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Nutrition

Publié le 31 aoû 2005Lecture 8 min

Saveurs et arômes au secours des régimes du diabétique

L. MONNIER, C. COLETTE, Hôpital Lapeyronie, Montpellier

Si les mesures diététiques restent la pierre angulaire du traitement du diabète sucré et de la prévention des complications cardiovasculaires, encore faut-il qu’elles soient appliquées, au moins partiellement, sur le long terme(1). Étant donné que l’obésité viscérale est le facteur causal majeur du diabète de type 2, c’est en général à des mesures de restriction de l’apport énergétique alimentaire que se trouvent confrontés médecins et patients. La prescription nutritionnelle devrait, comme tout acte thérapeutique, répondre à un objectif essentiel : l’effectivité.

Effectivité et efficacité ne sont pas synonymes, l’efficacité n’étant qu’une des composantes de l’effectivité qui est la somme de quatre éléments : Effectivité = efficacité + sécurité + qualité de vie + satisfaction du patient. Les deux premières composantes sont basées sur la médecine fondée sur les preuves qui conduit à des recommandations nutritionnelles, lesquelles sont mises en œuvre par des professionnels de santé : médecins et diététiciens. À titre d’exemple, le régime du diabétique obèse doit entraîner une perte de poids (efficacité). Il doit également être sûr, c’est-à-dire ne pas entraîner d’effets secondaires incommodants (sécurité), éviter les états de carence et préserver la fonte de la masse maigre grâce à un apport protéique suffisant. Les deux dernières composantes, c’est-à-dire la qualité de vie et la satisfaction vis-à-vis du régime, constituent le point de vue du patient. À cet égard, il convient de souligner que le patient est surtout un consommateur. Le maintien d’une prescription diététique sur le long terme se heurte aux impératifs de la vie professionnelle et sociale. À titre d’exemple, comment un individu peut-il, sur des mois ou des années, suivre un régime de prévention des maladies cardiovasculaires apportant, selon les recommandations officielles, moins de 30 % des calories sous forme de graisses, moins de 7 % des calories sous forme d’acides gras saturés et moins de 200 mg de cholestérol par jour(2) ? Un tel régime serait dépourvu de toute qualité gustative par la perte de l’onctueux qui est normalement apporté par les graisses alimentaires. C’est pourtant ce type de régime qui est souvent proposé aux malades. Dans ces conditions, il est facile de comprendre que les patients abandonnent plus ou moins leur régime au bout d’un certain temps, alors que les pratiques nutritionnelles devraient s’inscrire dans la durée.   Dans ces conditions, comment peut-on améliorer le suivi de mesures diététiques ?   Pour réaliser cet objectif, il conviendrait de respecter trois grandes règles d’équilibre nutritionnel.   L’équilibre entre apports énergétiques alimentaires et perte de poids   Cette première règle, basée sur le premier principe de la thermodynamique auquel la « machine humaine » n’échappe pas, nous dit tout simplement que la quantité d’énergie stockée ou perdue par l’organisme (∆U) est égale à la différence entre la quantité de calories apportée par les aliments (Q) et celle qui est dépensée par l’organisme (W). Dans ces conditions : ΔU = Q - W. Toute perte de poids implique donc que ΔU soit négatif et que Q soit inférieur à W. De manière concrète, il n’y a jamais de perte pondérale sans effort diététique, sans contrainte nutritionnelle. Pour que les efforts soient acceptables, il convient de fixer des objectifs raisonnables car toute réduction calorique s’accompagne d’un appauvrissement de la palatabilité de l’alimentation, d’une suppression ou d’une réduction des repas festifs, d’une suppression ou d’une réduction des apports en produits alimentaires à goût salé, sucré ou à texture onctueuse. L’objectif raisonnable est souvent de faire perdre 4 ou 5 kg, cette réduction pondérale étant souvent suffisante pour améliorer l’équilibre d’un diabétique ou pour prévenir la conversion d’une intolérance au glucose en diabète de type 2 avéré.   