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Endocrinologie

Publié le 30 nov 2006Lecture 13 min

Le traitement hormonal de la ménopause chez la femme diabétique

V. KERLAN, hôpital de la Cavale Blanche, Brest

Le traitement hormonal de la ménopause (THM), terme utilisé actuellement pour remplacer celui de traitement hormonal substitutif (THS), a été très largement prescrit et recommandé il y a quelques années. Il devient actuellement beaucoup plus discuté et d’indications plus limitées dans la population générale des femmes ménopausées. Ce changement d’attitude est lié, d’une part, au risque de cancer du sein, d’autre part, aux risques vasculaires liés au traitement hormonal, mis en évidence dans les études prospectives randomisées.  Les femmes diabétiques sont, plus que les autres, exposées au risque vasculaire ; ce risque doit être pris en compte lors de la décision thérapeutique chez ces patientes. Actuellement, 10 à 20 % des femmes ménopausées sont diabétiques.

Conséquences de la ménopause chez les femmes diabétiques   La ménopause entraîne un certain nombre de manifestations cliniques réunies sous le terme de syndrome climatérique. Elle favorise également l’ostéoporose et augmente le risque vasculaire.   Le syndrome climatérique La ménopause survient un peu plus tôt chez les femmes diabétiques de type 1 ; il n’y a pas de différence chez la diabétique de type 2. Les femmes diabétiques de façon générale ne présentent pas un tableau clinique différent lors de la ménopause. Chez les diabétiques traitées par des médicaments susceptibles d’engendrer des hypoglycémies, le diagnostic différentiel est parfois difficile, en particulier la nuit, entre des hypoglycémies et des bouffées de chaleur justifiant des contrôles glycémiques nocturnes parfois inutiles.   L’ostéoporose La carence estrogénique liée à la ménopause entraîne une diminution de la masse osseuse et une augmentation du risque de fracture. La femme diabétique est-elle  plus à risque d’ostéoporose ? Cela dépend du type de diabète. Chez la femme diabétique de type 1, l’ostéoporose est effectivement plus fréquente. Les femmes diabétiques de type 1 ont une densité osseuse plus basse que les femmes non diabétiques, surtout si le diabète a débuté dans l’enfance ou dans l’adolescence. Le risque de fracture est plus important que chez la femme non diabétique ; À l’opposé, la femme diabétique de type 2 est plutôt mieux protégée vis-à-vis de l’ostéoporose que les femmes non diabétiques. Leur densité minérale osseuse est meilleure et la perte osseuse est moindre.   Le problème vasculaire La différence de mortalité coronaire entre les hommes et les femmes, qui est bien connue, a été attribuée à l’imprégnation estrogénique ; les coronaropathies sont moins fréquentes chez les femmes avant la ménopause que chez les hommes, mais leur fréquence augmente chez les femmes soit ménopausées, soit ovariectomisées bilatéralement. La ménopause coïncide avec une élévation de la fréquence des accidents cardiovasculaires ; la maladie coronaire se manifeste chez la femme 10 à 20 ans plus tard que chez l’homme, mais elle est souvent plus sévère et se complique d’une mortalité importante. Cette différence de risque entre hommes et femmes est bien moindre chez les femmes diabétiques. La maladie coronaire est la première cause de mortalité chez la femme de plus de 60 ans. L’athérosclérose coronaire est morphologiquement et histologiquement identique dans les deux sexes, mais sa répartition est différente avec des lésions plus souvent mono- et bitronculaires chez la femme. Les hommes et les femmes partagent les mêmes principaux facteurs de risque de maladie coronaire et un certain nombre de facteurs de risque sont plus souvent retrouvés chez la femme ménopausée : le diabète, l’hypertriglycéridémie, l’hypo-HDLémie, la surcharge pondérale et la sédentarité. Il existe une prévalence croissante du tabagisme féminin. Après la ménopause, les femmes gagnent de la graisse abdominale et perdent de la sensibilité à l’insuline. Le diabète est un facteur de risque coronaire plus puissant chez la femme que chez l’homme, annulant l’effet protecteur du sexe féminin, même en préménopause. Les femmes diabétiques présentent, après ajustement sur l’âge, plus d’infarctus du myocarde (IDM), d’artériopathies des membres inférieurs et d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) que les hommes. Parmi les femmes d’âge moyen et après ajustement des autres facteurs de risque, dans la Nurses’ Health Study le diabète apparaît comme un facteur de risque indépendant avec un risque collectif de 3,1 pour l’infarctus du myocarde non mortel et les cardiopathies ischémiques non mortelles. Chez la femme diabétique, la maladie coronaire a un pronostic plus sévère et contribue à une mortalité plus élevée liée au geste de revascularisation.   