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Thérapeutique

Publié le 30 sep 2014Lecture 6 min

Pourquoi est-il rationnel d’inhiber la réabsorption rénale du glucose chez le diabétique ? Mécanisme d’action des inhibiteurs SGLT-2

J. GIRARD, Institut Cochin, Université Paris Descartes, CNRS (UMR 8104) Inserm U1016 ; Département Endocrinologie, Métabolisme et Diabète

La réabsorption rénale de glucose est le principal mécanisme par lequel le rein influe sur l’homéostasie glucidique. Cette réabsorption est principalement effectuée par le cotransporteur SGLT-2. Chez le diabétique, la réabsorption rénale de glucose est paradoxalement augmentée et contribue ainsi à aggraver l’hyperglycémie.

La réabsorption rénale du glucose Le glucose plasmatique est librement filtré au niveau du glomérule rénal. Chez l’homme sain, la filtration glomérulaire de glucose est de 180 g/j. Si ce glucose n’était pas réabsorbé, il y aurait une perte considérable de glucose. Heureusement, il existe chez l’homme sain un mécanisme physiologique qui permet de réabsorber la totalité du glucose au niveau du tubule proximal du rein, indépendamment de l’insuline. La capacité du tubule proximal à réabsorber le glucose augmente au fur et à mesure que la quantité de glucose filtré augmente, liée à l’hyperglycémie ou à l’augmentation de la filtration glomérulaire. La capacité du tubule proximal à réabsorber le glucose atteint un seuil (Tm du glucose) qui représente la capacité maximale de réabsorption du glucose. Au-delà de ce seuil, l’excès de glucose filtré est excrété dans l’urine (figure 1). Lorsque le débit de filtration glomérulaire est normal, la glycémie au-dessus de laquelle apparaît une glucosurie est de 170 mg/dl. Cependant, dans des situations où la filtration glomérulaire est augmentée, comme au cours de la grossesse, la glucosurie apparaît à des glycémies plus basses. À l’inverse, dans des situations où la filtration glomérulaire est réduite (insuffisance rénale chronique), la glucosurie est absente, malgré des glycémies élevées. Figure 1. Excrétion urinaire de glucose chez le non-diabétique. C’est dans le segment S1 du tubule proximal que 90 % du glucose est réabsorbé. Les 10 % restants sont réabsorbés dans le segment S3 du tubule proximal (figure 2). Cette réabsorption est réalisée par deux types de transporteurs de glucose. Les cotransporteurs glucose-sodium (SGLT) sont exprimés sur la membrane apicale de la bordure en brosse de l’épithélium alors que les transporteurs de diffusion facilitée (GLUT) sont exprimés sur la membrane basolatérale de l’épithélium (figure 3). La première étape nécessite la présence d’un gradient de sodium à travers la membrane apicale. Les SGLT sont des protéines qui impliquent le déplacement de deux molécules différentes (glucose et sodium) dans la même direction, ce qui en fait un cotransporteur. Le sodium est transporté dans le sens du gradient électrochimique. Une concentration intracellulaire basse de sodium est ainsi créée et maintenue par la pompe Na+/K+ ATPase localisée sur la membrane basolatérale. Le gradient électrochimique (source d’énergie) permet de transporter le glucose contre un gradient de concentration (transport actif), malgré des concentrations luminales de glucose basses. Une fois que le glucose a été concentré dans la cellule épithéliale, il diffuse en dehors de celle-ci vers le plasma, dans le sens du gradient de concentration, grâce aux transporteurs de diffusion facilitée, GLUT. En termes d’économie du glucose, il est clair que la réabsorption rénale de glucose est le principal mécanisme par lequel le rein influe sur l’homéostasie glucidique. En effet, les reins réabsorbent 180 g de glucose par jour alors qu’ils n’en produisent que 50 g dans le cortex, via la néoglucogenèse, et qu’ils n’en utilisent que 25 g pour les besoins énergétiques de la médulla. Figure 2. Réabsorption du glucose par un transport actif dans le tubule proximal. Figure 3. Mécanisme du transport de glucose SGLT-2/GLUT-2 dans le segment S3 du tube proximal. Les transporteurs de glucose Dans toutes les cellules de l’organisme, l’absorption de glucose par les entérocytes et la réabsorption de glucose par le tubule rénal s’effectue via 2 groupes de transporteurs : les GLUT et les SGLT. Les transporteurs du glucose GLUT Les GLUT sont exprimés dans toutes les cellules de l’organisme. Ces molécules transportent le glucose par un mécanisme de diffusion facilitée, i.e. dans le sens du gradient de concentration. Ce type de transport ne nécessite pas d’énergie. En général, les GLUT sont responsables de l’influx de glucose dans les cellules, sauf dans l’intestin et les reins où ils sont localisés sur la membrane basolatérale des épithéliums et assurent l’efflux de glucose de la cellule