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Nutrition

Publié le 30 avr 2009Lecture 11 min

Le sel chez le diabétique - Avec modération

B. BOUHANICK, S. BOUSQUEL, A. TONNELE, M. BERRY, B. CHAMONTIN, CHU Rangueil, Toulouse

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Que disent les recommandations ?   Celles de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) de 2002 conseillaient dans la population générale une consommation moyenne de sel de 6 à 8 g/j et recommandaient ainsi une baisse de la consommation de sel de 20 % sur 5 ans. Plutôt que de parler d’apport recommandé, le groupe « sel valeur repère » suggère le concept de distribution recommandée, contournant le délicat problème d’ordre méthodologique de la démonstration qu’au-delà d’un certain seuil existe un danger et qu’en deçà apparaît un déficit. Il s’agit ainsi de la valeur médiane de la distribution statistique qui est de 8 g/j, objectif qui correspondait aussi à une baisse de la consommation de 20 % entre 2002 et 2007. Le but est ainsi de faire disparaître les gros consommateurs à plus de 12 g/j et de donner un repère aux Français. Le Programme National Nutrition Santé, qui a élaboré un « guide alimentaire pour tous », préconise de limiter la consommation de sel, de préférer le sel iodé, de ne pas resaler avant de goûter, de réduire l’ajout de sel dans les eaux de cuisson, de limiter les fromages et les charcuteries les plus salés et les produits apéritifs salés. Celles sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 de 2006 soulignent l’importance des mesures hygiéno­diététiques dans leur globalité dans la prise en charge de l’hyperglycémie et citent l’importance du régime désodé dans le chapitre sur l’hypertension du diabétique, mais il s’agit surtout de recommandations sur le traitement médicamenteux. Celles sur la prise en charge de l’HTA essentielle de 2005 proposent d’appliquer les mesures hygiénodiététiques chez tous les patients hypertendus quel que soit le niveau tensionnel, avec ou sans traitement pharmacologique associé, dans le cadre d’une éducation thérapeutique si possible. Les mesures peuvent être hiérarchisées et étalées dans le temps avec une réévaluation au cours du suivi. La limitation de la consommation en sel (NaCl) va jusqu’à 6 g/j (ou 100 mmol/j ou 2,4 g de sodium/j) et se calquent sur les recommandations américaines du JNC VII ou britanniques BHS-IV. Très pragmatiques, les Britanniques insistent aussi sur l’importance de l’oral mais aussi de l’écrit (sous la forme de guides ou de conseils pratiques) pour modifier les habitudes alimentaires. Les très récentes recommandations européennes destinées aux hypertendus rappellent que l’apport quotidien recommandé a été récemment abaissé de 5,8 à 3,8 g/j, mais concèdent que cet objectif est difficilement atteignable actuellement et proposent un objectif plus réaliste qui serait de moins de 5 g/j. Ils ajoutent que, dans cette optique, les patients doivent éviter d’ajouter du sel aux aliments, éviter les aliments trop salés (!) comme les préparations alimentaires industrielles au profit d’aliments cuisinés à partir d’ingrédients naturels riches en potassium. Ils rappellent enfin qu’une alimentation trop salée est une cause d’HTA résistante et j’ajoute qu’il nous faut la rechercher à l’interrogatoire avant toute éventuelle modification de traitement.   Mesures préconisées à l’échelon global   Dès 2002 en France, il est rappelé que les recommandations concernant le sel « doivent s’intégrer dans le cadre de la politique nutritionnelle globale (…) et ne visent pas à diaboliser le sel mais à resituer le rôle de l’excès de sel parmi les facteurs nutritionnels de risque impliqués dans le déterminisme des maladies ». Il est ainsi souhaité d’agir sur les gros consommateurs de sel notamment. Une campagne de sensibilisation de la population sur la question du sel est proposée, une meilleure information des consommateurs sur la teneur en sel des aliments via un étiquetage des produits alimentaires est préconisée, tandis que des actions à destination des industriels pour réduire la quantité de sel contenue dans les aliments manufacturés étaient prônées. Ainsi, deux actions sont menées : réduire la quantité de sel des produits existants, notamment du pain, et créer des gammes de produits ayant une teneur en sel réduite comme la charcuterie. L’étiquetage de la teneur en sodium (Na+) devrait être systématique, exprimée en g/100 g ou 100 ml. Il est ainsi intéressant de savoir que lorsque c’est la teneur en sodium (Na+) qui est mentionnée sur l’étiquette, appliquer un facteur de correction en multipliant par 2,54 permet d’avoir la quantité approchée de sel, ou chlorure de sodium ou NaCl. L’étiquetage précise des seuils : – à teneur réduite en sodium : si la teneur est diminuée d’au moins 50 % en poids par rapport à un produit de référence ; – pauvre en sodium : ≤ 120 mg/ 100 g ou 100 ml ; – faible en sodium : ≤ 200 mg/ 100 g ou 100 ml ; – très faible en sodium : ≤ 40 mg/ 100 g ou 100 ml ;   – exempt en sodium : ≤ 5 mg/ 100 g ou 100 ml.  Des salières mises à disposition sur la table entraînent une consommation de sel supérieure à celle observée lorsque les salières sont entreposées sur des présentoirs en restauration collective tandis que l’usage de sachets aboutit à une augmentation de la consommation (à moins d’en diminuer la taille en proposant des sachets à 0,5 g au lieu d’1g). Produits artisanaux ou industriels Pour le secteur de la boulangerie, il y a à gagner même si le sel a un rôle dans la fermentation, le volume, la coloration de la croûte, la conservation et la saveur du pain ; pour les viennoiseries, c’est un exhausteur du goût… sucré ! Une réduction des apports sodés progressive est cependant possible sans que le consommateur s’en rende compte. Une simulation montre qu’une baisse de la teneur en sodium du pain et des viennoiseries de 25 % sur 5 ans fait baisser la consommation quotidienne de 6 à 7 %, à consommation égale et indépendamment des autres actions. Le sel en fromagerie contribue aux caractéristiques identitaires du produit fini et les teneurs en sel sont très variables, entre 1 à 2,5 % pour la plupart d’entre eux mais pouvant atteindre 3 à 4 % pour les bleus ou fromages de brebis. Pour ce qui est des charcuteries, le défi est plus compliqué et la marge de manœuvre plus étroite, mais diverses firmes se sont engagées dans la voie d’une réduction. Enfin, les plats tout préparés doivent faire l’objet d’un étiquetage soigneux et d’une réduction du sel de façon très variable. Au final, la baisse de la teneur sodée des aliments majoritairement pourvoyeurs baisse la consommation moyenne quotidienne de 9 à 10 % et la prévalence des forts consommateurs baisse d’environ 45 %. Dès juin 2006, l’American Diabetes Association (ADA) et ses membres ont voté en faveur d’une action incitant la Food and Drug Administration (FDA) à dénoncer un prétendu statut positif du sel, et veulent limiter la quantité de sel dans les aliments et dans les restaurants. L’ADA demande une réduction de 50 % sur les 10 prochaines années du contenu en sel des aliments manufacturés et de ceux consommés dans les fast-foods et les restaurants ; elle demande enfin à travailler avec la FDA pour améliorer l’étiquetage des produits et le développement d’étiquettes d’alerte pour les produits riches en sel ; enfin elle souhaite se joindre aux organisations d’éducation pour la santé auprès des populations pour développer les connaissances à l’égard des bénéfices de la réduction en sel à long terme.   Le rôle du médecin en pratique   Le médecin traitant est un des relais de l’enseignement nutritionnel : dès le plus jeune âge, il peut favoriser l’apprentissage d’une consommation moindre en sel et sera d’autant plus vigilant qu’il y a des antécédents familiaux d’HTA.   Évaluer Chez le diabétique non hypertendu, il n’y a pas de recommandation particulière et il convient de garder la valeur repère de 8 g/j de sel mais un patient diabétique est rarement mince, normotendu et non dyslipidémique…  S’il est en surpoids ou obèse, l’apport calorique allant de pair avec l’apport sodé, la mise en place de mesures diététiques se double d’une réduction des apports sodés. Une évaluation plus précise des apports en sel est ainsi requise en présence d’une HTA ou d’une insuffisance cardiaque. Une estimation des apports sodés est  rapidement possible en cabinet et s’intègre dans l’estimation des apports glucido-lipidiques : le but n’est pas d’avoir une estimation de la consommation « au gramme près » mais d’arriver à situer son patient. Ainsi, la quantité de sel ingérée repose sur trois postes : – les apports dits « de base » qui correspondent à la part incompressible liée aux aliments : c’est 2 g/j ; – les apports liés au resalage ou à l’utilisation du sel dans la cuisson, c’est 2 g de plus ; – les apports liés à l’alimentation, qui varient grandement d’un patient à l’autre. Il est intéressant de noter qu’en fonction des différentes cultures, les cuisines sont différentes : ainsi, des populations qui utiliseraient peu de produits manufacturés et plus de produits frais (une alimentation à priori pauvre en sel) perdent le bénéfice de ce type d’alimentation en utilisant des bouillons cubes d’assaisonnement très salés (jusqu’à 4 g par cube !).   Conseiller Les conseils sont par la suite personnalisés, adaptés au patient et restent simples : – ne pas resaler avant de goûter, éviter la salière sur la table ; – réduire drastiquement le sel dans les eaux de cuisson (utiliser au pire des demi-tablettes de bouillon cube ou des tablettes… allégées en sel) ou dans la poêle.   