L’équilibre entre glucides et graisses mono-insaturées   Les recommandations officielles stipulent que l’apport en graisses devrait être inférieur à 30 % de l’apport énergétique total chez un diabétique afin de minimiser le risque de complications cardiovasculaires. Ce type de recommandation implique une augmentation des calories glucidiques, dont le pourcentage devrait être porté à 55 % de l’apport calorique total, les 15 % restants étant représentés par l’apport protidique. Le malheur réside dans le fait que les protéines et les glucides complexes (aliments amylacés) sont dépourvus de toute qualité gustative. Une répartition glucides – lipides – protides de type 55 % – 30 % – 15 % aboutit le plus souvent à une alimentation peu agréable par manque de goût sucré et absence d’onc­tuosité. Il existe pourtant, sur la première ligne des recommandations nutritionnelles de gra­de B2, une proposition importante qui est souvent ignorée par les prescripteurs et qui indique que la somme des apports en glucides et en acides gras mono-insaturés devrait représenter 66 % (les deux tiers) de l’apport énergétique total. Cette proposition est basée sur le fait que les régimes à 40 % de glucides et 25 % de graisses mono-insaturées sont au moins aussi efficaces que les régimes à 55 % de glucides et 10 % de graisses mono-insaturées en termes de désordres lipidiques (hypertriglycéridémie, hypoHDLémie), glucidiques (hyperglycémie) et hormonaux (hyperinsulinémie des syndromes d’insulinorésistance qu’ils accompagnent d’une simple intolérance au glucose ou d’un diabète de type 2 avéré). Dans ces conditions, pourquoi ne pas proposer des régimes qui apportent moins d’hydrates de carbone complexes (palatabilité faible) et davantage de graisses mono-insaturées sous forme d’huiles végétales qui apportent de l’onctueux ? Si, de surcroît, les graisses mono-insaturées sont apportées sous forme d’huile d’olive, l’onctuosité est complétée par un apport de constituants polyphénoliques à valeur aromatique. Il convient de ne pas oublier que la plupart des huiles végétales de consommation courante sont soumises à un processus de raffinage avant commercialisation, ce qui leur fait perdre arômes ou odeurs, selon que l’on se situe sur un versant agréable ou désagréable. L’huile d’olive obtenue par pression et filtration, sans purification ultérieure, garde tous ses arômes, ce qui lui confère une valeur ajoutée sur le plan gustatif.   L’équilibre entre saveurs, arômes et sensation en bouche   La palatabilité de l’alimentation est un assemblage subtil de trois composantes : – la sensation en bouche (caractère onctueux, craquant, croustillant de l’aliment), – les saveurs (salée, sucrée, amère, acide), – les arômes (ils sont plus de 5 000 !)(3) (figure 1). Figure 1. Le triangle de la palatabilité. Pour qu’un régime soit acceptable, trois éléments fondamentaux doivent être respectés : l’onctueux, le salé et le sucré. Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la préservation du caractère onctueux sous-entend que l’apport alimentaire en graisses soit maintenu à un niveau suffisant. Si l’on est amené à supprimer ou à réduire l’une des composantes, il faut essayer de compenser par l’une des composantes restantes. Le pire serait de supprimer les trois composantes fondamentales de la palatabilité et d’aboutir à un régime « infaisable ». La saveur salée est apportée par le chlorure de sodium. Son apport doit être plus ou moins diminué en cas de régime hyposodé. Les sels de régime, à base de chlorure de potassium sont des substituts gustatifs de pauvre qualité, car le potassium a un goût amer. La saveur sucrée de l’alimentation est en général sous la dépendance du saccharose qui a l’inconvénient d’apporter des calories et d’entraîner des hyperglycémies postprandiales chez les diabétiques. Les édulcorants intenses (cyclamates, saccharine, aspartame, acésulfame) peuvent être utilisés pour reproduire le goût sucré quand les apports en sucre doivent être limités. L’industrie alimentaire n’a pas que des défauts car elle fournit au consommateur des entremets à goût sucré, allégés, moins riches en calories et à pouvoir hyperglycémiant faible ou nul. En revanche, il convient de se méfier de certains produits dits « sans sucre » où le pouvoir sucrant est apporté par des sucres-alcools (xylose, sorbitol) qui ont un pouvoir hyperglycémiant quasiment nul mais qui apportent autant de calories que le saccharose : 