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Insuline

Publié le 30 avr 2025Lecture 10 min

Gestion prandiale en boucle fermée : y a-t-il des alternatives à l’insulinothérapie fonctionnelle ?

Michael JOUBERT, service endocrinologie-diabétologie, CHU de Caen

Les systèmes de délivrance automatisée de l’insuline (DAI), encore appelés boucles fermées (BF), représentent désormais le traitement de référence du diabète de type 1(1-3). En France, cette thérapie est en plein essor, avec plusieurs systèmes de BF qui sont déjà, ou seront prochainement disponibles : Diabeloop DBLG1®, Medtronic 780G®, Tandem Control IQ®, Mylife CamAPS FX®, Omnipod 5®. Tous ces systèmes sont des BF hybrides, ce qui signifie que le patient doit annoncer les prises alimentaires et l’activité physique, les algorithmes actuels n’étant pas en mesure de gérer de façon totalement automatisée ces deux situations.
L’annonce des prises alimentaires nécessite l’utilisation de l’assistant bolus du système, le patient devant renseigner, avant de commencer à manger, la quantité de glucides qu’il compte ingérer. Pour ce faire, les patients doivent maîtriser la quantification des glucides, compétence qu’ils ont pu acquérir dans le cadre des formations à l’insulinothérapie fonctionnelle.

La quantification précise des glucides permet d’obtenir un résultat optimal en BF   Depuis le début du développement des systèmes de BF, les études visant à « challenger » les algorithmes en période prandiale ont montré qu’une annonce glucidique imprécise ou omise faisait toujours moins bien que l’annonce d’une quantité exacte de glucides, renseignée avant le repas. Par exemple, avec un prototype du système Omnipod 5®, Buckingham DA et coll. ont mis en évidence que le temps dans la cible (TIR-time in range) postprandial 4 heures était moins bon en cas d’absence d’annonce des glucides ou lors d’une sous-évaluation du besoin en insuline prandiale(4). Au-delà de ces données expérimentales, des analyses de vie réelle corroborent ces résultats, montrant un meilleur équilibre métabolique chez les patients annonçant assidûment les glucides. En effet, une analyse rétrospective réalisée sur près de 3 000 patients DT1 équipés du système Medtronic 780G® a séparé ces patients en quatre quartiles de TIR. Le quartile des patients présentant le meilleur TIR (> 82,2 %) se différenciait des autres quartiles par le fait qu’ils faisaient plus de bolus repas (4,9 vs 4,2 bolus repas/jour ; p < 0,0001) et recevaient moins de bolus automatiques (3,7 vs 8,2 bolus automatiques/jour ; p < 0,0001), comparativement au quartile des patients ayant le plus faible TIR (≤ 70,1 %)(5). Avec une méthodologie d’analyse similaire, Schoelwer M et coll. ont montré des résultats superposables dans une population de 100 enfants DT1 équipés du système Tandem Control IQ® : les enfants présentant le moins bon équilibre métabolique omettaient d’annoncer une partie des glucides et recevaient en conséquence de plus fréquents bolus automatiques de correction(6). L’annonce des glucides ingérés via l’assistant bolus, avant de commencer à manger, est d’ailleurs une recommandation indiquée dans les consensus d’experts, comme dans les manuels d’utilisation des fabricants de système de BF(2).   L’annonce précise des glucides reste difficile pour les patients DT1   Plusieurs études ont exploré les difficultés rencontrées par les patients DT1 quant à la gestion prandiale. Ainsi, il est établi que les erreurs de quantification des glucides concerneraient jusqu’à 60 % des repas, avec une erreur moyenne absolue d’environ 30 g/repas, et une grande variabilité de cette erreur absolue, le plus souvent de 5 à 40 g. Globalement, ce sont 90 % des patients DT1 qui déclarent rencontrer des difficultés de quantification des glucides dans leur quotidien(7). Enfin, en plus de ces erreurs de quantification, il faut rappeler que les omissions d’annonce sont également fréquentes, avec par exemple jusqu’à 15 % de bolus oubliés chez 40 % des adolescents DT1 porteurs de pompe à insuline(8). Ces difficultés d’annonce précise des glucides sont observées sur le terrain par les équipes diabétologiques qui, après avoir équipé en priorité les patients les plus technophiles et les mieux formés à l’insulinothérapie fonctionnelle, commencent à initier des systèmes de BF chez des patients présentant plus de difficultés à quantifier leurs apports glucidiques. Ainsi, pour tous ces patients présentant des compétences limitées concernant l’évaluation quantitative des glucides, des gestions prandiales alternatives commencent à voir le jour, ouvrant des perspectives d’utilisation des systèmes de BF pour un plus grand nombre de patients.   