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Thérapeutique

Publié le 06 mar 2018Lecture 17 min

Traitement chirurgical du diabète de type 2 - Qui opérer, quand, par quelle technique et avec quel suivi ?

Maud ROBERT, Centre Intégré de l’Obésité, Hospices Civils de Lyon ; Chirurgie digestive, hôpital Édouard-Herriot

Plusieurs études randomisées et métaanalyses ont confirmé la supériorité de la chirurgie bariatrique sur le traitement médical optimisé pour obtenir la rémission du diabète de type 2 (DT2) chez les patients obèses. On assiste ainsi à une évolution de la chirurgie bariatrique d’objectifs pondéraux vers des objectifs métaboliques, faisant émerger le concept de chirurgie métabolique et de traitement chirurgical du diabète. Cependant, le diabète est une pathologie complexe où la stratégie thérapeutique reste personnalisée. Comment sélectionner les patients diabétiques candidats à une chirurgie qui reste invasive et non dénuée de risques ?

Chirurgie bariatrique chez le diabétique : quels sont les candidats ?   Recommandations actuelles de la HAS Les dernières recommandations émises par la Haute Autorité de santé et qui encadrent la prise en charge chirurgicale des patients obèses datent de 2009. Ces règles de bonne pratique recommandent la chirurgie bariatrique aux patients avec une obésité stable ou s’aggravant depuis au moins 5 ans, en échec d’une prise en charge médicale bien conduite depuis au moins 6 mois, après évaluation pluridisciplinaire et dont l’IMC est ³ 40 ou ³ 35 kg/m2 en présence de comorbidités. Les comorbidités retenues et améliorées par la chirurgie bariatrique sont l’HTA, le DT2, la dyslipidémie, le syndrome d’apnées du sommeil et les problèmes ostéo-articulaires sévères. Il est intéressant de noter que seulement 30 % des patients opérés d’une chirurgie bariatrique sont diabétiques. Les actes sont soumis à entente préalable auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie, après validation par l’équipe pluridisciplinaire médicochirurgicale. Les procédures restrictives actuellement recommandées par la HAS sont la gastroplastie par anneau modulable (GPAM) et la sleeve gastrectomy (SG) (figure 1). Alors que l’anneau gastrique représentait plus de 85 % des procédures au début des années 2000, il compte actuellement pour moins de 10 % des indications. Avec près de 30 % de perte de poids après SG, cette procédure est maintenant la plus réalisée et représente plus de 60 % des indications. Les procédures mixtes, ajoutant une composante malabsorptive à la restriction, actuellement recommandées sont le bypass gastrique avec anse en Y (RYGB) et la dérivation biliopancréatique (DBP) (figure 1). Alors que le bypass gastrique reste pour la plupart des centres experts le gold standard du fait de résultats très satisfaisants sur le poids et la rémission du diabète, il ne représente que 30 % des indications en France et se fait également devancer par la SG dans le reste du monde. La DBP, procédure hautement malabsorptive et techniquement difficile, ne représente que 1 % des procédures en France et dans le monde. Elle reste cependant intéressante chez les patients super obèses diabétiques, à fort risque d’échec des autres interventions bariatriques. Elle requiert un suivi rapproché et doit rester l’apanage des centres hyperspécialisés. Figure 1. Techniques bariatriques recommandées par la HAS (d’après la brochure de la HAS). Le concept de chirurgie métabolique L’efficacité de la chirurgie bariatrique pour améliorer, voire normaliser, les glycémies des patients obèses DT2 a été initialement démontrée par l’étude de cohorte suédoise SOS parue en 2004(1). Dans cette étude prospective observationnelle avec plus de 10 ans de suivi et comparant 2 010 patients obèses opérés à 2 037 patients traités médicalement, on observait un taux de rémission du DT2 significativement plus important dans le groupe chirurgie versus contrôle (72 versus 21 % à 2 ans et 36 versus 13 % à 10 ans). Plusieurs études prospectives ont récemment confirmé la supériorité de la chirurgie bariatrique sur le traitement médical optimisé pour obtenir l’amélioration, voire la rémission du DT2. La littérature rapporte des taux de rémission du DT2 à moyen terme de l’ordre de 47 % après procédures restrictives (anneau et SG), 84 % après bypass gastrique et 98 % après DBP(2). Certes, la perte de poids induite par toutes les techniques est un facteur