vers le plasma. Dans cet article, nous n’aborderons que deux d’entre eux, GLUT-1 et GLUT-2, qui sont spécifiquement exprimés dans le rein. GLUT-2 est exprimé dans le segment S1 du tubule proximal. GLUT-1 est exprimé dans le segment S3 du tubule proximal. Les cotransporteurs du glucose SGLT Les SGLT cotransportent le sodium et le glucose en utilisant le gradient de sodium produit par la pompe Na+/K+ ATPase localisée sur la membrane basolatérale des cellules. Le cotransport s’effectue dans un rapport 1:1 en ce qui concerne SGLT-2. En revanche, le cotransport s’effectue dans un rapport 2:1 en ce qui concerne SGLT-1. Dans cet article, nous n’aborderons que deux d’entre eux, SGLT-1 et SGLT-2, qui sont spécifiquement exprimés dans le rein. SGLT-1 est principalement exprimé dans l’intestin, mais aussi dans les reins ; ses substrats principaux sont le glucose et le galactose. SGLT-1 est responsable de l’absorption intestinale de glucose. Le principal argument en faveur de SGLT-1 comme transporteur impliqué dans l’absorption intestinale de glucose provient d’études génétiques. En effet, la mutation du gène SGLT-1 conduit à une malabsorption de glucose-galactose et à une diarrhée possiblement fatale. SGLT-2 est principalement, voire uniquement, exprimé dans les segments S1 et S2 du tubule contourné proximal des reins. Il est responsable de la réabsorption rénale de glucose. Le principal argument en faveur de SGLT-2 comme transporteur impliqué dans la réabsorption rénale de glucose provient également d’études génétiques. Les mutations du gène codant SGLT-2 conduisent à la glucosurie familiale (autrefois nommé diabète rénal), maladie héréditaire autosomique récessive caractérisée par une glucosurie permanente en regard d’une normoglycémie et d’une tolérance normale au glucose administré par voie orale. Spécificités du diabétique de type 2 De façon surprenante, la réabsorption rénale de glucose est accrue chez le diabétique et elle contribue à l’aggravation de l’hyperglycémie.   Le diabète s’accompagne d’une augmentation de la capacité du rein à réabsorber le glucose, en raison d’une augmentation du transport maximal de glucose (figure 4). Ceci est clairement néfaste pour le diabétique de type 2 car l’augmentation de la capacité du rein à réabsorber le glucose entraîne une aggravation de l’hyperglycémie. Ce phénomène joue un rôle déterminant chez le diabétique de type 2. Cette augmentation de la réabsorption du glucose est en partie liée à une augmentation de l’expression de SGLT-2 et peut-être aussi de SGLT-1. Des cellules de tubule proximal de patients diabétiques et de rats diabétiques présentent une surexpression de SGLT-2, de GLUT-2 (figure 5) et de SGLT-1. À l’heure actuelle, on ne connaît pas le ou les facteurs responsables de la surexpression de ces transporteurs. L’hyperglycémie pourrait être l’un de ces facteurs car la normalisation de la glycémie chez le rat diabétique normalise la surexpression de SGLT-2. Figure 4. Excrétion urinaire de glucose chez le diabétique de type 2. Figure 5. La réabsorption rénale de glucose est augmentée chez le diabétique. Études réalisées sur des cellules épithéliales humaines en culture. Une voie thérapeutique rationnelle L’inhibition de la réabsorption rénale du glucose est donc une voie rationnelle pour traiter l’hyperglycémie des diabétiques.   La phlorizine, un inhibiteur non spécifique de SGLT-1/SGLT-2, a été largement étudiée pour augmenter la glucosurie afin de réduire la glycémie et normaliser la sensibilité à l’insuline chez les rongeurs diabétiques. Cependant cette molécule n’a pas été développée comme antidiabétique, car cet inhibiteur non spécifique réduisait l’absorption de glucose au niveau intestinal (SGLT-1) et créait ainsi une malabsorption de glucose et de galactose et de fortes diarrhées. Des inhibiteurs spécifiques de SGLT-2 ont été développés et sont actuellement étudiés pour réduire l’hyperglycémie des diabétiques de type 2.   Chez le diabétique, la réabsorption du glucose (figure 4) est déplacée vers la droite en raison d’une surexpression de SGLT-2. Les inhibiteurs SGLT-2 diminuent le seuil rénal de réabsorption du glucose de 220 mg/ml à 80 mg/dl (figure 5), une valeur plus basse que chez les non-diabétiques. Figure 6. Excrétion urinaire de glucose chez le diabétique de type 2 traité par un inhibiteur SGLT-2. Les inhibiteurs SGLT-2 sont les seules molécules antidiabétiques capables de réduire l’excès de réabsorption rénale de glucose chez le diabétique de type 2 et donc de contribuer, par un mécanisme original, à la réduction de la glycémie. Il est donc rationnel d’ajouter les inhibiteurs SGLT-2 à la panoplie des molécules utilisées pour traiter les diabétiques de type 2.   

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