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Peau-Muqueuse-Plaie

Publié le 28 fév 2020Lecture 8 min

Quatre nouveaux projets de recherche en diabétologie

Michèle DEKER, Neuilly

La Fondation francophone pour la recherche sur le diabète (FFRD) a choisi cette année quatre lauréats pour leur projet de recherche expérimentale, clinique ou translationnelle.

Quels sont les régulateurs du dysfonctionnement et de la mort des cellules β  ? Le projet mené par le Pr Miriam Cnop (université de Bruxelles) est basé sur une modélisation du stress du réticulum endoplasmique (RE) et du diabète au moyen de cellules β humaines et cellules souches. Le RE est l’organite où la synthèse de l’insuline a lieu ; son stress perturbe la chaine de production de l’hormone. Dans différentes formes de diabète, le stress du RE induit la dysfonction et la mort des cellules β. Pendant longtemps la recherche a été entravée par la difficulté d’accès aux cellules β humaines. Pour mener à bien ce projet, le laboratoire va utiliser les possibilités offertes par la différenciation de cellules souches pluripotentes induites (iPSC) en cellules β, ce qui permettra d’étudier les mécanismes pathogéniques du diabète et de tester de nouvelles cibles thérapeutiques. Grâce à la technologie CRISPER/Cas il est en effet possible à partir des cellules de sujets sains ou diabétiques de les reprogrammer en cellules souches ; cette technologie permet d’introduire aussi des mutations ou d’en corriger pour obtenir des cellules souches malades ou saines, qui peuvent ensuite être différenciées en cellules β. À la fin de ce processus on obtient des agrégats de cellules produisant de l’insuline. Ce processus sera utilisé pour produire des cellules souches à partir de cellules prélevées chez des patients ayant un diabète monogénique afin d’étudier leur dysfonctionnement et d’évaluer si l’on peut améliorer leur fonction et leur survie au moyen de certaines thérapeutiques. Ce procédé permettra de créer un modèle in vivo de souris transplantées avec ces cellules β humaines déficientes, afin de les soumettre à des régimes standards pauvres en graisses ou enrichis en huile de palme ou huile d’olive, un régime occidental comparé à un régime méditerranéen. Ces modèles in vitro et in vivo permettront d’étudier la pathogenèse du diabète en identifiant les régulateurs du dysfonctionnement et de la mort des cellules β liés à une perturbation génétique ou consécutifs à un stress métabolique lié au régime riche en graisses. Ces modèles permettront d’identifier les facteurs clés de cette défaillance et d’identifier in silico de nouvelles cibles thérapeutiques et de nouvelles thérapies pour protéger la cellule β du stress métabolique. Déterminants pronostiques du pied diabétique Le projet du Pr Kamel Mohammedi (hôpital universitaire de Bordeaux) s’intéresse à une complication du diabète peu étudiée, malgré sa fréquence et sa gravité : 12-25 % des patients diabétiques développent au moins une fois une plaie du pied ; la moitié des amputations sont réalisées chez les patients diabétiques (8 000/an). La mortalité chez les patients avec un pied diabétique est très élevée : à 5 ans, un tiers des patients sont décédés. La mortalité est multipliée par 2 comparativement à l’absence de pied diabétique. Le risque lié au pied diabétique équivaut au cumul de toutes les complications du diabète, cardiovasculaires, infectieuses, etc. Le risque de décès est deux fois plus élevé chez les patients avec un pied diabétique que celui lié aux complications cardiovasculaires. Son pronostic ne s’explique pas seulement par les complications vasculaires mais pourrait s’expliquer par des causes infectieuses, inflammatoires et néoplasiques. L’objectif de ce projet est de conduire une étude de cohorte prospective nationale (25 centres participants) observationnelle chez les patients avec un pied diabétique afin de mesurer l’incidence, les facteurs pronostiques et la mortalité à 5 ans ; le critère de jugement principal est l’incidence de la mortalité totale ou spécifique (de causes cardiovasculaire, infectieuse, par cancer et autres) afin de construire un score de risque de mortalité à 5 ans. Les critères de jugement secondaires comprennent de multiples paramètres : cicatrisation de la plaie, délai de cicatrisation, récidives, événements vasculaires périphériques, infections, amputations, revascularisations, événements macrovasculaires, notamment cérébraux et cardiaques, microvasculaires, déclin cognitif, et qualité de vie. De plus une étude médico-économique sera réalisée en prenant en compte les coûts directs et indirects dans une double perspective sociétale et de l’Assurance maladie, afin d’évaluer l’impact budgétaire de la pathologie en France. L’espoir est de disposer d’un outil permettant de stratifier les patients à très haut risque de complications du pied diabétique afin d’améliorer la prise en charge, et d’établir des liens entre pied diabétique et cancer. Ce travail permettra de collecter de nombreuses données cliniques et biologiques, afin de tester des hypothèses physiopathologiques. La déficience en seipine comme modèle de dysfonctionnement adipocytaire extrême Le projet du Dr Xavier Prieur (université de Nantes) s’intéresse au dysfonctionnement de la cellule adipocytaire afin de comprendre le lien entre l’obésité et les complications métaboliques (DT2, NASH, cardiomyopathie). L’une des hypothèses est qu’à un moment donné le tissu adipeux n’est plus capable d’accueillir le surplus énergétique d’où un défaut de stockage. Quand la limite d’expansion du tissu adipeux est atteinte, une fuite de lipides se produit vers des organes (cœur, muscle, foie) qui n’ont pas pour fonction le stockage des lipides, favorisant ainsi l’insulinorésistance. Néanmoins, on comprend encore mal du point de vue cellulaire pourquoi le tissu adipeux atteint une