d’amélioration de l’équilibre glycémique, notamment grâce à une augmentation de la sensibilité à l’insuline et via une baisse de l’insulinorésistance périphérique. Cependant, la résolution précoce du diabète, dans les jours suivant un bypass gastrique et avant même que la perte de poids soit significative, suggère que d’autres mécanismes indépendants de la perte de poids pourraient être impliqués (figure 2). C’est ce qu’avaient démontré les travaux de Walter Pories dans les années 80 et dans une publication au titre très provocateur : « Who would have thought it? An operation proves to be the most effective to treat adult-onset diabetes mellitus »(3). Figure 2. Amélioration précoce du contrôle glycémique après bypass gastrique (d’après Pories et al. Ann Surg 1995)(3). Ainsi, des effets propres à la technique chirurgicale et notamment au court-circuit digestif pourraient jouer un rôle dans l’amélioration du contrôle glycémique. Plusieurs hypothèses sur les mécanismes de rémission du DT2 indépendants de l’amaigrissement ont été avancées parmi lesquelles celle des modifications de sécrétion des incrétines (hormones digestives), notamment observées après court-circuit digestif. D’autres mécanismes ont été suggérés et sont à l’étude tels que les modifications du microbiote intestinal, la modification du cycle entéro-hépatique des sels biliaires, l’activation de la néoglucogenèse intestinale, etc. Si l’amélioration du DT2 après chirurgie implique des mécanismes indépendants de la perte de poids, se pose la question d’opérer des diabétiques dans le seul but d’améliorer l’équilibre glycémique, quel que soit leur poids initial. C’est le concept de chirurgie métabolique et de traitement chirurgical du diabète. Évolution de la position des sociétés savantes Face à des résultats spectaculaires sur l’amélioration, voire la rémission, du diabète de type 2 chez les patients opérés d’une chirurgie bariatrique, la position des sociétés savantes a évolué ces dernières années. La chirurgie bariatrique est passée d’un objectif d’amaigrissement à des objectifs de contrôle glycémique et est devenue une nouvelle arme thérapeutique pour la prise en charge du DT2. Dès 2011, l’International Diabetes Federation a proposé de prioriser la chirurgie chez les patients en obésité sévère (35 < IMC < 40) avec diabète difficilement contrôlé (HbA1c préopératoire > 7,5 %) et de rendre éligibles à la chirurgie les patients en obésité modérée (IMC < 35) et diabète déséquilibré. L’American Society for Metabolic and Bariatric Surgery (ASMBS) en 2012 a suivi le même chemin et, plus récemment, le National Institute of Health du Royaume-Uni a également proposé de rendre éligibles à la chirurgie les patients avec IMC < 35 et diabète récent. En 2016, un consensus international sur la place de la chirurgie métabolique dans la stratégie thérapeutique du DT2 a été publié dans Diabetes Care(4) : le panel d’experts regroupant les principaux représentants des sociétés savantes de diabétologie (75 % de non-chirurgiens) a validé la chirurgie métabolique pour les IMC 35-40 avec hyperglycémie non contrôlée malgré un traitement médical optimisé, mais également chez les obèses de classe 1 (IMC 30-35) avec glycémies non contrôlées par un traitement optimal oral ou injectable, incluant l’insuline. L’obèse modéré (IMC < 35) DT2 est-il actuellement concerné ? Les effets de la chirurgie bariatrique sur l’amélioration du DT2 sont donc multifactoriels avec des mécanismes indépendants de la perte de poids et des données récentes sont en faveur de l’absence d’influence de l’IMC initial (> ou < 35 kg/m2) sur le taux de rémission. On peut donc s’interroger sur la possibilité de traiter chirurgicalement le diabète chez des patients avec IMC < 35, non obèses morbides ni sévères. Les différentes études disponibles sur le sujet ont cependant un recul insuffisant et on constate l’absence de données au-delà de 3 ans. Nous restons donc au stade du consensus d’experts et de la présomption scientifique avec un grade de recommandation de niveau B. Il est donc pour l’instant souhaitable en France de respecter les recommandations de la HAS qui réservent la chirurgie bariatrique aux IMC ³ 35 en présence d’un diabète. Il est cependant possible d’inclure des patients diabétiques sévères avec obésité modérée (IMC < 35) dans des protocoles de recherche. Tel est le cas du Projet Hospitalier de Recherche Clinique national Diabsurg, coordonné par le Pr Pattou du CHRU de Lille, en cours actuellement et ouvert aux inclusions. Dans cet essai clinique, les patients diabétiques de type 2 dont l’IMC est < 35 et qui ont une HbA1c qui reste ³ 7,5 % malgré 3 mois d’optimisation du traitement avec insulinothérapie peuvent être randomisés dans le bras « poursuite du traitement médical optimisé » ou dans le bras « bypass gastrique avec Roux en Y ». Ces projets de recherche ont pour but de faire avancer nos connaissances et évoluer les pratiques sur la base de preuves scientifiques. Faut-il n’opérer que les diabétiques sévères déséquilibrés ou également les DT2 récents ?   