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Congrès

Publié le 14 juin 2016Lecture 6 min

Dyslipidémie du diabétique : pourquoi cibler PCSK9 ?

M. DEKER

La prévalence mondiale du diabète est estimée à plus de 3 millions et devrait doubler d’ici 2035. La mortalité attribuable au diabète a doublé depuis 20 ans et les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez ces patients. Chez le diabétique de type 2 (DT2), le risque de mortalité cardiovasculaire augmente avec la durée du diabète (x 3-4 au-delà de 10 ans d’évolution) et devient équivalent à celui d’un patient non diabétique en prévention secondaire. Chez le diabétique de type 1, le risque cardio vasculaire est probablement le même que celui des DT2, et variable selon la durée d’évolution de la maladie et des complications.
Les patients diabétiques cumulent les facteurs de risque classiques (hypercholestérolémie, baisse du HDL, tabagisme, hypertension, antécédents familiaux) et des facteurs spécifiques : dyslipidémie particulière caractérisée par une baisse du HDL, une augmentation des triglycérides et de la lipémie postprandiale, à laquelle s’associe l’insulinorésistance et l’hyperglycémie qui aggravent la dyslipidémie du diabétique.

Une cible principale : le LDL-C Le taux de LDL est a priori identique chez les sujets diabétiques (DT2 et DT1) et non diabétiques. Toutefois les particules de LDL sont différentes sur le plan quantitatif : elles sont plus petites et plus denses car enrichies en triglycérides. Sous l’effet de l’inflammation, elles sont davantage oxydées, et glycosylées en raison de l’hyperglycémie. Par ailleurs, le catabolisme des particules LDL est diminué ; en effet, les diabétiques ont moins de récepteurs LDL exprimés à la surface des cellules et l’apoB des diabétiques, lorsqu’elle est glycosylée, a moins d’affinité pour son récepteur ; par conséquent les lipoparticules demeurent plus longtemps dans la circulation. Ces anomalies lipidiques entraînent une augmentation de la captation des lipoparticules par les macrophages, d’où la formation de cellules spumeuses qui vont favoriser le développement des plaques d’athérome. Dans l’étude UKPDS chez plus de 2 500 patients DT2 nouvellement diagnostiqués suivis pendant près de 8 ans, 355 événements cardiovasculaires sont survenus. Le premier facteur attribuable était le taux de LDL-C, suivi par l’hypertension et le HDL-C. Chez les non-diabétiques, il est indiscutable que les stratégies visant à baisser le LDL-C sont efficaces. L’étude CARDS en prévention primaire a montré, chez plus de 3 000 DT2 à haut risque, que l’atorvastatine 10 mg diminuait de 37 % la survenue des événements cardiovasculaires. Une métaanalyse regroupant 18 000 patients diabétiques dans les études d’intervention a montré que la baisse de 0,40 g/l du LDL-C s’accompagne d’une diminution de la mortalité toutes causes de 9 %, de la mortalité cardiovasculaire de 13 % et des événements cardiovasculaires majeurs de 20 %. Les effets des statines sont comparables chez les patients DT1 et DT2 et chez les non-diabétiques. La cible principale chez les diabétiques est le LDL-C. Le traitement de choix est les statines et non un fibrate. Or, en France, il reste 12 % de patients diabétiques chez lesquels un fibrate est prescrit en 1re intention et ces patients ont plus de maladie cardiovasculaire que les diabétiques traités par statine. Les cibles de LDL-C fixées par l’ESC/EASD sont < 0,7 g/l chez les DT2 et DT1, en prévention secondaire, avec insuffisance rénale sévère, en cas d’atteinte d’un organe cible et en présence d’au moins un autre facteur de risque. Les recommandations de l’EAS tiennent compte de l’âge et stipulent la cible < 0,7 g/l uniquement chez les patients de > 40 ans. Chez tous les autres diabétiques, la cible est < 1 g/l. Il était une fois… PCSK9 La protéine PCSK9 intervient principalement en se liant au récepteur des LDL, ce qui entraîne sa dégradation selon un mécanisme post-transcriptionnel. Cette dégradation est proportionnelle à la quantité de PCSK9 circulant. Il en résulte une moindre épuration du LDL circulant, responsable d’une hypercholestérolémie. Le LDL récepteur est normalement recyclé une centaine de fois ; en se liant au récepteur LDL, PCSK9 bloque son recyclage. Les statines stimulent le récepteur LDL et paradoxalement aussi PCSK9 via la synthèse du récepteur LDL. Le blocage de PCSK9 augmente donc l’efficacité des statines. L’histoire de PCSK9 n’est pas encore terminée. Au-delà du récepteur des LDL, PCSK9 pourrait intervenir sur la réduction de la dégradation de l’ApoB dans le foie et, par là, expliquer sa surproduction. PCSK9 pourrait aussi intervenir dans le catabolisme des VLDL, particules riches en triglycérides, par l’intermédiaire d’un récepteur particulier. L’utilisation de PCSK9 comme biomarqueur de risque cardiovasculaire n’est pas encore validée, d’autant que les facteurs de confusion sont nombreux : l’inflammation peut augmenter PCSK9 ; les rythmes circadiens influent sur ses taux ; les