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Cardiovasculaire

Publié le 30 sep 2014Lecture 6 min

Hypertension artérielle résistante : quelle prise en charge ?

M. DEKER, d’après X. GIRERD

CODIA
L’hypertension artérielle (HTA) résistante est relativement rare en regard de la fréquence des HTA non traitées et des HTA non contrôlées car insuffisamment traitées. La dénervation rénale reste une procédure en cours d’investigation, qui ne peut être proposée que par les centres spécialisés chez des patients sélectionnés, et avec des chances de succès limitées. 

Le problème n°1 : insuffisance des traitements Les données de l’enquête nord-américaine NAHNES couvrant la période 2003 à 2008 montraient que près de 30 % des sujets hypertendus n’étaient pas pris en charge, 40 % étaient insuffisamment contrôlés avec ≤ 3 antihypertenseurs, 20 % avec ≤ 2 antihypertenseurs. La principale question posée par l’HTA est donc celle de sa prise en charge efficace. Une définition a récemment été proposée par les Nord-Américains, selon laquelle un patient ayant une PA ≥ 140/90 mmHg en consultation et prenant ≥ 3 médicaments antihypertenseurs doit être considéré comme un patient apparemment résistant au traitement de l’HTA(1). Toutefois, avant d’affirmer qu’un patient est résistant, il faut éliminer certains pièges : - la mauvaise observance du traitement ; - la variabilité tensionnelle (PA élevée en consultation et mieux contrôlée en dehors de la consultation) ; - l’inéquation des thérapeutiques (mauvais dosage). Dans cette cohorte nord-américaine de plus de 450 000 sujets âgés de ≥ 18 ans, ayant un diagnostic d’HTA, 68 % étaient bien contrôlés ; parmi les sujets non contrôlés pour leur HTA, 22 % recevaient < 3 antihypertenseurs, 10 % étaient sous trithérapie ; 5 % seulement répondaient à la définition de l’HTA résistante. Les données épidémiologiques françaises sont concordantes(2). En prenant l’automesure comme critère de jugement, sur environ 1 000 patients consultant en unité spécialisée dans l’HTA, moins de 5 % répondent à la définition de l’HTA résistante alors que 26 % ont une HTA non contrôlée car insuffisamment traitée. Le non-contrôle tensionnel relève principalement de l’inertie thérapeutique. Selon l’enquête ENNS 2006-2007 (étude nationale nutrition santé), 50 % des hypertendus étaient contrôlés en France, mais 36 % des hypertendus non contrôlés étaient sous monothérapie(3). Les marges de progrès sont donc très importantes. Quand envisager la dénervation rénale ? Les dernières recommandations françaises pour la prise en charge de l’HTA de l’adulte offrent une stratégie simple(4) pour l’évaluation et le diagnostic de l’HTA résistante (figures). Une HTA doit être contrôlée à 6 mois ; si elle ne l’est pas sous trithérapie, il convient de prendre un avis spécialisé après avoir vérifié l’observance du traitement. Ce n’est qu’après avoir recherché une HTA secondaire et évalué l’ajout de spironolactone à la trithérapie que l’hypertensiologue envisagera une technique interventionnelle en centre spécialisé. Pour pouvoir bénéficier d’une dénervation rénale, le patient doit souscrire à plusieurs critères : - recevoir une quadrithérapie comportant un diurétique ; - avoir déjà reçu de la spironolactone, dont l’efficacité est parfois spectaculaire ; - avoir une PA de consultation > 160/110 mmHg, vérifiée par automesure ou MAPA ; - avoir eu un bilan récent ; - avoir une anatomie artérielle compatible avec la technique. Dans l’expérience du centre d’HTA de la Pitié-Salpêtrière, 41 % des patients avec une HTA résistante sont contrôlés par la spironolactone, donc exclus de la dénervation rénale ; 41 % ont une anatomie des artères rénales incompatible avec la pratique de la dénervation ; 10 % ont une pathologie incidente (cancer du rein, maladie aortique sévère) qui contre-indique la technique. Au final, seul 1 patient sur 3 reste éligible. Ainsi, sur une série de 796 patients explorés dans cette consultation spécialisée, seulement 9 (1,1 %) avaient une indication de dénervation rénale(2). La procédure de dénervation par cathéter est assez simple car elle ne concerne que des artères