L’amélioration est-elle toujours obtenue ? Force est de constater que l’amélioration de l’équilibre glycémique est souvent obtenue après chirurgie, ce qui ne conduit pas forcément à la rémission du diabète. Les patients diabétiques candidats à la chirurgie sont d’âge variable, avec une durée d’évolution de la maladie également variable, de même que leur degré d’insulinorésistance et de destruction de leur capital en cellules bêta. Ainsi, il semble que pour les patients avec un diabète récent et une fonction cellulaire bêta préservée, une procédure restrictive quelle qu’elle soit pourra être efficace le plus souvent. En revanche, pour les patients avec une insulinorésistance sévère, un diabète ancien, insulinorequérant depuis de nombreuses années, une chirurgie avec court-circuit digestif de type bypass ou DBP sera plus efficace bien que d’effet parfois modéré. Par conséquent, il semble raisonnable de ne pas opérer les patients diabétiques trop tardivement, avant que la fonction cellulaire bêta soit détruite, de façon à préserver l’amélioration de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité observée notamment après court-circuit digestif. Un dosage préopératoire du peptide C, permettant d’évaluer grossièrement la réserve cellulaire bêta, est un indicateur qui peut être utile chez les patients diabétiques anciens sous insulinothérapie depuis de nombreuses années. Quoi qu’il en soit, une amélioration, même partielle, de l’équilibre glycémique a clairement un bénéfice en termes d’amélioration du risque cardiovasculaire et il apparaît donc légitime de proposer une chirurgie même aux diabétiques sévères et anciens qui sont d’autant plus à haut risque cardiovasculaire, après discussion de la balance bénéfice/risque. Enfin, on observe que les résultats à plus long terme (> 5 ans) restent moins satisfaisants que ceux obtenus à court terme (2 ans). Les données à 5 ans de l’étude randomisée de Mingrone et coll., comparant l’efficacité de la DBP et du RYGB au traitement médical optimisé chez les DT2, ont confirmé cette moindre efficacité de la chirurgie avec le temps, rapportant plus de 90 % de rémission à 2 ans contre près de 65 % à 5 ans, résultat restant cependant nettement supérieur au groupe contrôle où le taux de rémission restait nul(5) ! La reprise de poids, observée dans 20 à 25 % des cas après chirurgie bariatrique, accompagne souvent la récidive du DT2, ce qui illustre parfaitement que obésité et diabète sont en partie liés et restent deux maladies chroniques. Une chirurgie efficace en terme pondéral sur le long terme est donc probablement à privilégier. Le concept de rémission et les facteurs prédictifs Rémission ne signifie pas guérison, le diabète restant une maladie chronique dont la gestion thérapeutique doit être personnalisée et optimisée. La définition même de rémission est variable d’une société savante à l’autre, ce qui induit un biais lorsqu’on compare les résultats de la chirurgie sur le DT2 d’une étude à l’autre. Les critères de l’American Diabetes Association sont assez stricts mais sont les plus souvent utilisés : la rémission complète après chirurgie est définie par une HbA1c < 6 %, une glycémie à jeun < 1 g/l et l’arrêt des antidiabétiques oraux ³ 1 an. Qu’on obtienne ou non la rémission, la chirurgie bariatrique reste une arme thérapeutique efficace dans l’arsenal des traitements disponibles et doit être considérée comme une option de choix dans la stratégie thérapeutique chez l’obèse. Les bénéfices en termes d’amélioration du DT2 restent cependant variables selon les individus et certains facteurs ont été identifiés comme prédictifs de la rémission par la majorité des études. Ainsi, un diabète de courte durée d’évolution (< 5 ans), un équilibre glycémique correct en