statines augmentent le taux de PCSK9 circulant. Il existe peu d’études épidémiologiques convaincantes, mais tout n’est pas dit. Les premières armes thérapeutiques permettant de bloquer PCSK9 chez l’homme sont des anticorps monoclonaux (évolocumab, alirocumab et bococizumab). D’autres approches sont possibles pour bloquer PCSK9, par le biais de petites molécules susceptibles d’interférer avec la liaison entre le récepteur LDL et PCSK9, ou via des interactions intracellulaires, voire des vaccins. Le blocage de PCSK9 suscite d’autant plus d’intérêt qu’un effet antiathérosclérose impressionnant a été mis en évidence expérimentalement en ajoutant un anticorps monoclonal anti-PCSK9 à une statine. Cet effet, principalement lié à la baisse du LDL, pourrait aussi être dû à des effets pléiotropes, au-delà de la cible LDL. Inhibition de PCSK9 : du concept aux résultats cliniques L’inhibition de PCSK9 est d’autant plus intéressante chez les patients déjà traités par une statine, que la statine augmente non seulement l’expression du récepteur LDL mais aussi PCSK9, ce dernier venant ainsi limiter l’effet de la statine. Parmi les voies thérapeutiques visant à bloquer PCSK9, la plus avancée est celle des anticorps monoclonaux dirigés contre cette protéine, qui bloquent les protéines circulantes. Les siRNA représentent aussi une piste intéressante visant à inhiber la synthèse de PCSK9, ce qui permettrait un blocage prolongé et aussi de mieux comprendre les mécanismes d’action intracellulaires. Les résultats d’une étude de phase 1 d’un siRNA montrent un effondrement prolongé des taux de PCSK9 et de LDL, ce qui laisse envisager un rythme d’administration tous les 3 à 6 mois. Encore faudra-t-il démontrer que le blocage de la synthèse de PCSK9 fait preuve d’une bonne tolérance et sécurité d’emploi, sachant que la stratégie basée sur les oligonucléotides antisens a été abandonnée en raison d’effets secondaires majeurs, essentiellement hépatiques et rénaux. Les anticorps monoclonaux ont connu un développement très rapide. Ils sont efficaces : chez les patients ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygotes et même homozygotes avec persistance de récepteurs LDL en addition aux statines, chez les patients intolérants aux statines. Ils ont aussi été étudiés en monothérapie avec des effets un peu moins bons qu’en association aux statines. En Europe, l’évolocumab 1 x/mois et l’alirocumab 2 x/mois ont reçu une approbation en association avec une statine à la dose maximale tolérée ± ézétimibe, sur la base des études de phase 3, notamment l’étude DESCARTES pour l’évolocumab et COMBO 2 pour l’alirocumab. Dans l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, les études RUTHERFORD II et ODYSSEY HF I et II ont montré l’efficacité incontestable des deux anticorps monoclonaux (60 % d’abaissement supplémentaire du LDL-C en sus des statines ± ézétimibe). Deux études ont été retenues pour valider l’indication des anti-PCSK9 chez les patients intolérants aux statines, GAUSS 2 qui a montré une réduction significative sous évolocumab comparativement à l’ézétimibe et dans une étude avec l’alirocumab. Une seule étude, TESLA B, a validé l’utilisation de l’évolocumab chez des patients avec hypercholestérolémie familiale homozygote (-31 % de LDL-C). Il n’existe pas encore d’étude spécifiquement réalisée chez les patients diabétiques mais une analyse ayant regroupé tous les diabétiques traités par évolocumab dans l’ensemble du programme, qui ne montre pas de différence d’efficacité comparativement aux non-diabétiques. Comparativement à l’ézétimibe, une réduction supplémentaire du LDL-C de 40 % environ est observée avec l’évolocumab. Ce travail n’a pas montré de différence en fonction du traitement antidiabétique ou de la fonction rénale. L’effet sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, qui fait l’objet d’études spécifiques, peut être approché à partir des programmes de développement clinique. Les patients du programme OSLER ont été re-randomisés sous traitement standard ± évolocumab avec un suivi d’un an environ, qui ne montre pas de signal spécifique en termes de sécurité d’emploi, hormis une légère différence en termes d’événements neurocognitifs mais qui n’est pas corrélée à l’ampleur de la baisse du LDL-C. Il reste donc de nombreuses questions à résoudre concernant l’effet potentiel des anti-PCSK9 sur les autres lipoprotéines, les effets à long terme d’un abaissement très prononcé du cholestérol, et un éventuel effet sur le métabolisme glucidique. Les études en cours incluant plus de 70 000 patients dans le monde permettront d’apporter des réponses, notamment l’étude FOURNIER chez 27 000 patients, dont plus de 9 000 diabétiques, traités en prévention secondaire par évolocumab versus placebo, ainsi que l’étude GLAGOV qui évalue l’évolution de l’athérome coronaire sous traitement. D’après S. Béliard, M. Krempf et M. Farnier Symposium Amgen Congrès de la SFD, Lyon, 22-25 mars 2016

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