saines et de grande taille. D’autres techniques sont actuellement développées, telle une procédure utilisant des ultrasons. Il reste que ces techniques ne permettent pas à l’opérateur d’évaluer la qualité de leur intervention et donc d’en prédire le résultat. Quels résultats de la dénervation rénale en 2014 ? De même que la mesure de la PA ambulatoire est indispensable avant de poser l’indication de dénervation rénale, qui est inefficace chez les sujets pseudo-résistants, l’efficacité de l’intervention demande à être évaluée sur la PA ambulatoire. En effet, la PA de consultation surévalue les résultats. Nous disposons aujourd’hui d’un recul de 3-4 ans pour évaluer cette technique et des résultats d’essais randomisés dont un a comparé la dénervation à un geste de radiologie interventionnelle neutre(5) et un autre a comparé la dénervation à un traitement antihypertenseur maximum et standardisé (étude DENER-HT, communication orale au congrès de la Société européenne d’HTA, Athènes, juin 2014). Le principal résultat de ces études est que la baisse de PAS apportée par la dénervation est modérée avec moins de 10 mmHg de baisse de la PAS en MAPA si l’on regarde la baisse moyenne pour l’ensemble du groupe de patients traités. En revanche, il est observé des réponses individuelles extrêmement variables. Dans le registre européen ENCORED comportant une centaine de patients, l’évolution de la PA à 6 mois est très inégale selon les patients : certains bénéficient d’une diminution pouvant aller jusqu’à 60 mmHg alors que d’autres voient leur PAS augmenter(6). Une normalisation tensionnelle est obtenue chez 20 à 37 % des patients selon que l’on considère la PA en MAPA ou en consultation(7). Dans la série de la Pitié-Salpêtrière sur une vingtaine de patients, 20 % ont été normalisés par la dénervation (baisse moyenne de 35 mmHg de PAS en MAPA), 30 % ont vu leur PA s’abaisser de façon significative sans obtenir une normalisation, et 50 % ne sont pas répondeurs à la technique. Ces résultats aléatoires justifient la recherche de facteurs prédictifs de la baisse tensionnelle. Peut-on prédire les chances de succès de la dénervation ? Les résultats de la cohorte européenne ENCORED et de l’étude HTN3 montrent que les chances de normalisation ou d’amélioration de la PAS sont d’autant plus importantes que la PA de consultation est < 160 mmHg ; contrairement à ce qui était espéré, la normalisation de la PA est moins fréquente chez les patients dont la fonction rénale est altérée et chez les patients noirs. La technique même de dénervation par chauffage de la paroi artérielle est soumise à des aléas. En effet, les faisceaux nerveux ne sont le plus souvent pas proches de la paroi artérielle (distance de plusieurs mm et distribution inhomogène). Il est donc possible que le chauffage de l’artère n’atteigne aucun de ces faisceaux nerveux. L’avenir de la dénervation dépend des progrès techniques à réaliser. Les sondes qui délivrent des ultrasons dispensent davantage de chaleur et ce, de manière plus circonférentielle. Elles pourraient constituer une alternative aux sondes de type radiofréquence. Conclusion   Actuellement, en France, la dénervation rénale reste une procédure d’usage très limitée car l’assurance maladie ne rembourse pas la technique. Pourtant, la méthode a montré des résultats parfois spectaculaires pour contrôler la pression artérielle, mais le nombre limité de sujets hypertendus résistants qui tirent un bénéfice de la technique rend très improbable sa large utilisation car son bénéfice médico-économique ne sera que très difficilement démontré. Il faut espérer que cette méthode va poursuivre son évaluation, dans le cadre de protocoles de recherche, afin de déterminer les groupes d’hypertendus chez lesquels la dénervation montre une efficacité sur la pression artérielle dont l’intensité permet une diminution et/ou un arrêt des médicaments antihypertenseurs. Pour certains experts, ce n’est que dans l’obtention de cette démonstration que réside l’avenir de la dénervation rénale. CODIA Forum cardio-diabète, 13-14 février 2014, Paris 

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