Bénéfices du THM   Dans la population générale, le bénéfice du traitement hormonal de la ménopause est prouvé sur les manifestations climatériques : régression des bouffées de chaleur, des troubles du sommeil, des sueurs nocturnes, de la sécheresse vaginale. Les effets osseux : il est bien établi que les estrogènes diminuent la résorption osseuse et que leur administration prévient les fractures. Plus d’une femme sur trois aura une fracture consécutive à l’ostéoporose ménopausique avec une morbidité et une mortalité significatives pour les fractures du col du fémur. Cet effet préventif ne dure que tant que le traitement est proposé et ne perdure guère à l’arrêt. Les études épidémiologiques et les études prospectives randomisées en double aveugle (HERS, WHI) ont confirmé l’efficacité de l’estrogénothérapie sur la prévention du risque de fracture avec une diminution de 36 % des fractures ostéoporotiques rachidiennes et fémorales chez les femmes traitées. Les effets cognitifs : certaines études ont suggéré que les estrogènes ont un effet protecteur à condition d’être administrés précocement après la ménopause et d’être poursuivis pendant au moins 3 ans. En revanche, le traitement hormonal n’a aucun intérêt une fois la démence installée. Il persiste néanmoins des incertitudes quant à l’effet du traitement par les estrogènes sur les troubles cognitifs. De nombreuses études, randomisées ou non, ne semblent pas, dans l’état actuel des connaissances, confirmer l’effet protecteur de ce traitement contre le déficit cognitif. Tous ces résultats concernent la population générale. Il n’existe aucune étude spécifique chez les femmes diabétiques.   Les risques du THM   Cancer du sein Dans la population générale, son risque de survenue est corrélé à la durée du traitement et à la dose. Il est d’autant plus important que les femmes sont âgées. Il est en moyenne augmenté de 20 à 30  % par le traitement hormonal. Ces données sont mises en évidence aussi bien dans les études d’observation (comparant utilisatrices et non-utilisatrices) que dans les études prospectives d’intervention (comparant des femmes prenant un traitement hormonal et des femmes prenant un placebo). En chiffres absolus, à l’échelon individuel, le risque reste minime. Ainsi, sur 10 000 femmes ne prenant pas d’estrogènes, 450 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans (ce risque augmentant avec l’âge) alors que le nombre de cas supplémentaires pour 10 000 femmes recevant un THS pendant 5 ans est de 8 par an. Le risque n’est présent que chez les utilisatrices actuelles. Il disparaît après l’arrêt du traitement hormonal. Le risque de cancer du sein est aussi (et même plus dans certaines études) important chez les femmes prenant une association d’estrogènes et de progestatifs que chez celles prenant des estrogènes seuls en raison d’un antécédent d’hystérectomie. L’utilisation de la progestérone naturelle paraît augmenter moins le risque de cancer du sein que les progestatifs, mais le niveau de preuves est insuffisant. Le risque de cancer du sein est-il plus important chez la femme diabétique ? Il n’y a pas de différence chez les femmes diabétiques de type 1. La femme diabétique de type 2 a un risque légèrement plus élevé de développer un cancer du sein ; ce risque semble lié au surpoids. L’effet du THM sur le risque de cancer du sein n’a pas été évalué spécifiquement dans la population diabétique.   Cancer de l’endomètre Le risque de cancer de l’endomètre est augmenté uniquement lorsque le traitement ne comporte que des estrogènes chez une femme non hystérectomisée. Il n’est pas augmenté par le traitement associant un estrogène et la progestérone ou un progestatif. Il est à noter que les femmes diabétiques de type 2 ont un risque de cancer de l’endomètre, environ deux fois plus important que les non-diabétiques.   Les accidents thromboemboliques Dans la population générale, le risque d’accident veineux thromboembolique (ATEV) sous traitement hormonal est multiplié par deux. En chiffres absolus, le risque reste néanmoins assez faible. Ainsi, sur 5 ans, parmi 1 000 femmes non traitées par le traitement hormonal, 3 feront un accident veineux thromboembolique entre 50 et 59 ans et 11 en feront un entre 60 et  69 ans ; ces chiffres passent à 7 chez les femmes de 50 à 59 ans recevant un traitement hormonal pendant 5 ans  (4 accidents thromboemboliques veineux supplémentaires et à 20 (9 accidents thromboemboliques veineux supplémentaires chez les femmes de 60 à 69 ans recevant un traitement hormonal). Une étude française récente montre que ce risque est limité au traitement hormonal donné par voie orale : administrés par voie transcutanée, les estrogènes ne sont pas associés à un risque supérieur d’accident veineux thrombo­embolique. Le risque thromboembolique est-il plus important chez la femme diabétique ? Le risque de phlébite est augmenté dans le diabète de type 2 au moins par le biais du surpoids ; il n’y a pas de sur-risque connu chez les diabétiques de type 1.   