limite. Une étude très récente qui s’est intéressée à l’insulinorésistance dans la population générale a montré une association à 53 variants génétiques fréquents, également associés à une capacité de développer du tissu adipeux sous-cutané (hanches et fesses principalement). Ces variants avaient déjà été associés à des gènes identifiés dans d’autres types de pathologies extrêmes, les lipodystrophies et lipoatrophies, soit des défauts de développement du tissu adipeux. Ainsi, il existe des variants fréquents communément associés à l’insulinorésistance dans la population générale et des variants rares qui provoquent des pathologies extrêmes. La lipodystrophie pourrait ainsi être un moyen d’identifier des facteurs qui contrôlent le fonctionnement normal de l’adipocyte. Les chercheurs s’intéressent à une protéine, la seipine, codée par le gène BSCL2 dont la mutation entraîne la lipodystrophie la plus sévère et généralisée, laquelle s’accompagne paradoxalement d’un diabète de type 2 et d’une stéatose hépatique. Néanmoins la fonction de la seipine reste un mystère. Cette protéine est quasi exclusivement exprimée dans l’adipocyte et le cerveau. Dans un modèle cellulaire d’adipocyte, la diminution de l’expression de la seipine entraîne une disparition progressive des adipocytes, c’est-à-dire une activation de l’apoptose de ces cellules. Ces observations permettent de poser l’hypothèse que la seipine contrôle la survie et le fonctionnement des adipocytes. Un modèle de souris a été développé, qui présentent une délétion de la seipine spécifiquement dans l’adipocyte (délétion inductible). L’administration de tamoxifène entraîne en 15 jours une diminution d’environ 90 % de l’expression de la seipine et une perte de masse du tissu adipeux d’environ 25 %. Ce phénotype drastique renforce l’idée que la seipine joue un rôle important dans la régulation du tissu adipeux. Dans l’adipocyte, le RE joue un rôle clé puisque c’est là que sont synthétisés les triglycérides ; il existe des interactions nécessaires entre le RE et la gouttelette lipidique, mais quel est le rôle de la seipine dans cette interaction. Par ailleurs, le RE communique aussi avec une autre organelle, la mitochondrie, qui gère l’énergie au niveau cellulaire et il existe des points de jonction entre RE et mitochondrie (MAM, mitochondria-associated endoplasmic reticulum membranes) où peuvent passer du liquide et du calcium ; or, la seipine a été localisée dans ces MAM. Cette recherche sur les propriétés de RE, ses interactions avec la gouttelette lipidique, s’intéresse à la fois à la capacité de l’adipocyte à stocker les lipides et à les relarguer, qui doit être en adéquation avec l’état nutritionnel de l’organisme, et à la survie de l’adipocyte. Elle permettra d’identifier des marqueurs permettant de déterminer comment l’adipocyte devient dysfonctionnel, dans l’obésité chez la souris et chez l’humain. Il a déjà été observé un stress du RE du tissu adipeux chez les patients obèses, dont on ne connaît ni la cause ni les conséquences. Le but final est d’identifier des cibles qui pourraient contrôler l’homéostasie de l’adipocyte. Les édulcorants sont-ils bons pour la santé ? Le projet du Dr Guillaume Walther (université d’Avignon) vise à mieux comprendre les effets des édulcorants sur le métabolisme du glucose et la fonction vasculaire. La consommation de sucre a récemment été mise en exergue dans deux études sur plusieurs milliers de patients pour sa responsabilité dans la surmortalité cardiovasculaire. Les édulcorants intenses (tel le sucralose dont le pouvoir sucrant est 600 fois supérieur à celui du sucre) sont très peu, voire pas caloriques et ne semblent pas impacter le métabolisme du glucose. Toutes les autorités ont validé ces produits et les préconisent chez les patients obèses ou diabétiques. Néanmoins les deux études évoquées montrent une augmentation de 30 % du risque de mortalité cardiovasculaire (2 boissons light par jour) ; le risque est encore plus prononcé chez les patients obèses et résistants à l’insuline. Ces travaux incitent à réévaluer l’effet de ces molécules sur la santé, notamment dans les populations à risque. Dans un premier temps, les chercheurs évalueront chez la souris saine ou insulinorésistante la modification du métabolisme du glucose sous l’effet des édulcorants et sa responsabilité dans la modification de la fonction vasculaire qui est très sensible aux excursions glycémiques. Par ailleurs, les édulcorants sont des agonistes des récepteurs du goût sucré (T1R), exprimés non seulement dans la cavité buccale mais aussi dans le tube digestif ; ils participent à moduler les réponses métaboliques. Il a déjà été démontré que ces récepteurs sont aussi présents au niveau vasculaire, ce qui interroge sur un éventuel effet direct de l’édulcorant à ce niveau ? Une hypothèse est que les édulcorants augmentent le risque vasculaire par des mécanismes indirects, métaboliques, et directs sur le vaisseau. Le projet va inclure des patients dans une étude clinique randomisée en cross over et en double aveugle et, pour mieux comprendre les mécanismes sousjacents de cette adaptation, une approche in vivo et ex vivo chez des souris qui n’expriment pas le récepteur T1R. L’étude clinique portera sur une cohorte de patients obèses insulinorésistants versus témoins sains, et se déroulera en 3 périodes de 4 semaines : 1 gélule de sucralose (qui représente 60 % du marché mondial des édulcorants et qui passe dans la circulation) ; 1 gélule placebo ; une boisson light. Cette étude devrait permettre de distinguer une action centrale de la molécule (via le cerveau) et une action périphérique, ainsi que l’implication des T1R. Une des forces de l’étude est qu’elle utilise des doses d’édulcorant de consommation courante. D’après une conférence de presse FFRD

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