préopératoire, l’absence d’insulinothérapie, une perte de poids importante et durable obtenue avec la chirurgie sont autant de facteurs de bon pronostic. En revanche, il semble que l’IMC initial n’ait pas d’impact sur la rémission puisqu’une récente métaanalyse comparant le pourcentage de rémission dans un groupe avec IMC préopératoire > 35 versus IMC < 35 a montré un résultat similaire dans les 2 groupes, soit 71 % de rémission(6). Même en cas de diabète ancien très déséquilibré, la chirurgie bariatrique permet le plus souvent une réduction significative des doses d’insuline (divisées par 2 ou 3 dans les jours et semaines suivant la chirurgie), notamment par diminution de l’insulino-résistance périphérique, ce qui permet de casser le cercle vicieux de l’insulinothérapie favorisant la prise de poids. Même en cas de rémission obtenue, observée dans près de 80 % des cas, il apparaît indispensable de surveiller de façon annuelle l’HbA1c afin de dépister les récidives, d’autant plus chez les patients qui reprennent du poids à distance de la chirurgie. Quelle technique proposer ?   Toutes les techniques sont-elles efficaces ? Obtenir une perte de poids par la restriction de l’apport calorique conduit à une amélioration de l’équilibre glycémique. Ainsi, il est logique qu’une méthode ou une technique chirurgicale quelle qu’elle soit, dans la mesure où elle induit une perte de poids, soit efficace sur le DT2. Force est de constater que plus la technique est invasive, plus la perte de poids est importante et plus le taux de rémission augmente. On observe près de 47 % de rémission à 2 ans après anneau gastrique et sleeve gastrectomy où les pertes de poids moyennes sont de 15 à 30 % et 20 à 30 % respectivement alors qu’on constate 84 % de rémission après bypass et jusqu’à 98 % de rémission après DBP pour des pertes de poids moyennes de 25 à 35 % et 30 à 40 % respectivement(2). Cependant, la résolution précoce du diabète, avant même que la perte de poids soit significative, et la preuve de l’implication du tube digestif comme régulateur majeur du métabolisme suggèrent que des mécanismes probablement indépendants de la perte de poids pourraient être impliqués dans la rémission du diabète pour certaines techniques bariatriques avec court-circuit digestif. La modification de sécrétion des incrétines après court-circuit du bloc duodénopancréatique est une des hypothèses avancées : plusieurs auteurs ont démontré une augmentation du GLP-1 et du GIP après bypass gastrique conduisant au renforcement de la production d’insuline et à l’amélioration de la tolérance au glucose. D’autres hormones comme la ghréline et le PYY seraient également modifiées, jouant un rôle dans l’amélioration de la sensibilité à l’insuline. L’essai randomisé de Schauer et coll. Comparant la rémission du DT2 à 3 ans dans 3 groupes de patients (traitement médical versus sleeve gastrectomy versus RYGB) semble également montrer que le bypass gastrique impliquant un court-circuit digestif est plus efficace que la sleeve gastrectomy pour contrôler l’équilibre glycémique à moyen terme(7). Faut-il privilégier le bypass gastrique ? La majorité des essais comparant l’efficacité des différentes procédures en termes de contrôle glycémique et de perte de poids montrent une efficacité inversement corrélée au caractère invasif de la technique. Ainsi, parmi les 4 procédures actuellement recommandées par la HAS, la DBP reste plus efficace que le RYGB, lui-même plus efficace que la sleeve gastrectomy, elle-même plus efficace que l’anneau. Si on compare spécifiquement les deux techniques les plus réalisées en France, à savoir la sleeve gastrectomy versus le RYGB, les études semblent montrer que le bypass conduit à un meilleur taux de rémission du diabète, un meilleur contrôle lipidique, des risques opératoires similaires, une meilleure qualité de vie mais davantage de complications postopératoires tardives. Les risques nutritionnels après bypass gastrique sont également plus importants qu’après sleeve gastrectomy et surtout persistent à distance de l’intervention, ce qui implique clairement une surveillance la vie durant, surveillance à laquelle les patients échappent souvent. Ainsi, le choix de la technique chirurgicale doit dépendre de la balance bénéfice/risque à évaluer au cas par cas, pesant les risques nutritionnels à long terme versus le gain en termes de contrôle glycémique et d’amélioration