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Diabéto-Cardio

Publié le 28 fév 2022Lecture 7 min

Insuffisance cardiaque chez le patient diabétique : faut-il la dépister ?

Marion LACOUT, Adélaïde DEMIRALP, Erwan DONAL, Université de Rennes, CHU de Rennes, INSERM, LTSI - UMR 1099, Rennes

L’incidence et la prévalence de l’insuffisance cardiaque sont augmentées chez les patients vivant avec un diabète de type 2. Le diabète peut provoquer des symptômes cardiovasculaires par 3 mécanismes principaux : la coronaropathie, la cardiomyopathie diabétique et la neuropathie autonome cardiaque.
L’insuffisance cardiaque peut résulter d’une coronaropathie sous-jacente, mais l’origine en est plus fréquemment d’origine non ischémique et se manifeste le plus souvent par une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.

| Cardiomyopathie diabétique Définition La cardiomyopathie diabétique est définie comme une dysfonction ventriculaire gauche survenant sans atteinte coronaire ni HTA chez des patients diabétiques. L’évolution est progressive en plusieurs stades. Le premier stade est infraclinique ; les anomalies de la signalisation intra-cellulaire se traduisent par une hypertrophie et une fibrose du ventricule gauche menant à une dysfonction diastolique. L’évolution se fait ensuite vers une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée puis vers une altération de la fraction d’éjection(1). Physiopathologie (figure 1) L’hyperglycémie, l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie entraînent des anomalies de la signalisation cellulaire au niveau cardiaque, responsables des troubles de la relaxation, de l’hypertrophie et de la fibrose des cardiomyocytes(1). Parmi ces anomalies de signalisation, le transport du calcium est altéré. En effet, l’activité de la pompe calcique du réticulum sarcoplasmique (SERCa2) est diminuée par la baisse de la concentration intracellulaire en glucose. Ceci va se traduire par une moindre recapture du calcium intracellulaire par le réticulum sarcoplasmique et donc une augmentation de la concentration intracellulaire en calcium. La contraction des cardiomyocytes est donc altérée. En effet, la dépolarisation est déclenchée par le relargage massif de calcium par le réticulum sarcoplasmique. La relaxation est, elle aussi, altérée par le maintien d’une concentration relativement élevée en calcium intracellulaire(1). Chez le sujet sain, les principaux substrats énergétiques des cardiomyocytes au repos sont les acides gras (60 à 90 %) et le glucose (10 à 40 %). Lors d’un effort ou d’un stress, l’utilisation du glucose est doublée alors que celle des acides gras reste stable ; c’est ce qu’on appelle la réserve métabolique. Chez les sujets diabétiques, cette réserve métabolique est altérée(2). En effet, la capacité à métaboliser le glucose est diminuée chez le diabétique. On assiste donc à un changement de métabolisme au niveau mitochondrial avec une augmentation de l’utilisation des acides gras. Ce changement va entraîner un relargage de radicaux libres de l’oxygène, d’où un stress oxydatif et une dysfonction mitochondriale(1). Le stress oxydatif est par ailleurs accentué par la moindre disponibilité en monoxyde d’azote (NO). En effet, la NO synthase coronaire est dépendante des taux circulants d’insuline et voit donc son activité abaissée chez le diabétique(1). Les produits de glycation avancée ont également leur rôle à jouer. Leur liaison à leur récepteur active les voies des JAK et MAP kinases et entraîne une réponse pro-inflammatoire au niveau du myocarde avec augmentation de la production de la matrice extracellulaire et donc une fibrose interstitielle(1). L’hyperglycémie active le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) avec des taux plasmatiques élevés d’aldostérone. Ceci va accentuer l’insulinorésistance systémique et cardiaque (cercle vicieux). L’activation du SRAA associée à l’augmentation des produits de glycation avancée provoque une dysrégulation de la dégradation de la matrice extra-cellulaire via l’activation de la voie du TGF-β1 et favorise les dépôts de collagène ainsi que la fibrose interstitielle et périvasculaire. Le stress oxydatif, la fibrose et la dysfonction diastolique sont également favorisés par une inflammation au niveau des cellules endothéliales coronaires, des cardiomyocytes et des fibroblastes. Cette réponse pro-inflammatoire est en partie liée à l’expression augmentée des récepteurs AT-1R pro-inflammatoires (récepteurs de l’angiotensine de type 1) et à l’expression diminuée des récepteurs AT-2R anti-inflammatoires chez les personnes diabétiques. Le stress oxydatif et l’inflammation vont, par plusieurs mécanismes, favoriser l’apoptose des cardiomyocytes. Le stress oxydatif associé aux anomalies de transport du calcium engendre une dysfonction mitochondriale (concentration intra-cellulaire en calcium élevée). L’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale permet de réguler la concentration de calcium intra-cellulaire, mais provoque la mort cellulaire. Par ailleurs, le stress généré au niveau du réticulum endoplasmique inhibe la synthèse protéique et la dégradation des protéines endommagées conduisant à l’apoptose des cardiomyocytes. Enfin, la neuropathie autonome diabétique favorise le tonus sympathique au détriment du système parasympathique. L’activation des récepteurs β1 adrénergiques va accentuer les anomalies structurelles comme l’hypertrophie et la fibrose interstitielle, mais également favoriser l’apoptose des cardiomyocytes. | Diagnostic de l’insuffisance cardiaque Biomarqueurs L’utilisation des biomarqueurs pour le diagnostic de l’insuffisance cardiaque chez les patients est controversée. Le BNP (B- type natriuretic peptide) est libéré en réponse à un stress accru de la paroi transmurale, ce qui est peu commun chez les patients souffrant d’une dysfonction subclinique. De plus, l’obésité est une comorbidité associée à des niveaux plus faibles de BNP. Cependant une stratégie de