L’évaluation semi-quantitative des glucides   Deux systèmes de BF (Diabeloop DBLG1® et Mylife CamAPS FX®) proposent une option d’annonce semi-quantitative des glucides. Ainsi, le patient peut annoncer un « petit », « moyen » ou « gros » repas, plutôt qu’une quantité précise de glucides. Cette échelle semi-quantitative d’annonce des glucides est bien sûr personnalisable, le « petit », « moyen » ou « gros » repas correspondant à des quantités paramétrables de glucides. Pour le système Diabeloop DBLG1®, il est possible de paramétrer 3 échelles différentes « petit/moyen/gros » repas pour les 3 principaux repas de la journée. Par exemple, « petit/moyen/gros » pourrait correspondre à 20/40/60 g de glucides pour le petit déjeuner alors que les échelles du midi et du soir pourraient être paramétrées à 60/90/120 g de glucides. Quant au système Mylife CamAPS FX®, il n’y a qu’une seule échelle paramétrable, qui est en 4 points (« petit/moyen/gros/très gros » repas), et qui s’applique à tous les repas de la journée. Une étude a exploré ce type d’annonce semi-quantitative dans une population de 30 patients DT1 équipés d’un système de BF. Deux périodes de 3 semaines étaient comparées : une période de référence pendant laquelle les patients devaient annoncer précisément les glucides ingérés et une période expérimentale pendant laquelle l’annonce était semi-quantitative, via une échelle en 4 points (« petit/moyen/gros/très gros » repas) correspondant à des annonces de 15/35/65/95 g de glucides. Le temps dans la cible (time in range – TIR) était significativement plus faible pendant la période expérimentale (70 vs 74 % ; p < 0,05), sans majoration du temps en hypoglycémie (time below range – TBR), similaire pour les deux périodes. Bien que moins performante sur le TIR, la stratégie d’annonce semiquantitative a permis, dans cette étude, d’obtenir un TIR moyen dans l’objectif fixé par le consensus international(9). Une étude rétrospective de la base de données des utilisateurs Diabeloop DBLG1® a également exploré l’efficacité de l’annonce semi-quantitative des glucides. Dans cette analyse de données de routine de 1 958 patients équipés de Diabeloop DBLG1®, le TIR post-prandial 4 heures a été calculé après les 299 387 repas déclarés par annonce précise des glucides et après les 315 432 repas déclarés de façon semi-quantitative, montrant une supériorité statistique, mais sans pertinence clinique, de la méthode de référence par rapport à la méthode semi-quantitative (63,0 vs 62,6 % ; p < 0,05). De même, le TIR quotidien des 81 173 journées avec annonce précise était légèrement supérieur à celui des 85 554 journées avec annonce semi-quantitative (70,7 vs 69,7 % ; p < 0,05), sans pertinence clinique évidente(10). Ainsi, les évaluations actuelles suggèrent que les annonces semiquantitatives des repas sont associées à un résultat métabolique qui reste satisfaisant, bien qu’inférieur à celui obtenu par une annonce précise des glucides.   