du risque cardiovasculaire. Quels sont les risques ? La sécurité de la chirurgie bariatrique s’est clairement améliorée ces 20 dernières années, notamment grâce aux approches miniinvasives et spécifiquement la laparoscopie, à l’expérience et l’entraînement des équipes chirurgicales, et par l’implication et la prise en charge par des équipes pluridisciplinaires. La mortalité est faible et comparable aux interventions de routine comme la cholécystectomie (0,1 à 0,5 %). Le taux de complications majeures varie de 2 à 6 %. Les complications précoces les plus fréquentes de la sleeve gastrectomy restent la fistule gastrique haute et les hémorragies. Les complications précoces du bypass gastrique sont les fistules et hémorragies anastomotiques ainsi que les occlusions qui peuvent également survenir à distance de la chirurgie sous forme de hernie interne. Les risques nutritionnels après bypass persistent dans le temps si l’observance vitaminique et la surveillance ne sont pas optimales. Les taux de reprise chirurgicale et de réadmission après bypass gastrique sont évalués à 2,5 et 5,1 %, versus 0,6 et 5,5 % après sleeve gastrectomy versus 0,6 et 2 % pour l’anneau gastrique(4). L’anneau gastrique comporte peu de risques opératoires, mais on observe plus de 20 % de reprise chirurgicale à 5 ans, soit pour échec soit pour complication (glissement, reflux gastro-œsophagien, migration intragastrique, etc.). La dérivation biliopancréatique reste la procédure la plus à risque avec 7 % de complications majeures précoces dans les équipes entraînées et 5 à 10 % de réhospitalisations à distance pour carences nutritionnelles. Y a-t-il des contre-indications ? La motivation du patient qui se traduit par une adhérence aux modifications hygiéno-diététiques en préopératoire est un facteur déterminant du succès de la chirurgie. Les patients dont les troubles du comportement alimentaire persistent, ceux qui « fantasment » la chirurgie et qui n’ont pas conscience des risques, notamment d’échec pondéral, sont identifiés au cours de l’évaluation pluridisciplinaire et sont placés en contre-indication temporaire. L’évaluation psychiatrique préopératoire est un élément déterminant pour identifier les troubles thymiques ou psychiatriques sous-jacents non stabilisés et qui risquent d’être décompensés par la chirurgie. Les antécédents d’addiction, de dépression sévère, d’anorexie, de tentative de suicide et la maladie bipolaire sont autant d’éléments qui doivent alerter l’équipe médicale sur de potentiels risques de décompensation postopératoire. Hormis les contre-indications psychiatriques, les chirurgies malabsorptives avec court-circuit digestif ne sont pas recommandées en cas de maladie chronique intestinale (par exemple maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) ou en cas de pathologie génétique nécessitant une surveillance endoscopique gastroduodénale (par exemple polypose adénomateuse familiale, néoplasie endocrinienne multiple type 1). Les pathologies dégénératives, notamment neuromusculaires ou exposant à un risque nutritionnel, sont également des contre-indications à ce type de procédure. Concernant plus spécifiquement les diabétiques, un fond d’œil récent avant l’intervention s’impose compte tenu des risques d’aggravation en postopératoire d’une rétinopathie diabétique proliférative par correction rapide de l’équilibre glycémique. Le reflux gastro-œsophagien sévère, non contrôlé par les inhibiteurs de la pompe à protons, risque clairement d’être aggravé par la sleeve gastrectomy qui sera donc à éviter dans cette situation. Enfin, le patient non observant dès le début de la prise en charge n’est pas un bon candidat, car il sera un futur perdu de vue avec les risques nutritionnels et d’échec pondéral que cela implique. Quel suivi, par qui ?   Une surveillance précoce rapprochée Les patients diabétiques vont rapidement diminuer, voire normaliser leur glycémie dans les jours qui suivent la chirurgie bariatrique et surtout après court-circuit digestif (bypass et DBP). Il n’y a pas encore de recommandations sur la gestion du traitement antidiabétique en postopératoire de chirurgie bariatrique, mais il apparaît raisonnable et nécessaire de : – informer sur les risques d’hypoglycémie et la nécessité d’une autosurveillance glycémique rapprochée ; – arrêter ou diminuer de moitié la metformine du fait d’une toxicité augmentée par augmentation de l’absorption et risque d’acidose lactique, notamment chez l’insuffisant rénal, cardiaque et respiratoire. Ceci d’autant plus que la metformine est susceptible d’entraîner des douleurs abdominales ; – arrêter les sulfamides hypoglycémiants ; – diviser la dose d’insuline lente par 2 (sans dépasser 30 UI par jour), et diminuer cette dose de 2 UI à chaque hypoglycémie ; – arrêter l’insuline rapide rapidement ou réadapter le protocole ; – prévoir une consultation diabétologique dans les 15 jours postopératoires ; – contrôler le fond d’œil dans les 3 à 6 mois après chirurgie. Par ailleurs, la baisse des apports protéino-énergétiques après chirurgie bariatrique expose les patients à des risques de carences nutritionnelles, aggravés par la survenue de vomissements, de douleurs abdominales ou de dégoûts alimentaires encore mal expliqués. Les procédures malabsorptives avec court-circuit digestif exposent à des risques supplémentaires et nécessitent une supplémentation en vitamines et minéraux à vie. Il est ainsi recommandé de suivre les patients à un rythme trimestriel la 1re année postopératoire pour s’assurer que le traitement antidiabétique est adapté, de l’absence de survenue d’hypoglycémies ou autres complications, et que l’observance vitaminique est bonne ; ce suivi est organisé par l’équipe pluridisciplinaire qui a pris le patient en charge. Les risques nutritionnels persistent avec le temps, surtout après court-circuit digestif où il existe une malabsorption. La surveillance des patients opérés de chirurgie bariatrique doit donc être annuelle, la vie durant. Cette surveillance sera clinique, mais également biologique, sachant que la survenue de complications neurologiques est souvent insidieuse, complications qui peuvent apparaître parfois des années après la chirurgie. Ces complications peuvent prendre la forme d’une encéphalopathie de Gayet Wernicke ou d’une polyradiculonévrite aiguë (carence en B1), voire d’une polyneuropathie sensitivo-motrice ou d’une neuropathie optique (carence en vitamine A). Il est donc recommandé, après bypass gastrique de supplémenter les patients de façon quotidienne avec 2 comprimés multivitaminiques, calcium (1 g/j), vitamine D, vitamine B12, fer (80 mg x 2/jour). Le bilan biologique annuel doit comprendre un dosage de : NFS, ionogramme, calcémie, albumine, pré-albumine, bilan martial, vitamines B1, B9, B12, D, cuivre, zinc, sélénium. Il est également souhaitable de supplémenter dans les 6 premiers mois qui suivent une sleeve gastrectomy en multivitamines, vitamine B12 et fer. Si le diabète est en rémission, une surveillance semestrielle ou annuelle de l’HbA1c reste nécessaire pour dépister une éventuelle récidive, notamment en cas de reprise pondérale. Pour éviter les perdus de vue, il apparaît indispensable de bien préparer, sensibiliser aux risques et éduquer le patient dans la période préopératoire. Le suivi doit être formalisé et il semble pertinent qu’il soit partagé avec le médecin traitant, qui sera plus à même de suivre le patient à long terme. Conclusion On assiste actuellement à un changement de paradigme et à l’évolution de la chirurgie bariatrique vers la chirurgie métabolique avec pour principal objectif le contrôle du diabète de type 2. La chirurgie bariatrique, dont l’efficacité sur le contrôle glycémique a été clairement démontrée, entre dans l’algorithme du traitement de l’obèse diabétique, avec la validation des sociétés savantes de diabétologie. Le traitement chirurgical du diabète tend à s’étendre aux patients en obésité de classe 1, avec cependant en France des recommandations qui n’ont pas été modifiées et qui concernent toujours les IMC ³ 35. La chirurgie métabolique est indiquée chez l’obèse diabétique déséquilibré mais également chez le diabétique récent, pour préserver son capital et sa fonction cellulaire bêta et diminuer ses facteurs de risques cardiovasculaire. Les techniques impliquant un court-circuit digestif (RYGB et DBP) semblent être les plus efficaces en termes de rémission du DT2. Elles impliquent cependant une évaluation pluridisciplinaire complète afin de préparer le patient, s’assurer de l’absence de contre-indication et peser la balance bénéfice/risque. Une surveillance à vie s’impose après chirurgie pour s’assurer de l’absence de survenue de complications, éviter la reprise de poids et dépister les récidives du diabète.

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