dépistage fondée sur le BNP avec des seuils bas est efficace pour détecter une dysfonction diastolique modérée(3). D’autres biomarqueurs potentiels sont en cours d’étude pour dépister les altérations de la fonction myocardique induite par le diabète : les acides microribonucléiques circulants, certains métabolites du glucose (ex. : OGPcNAc) détectés dans les érythrocytes circulants, les taux élevés de marqueurs de fibrose (ex. : transforming growth factorβ(4)). Échocardiographie (figure 2) Il y a 3 signes principaux de la cardiomyopathie diabétique : une altération de la fonction systolique du ventricule gauche, une dysfonction diastolique et une modification structurelle et de la géométrie du ventricule gauche (hypertrophie, fibrose myocardique). La dysfonction diastolique est très fréquente chez les patients diabétiques asymptomatiques (50 % de cette population), mais il faut discerner la dysfonction diastolique légère (retard de relaxation du VG), qui peut être une coïncidence et est peu associée au pronostic, et la dysfonction diastolique plus marquée avec une progression vers l’augmentation des pressions de remplissage (E/e’) au repos qui est, quant à elle, associée à des résultats plus défavorables et souvent considérés comme responsables chez un patient symptomatique. La dysfonction diastolique est généralement non isolée et se produit en présence d’une dysfonction systolique détectable par d’autres outils que la fraction d’éjection. La plupart des patients diabétiques atteints d’insuffisance cardiaque présentent une fra tion d’éjection préservée. Le strain longitudinal global (GLS) est un marqueur échocardiographique sensible de la dysfonction systolique alors que la fraction d’éjection est encore préservée. L’étude de Ernande et coll.(5) en 2014 a montré qu’une altération du strain chez un patient diabétique est associée au développement d’une insuffisance cardiaque, à la mortalité et au développement d’un remodelage du ventricule gauche. L’hypertrophie ventriculaire gauche et le remodelage concentrique sont reconnus comme des facteurs de risque de développement d’une insuffisance cardiaque dans un contexte plus large. IRM Pour détecter ces modifications fonctionnelles, l’échocardiographie est un outil fondamental, mais l’imagerie tridimensionnelle également. L’IRM est en cours d’investigation pour dépister la cardiomyopathie diabétique, notamment le T1 mapping(6). L’IRM fournit des informations sur la fonction diastolique à la fois indirectement (masse du ventricule gauche, volume du ventricule gauche, identification de la cicatrice) et directement par l’évaluation du flux entrant mitral et de la propagation du flux. Coronaropathie L’ischémie myocardique est souvent silencieuse chez le diabétique. Des symptômes non spécifiques peuvent être détectés, ce qui doit faire envisager un test diagnostique de la maladie coronarienne en tenant compte d’un risque pré-test plus élevé chez les diabétiques. Le schéma est assez similaire à celui des sujets non diabétiques. Chez le diabétique, l’ECG d’effort seul est d’une précision limitée. L’échocardiographie d’effort présente une spécificité élevée. On rapporte cependant une plus grande sensibilité de la scintigraphie myocardique. Dans le cas d’une épreuve d’effort normale, il est difficile de caractériser les patients atteints de diabète comme étant à faible risque de sorte que la fiabilité (et peut-être la durée) de "garantie " de l’examen de stress est limitée. Dans l’étude PROMISE(7), on a comparé le test de stress à la coronarographie chez les patients diabétiques avec suspicion de coronaropathie. Cette étude a montré que, chez les patients diabétiques présentant une douleur thoracique stable, une stratégie diagnostique par coronarographie présente de meilleurs résultats en termes de décès cardiovasculaire ou d’infarctus du myocarde qu’une stratégie avec test d’ischémie. La coronarographie devrait donc être considérée comme la stratégie diagnostique initiale chez ces patients, mais en pratique il est difficile de se passer du test d’ischémie. Cas particulier des sujets asymptomatiques Détection d’une coronaropathie : l’étude DIAD(8) menée sur 1 123 participants diabétiques asymptomatiques n’a pas montré de différence significative en termes de décès cardiovasculaire ou de survenue d’infarctus du myocarde entre les patients qui ont eu des soins de routine sans dépistage particulier et ceux qui ont eu un dépistage systématique par une imagerie de stress. Les résultats négatifs de cette étude suggèrent que, si une stratégie de dépistage est adoptée, il convient de sélectionner les patients les plus à risque. L’étude BARDOT(9) montre tout d’abord que certaines comorbidités (obésité et artériopathie périphérique) peuvent aider à prédire la faisabilité ou non d’un test d’effort (> 85 % de la FMT) chez les patients diabétiques asymptomatiques. Elle montre également une augmentation du risque de survenue d’un événement cardiaque majeur (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde) chez les patients incapables de réaliser un exercice vigoureux (< 6 Mets ou < 85 % de la FMT). Les patients capables de réaliser un effort suffisant et donc à plus bas risque n’auraient donc pas besoin d’aller plus loin dans la stratification. Ces résultats confirment la nécessité de sélectionner les patients à plus haut risque pour une éventuelle stratégie de dépistage (maladie artérielle périphérique, multiples facteurs de risque, diabète de longue date, anomalie ECG de repos) (figure 3). À noter que l’étude de Malik et coll.(10) a montré dans une large cohorte multiethnique que l’ajout du score calcique à l’évaluation globale du risque de coronaropathie améliore significativement la classification du risque chez les personnes diabétiques, même si le diabète évolue depuis plus de dix ans, suggérant l’intérêt du calcul du score calcique dans l’évaluation du risque coronarien chez ses patients.

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