L’annonce de glucides fixes   Afin de simplifier encore la gestion prandiale en boucle fermée, une étude a évalué une stratégie d’annonce des repas sous forme d’une quantité fixe. Pour ce faire, 34 adolescents DT1 ont été équipés d’un système de BF Medtronic 780G®, puis randomisés pour annoncer finement les glucides ou pour passer à une méthode d’annonce d’une quantité fixe de glucides à chaque repas. Cette quantité fixe à annoncer était personnalisée à partir du calcul de la quantité quotidienne moyenne de glucides ingérés (total daily carb – TDC) grâce à l’analyse d’un journal alimentaire de quelques jours. Ainsi, les sujets randomisés dans le groupe « annonce de glucides fixes » devaient annoncer, avant chaque repas, une quantité de glucides calculée par la formule : (TDC × 0,6)/3. En cas de repas particulièrement copieux ou de collation légère, les sujets avaient la consigne d’annoncer la quantité de glucides habituels, majorée ou minorée de 50 %, respectivement. Il faut ajouter que, pour simplifier la prise en charge, un unique ratio glucide/insuline était calculé pour les 3 repas à partir de la formule : 360/TDI (total daily insulin – dose totale quotidienne d’insuline). Le TIR des 12 semaines d’intervention était significativement plus élevé dans le groupe, quantifiant finement les glucides comparativement au groupe annonçant des quantités fixes (80,3 vs 73,5 % ; p < 0,01). Il n’y avait en revanche aucun sur-risque d’hypoglycémie dans ce dernier groupe. Il faut enfin souligner que, comparativement aux données observées avant initiation de la BF (TIR 47,5 %), la stratégie d’annonce « fixe » est associée à une augmentation du TIR de 26 % (p < 0,001), soit une augmentation de plus de 6 heures passées dans la zone 70-180 mg/dl. Ainsi, bien que non optimale, cette stratégie d’annonce d’une quantité fixe de glucides peut néanmoins être associée à une amélioration très significative de l’équilibre métabolique(11).   L’absence d’annonce des glucides   Bien que les recommandations de bon usage des systèmes de BF préconisent l’annonce d’une quantité précise de glucides avant chaque repas via l’assistant bolus, l’expérience clinique montre que de nombreux patients oublient d’annoncer quelques repas, et que certains n’annoncent aucune prise alimentaire pendant quelques jours à quelques semaines. Bien qu’il s’agisse à l’évidence d’un mésusage, cette absence d’annonce est une réalité clinique pour certains patients équipés et il semble intéressant d’analyser les études qui ont exploré cette situation. Shalit et coll. ont rapporté une étude portant sur 14 patients vivant avec un DT1 et équipés du système Medtronic 780G®. Deux périodes de 90 jours de gestion prandiale différente étaient comparées chez ces patients : une période pendant laquelle les participants devaient annoncer précisément tous les glucides ingérés via l’assistant bolus (période hybrid close loop – HCL) et une période de 90 jours pendant laquelle aucun glucide n’était annoncé (période full closed loop – FCL). L’ordre des 2 périodes était randomisé pour chaque sujet. Le TIR était bien sûr meilleur pendant la période HCL que pendant la période FCL (77,7 vs 67,5 % ; p < 0,001), sans majoration du risque hypoglycémique pendant cette dernière période. Le TIR post-prandial 4 heures était également meilleur pendant la période HCL, pour les repas contenant plus de 20 g de glucides. En revanche, pour les prises alimentaires ≤ 20 g de glucides, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes (70,3 vs 70,8 % ; ns). En résumé, les auteurs de cette étude concluaient que la stratégie sans annonce, bien que moins performante que la stratégie classique, permettait d’obtenir un résultat métabolique plutôt satisfaisant (TIR 67,5 %). De plus, pour les ingestions de petites quantités de lucides (≤ 20 g), l’absence d’annonce ne modifiait pas le contrôle post-prandial, comparativement à une annonce précise(12). Boughton et coll. ont également exploré cette question avec 26 patients vivant avec un DT1, dont l’équilibre glycémique était particulièrement dégradé initialement (HbA1c 9,2 % ; TIR 31 %). Ces patients ont été randomisés pour recevoir 2 périodes de 8 semaines de traitement par pompe/capteur en boucle ouverte, puis la boucle fermée CamAPS HX® (ou inversement), un système proche de CamAPS FX®, mais sans annonce des glucides. Il faut souligner que l’insuline utilisée dans ce système était de la lispro ultra-rapide. Les auteurs ont observé un TIR de 50 % pendant la période CamAPS, mais seulement de 36 % pendant la période de boucle ouverte, soit des améliorations de +19 et +5 % par rapport à la valeur initiale du TIR, respectivement. Là encore, le risque hypoglycémique n’était pas majoré pendant la période CamAPS. Ainsi, les auteurs ont conclu que l’utilisation de CamAPS HX® sans annonce des glucides permettait d’améliorer significativement l’équilibre métabolique des patients très déséquilibrés, mais sans atteindre bien sûr les niveaux de résultats habituellement obtenus avec annonce des glucides à chaque repas(13).   