publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Grossesse

Publié le 31 mai 2008Lecture 12 min

Prise en charge d’une grossesse chez les patientes diabétiques de type 2

F. LAMICHE-LORENZINI, CH Toulouse-Rangueil, Toulouse

Le diabète type 2 (DT2) est de plus en plus fréquent chez les femmes en âge de procréer. Situation pratiquement inconnue dans notre pays il y a 15 ans, cette association grossesse/DT2 constitue actuellement la moitié environ de l’activité des centres « diabète et grossesse ». Il s’agit d’un diabète prégestationnel même si, dans 15 % des cas, on le découvre au moment de la grossesse ; ses conséquences sont celles d’un diabète préexistant à la grossesse, et non celui d’un diabète gestationnel (DG), dans lequel l’hyperglycémie ne touche pas la délicate période l’embryogenèse.

Épidémiologie   Le diabète type 2 est une maladie hétérogène. Dans le diabète de type 2 « classique » et familial, l’association à un surpoids androïde est fréquente. L’appartenance à une ethnie à risque élevé de diabète est également une donnée à relever. Enfin, dans les études réalisées au Royaume-Uni comme en France, le taux de précarité de ces patientes est élevé, ce qui est cohérent avec les données épidémiologiques de l’obésité. En ce qui concerne les  diabètes monogéniques, type MODY 2 en particulier, ils  peuvent être dépistés lors d’une grossesse. L’histoire familiale est habituellement évocatrice, mais il faut se méfier chez ces jeunes femmes d’une banalisation excessive de ce « petit » trouble de la glycorégulation. En effet, les glycémies peuvent s’élever dès le début de la gestation et augmenter le taux de malformations fœtales. Ensuite, lorsque le fœtus est porteur de la même mutation, peut s’installer une hypotrophie fœtale, le fœtus ayant le même trouble de l’insulinosécrétion que sa mère. S’il n’est pas atteint, il peut au contraire être macrosome.   Dépistage du DT2 en début de grossesse   Le dépistage est indispensable chez les patientes présentant un facteur de risque (encadré). Il peut être réalisé par une glycémie à jeun. Physiologiquement, la glycémie à jeun varie peu au cours du premier trimestre de la grossesse, malgré le transfert vers le compartiment fœtal. Une glycémie < 1,05 g/l au premier trimestre peut donc, pour certains, être considérée comme normale. Cependant, les objectifs glycémiques que nous fixons à nos patientes DT1 ou DT2 sont inférieurs à ces chiffres, et on peut considérer qu’une patiente obèse ou ayant des antécédents familiaux de DT2 doit être surveillée si les glycémies à jeun dépassent 0,95 g/l. Quelles sont les conséquences du diabète de type 2 sur la grossesse ?   Elles sont les mêmes que dans le DT1 en ce qui concerne le risque de malformations et la mortalité périnatale. Les études sont unanimes : le pronostic dépend essentiellement de l’équilibre périconceptionnel, qui doit être le plus parfait possible. Actuellement toutes les séries publiées mettent en évidence une mortalité périnatale (dont la plus grande part est attribuable aux malformations sévères) de 4 % environ. Cette mortalité est ramenée aux environs de 0,7 %,  taux de la population générale lorsque la grossesse est programmée et que l’HbA1c en début de grossesse est < 6,5 %.   Lorsque le diabète reste mal équilibré en deuxième moitié de grossesse, le risque de macrosomie et d’hydramnios, ainsi que de prématurité, induite ou naturelle, est augmenté. - En ce qui concerne les complications vasculaires de la grossesse, elles sont liées surtout à la fréquence plus grande de l’HTA chronique, mais la prééclampsie et l’hypotrophie fœtale sont moins fréquentes que dans le DT1, certainement en raison d’une durée d’évolution du diabète généralement moins longue. - L’association à une obésité est péjorative, les risques de l’obésité se surajoutant à ceux du diabète (augmentation significative du taux de césarienne, de la morbidité maternelle pré- et postpartum).   La grossesse a-t-elle une influence sur le diabète ?   