publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Rein

Publié le 28 fév 2011Lecture 6 min

Évaluer l’atteinte rénale chez un patient diabétique : microalbuminurie, créatinine

V. RIGALLEAU, Université de Bordeaux 2 ; Nutrition-Diabétologie, Hôpital Haut-Lévêque, Pessac

L’atteinte rénale est définie par une excrétion urinaire d’albumine > 30 mg/24 h et/ou un débit de filtration glomérulaire estimé ≤ 60 ml/min/1,73 m2.

Ces deux composantes doivent être commentées.   Microalbuminurie   La microalbuminurie est un tournant crucial dans l’histoire naturelle de la néphropathie diabétique. Ce « stade 3 », souvent réversible, est en effet la première étape accessible au clinicien. En dehors de la recherche et de quelques observations privilégiées, les étapes antérieures fonctionnelles (hyperfiltration glomérulaire du stade 1), puis histologiques (lésions glomérulaires débutantes du stade 2), sont ignorées en clinique courante. La microalbuminurie marque l’atteinte de la barrière de filtration glomérulaire traversée par l’albumine pour atteindre l’espace urinaire : cellules endothéliales, membrane basale glomérulaire, diaphragme de fente et podocytes. L’implication des cellules endothéliales a toujours suscité l’intérêt, en raison de la forte association entre microalbuminurie et risque cardiovasculaire : on considère le patient microalbuminurique comme porteur de lésions endothéliales étendues bien au-delà du glomérule, ou au moins d’une dysfonction endothéliale. Le détachement des podocytes de la membrane et leur apoptose, sous l’influence entre autres de l’activation du système rénine-angiotensine, des produits de glycation avancée et du stress oxydatif, médient la toxicité rénale de l’hyperglycémie chronique. Mais ces mécanismes ne rendent pas compte de toutes les situations cliniques. La microalbuminurie peut, en effet, apparaître avant l’hyperglycémie, dans des situations d’insulinorésistance reflétées par un syndrome métabolique, dont elle est un des critères diagnostiques, dans la définition OMS. Le fait que l’hyperglycémie chronique ne soit pas indispensable est aussi attesté par la néphropathie des patients atteints de glycogénose hépatique, très similaire à la néphropathie diabétique, et qui concerne des patients insulinorésistants et hypoglycémiques chroniques. Même chez les diabétiques de type 1, l’existence d’un syndrome métabolique, ou seulement d’un antécédent familial de syndrome métabolique, est associée à un risque accru de microalbuminurie, ce qui confirme le rôle de l’insulinorésistance. La relation entre microalbuminurie et insulinorésistance est expliquée par la démonstration que le podocyte est une cellule sensible à l’insuline ; le groupe de Welsh a récemment développé un modèle de souris transgénique invalidée pour le récepteur à l’insuline uniquement au niveau des podocytes, et qui développe une néphropathie similaire à la néphropathie diabétique, en restant normoglycémique. Malgré son intérêt évident, seulement 25 % des patients bénéficient du dosage annuel de microalbuminurie en France ; cette proportion augmente lentement au fil des années. Il est vrai que le recueil des urines des 24 heures est une procédure fastidieuse. Rapporter le résultat à la créatininurie est plus simple (recueil des urines du matin) : la microalbuminurie est pathologique à partir de 30 mg/g de créatininurie (ou 3 mg/mmol). Lorsqu’une microalbuminurie pathologique a été dépistée, il faut la confirmer : outre les facteurs confondants classiques (exercice physique, états infectieux, règles, hyperglycémie marquée), des microalbuminuries spontanément évanescentes ont aussi parfois été rapportées, notamment chez les diabétiques de type 1. Un nombre important de patients présentent une altération de la fonction rénale (DFG < 60 ml/min/ 1,73 m2) sans microalbuminurie pathologique. Ce constat a pu sembler remettre en cause l’importance de la microalbuminurie : cela concerne 20 % des patients dans les études ayant comporté des mesures isotopiques de filtration glomérulaire, et davantage dans des dépistages réalisés