Le risque coronaire Dans la population générale des femmes ménopausées, un effet longtemps revendiqué du traitement hormonal était la prévention des événements cardiovasculaires. Cet effet est sous-tendu par un certain nombre d’arguments : les études épidémiologiques d’observation ont montré un bénéfice cardiovasculaire du traitement hormonal aussi bien en prévention primaire qu’en prévention secondaire ; de nombreuses études expérimentales chez l’animal et chez l’homme démontrent que les estrogènes ont un effet bénéfique sur le métabolisme lipidique. Les effets des estrogènes sur le bilan lipidique sont bien connus ; ils sont médiés par les récepteurs des estrogènes sur l’expression hépatique des gènes des apolipoprotéines. Ils  se traduisent par une diminution du LDL-cholestérol et la Lp(a), et une augmentation du HDL-cholestérol et des triglycérides. Mais les estrogènes exercent aussi une action globalement vasodilatatrice, procoagulante et ils agissent directement sur les vaisseaux par le biais d’un effet antiprolifératif sur les masses musculaires lisses entourant les cellules sous-endothéliales. Cependant, récemment plusieurs études prospectives randomisées contrôlées contre placebo, menées à large échelle aux États-Unis (études HERS et WHI) n’ont pas confirmé cet effet bénéfique du traitement hormonal sur la survenue des événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux et ce, ni en prévention primaire, ni en prévention secondaire). Au contraire, certaines études de prévention secondaire des maladies cardiovasculaires par le traitement hormonal de la ménopause tendraient même à montrer une augmentation des événements dans la première année de traitement, probablement en rapport avec un effet prothrombotique des estrogènes administrés par voie orale. L’étude HERS, publiée en 1998, a été la première grande étude randomisée en prévention secondaire évaluant l’effet du traitement hormonal substitutif (estrogène conjugué équin + progestatif, l’acétate de médroxyprogestérone)  versus placebo chez 2 763 patientes sur une période de 5 ans. Non seulement le traitement hormonal substitutif n’a pas montré d’effet bénéfique sur la coronaropathie, mais une augmentation du risque de décès d’origine cardiovasculaire et d’IDM non mortel la première année a été mise en évidence. L’étude WHI, publiée en 1998, est une étude de prévention primaire sur 16 608 femmes âgées de 63 ans en moyenne randomisées en deux groupes THM (0,625 mg/j d’estrogène conjugué équin + 2,5 mg/j d’acétate de médroxyprogestérone) ou placebo, durant 5 ans. Les résultats ont montré une augmentation du risque de pathologie cardiovasculaire de 29 %, du risque d’AVC de 41 % et de pathologie thromboembolique de 113 %. L’étude a été interrompue prématurément dans le bras estroprogestatif en raison de ces résultats. Dans le bras estrogène seul, le risque coronaire n’est pas modifié, alors que le risque d’AVC est augmenté de 39 % et le risque thromboembolique de 33 %. Ces études ont été très critiquées En effet, les traitements prescrits dans les études HERS et WHI ne correspondent pas à la majorité des traitements prescrits en France tant au niveau des molécules que des voies d’administration puisqu’on utilise beaucoup en France la voie transdermique pour l’estradiol. L’autre critique concernait la population : l’âge (67 ans dans HERS, 63 ans dans WHI), le surpoids (56 % des patientes avaient un IMC > 27 dans HERS ; l’IMC moyen des patientes qui participaient à WHI était de 28,5). Cette deuxième critique ne peut pas être retenue pour les patients diabétiques qui sont souvent en surpoids voire obèses. Différentes études menées chez des femmes déjà atteintes de maladie athéromateuse sont en faveur d’une augmentation du risque d’accident vasculaire sous THM, peut-être liée à un effet pro-inflammatoire thrombotique et/ou de protéolyse de la plaque des estrogènes. Qu’en est-il chez la femme diabétique ? Parmi les études d’observation, l’une des plus importantes concerne le suivi de près de 25 000 femmes diabétiques entre 1995 et 1998. Ces femmes étaient âgées en moyenne de 65 ans environ, les deux tiers avaient un IMC > 27 et la population des femmes diabétiques étudiées comportait à la fois des femmes traitées par