Pour certaines femmes, la grossesse (idéalement sa préparation, avec un équilibre satisfaisant, et le bilan des complications) est l’occasion de prendre en charge cette maladie, souvent jusque-là prise à la légère. L’équilibre est en général facile à obtenir avec l’insulinothérapie, malgré l’insulinorésistance. Les hypoglycémies sévères sont rares. Les besoins en insuline augmentent pendant la grossesse, parallèlement à l’augmentation des hormones placentaires qui aggravent l’insulinorésistance (HPL, œstriol, GH), comme dans le DT1. Les doses sont parfois considérables : de 200 à 250 U/j. Cette augmentation se produit vers la 20e semaine et est maximale à 33 semaines d’aménorrhée (SA), avec une tendance à la diminution au 9e mois. Cela peut poser des problèmes techniques, l’injection de quantités importantes nuisant à une résorption optimale. Dans le DT2 ancien, surtout si coexistent une HTA, un tabagisme, une obésité sévère, on peut observer des complications microvasculaires. Les rétinopathies préproliférantes ou proliférantes nécessitant une photocoagulation en urgence ne sont pas rares, de même que l’œdème maculaire. L’amélioration rapide de l’équilibre peut être un facteur d’aggravation rapide. En ce qui concerne la néphropathie, on peut distinguer deux situations, comme dans le DT1, mais avec le facteur péjoratif de l’obésité : - pas de néphropathie avant la grossesse, pas d’HTA : il y a peu de risque de pathologie vasculorénale gravidique ; - néphropathie débutante, avec HTA : il y a un  risque important d’évolution vers un syndrome néphrotique en début de grossesse et une prééclampsie au 3e trimestre. Ce phénomène peut être majoré par l’interruption nécessaire des IEC et des sartans (suspects de tératogénicité au 1er trimestre et induisant une insuffisance rénale avec oligoamnios après 20 SA). Globalement, on observe après la grossesse un retour à la situation prégestationnelle. Lorsque les traitements néphroprotecteurs préalables peuvent être repris, la protéinurie diminue en quelques mois.   Comment aider nos patientes diabétiques de type 2 à se préparer à la grossesse ?   Comme dans le DT1, la préparation comporte deux volets.   Bilan du retentissement Il s’impose car les complications peuvent déjà être présentes, malgré une durée d’évolution en général courte. Il ne diffère pas du bilan de retentissement effectué annuellement, mais on doit souligner l’importance d’une évaluation de la TA, l’association DT2/HTA étant fréquente, et particulièrement grave pour une grossesse. L’examen du fond d’œil, simple, ou par rétinogramme, doit être complété en cas d’anomalie par une angiographie à la fluorescéine, surtout si le diabète est très déséquilibré, car il existe un risque important d’évolution vers la rétinopathie proliférante chez ces patientes, en raison de l’imprégnation hormonale, des modifications vasculaires de la grossesse, et de l’amélioration rapide de l’HbA1c. Nous proposons donc : – un examen clinique soigneux, à la recherche en particulier de signes de neuropathie périphérique ou autonome ; – un fond d’œil suivi d’une investigation complémentaire si besoin ; – un ECG avec épreuve d’effort si le diabète évolue depuis plus de 10 ans, ou s’il existe un facteur de risque associé, la grossesse constituant une épreuve d’effort de longue durée pour les coronaires ; – un dosage de la microalbuminurie, éventuellement de la protéinurie des 24 h, et une clairance de la créatinine s’il existe une néphropathie ; – un enregistrement de la TA sur une demi-heure, éventuellement une MAPA.   Recherche d’un équilibre optimal du diabète Une recherche de glycémies les plus proches possibles de la normale, au fil de la journée. Les objectifs que nous fixons à nos patientes sont : < 0,9 g/l à jeun et < 1,20 g/l à 1 heure 30 des repas. Insulinothérapie Ces objectifs nécessitent dans la grande majorité des cas une insulinothérapie optimisée, avec un schéma basal/bolus, constitué de 2 ou 3 injections de NPH et 3 injections d’analogue rapide. Les besoins de fin de nuit étant souvent importants (dans le DT2 et au cours de la grossesse), l’injection de NPH du soir peut être décalée au coucher. Chez les patientes qui ne sont pas insulinées avant la grossesse, la dose de départ se situe autour de 0,7 U/kg de poids, avec une répartition 40/60 pour le basal et les bolus. Rappelons que les analogues lents de l’insuline (glargine et détémir) n’ont pour l’instant pas l’AMM pour l’utilisation pendant la grossesse. Une pompe à insuline peut être nécessaire, en particulier chez les