d’effets indésirables liés, négativement, à l’insuline (hypoglycémie, prise de poids). Pour leur part, les formes alternatives non injectables apparaissent dotées d’avantages potentiels : lever ces barrières psychologiques, améliorer l’observance, améliorer la qualité de vie des patients insulinotraités et, peut-être, pour certaines, permettre de mieux reproduire la physiologie et/ou améliorer les conditions métaboliques. Principales approches en développement Administration transdermique Micro-aiguilles : le principe, séduisant, repose sur l’administration de l’insuline rapide dans le derme, et non plus sous-cutanée, par un plot constitué de micro-aiguilles, ce qui facilite le passage, le transport et la distribution de l’insuline dans l’organisme, permettant donc une action plus rapide que par voie sous-cutanée. De plus, l’administration, moins douloureuse, pourrait améliorer l’acceptabilité chez les enfants et, de manière générale, l’observance du traitement. Les travaux avancent, notamment grâce à la firme BD, mais de nombreux obstacles persistent encore, car si de tels systèmes sont très utilisés pour les vaccins, il existe des difficultés techniques et pratiques lorsqu’il s’agit d’administrations multiples et répétées d’une molécule de taille relativement importante, comme l’insuline. Ultrasons : le système UStrip ™ envoie des ultrasons permettant le passage, en le facilitant par « chauffage » et dilatation des pores cutanés, d’une insuline de courte durée (lispro, pour ce système) appliquée sous forme de patch cutané, soit directement lorsque le patch est appliqué sur le bras, soit via un câble relié au patch lorsque celui-ci est porté sur l’abdomen. Les caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sont proches de celles de l’injection sous-cutanée, mais sans l’inconvénient de l’injection. Les études de phase 2 sont terminées. Le développement clinique de phase 3 est en cours. L’objectif visé est le contrôle glycémique nocturne chez les patients DT2 par une application le soir. Administration buccale Le système Oral-Lyn™ (Generex Biotechnology, Canada), présenté depuis plusieurs années dans les congrès, est approuvé dans quelques pays d’Amérique du Sud et en Inde. Il s’agit d’un spray buccal, basé sur le même principe que l’inhalateur buccal utilisé pour certains traitements de l’asthme. Il est préconisé pour contrôler les hyperglycémies, particulièrement postprandiales. Le principal problème est représenté par le nombre de bouffées nécessaires, directement dépendant du niveau d’hyperglycémie, ce qui conduit souvent à la nécessité d’une dizaine de bouffées à chaque repas ! Administration orale La recherche la plus prolifique ! Les approches en développement consistent soit : - le plus fréquemment, à combiner une insuline humaine à des promoteurs ou facilitateurs d’absorption (sels biliaires, acides gras) afin de faciliter le passage à travers la barrière digestive ; - à modifier génétiquement la structure d’une insuline humaine afin de la rendre gastrorésistante et d’augmenter ses propriétés, notamment le passage transmembranaire (insuline HIM2), éventuellement en l’encapsulant dans des nanoparticules de polymères gastrorésistants (insuline HDV-1, nanoliposomes contenant 5 U d’insuline et couplés à un vecteur ciblant directement les cellules hépatiques, ce qui permettrait une biodisponibilité comparable à celle de l’insuline par voie sous-cutanée). Mais, il existe de très nombreux obstacles (dégradation enzymatique aux niveaux gastrique et duodénal ; poids moléculaire important réduisant considérablement la traversée de la barrière intestinale et l’atteinte de la circulation sanguine, et avec un risque de réaction immunitaire). Il y a donc nécessité de trouver des technologies permettant l’emploi de nanoparticules contenant l’insuline afin de faciliter son absorption digestive, la protégeant de la dégradation muco-enzymatique, n’induisant pas de réaction immunitaire, tout en augmentant sa biodisponibilité, sans compter avec la variabilité interindividuelle, qui semble très importante et accentuée selon le temps d’absorption par rapport au repas et d’autres facteurs (type/composition du repas, gastrite, gastroparésie, autres pathologies affectant la barrière digestive, etc.). Enfin, les conséquences de l’exposition répétée et à long terme des cellules digestives à de fortes doses d’insuline sont inconnues (éventuel effet promoteur oncogène ?). Parmi les nombreuses formulations en développement, les plus avancées semblent être : IN-105 (Biocon) : il s’agit d’un polymère d’insuline. L’effet sur la glycémie postprandiale est proportionnel à la dose absorbée. Bristol-Myers Squibb a pris une option sur cette formulation. ORMD-0801 (Oramed, Israël) : il s’agit d’une capsule constituée d’insuline (216 U), d’inhibiteurs de protéases (pour contrer la dégradation digestive) et d’un accélérateur d’absorption digestive (R. Eldor et coll.). Les résultats d’une étude pilote chez des patients DT1 ont conduit à un essai de phase 2, ouvert, en cours chez des patients DT1. En mai 2013, la FDA a donné son accord pour commencer, aux États-Unis, des essais cliniques chez des patients DT2 nouvellement diagnostiqués afin de tester si cette insulinothérapie précoce permettrait d’épargner la capacité fonctionnelle des cellules pancréatiques et, ainsi, de retarder la progression du DT2. Capsulin™ (Diabetology) : cette formulation utilise le système Axcess (gélules gastrorésistantes contenant 213 U d’insuline et des promoteurs d’absorption). Le développement clinique de phase 2 est en cours. Novo Nordisk : il s’agit d’un complexe utilisant la technologie Eligen® (complexation de l’insuline avec un promoteur d’absorption) développée par la firme américaine Emisphere Technologies. À la suite des résultats positifs de l’étude pilote chez des patients DT2, le développement clinique de phase 2 est en cours. Administration par voie pulmonaire (inhalée) Des nombreux systèmes en phase de recherche il y a quelques années, seul Mann-Kind poursuit le développement d’une insuline inhalée (Afrezza®), mais avec des difficultés réglementaires. Il s’agit d’une insuline d’action ultrarapide (pic de concentration maximum atteint 12-14 min après l’administration), se présentant sous forme de poudre se fixant par électrostatisme dans une structure de gélatine (technologie Technosphere®), projetée par un inhalateur dans les poumons, où elle se liquéfie et est absorbée. Sa biodisponibilité est faible (environ 16 % par rapport à l’insuline rapide sous-cutanée). Le dossier de soumission (NDA) a été rejeté à plusieurs reprises par la FDA, réclamant, notamment, des données supplémentaires de sécurité pulmonaire et cardiovasculaire. Un nouvel inhalateur (Gen2) est en développement, actuellement testé chez des volontaires sains, utilisant des cartouches d’insuline de 10 U et 20 U, afin d’augmenter la dose inhalée (jusqu’à 80 U), mais nécessitant d’utiliser plusieurs cartouches (4 cartouches de 20 U pour 80 U) (R. Baughman et coll.). Conclusion  Toute formulation non injectable devra démontrer qu’elle est au moins aussi efficace et aussi sûre que l’insuline sous-cutanée, et, de préférence, tout en diminuant le risque hypoglycémique et sans prise de poids. Il faudra donc encore plusieurs années avant de voir des systèmes d’administration non injectable de l’insuline sur le marché !   

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