insuline et des femmes sous antidiabétiques oraux. L’objectif était d’évaluer l’incidence des événements coronaires dans cette population et les différences observées selon la prise ou non d’un traitement hormonal. Le traitement hormonal a été retrouvé comme un élément protecteur chez ces femmes diabétiques puisque le risque relatif d’IDM était de 0,77 comparativement à une population suivie et non traitée. Cette diminution du risque devenait plus significative dès lors que le traitement comportait des estrogènes seuls. Cet effet globalement protecteur du traitement hormonal sur le risque d’IDM chez la femme diabétique est à nuancer quand on analyse, au sein de cette population, le risque d’infarctus du myocarde chez les femmes diabétiques ayant déjà fait un IDM et traitées. On retrouve alors une forte augmentation (RR = 3,84 ; 1,6-9,20). Indirectement, cette notion vient confirmer les résultats de l’étude HERS sur l’absence d’effet protecteur du THM en prévention secondaire. L’effet protecteur du THM chez la femme diabétique vis-à-vis du risque d’IDM a été mis en évidence dans deux autres études cas-témoins réalisées sur des petites populations de femmes diabétiques ayant fait un infarctus. L’utilisation du THM a été retrouvée associée à une diminution de près de 50 % du risque d’infarctus mais cet effet protecteur disparaissait à l’arrêt du traitement. Cependant le bénéfice potentiel du THM chez la femme diabétique n’a pas été retrouvé dans l’ensemble des cohortes. Les limites de ces études sont celles décrites dans les études analysant l’effet des THM dans une population de femmes ménopausées en général. Compte tenu des données obtenues à partir des études randomisées HERS et WHI l’ambiguïté perdure pour la femme diabétique puisque l’effet protecteur décrit dans les études d’observation chez la femme diabétique a également été mis en évidence dans la plupart des études d’observation menées chez la femme non diabétique. Dans les études HERS et WHI, 18 et 4 % respectivement des femmes étaient diabétiques, mais aucune étude de sous-groupe n’est possible. Il n’y a actuellement aucune étude spécifique concernant l’effet éventuellement délétère du traitement hormonal substitutif vis-à-vis des risques d’accident vasculaire chez la femme diabétique ménopausée. Enfin, l’étude HERS nous incite à être prudents pour l’administration des estrogènes à la ménopause chez des femmes ayant déjà une athérosclérose marquée, comme c’est souvent le cas chez la diabétique dès la cinquantaine.   Effet du traitement hormonal sur les paramètres glucidiques Aucun effet délétère du traitement hormonal sur la glycémie n’a été observé dans les études HERS ou WHI ; la glycémie n’a pas été modifiée comparativement au groupe placebo. Cela a également été vérifié avec d’autres types d’estrogènes et d’autres voies d’administration. Le traitement hormonal pourrait même avoir un effet plutôt favorable sur la glycémie à jeun et l’insulinémie à jeun. Par ailleurs, dans l’étude WHI le risque de survenue d’un diabète chez les femmes traitées est diminué de 35 % comparativement aux femmes sous placebo. Effet du traitement sur la tension artérielle chez les diabétiques de type 2 Nous ne disposons que d’études sur de petits effectifs qui ne montrent aucun changement significatif. Conclusion   Les dernières études américaines prospectives randomisées mettent en évidence l’absence de protection cardiovasculaire du THM dans la population générale et même un sur-risque, d’autant plus important que la population est plus à risque vasculaire. Il n’y a pas d’indication au traitement hormonal de la ménopause dans le cadre d’une prévention cardiovasculaire qu’elle soit primaire ou secondaire. Les diabétiques sont des patientes à haut risque cardiovasculaire. Elles sont considérées comme en prévention secondaire dès qu’elles ont plus de 60 ans et qu’elles présentent un autre facteur de risque (recommandations de la haute autorité de santé). Dans cette population, le risque justifie la prescription d’une statine avec un objectif de LDL-cholestérol < 1 g/l. Chez ces femmes diabétiques à haut risque vasculaire, le traitement hormonal de la ménopause paraît contre-indiqué, même si le problème des molécules et des voies d’administration reste non résolu. La femme diabétique sans autre facteur de risque n’est pas une contre-indication au traitement hormonal tant qu’elle reste symptomatique. Les indications sont les mêmes que chez la femme non diabétique : syndrome climatérique. Il en est de même des contre-indications. La vigilance doit être encore plus grande chez la femme diabétique du fait des risques vasculaires.

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