patientes ayant de gros besoins en insuline pendant la nuit, mais les bolus importants de fin de grossesse peuvent dépasser les capacités de la pompe et il n’est alors pas rare de proposer aux patientes de les réaliser au stylo, ce qui permet également de varier les zones d’injection. Antidiabétiques oraux Les antidiabétiques oraux sont en France interrompus dès la période préconceptionnelle. Des études comparant l’équilibre du diabète et les issues de grossesse chez des femmes sous sulfamides ne sont cependant pas défavorables. Mais aucun antidiabétique oral n’a d’AMM pendant la grossesse. Il est donc préférable d’instaurer avant la grossesse une insulinothérapie plutôt que de modifier le traitement en pleine période d’organogenèse. La question de la metformine peut ici être soulevée ; en effet, certaines patientes obèses, ayant un DT2 récent, sont bien équilibrées par cette molécule, dont on sait qu’elle n’est pas tératogène. Par ailleurs, un bon nombre de ces patientes ont un syndrome des ovaires polykystiques, amélioré par la metformine, et il n’est peut-être pas judicieux d’interrompre ce traitement en prévision de la grossesse. Diététique Chez les patientes diabétiques de type 2, encore plus que chez les diabétiques de type 1, il convient de ne pas négliger l’aspect nutritionnel. Chez les patientes obèses, nous ne prescrivons pas de régimes hypocaloriques sévères, et le minimum est de 1 600 kcal/j pour une patiente ayant un IMC entre 25 et 30 kg/m2, et de 1 800 au-delà, en s’appuyant bien entendu sur l’enquête alimentaire préalable. Dans le cas particulier des patientes ayant subi une chirurgie de l’obésité, il faut être particulièrement vigilant sur l’apport calorique et protidique. La répartition en trois repas, plus collations à 10 h, éventuellement à 16 h, est souvent utile pour limiter le pic post-prandial (majeur le matin), et éviter les hypoglycémies de fin de matinée. Cela doit être bien expliqué aux patientes, et adapté à leur mode de vie. La consommation de folates est souvent insuffisante chez ces patientes et la prescription systématique d’une supplémentation à débuter 1 mois avant la grossesse et à poursuivre pendant le 1er trimestre est nécessaire. On diminue ainsi les anomalies de fermeture du tube neural et, selon certaines études récentes, le taux global de malformations et d’accouchements prématurés. Les apports en calcium et vitamine D doivent être évalués, et augmentés si besoin. Thérapeutiques associées Les patientes diabétiques de type 2 sont souvent hypertendues et dyslipidémiques. Elles ont donc souvent un traitement de ces facteurs de risque. Comme nous l’avons dit plus haut, les IEC et les ARA II doivent être interrompus avant la conception. Ils doivent être remplacés par des produits dont l’innocuité pendant la grossesse est certaine (α-méthyldopa) ou hautement probable (labétalol, inhibiteurs calciques). Les statines sont également soupçonnées d’être à l’origine de malformations de la face et du tube neural. Les antiagrégants plaquettaires n’ont en général pas d’indication pendant la grossesse, en dehors de la prévention de la toxémie chez des patientes ayant déjà présenté une pathologie de ce type. La prescription d’acide acétylsalicylique (75 à 160 mg/j) peut être envisagée sans risque pour le fœtus (à ces doses qui ne sont pas antiprostaglandines) lorsqu’il existe une pathologie endothéliale, notamment dans les néphropathies.   Comment organiser cette prise en charge préconceptionnelle ?   Elle peut, bien entendu, s’effectuer en ambulatoire, avec organisation du bilan, et éducation thérapeutique au cabinet du diabétologue. Pour optimiser celle-ci, et surtout pour utiliser l’effet du groupe dynamisant l’éducation thérapeutique, nous proposons dans notre service une journée d’hospitalisation permettant de faire le bilan du diabète (sans épreuve d’effort, ni angiographie, les patientes sont orientées secondairement si besoin), et de réunir les patientes (5 en général) pour des ateliers éducatifs ciblés sur la prise en charge du diabète pendant la grossesse (tableau 1). Cette organisation est « économe » en temps, ce qui est apprécié par ces patientes qui ne se sentent pas « malades » et sont souvent actives professionnellement et mères de famille.   