Ces deux mesures permettent de « gagner 2 g ». Le patient dispose ainsi de 4 g à répartir dans sa journée (en pratiquant les équivalences) qui se cumulent aux 2 g incompressibles apportés par l’alimentation. S’il veut quand même un peu de sel, proposer 0,5 g par repas midi et soir, le patient ne disposant alors plus que de 3 g pour le reste. Limiter : – les biscuits apéritifs (50 g de chips soit un sachet individuel = 1 g de sel) ; – les olives (4 à 7 olives = 1 g de sel) ; – la quantité de fromage (25 g de fromage bleu = 50 g de camembert, cantal, comté = 1 g de sel) ; – la charcuterie (1 tranche de jambon blanc de 50 g = 30 g de jambon cru = 50 g de saucisse de Toulouse ou de Strasbourg ou de pâté = 1 g de sel) ; – faire attention aux soupes, y compris maison (1 petite assiette = 1 g de sel !) ; – une petite portion de pizza ou quiche (80 g) = 1 g de sel ; – 3 sardines ou une boite de 100 g de thon au naturel = 1 g de sel. Éviter les conserves. Apprécier la quantité journalière de pain (une demi-baguette = 100 g, c’est 1 g de sel). Au petit déjeuner, un bol de céréales (50 g) = 1 g de sel. D’une façon générale, conseiller au patient de regarder les étiquettes et de s’informer. Finalement, même si les conseils diététiques à l’égard du sel sont communs avec ceux à l’égard des lipides, mettre l’accent dessus permet de sensibiliser le patient et son entourage, dont les enfants.   Quelques pièges à connaître Les comprimés effervescents (paracétamol codéiné par exemple) contiennent près de 450 mg de sodium par comprimé, ce qui correspond à près d’1 g de sel ! Les eaux gazeuses peuvent apporter entre 1 200 à 1 700 mg de sodium par litre (Vichy St Yorre, Vichy Célestins), ce qui correspond, chez des patients ayant une dysrégulation sodée à un équivalent de 3 à 4 g/j de NaCl tandis que d’autres apportent des quantités négligeables pour une consommation quotidienne raisonnable (Salvetat 7 mg/l ; Perrier : 25 mg/l). Les eaux de Badoit (165 mg/l) et Quezac (sodium : 255 mg/l) se situent dans la zone intermédiaire.   Et les sels dits « de régime » ? Il s’agit de sels de potassium ou de magnésium. Ils sont achetés par le patient à l’insu parfois du médecin dans les pharmacies et coûtent beaucoup plus cher que le NaCl. Le rôle de conseil du pharmacien est plus que jamais indispensable et complémentaire de celui du médecin pour prévenir le patient de ne pas utiliser les sels de potassium en cas d’insuffisance rénale ou en association à des médicaments hyperkaliémiants souvent prescrits chez le diabétique (IEC, sartans, antialdostérones). Ces sels dits de substitution sont parfois utilisés dans l’agro-alimentaire mais les professionnels soulignent que cela peut poser des problèmes dans la fabrication des aliments.   Est-ce applicable chez tout le monde ? Il n’est pas souhaitable de prôner un régime peu salé chez le sujet âgé à risque de dénutrition, de déshydratation ou d’hyponatrémie favorisées par la prise concomitante de diurétiques et/ou d’inhibiteurs du système rénine angiotensine mais il s’agit d’un consensus d’experts plus que d’une médecine factuelle. Il est en effet parfois nécessaire d’échapper à cette règle, par exemple en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire. Une analyse des apports alimentaires dans les structures d’hébergement est alors indispensable.   Et l’avenir ?   Les données de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) qui ont été communiquées en décembre 2007 sur la situation nutritionnelle en France en 2006 (téléchargeable sur www.invs. sante.fr)  rapportent que la moyenne des apports en sel d’après les rappels des 24 heures est estimée entre 8,5 et 9,9 g/j chez l’homme contre 7,1 g/j chez la femme. Ils dépassent encore 12 g/j chez 23,7 % des hommes et 4,9 % des femmes. Au final, c’est 53,5 % des adultes (33,5 % des hommes et 73,6 % des femmes) qui ont des apports quotidiens en sel < 8 g  pour les enfants ; 77 % ont des apports < 8 g/j mais 9 % des garçons (23 % entre 15-17 ans !) et 5 % des filles ont déjà des apports > 12 g/j. Le commentaire associé aux résultats est de dire que « les niveaux d’apports en sel observés… semblent rejoindre les recommandations actuelles, mais il est à noter d’importantes disparités, avec des consommations élevées chez les hommes et les garçons de 15-17 ans ». Par ailleurs et plus inquiétant, il est même possible que les apports estimés soient en réalité… sous-évalués… Il y a ainsi encore du travail pour faire bouger les choses. Par ailleurs, une certaine littérature suggère qu’outre le contrôle des apports sodés, les apports de potassium pourraient jouer un rôle dans le contrôle des PA, mais ça, c’est une autre histoire… ».       Conclusion   Chez le patient diabétique, les apports sodés conseillés sont ceux applicables à la population générale et la valeur repère de 8 g de sel est à retenir en l’absence d’HTA ou d’insuffisance cardiaque. Chez l’hypertendu ou l’insuffisant cardiaque, la consommation quotidienne ne devrait pas excéder 6 g/j. La baisse de la quantité de sel s’effectue déjà dès l’application d’un régime hypocalorique pauvre en lipides.  Elle s’intègre de toute façon dans une stratégie globale concernant les mesures hygiénodiététiques visant à diminuer le risque cardiovasculaire du patient (réduction pondérale, arrêt du tabac, activité physique, limitation de la quantité d’alcool). Pour en savoir plus http://www.afssa.fr http://www.has-sante.fr. Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essentielle ; actualisation 2005.

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