3,2 kcal/g contre 4 kcal/g. C’est ainsi que certaines confiseries (bonbons « dits » sans sucre) ou le chocolat sans sucre contiennent autant de calories que leurs équivalents traditionnels. Le patient diabétique doit être informé de ces problèmes, en particulier lorsqu’il est en surpoids. L’onctueux est l’une des sensations les plus difficiles à reproduire. À ce jour, les graisses gardent une supériorité incontestable sur toutes les pseudo-solutions proposées par l’industrie agroalimentaire. Les substituts protéiques introduits dans les crèmes allégées, les amidons modifiés utilisés dans les sauces à faible teneur calorique, n’arrivent jamais à reproduire le caractère onctueux et crémeux de l’aliment de référence. Au risque d’insister lourdement, l’apport en graisses doit être maintenu à un niveau suffisant.   L’apport des arômes   Quand les réductions d’apports en sel, en sucres ou en graisses sont indispensables, les arômes peuvent venir au secours du consommateur. Les arômes se différencient des saveurs par leur taille et leur mode de perception. Les saveurs sont en général apportées par des molécules de taille variable mais dont le poids moléculaire varie entre 50 et 10 000. Elles sont perçues exclusivement par la langue. Les arômes sont des molécules de petite taille (esters, cétones, aldéhydes, composés hétérocycliques). Leur poids moléculaire est faible (< 200). En raison de leur structure chimique et de leur petite taille, elles sont fortement volatiles. Cela explique qu’elles soient perçues par les récepteurs olfactifs, par perception directe (olfaction directe ou odorat) ou indirecte (rétro-olfaction par volatilisation dans l’arrière-gorge) (figure 2). Leur nombre est considérable : plus de 5 000. Un seul aliment comme la fraise en contient 358. À partir de ces constatations on peut aisément concevoir que les arômes puissent donner une valeur ajoutée à l’alimentation, en termes de gastronomie. Deux grands scientifiques français (Pasteur et Maillard) sont indirectement au centre de la physiologie des arômes. Le procédé de fermentation découvert par Pasteur est à l’origine des arômes contenus dans les fromages, le chocolat… La réaction de Maillard (réaction de brunissement) est source de multiples arômes. À titre d’exemple, la réaction de caramélisation est une forme particulière de la réaction de Maillard qui produit le caramel (arôme) à partir du saccharose (saveur sucrée mais sans arôme). Ainsi la caramélisation apporte une valeur ajoutée à un aliment, le sucre, dont le goût serait limité à une saveur sucrée s’il n’avait pas été chauffé pour être caramélisé. Arômes industriels ou naturels ? L’industrie alimentaire utilise les arômes industriels pour améliorer la palatabilité des produits alimentaires. Il convient toutefois de souligner que cette industrie aura toujours des difficultés pour reproduire toutes les caractéristiques aromatiques d’un aliment naturel ou traditionnel. Dans ces conditions, nous ne pouvons que conseiller aux consommateurs et aux patients de consommer des aliments classiques, plutôt que leurs équivalents artificiels qui ont fait l’objet de recombinaison, de soustraction et d’addition plus ou moins complexes. Sans entrer dans le détail, les fromages traditionnels, non allégés, ont une valeur aromatique que ne possèdent jamais les fromages allégés et stérilisés. La valeur aromatique des fromages résulte de réactions chimiques et de réactions de fermentation qui nécessitent la présence de substrats lipidiques et de micro-organismes. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre qu’un fromage allégé à 0 % de matière grasse, et de surcroît stérilisé, est un produit alimentaire dépourvu de toute qualité gustative. Figure 2. Différences entre arômes et saveurs. En bref   Ainsi, il est préférable, en toute circonstance, de consommer en quantité raisonnable des produits naturels ou traditionnels, riches en arômes, que de se « gaver » de produits transformés à faible valeur gustative et qui sont uniquement destinés à obtenir un effet satiétogène par effet de masse. Pour rester simple, et en guise de conclusion, la qualité en petite quantité devrait toujours prendre le pas sur la quantité de petite qualité.

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