sur de grands effectifs. La nature exacte des lésions rénales de ces patients, probablement non glomérulaires, n’a pas fait l’objet d’études systématiques, mais ces formes paraissent moins évolutives. Chez les patients porteurs d’atteintes rénales indiscutables (DFG < 60 ml/min/1,73 m2 par mesure isotopique) que nous avons suivis, la normoalbuminurie était associée à des facteurs pronostiques favorables (sexe féminin, diabète moins ancien, rétinopathie plus rare, tabagisme moins fréquent, HDL-cholestérol plus élevé, et moins d’antécédents cardiovasculaires), et ce sont ceux qui avaient une macro- ou une microprotéinurie pathologiques qui ont évolué vers la dialyse ou le décès (figure 1). Les insuffisances rénales normoalbuminuriques ne remettent donc pas en cause la grande valeur pronostique de la microalbuminurie. Figure 1. Insuffisance rénale normoalbuminurique : valeur pronostique (Rizalleau et al. Diab Care 2007). Le débit de filtration glomérulaire (DFG)   Il est estimé à partir de la créatininémie. On ne peut pas se contenter de la créatininémie pour évaluer le DFG, car elle dépend d’autres facteurs : production à partir de la créatine musculaire ou absorbée dans l’alimentation, sécrétion tubulaire (figure 2). Le DFG permet de classer l’insuffisance rénale chronique : – modérée entre 59 et 30 ml /min/1,73 m2, – sévère entre 29 et 15, – terminale s’il est < 15. Les formules d’estimation du débit de filtration glomérulaire à partir de la créatininémie sont diverses, discordantes, et peu précises au-dessus de 60 ml/min/1,73m2. Ces défauts sont flagrants pour la formule de Cockcroft et Gault, qui estime la fonction rénale proportionnelle au poids (figure 3), mais elle est simple. L’équation de la MDRD est plus précise, les analyses des courbes ROC que nous avons réalisées sont nettement en sa faveur pour le diagnostic d’insuffisance rénale modérée et sévère chez les patients diabétiques (figure 4). Elle est recommandée par la Société de néphrologie, dans sa version simplifiée et adaptée aux dosages de créatininémie standardisés en référence à la spectrométrie de masse par dilution isotopique: 175 x (créatininémie en mg/dl) -1,154 x (âge) -0,203 x 0,752 si femme. L’équation de la MDRD a cependant le défaut de sous-estimer franchement les fonctions rénales normales ou hautes : dans notre expérience, un tiers des MDRD situées entre 45 et 60 correspondent à des filtrations glomérulaires mesurées au-dessus de 60 avec une méthode isotopique de référence. Cette sous-estimation est en partie corrigée avec la nouvelle formule « CKD-EPI », en attente de validation, et il est assez probable que de nouvelles formules, basées sur la créatininémie et/ou la cystatinémie, permettront dans les prochaines années d’obtenir des estimations de plus en plus précises, très souhaitables pour le suivi notamment, chez les patients diabétiques ; la classification du niveau d’insuffisance rénale à partir de l’équation de la MDRD est erronée dans 35 % des cas et 45 % avec la formule de Cockcroft. Figure 2. La créatininémie ne dépend pas que du débit de filtration glomérulaire. Figure 3. La formule de Cockcroft est biaisée car elle estime le DFG proportionnel au poids. Figure 4. Les courbes ROC démontrent les meilleures performances diagnostiques de l’équation de la MDRD. Points clés   L’atteinte rénale est définie par une excrétion urinaire d’albumine > 30 mg/ 24 h et/ou un débit de filtration glomérulaire estimé < 60 ml/min/1,73 m2. La microalbuminurie pathologique est un marqueur d’agression rénale ; elle doit être dépistée, confirmée, surveillée et contrôlée sous traitement. Le débit de filtration glomérulaire est un marqueur de fonction rénale. Il faut l’estimer à partir de la créatininémie, en utilisant la meilleure équation possible (MDRD ou à défaut Cockcroft), et le surveiller. Une fois l’atteinte rénale affirmée chez un patient diabétique, il faut en rechercher la cause. La néphropathie diabétique est la plus probable, et une des plus redoutables, mais ce n’est pas la seule.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème