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Thérapeutique

Publié le 09 avr 2012Lecture 9 min

Sur quels critères réévaluer le traitement du diabétique ?

F. BONNET, Service d’endocrinologie-diabétologie et nutrition, CHU de Rennes

Les diabétologues sont confrontés à une augmentation du nombre d’options thérapeutiques pour le diabète de type 2, ce qui représente de nouvelles possibilités de traitements pour les patients. Le corolaire à l’augmentation de l’offre thérapeutique est la notion de non-réponse ou de réponse thérapeutique insuffisante face au traitement choisi. Cette notion était finalement peu développée lorsque les cliniciens n’avaient que deux types principaux d’hypoglycémiants à leur disposition, la metformine et les sulfamides hypoglycémiants.
Cependant, depuis l’arrivée des glitazones puis des antidiabétiques plus récents, l’expérience clinique a montré qu’il existe une hétérogénéité dans la réponse glycémique aux traitements selon les patients et le contexte clinique1,2. Ainsi, une évaluation rigoureuse de l’efficacité mais aussi de la tolérance du traitement instauré devient nécessaire, voire indispensable, pour ne pas laisser un patient conservant une HbA1c trop élevée avec un traitement de fait inefficace et donc inapproprié chez lui. Une réévaluation régulière du traitement devient un paradigme des recommandations internationales pour la prise en charge du diabète de type 2, comme les anglais l’ont proposé avec le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence)3. Une telle réévaluation permet de lutter contre l’inertie clinique, source de perte de temps et de chances pour le patient.

  Sur quels critères évaluer le traitement ?   La diminution de l’HbA1c à 6 mois La définition de l’efficacité du traitement antidiabétique repose en premier lieu sur la réduction  de l’HbA1c. Ce paramètre biologique s’est imposé comme la référence permettant de démontrer une efficacité versus un placebo ou un médicament actif. Les nombreuses métaanalyses ont mis en évidence une diminution moyenne de la concentration d’HbA1c avec les principaux hypoglycémiants disponibles en association à la metformine comprise entre 0,7 % et 1,0 %4.   Il paraîtrait donc logique de définir comme critère d’efficacité du traitement une diminution d’au moins 0,5 % de l’HbA1c à 6 mois. Ce critère d’une réduction d’au moins 0,5% de l’HbA1c permettrait d’identifier les diabétiques « bons répondeurs » par rapport au traitement instauré.   Il existe, en effet, une certaine hétérogénéité dans la réponse aux nouveaux antidiabétiques qui, à l’heure actuelle, ne peut être prédite sur des critères cliniques ou même biologiques2,5. L’attitude pragmatique consiste donc à tester l’efficacité à court terme sur la baisse de l’HbA1c. Le seuil proposé par les Anglais du NICE pour poursuivre le traitement (réduction de 0,5 %) est arbitraire comme tout seuil. Certains auraient volontiers proposé un seuil plus élevé avec une réduction d’au moins 0,7 % pour définir une réponse adéquate au traitement antidiabétique d’autant plus que, dans les métaanalyses récentes, la diminution de l’HbA1c est d’environ 0,7 % sous inhibiteurs de DPP44,5. Pour les agonistes du GLP-1, les recommandations du NICE proposent de poursuivre le traitement si la baisse de l’HbA1c atteint au moins 1,0 % à 6 mois3. Ce dernier seuil est particulièrement exigeant et de nombreux patients ne l’atteignent pas en pratique clinique, malgré une amélioration non négligeable de leur équilibre glycémique. Cette cible apparaît critiquable car la valeur de départ de l’HbA1c n’est pas prise en compte alors que l’on sait que la réduction de l’HbA1c est proportionnelle au chiffre initial : il est plus fréquent d’observer une diminution de l’HbA1c > 1,0 % chez un patient avec une HbA1c initiale de 10 % que chez un diabétique partant de 7,8 %. De plus, la glycémie postprandiale peut être nettement améliorée sans que la réduction de l’HbA1c n’atteigne ce seuil. On peut ainsi évoquer le cas d’un patient qui ne présenterait qu’une baisse modérée de l’HbA1c de 0,7 % alors que la glycémie postprandiale s’est nettement améliorée 6 mois après l’initiation d’un agoniste du GLP-1. Selon les critères du NICE, il serait opportun de stopper ce traitement, qui est considéré comme insuffisamment efficace3. Enfin, une dissociation entre la perte de poids et la réduction de l’HbA1c peut être observée sous agonistes du GLP-1, mettant en exergue la problématique du maintien d’un traitement antidiabétique qui pourrait être bénéfique à plus long terme, malgré une réduction à 6 mois encore limitée de la glycémie. Pour le traitement par agonistes du GLP-1, le seuil d’une baisse de l’HbA1c d’au moins 0,7 % serait probablement plus pragmatique d’un point de vue clinique. Cependant, le mérite du seuil exigeant proposé par le NICE est de rappeler que l’absence de baisse suffisante de l’HbA1c sous agoniste du GLP-1 ne doit pas retarder l’initiation d’un traitement par insuline. La diminution de la glycémie à jeun ou postprandiale Seule l’HbA1c est prise en compte dans les recommandations du NICE et non la diminution de la glycémie à jeun ou des glycémies postprandiales. Ceci est lié à la plus grande variabilité intra-individuelle de la glycémie à jeun et a fortiori des glycémies postprandiales qui sont moins reproductibles et plus difficiles à évaluer de manière standardisée. De plus, l’HbA1c n’est dosée que tous les 3 mois et est plus fortement prédictive de la survenue des complications vasculaires qu’une glycémie à jeun ou postprandiale isolée6.   Il semble important de garder à l’esprit la notion que si la glycémie à jeun reste trop élevée à 6 mois, il faut reconsidérer la stratégie thérapeutique choisie et se poser la question de la pertinence d’un traitement ciblant plus spécifiquement ce paramètre, comme une insuline basale. En parallèle, la prise en compte des glycémies postprandiales est pertinente chez un patient dont l’HbA1c reste trop élevée avec une glycémie à jeun considérée comme satisfaisante.   Si des études démontraient qu’une réduction des glycémies postprandiales induit un bénéfice cardiovasculaire, y compris pour des baisses plus modestes de l’HbA1c, on pourrait spéculer que le critère spécifique de la réduction des glycémies postprandiales puisse être pris en compte à l’avenir dans l’évaluation des traitements antidiabétiques. La perte de poids Ce critère d’efficacité est assez nouveau en diabétologie car jusqu’à présent, nous n’avions pas à notre disposition d’antidiabétiques susceptibles d’induire une perte pondérale. L’arrivée des agonistes du GLP-1 et demain des inhibiteurs de SGLT-2 qui augmentent la glycosurie et induisent une perte pondérale modeste change la donne7. La notion de perte pondérale est, jusqu’à un certain âge, primordiale en diabétologie mais représente un défi difficile à atteindre pour le patient8. Une plus grande prise en compte de l’effet d’un traitement antidiabétique sur le poids, au-delà de la seule réduction de l’hyperglycémie s’est s’imposée en diabétologie depuis l’arrivée des agonistes du GLP-13. En pratique clinique, nous avons pu observer que la perspective d’une perte de poids permet à des patients d’accepter la contrainte supplémentaire d’un traitement injectable. Les recommandations du NICE ont introduit un seuil minimal de perte pondérale à atteindre sous agonistes du GLP-1 : une perte de poids d’au moins 3 % du poids corporel initial est requise pour poursuivre ce traitement. Ce seuil demeure modeste mais les résultats assez décevants obtenus avec la plupart des médicaments anti-obésité testés en recherche clinique rappellent la difficulté d’obtenir une perte importante et surtout durable. À cet égard, on peut s’interroger si le délai de 6 mois correspond au moment le plus opportun pour évaluer l’efficacité du traitement antidiabétique sur le critère du poids. La grande difficulté des patients à maintenir la perte pondérale après 1 ou 2 ans souligne la complexité d’une évaluation quantifiée trop précoce. Pour l’instant, le critère d’efficacité sur la perte de poids ne concerne que les agonistes du GLP-1. Ce critère d’évaluation semble plus secondaire par rapport à la réduction de l’HbA1c qui prévaut jusqu’à présent dans notre évaluation du traitement, mais aux yeux du patient c’est bien souvent la perte pondérale qui compte plus que la réduction de la glycémie. Les priorités ne sont pas forcément les mêmes pour le patient et le diabétologue. Si l’on introduit le concept d’évaluation de l’efficacité d’un traitement antidiabétique par rapport à la perte pondérale observée, il est alors logique de prendre également en considération ce critère pour l’évaluation des traitements qui induisent un gain pondéral7. Il faudrait alors établir un algorithme qui prenne en compte à la fois la réduction de l’HbA1c et la variation pondérale associée sous traitement afin d’évaluer son efficacité sous ce double aspect. L’absence d’hypoglycémies Ce critère a pris beaucoup d’importance en diabétologie depuis quelques années. L’arrivée de nouveaux antidiabétiques induisant beaucoup moins d’hypoglycémies que les sulfamides hypoglycémiants a conduit les diabétologues et les patients à attacher davantage d’attention à la fréquence des hypoglycémies, même modérées, sous sulfamides ou insuline. Il a été montré que la répétition des hypoglycémies altère sensiblement la qualité de vie des patients9. L’existence d’alternatives thérapeutiques permet au diabétologue de tenir compte du risque d’hypoglycémies ou de réévaluer le traitement sur la base de ce critère, notamment chez les patients considérés comme plus vulnérables : personnes âgées, métiers ou conduites à risque, coronariens, patients avec comorbidités importantes. Ce critère a été repris par les recommandations du NICE pour influencer le choix de l’antidiabétique à associer à la metformine dans les situations à risque face aux hypoglycémies. La qualité de vie Ce critère d’évaluation est pour l’instant peu pris en considération par les agences du médicament qui le considèrent comme secondaire, voire accessoire, par rapport à un critère comme l’HbA1c. Pour une affection chronique, l’évaluation de la qualité de vie sous traitement ne semble cependant pas incongrue. Un tel critère est pris en compte pour les antalgiques ou certains médicaments en cancérologie. La difficulté réside dans son évaluation qui est subjective avec une différence d’appréciation qui peut être importante entre le patient et son conjoint ou entre les soignants et le patient, notamment pour la question des hypoglycémies. Les composantes de la qualité de vie sont multiples et pas toujours faciles à quantifier. La qualité de vie peut être influencée par les effets indésirables du traitement, la survenue d’hypoglycémies mais aussi la voie d’administration et le nombre de prises médicamenteuses quotidiennes9. En diabétologie, l’évaluation de la qualité de vie a été réalisée à partir de questionnaires dans des essais randomisés comme dans l’étude ACCORD mais cette notion reste peut utilisée dans l’évaluation du ratio bénéfices/risques d’un antidiabétique. On peut cependant penser que l’appréciation de la qualité de vie prenne davantage d’importance à l’avenir dans le processus d’évaluation des antidiabétiques, notamment sous la pression des associations de patients.   Quels critères retenir à l’avenir ?   Dans l’attente des prochaines recommandations de la HAS pour le traitement du diabète de type 2, qui s’inspireront probablement de celles du NICE, il est difficile de spéculer sur les critères et les seuils qui seront retenus en France. Il semble cependant logique que la réévaluation du traitement à 6 mois soit clairement recommandée et constitue le trépied sur lesquels reposeront les choix thérapeutiques proposés. Cette notion d’évaluation est devenue incontournable alors qu’elle était très peu évoquée dans les anciennes recommandations de 2006.   Les principaux critères qui pourraient servir de base à la réévaluation d’un traitement antidiabétique sont : L’obtention d’une réduction de l’HbA1c d’au moins 0,5 % à 6 mois pour les antidiabétiques oraux et d’au moins 0,7 % (voire 1 %) pour les médicaments injectables mais la controverse sur ces seuils pourrait être sans fin… L’évaluation de l’effet du traitement sur le poids devrait être proposée systématiquement. La difficulté réside dans le seuil retenu pour bonifier un traitement : perte d’au moins 3 % du poids initial ? Comment faut-il évaluer les thérapeutiques qui induisent une prise de poids (> 5 % du poids initial) ? Toutefois ce critère pondéral ne doit pas s’appliquer aux patients âgés, fragiles, dénutris ou insulinopéniques. Un critère combiné associant la variation de poids et la réduction de l’HbA1c serait pertinent et utile en pratique clinique. L’absence d’hypoglycémies, notamment chez les sujets fragiles est un critère important à prendre en considération. L’appréciation de la qualité de vie reste complexe et subjective mais a de l’importance pour le patient et son entourage. Elle devrait faire partie intégrante de l’évaluation dans certains contextes sensibles (personnes âgées, adolescents).   Conclusion   Il semble important de sensibiliser les médecins traitants et les patients à l’intérêt voire à la nécessité de réévaluer le traitement antidiabétique. Cela permet d’éviter de poursuivre un traitement inefficace, mal supporté ou source de prise pondérale importante ou d’hypoglycémies fréquentes alors que des alternatives thérapeutiques sont disponibles. L’absence de réévaluation du traitement peut conduire dans certains cas à un gaspillage du budget de la sécurité sociale voire à une authentique perte de chance pour le patient. La variété des mécanismes moléculaires impliqués dans le diabète de type 2 trouve son corolaire dans la variabilité interindividuelle de la réponse aux antidiabétiques, qui dépend aussi de l’âge, du contexte clinique et de l’ancienneté du diabète. Davantage d’études sont donc nécessaires afin de mieux déterminer le profil des bons répondeurs à chaque type de traitement.  Si besoin : Pour recevoir les références : biblio@diabetologie-pratique.com

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