L’importance du « timing » de l’annonce prandiale   Il est maintenant évident que, même si l’annonce d’une quantité précise de glucides via l’assistant bolus reste la gestion prandiale de référence, des gestions prandiales alternatives et moins complexes sont possibles et permettent d’obtenir des résultats satisfaisants bien que non optimaux. Dans tous les cas, au-delà des considérations concernant la quantification des glucides, précise ou non, le moment de l’annonce du repas par rapport au début de l’ingestion des aliments semble déterminant pour améliorer l’équilibre métabolique en boucle fermée. En effet, une étude a exploré les bolus d’insuline prandiale retardés chez des adultes vivant avec un DT1 et utilisant un système en boucle fermée. En moyenne, les participants avaient 10,2 bolus retardés sur deux semaines, plus fréquemment chez les femmes. Les participants ayant un nombre élevé de bolus retardés (> 12) présentaient un temps dans la cible (TIR) significativement plus faible (62,4 ± 13,8 % contre 76,6 ± 9,0 %) par rapport à ceux ayant moins de bolus retardés (< 7,7), ainsi qu’un temps au-dessus de la cible (TAR), un indicateur de gestion du glucose (GMI) et un coefficient de variation (CV) plus élevés (ANOVA, p < 0,001 pour tous). Les participants avec un score élevé de peur de l’hypoglycémie (FH) avaient un nombre de bolus retardés plus élevé (11,6 ± 5,0) que ceux dans les tertiles inférieurs (9,57 ± 4,59 et 9,47 ± 4,45, ANOVA p = 0,045)(14). Il apparaît dans cette étude que les bolus retardés sont fréquents et associés à un contrôle glycémique significativement moins bon. Ainsi, il semble essentiel d’insister auprès des patients sur ce message éducatif simple d’annonce des repas avant de commencer à manger. Même si aucune étude n’a exploré précisément cette question, de nombreux cliniciens estiment qu’il est même plus favorable d’annoncer une quantité imprécise de glucides avant de manger plutôt que d’annoncer une quantité précise avec retard, après le début du repas.   CONCLUSION   • Les systèmes de boucle fermée donnent les meilleurs résultats pour les patients qui quantifient précisément les glucides et les annoncent via l’assistant bolus avant de commencer à manger. • Cependant, les patients n’ayant pas une bonne maitrise du comptage des glucides ne doivent pas être systématiquement écartés d’un projet de boucles fermées, des gestions prandiales alternatives pouvant donner des résultats métaboliques satisfaisants. • Dans tous les cas, il est important d’évaluer les connaissances et les pratiques des patients en ce qui concerne la quantification des glucides et l’insulinothérapie fonctionnelle afin de leur proposer une méthode de gestion prandiale adaptée à leur profil, leurs compétences et leurs attentes. Cette évaluation peut faire appel au GluciQuizz, un questionnaire de connaissance sur les glucides et leur quantification, validé en français et disponible gratuitement(15,16). • Enfin, gageons que le développement de systèmes en boucle fermée totale (fully closed loop) fera prochainement disparaître cette problématique de la quantification des glucides, grâce à une automatisation de la délivrance de l’insuline prandiale, sans intervention des patients. Quelques systèmes open source sans annonce des repas commencent à être disponibles, préfigurant probablement le développement de systèmes commerciaux offrant cette fonctionnalité(17). Déclaration d’intérêts Dans le cadre de cet article, Michael Joubert déclare être consultant, orateur et/ou avoir des partenariats scientifiques avec Abbott, Air Liquide SantéInternational, Asdia, Dexcom, Dinno Sante, Glooko, Insulet, LVL medical, Medtronic, Nestle HomeCare, Orkyn, Roche Diabetes, Tandem, Vitalaire, Ypsomed.

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