Cas particulier des diabètes multicompliqués   Comme dans le type 1, ils doivent faire l’objet d’une évaluation préalable pluridisciplinaire, avec participation d’un obstétricien et d’un pédiatre. Un compte rendu précis est alors remis au couple, lui permettant de prendre une décision éclairée. Cette démarche nous semble particulièrement nécessaire lorsqu’il existe des pathologies mettant en jeu le pronostic vital ou fonctionnel de la mère (coronaropathie, rétinopathie ou néphropathie sévère), ou lorsque le risque de prématurité est très élevé (HTA, néphropathie).   Le suivi des grossesses dans le diabète type 2   Il doit être effectué dans une maternité de niveau 3 pouvant assurer un suivi multidisciplinaire effectif au long de la grossesse et lors de l’accouchement. Les consultations diabétologiques et obstétricales vont, en effet, s’articuler et se compléter.   Le suivi diabétologique Il sera souple, mensuel au début de la grossesse, avec une consultation très précoce, dès le diagnostic de grossesse. Cela permettra d’ajuster le traitement, de prévoir les modifications de schéma éventuellement et de revoir avec la patiente les objectifs glycémiques et le calendrier de suivi. À partir de la 20e semaine, les contacts doivent être plus étroits, aménagés selon la situation (consultations, mais aussi téléphones, messagerie, etc.). La surveillance pondérale et l’analyse du carnet d’autosurveillance sont les éléments clés de cette prise en charge.   Le suivi obstétrical Il sera régulier, débutera le plus tôt possible et sera intensifié à partir du 3e trimestre, avec surveillance de la vitalité fœtale par enregistrements réguliers du rythme cardiaque fœtal (télémonitorage à domicile, ou sage-femme à domicile permettant également une surveillance tensionnelle). Le dépistage précoce d’une macrosomie, d’un excès de liquide ou d’une hypotrophie est très important.   Les échographies Comme chez les autres femmes enceintes, seront prescrites les échographies de 12 SA (mesure de la clarté nucale, datation de la grossesse), 22 SA (morphologie complète et détaillée) et 32 SA (croissance et vitalité fœtale, liquide amniotique). Une échocardiographie fœtale vers 24-26 SA est utile, surtout en cas de déséquilibre des glycémies de début de grossesse pour dépister les malformations cardiaques, qui ne sont pas toujours visibles lors de l’échographie de 22 SA. Vers 36 SA, il est indispensable d’avoir une idée des biométries fœtales (périmètre abdominal, meilleur reflet de l’hyperinsulinisme fœtal et céphalique) pour décider la période et le mode d’accouchement.   L’accouchement Si les césariennes restent encore fréquentes (environ 50 % dans les récentes publications), la règle est l’accouchement par voie basse. Il est en général déclenché vers 38-39 SA, sauf dans les diabètes récents et très bien « équilibrés », où l’on peut atteindre le terme sans danger. Précisons ici que l’étude anatomopathologique des placentas montre une diminution de la densité des villosités dans les diabètes prégestationnels, quel qu’en soit le type.   Les suites de couches On observe, surtout en cas d’obésité, plus de complications septiques et thromboemboliques ; l’équilibre du diabète est en général facile à obtenir, et nous simplifions le schéma insulinique, en reprenant une injection d’analogue lent, avec de petites doses d’analogue rapide, si besoin. L’allaitement maternel doit être conseillé ; on sait qu’il diminue de manière significative l’obésité de l’enfant à 1 et 5 ans. Si la patiente ne souhaite pas allaiter, les antidiabétiques oraux peuvent être repris dès la naissance.   La contraception Il est primordial de prescrire une contraception aux patientes diabétiques. Le choix est à l’heure actuelle assez grand, et doit être adapté aux besoins de la patiente (tableau 2). Conclusion   Les risques de la grossesse chez une diabétique de type 2 doivent être prévenus par une prise en charge aussi rigoureuse que celle proposée aux diabétiques de type 1. Le pronostic de ces grossesses est en général  bon si l’HbA1c est < 6,5 % à la conception. La préparation et la surveillance de telles grossesses doivent être multidisciplinaires, s’appuyant sur une éducation thérapeutique des patientes.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème