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Nutrition

Publié le 12 sep 2012Lecture 9 min

Vitamine D : Quid novi ? Cui bono ?

C. COLETTE, L. MONNIER, Université Montpellier I

La découverte de la vitamine D et la disparition du rachitisme furent une des grandes découvertes de la première moitié du XXe siècle. Ultérieurement, fut précisé le rôle de la vitamine D dans la régulation du métabolisme phosphocalcique et du capital osseux. Aujourd’hui, à tort ou à raison, la vitamine D est « mise à de nombreuses sauces » et une véritable frénésie de prescription s’est emparée de nombreux médecins. Tout ceci est-il justifié ? Ou s’agit-il d’un effet de mode ? Le but de cet article est d’essayer d’y voir un peu plus clair et de donner des indications thérapeutiques basées plus sur la raison que sur la passion.

Le métabolisme de la vitamine D   Il a été précisé par les magnifiques travaux de De Luca résumés dans une revue générale qui permet de faire la synthèse sur le métabolisme de la vitamine D(1). Les deux tiers de la vitamine D présente dans l’organisme sont synthétisés au niveau de la peau à partir d’un précurseur métabolique : le 7-déhydrocholestérol. La synthèse s’effectue sous l’influence de certains rayons ultraviolets dont la longueur d’onde est comprise entre 290 et 310 nm. C’est pour cette raison que la vitamine D est parfois désignée sous le terme de « vitamine du soleil ». Par ouverture du cycle, le 7-déhydrocholestérol est transformé en prévitamine D puis en vitamine D qui peut suivre ultérieurement plusieurs voies métaboliques : La première est une voie de stockage dans les tissus adipeux et musculaires. Il faut savoir que la vitamine D peut séjourner pendant des mois dans ces 2 catégories de tissus. La deuxième voie est une hydroxylation hépatique en position 25 qui conduit à la 25 hydroxyvitamine D : 25(OH)D. C’est le dosage plasmatique de ce métabolite qui est habituellement utilisé pour évaluer les réserves en vitamine D de l’organisme et pour savoir si le sujet est carencé ou non en vitamine D. La 25(OH)D est ultérieurement transformée pour donner un métabolite dihydroxylé : la 1,25(OH)2D. C’est ce métabolite, essentiellement d’origine rénale, qui est actif sur les tissus cibles : os, tube digestif… Une fraction minime de la vitamine D (le tiers environ) est apportée par l’alimentation. Il faut savoir que les aliments sont dans l’ensemble pauvres en vitamine D si l’exposition solaire est insuffisante. Sur le tableau 1, nous avons indiqué la teneur en vitamine D des principaux aliments qui en contiennent. Il convient de noter que les produits laitiers sont une faible source de vitamine D : 1 à 3 µg de vitamine pour 250 ml de lait de vache en sachant que les besoins quotidiens en vitamine D sont de l’ordre de 10 µg (400 unités internationales). La principale source alimentaire de vitamine D est l’huile de foie de morue (250 µg/100 g) mais la même quantité de vitamine D peut être synthétisée au niveau de la peau lors d’une exposition solaire de l’ordre d’1 heure conduisant à un érythème marqué. Une petite exposition solaire de 15 minutes avec production d’un érythème léger conduit à la synthèse de 10 µg de vitamine D, quantité qui correspond aux besoins quotidiens chez un adulte normal. La synthèse de vitamine D dépend aussi de l’âge du sujet, de la couleur de la peau et évidemment de la saison (figure 1)(2). Pour synthétiser correctement de la vitamine D au niveau de la peau, il est préférable d’être jeune, d’avoir une peau claire et d’être dans un pays ensoleillé. Par ailleurs, les taux plasmatiques de 25(OH)D sont en général à leur maximum pendant les mois d’été et à leur minimum pendant les mois d’hiver (figure 1)(2). Figure 1. Concentration plasmatique en 25(OH)D chez les sujets noirs (courbe bleue) et chez les sujets blancs (courbe rouge) en fonction de la saison (d’après2). Supplémentations en vitamine D   En accord avec les constatations évoquées dans le chapitre précédent, les supplémentations en vitamine D doivent être envisagées et éventuellement pratiquées chez les sujets à risque de carence. Les personnes âgées qui séjournent dans des milieux institutionnels, les habitants des pays où l’ensoleillement est faible, les enfants en bas âge devraient faire l’objet d’une surveillance particulière. Sur les encadrés 1 et 2, nous avons indiqué des recommandations de supplémentation selon que les personnes bénéficient ou non d’une exposition solaire correcte. L’évaluation du statut vitaminique D est en général basée sur le dosage de la 25(OH)D plasmatique. Aujourd’hui en se basant sur ce dosage, les prescriptions de préparations contenant de la vitamine D sont devenues quasi systématiques dès que les taux plasmatiques se situent en dessous de la limite inférieure de la normale donnée par les  laboratoires d’analyse. Que faut-il penser de cette frénésie ? Notre première remarque concerne la fiabilité des dosages de la 25(OH)D plasmatique Dans une étude pratiquée par Hector De Luca lui-même, il a été démontré que de grandes variations existent dans le dosage, allant du simple au double pour le même échantillon(1). Par ailleurs, comment définir les normalités quand on sait que le taux de la 25(OH)D dépend de multiples facteurs, même lorsqu’elle est correctement dosée ? Le sujet normal est-il une personne jeune, bénéficiant d’une exposition solaire correcte, consommant des poissons gras de manière régulière et ayant pratiqué le dosage pendant l’été ? À l’inverse, s’agit-il d’un adulte plus âgé, vivant dans une contrée septentrionale, ne consommant pas de poisson et ayant pratiqué le dosage pendant l’hiver ? Entre ces deux cas extrêmes, toutes les éventualités sont possibles. C’est pour cette raison que les dosages de 25(OH)D doivent être interprétés avec prudence. Les normalités avec un dosage fiable se situent entre 15 et 30 ng/ml En dépit de cette réalité, de nombreux laboratoires indiquent que le taux normal de 25(OH)D devrait se situer au-dessus de 30 ng/ml. À notre avis, ces normalités sont excessives et ne correspondent pas aux taux considérés comme normaux par le « pape » de la vitamine D, H. De Luca, pour lequel la normalité se situe aux alentours de 20 ng/ml1. Le flou qui existe dans les dosages de 25(OH)D conduit à des diagnostics de carence en vitamine D et à des supplémentations vitaminiques qui sont souvent injustifiées. En cas de doute, le meilleur moyen de lever l’ambiguïté est de doser la 1,25(OH)2D, qui est le métabolite actif On peut éventuellement compléter par un dosage de la parathormone (PTH) plasmatique. Une carence vraie en vitamine D conduit à une diminution de la 25(OH)D et de la 1,25(OH)2D et à une augmentation réactionnelle de la PTH (tableau 2). Une fausse carence en vitamine D (dosage bas de la 25(OH)D) ne s’accompagne d’aucune modification des taux plasmatiques de 1,25(OH)2D et de PTH. La découverte d’un taux normal de 1,25(OH)2D, qui est le métabolite actif de la vitamine D, permet d’éliminer une carence en vitamine D quand la 25(OH)D a été trouvée basse chez une personne donnée. Ceci permettrait d’éviter les supplémentations abusives et ce d’autant plus que la vitamine D n’est pas anodine lorsqu’elle est administrée de manière excessive chez des sujets qui n’en ont nullement besoin. Les effets de la vitamine D en dehors du métabolisme phosphocalcique et du tissu osseux   Rappelons brièvement que la vitamine D intervient dans la régulation du métabolisme phosphocalcique en agissant sur deux tissus cibles : l’intestin et l’os. Au niveau de l’intestin, elle favorise l’absorption calcique. Au niveau de l’os, elle participe à la formation osseuse en permettant la calcification de la substance ostéoïde. Toutefois, il convient de souligner qu’elle participe aussi à l’ostéolyse en agissant sur la résorption osseuse périostéocytaire. La vitamine D, indispensable quand le sujet est en état de carence, peut devenir délétère quand elle est donnée sans discernement à des sujets qui ont un statut vitaminique normal. Dans ce cas, elle peut provoquer des hypercalciuries, entraîner des lithiases calciques et favoriser la précipitation de calcium dans différents tissus : parois artérielles par exemple. Malgré cela, certains n’hésitent pas à préconiser l’administration de doses de vitamine D parfois élevées à des sujets souffrant de pathologies diverses, voire pour prévenir certaines affections. Cette vision des choses est fondée sur le fait que la vitamine D est capable de réguler l’expression de plus de 500 gènes sur les 20 488 qui constituent le génome de l’être humain(3). Par ailleurs, de nombreux organes, en dehors du rein, sont capables de convertir la 25(OH)D en 1,25(OH)2D. Pour ces organes (figure 2), la production de 1,25(OH)2D se fait in situ. La 1,25(OH)2D n’est pas déversée ultérieurement dans la circulation générale(4). Que la 1,25(OH)2D soit utilisée sur son lieu de production ou à distance, après avoir été sécrétée par le rein, elle agit en se liant à un récepteur nucléaire spécifique (VDR = Vitamin D Receptor) qui est réparti de manière ubiquitaire dans de nombreux tissus dont la liste est indiquée sur l’encadré 3. En raison de l’action régulatrice de la vitamine D sur le système immunitaire, il a été suggéré qu’elle pourrait prévenir l’apparition du diabète de type 1 auto-immun. Par son action hypothétique et controversée sur les cellules bêta des îlots de Langer- hans et sur l’insulinorésistance, il a été avancé que la vitamine D pouvait être utile dans le traitement du diabète de type 2. Dans une revue récente portant sur les relations entre diabète de type 2 et vitamine D, les auteurs sont arrivés à la conclusion que la communauté scientifique attend des preuves avant de proposer la vitamine D comme traitement préventif ou curatif dans le diabète de type 2(5). Bien que les auteurs de cette revue préconisent de maintenir les taux plasmatiques de 25(OH)D au-dessus de 30 ng/ml, la proposition de supplémentation reste une simple allégation nutritionnelle. Dans aucun cas cette allégation ne devrait être convertie en allégation fonctionnelle (amélioration de la sécrétion insulinique et de la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline) et a fortiori en allégation santé ou maladie : traitement ou prévention du diabète sucré. A priori, il nous semble que si la vitamine D avait une action réelle chez les diabétiques, nous le saurions depuis longtemps. Dans ces conditions le problème des relations entre vitamine D et diabète peut être résumé par le titre de la célèbre comédie de William Shakespeare en 1600 : Beaucoup de bruit pour rien(6). Figure 2. Métabolisme général de la vitamine D. La 25(OH)D peut être convertie in situ en 1,25(OH)2D dans de nombreux organes : reins, prostate, côlon, glandes mammaires, tissu osseux. Pour la majorité des organes, la 1,25(OH)2D reste à l’intérieur de l’organe où elle a été produite. Seuls les reins déversent la 1,25(OH)2D dans la circulation générale. La 1,25(OH)2D va ensuite agir au niveau de ses organes cibles en se liant sur un récepteur nucléaire : le VDR ou Vitamin D Receptor (d’après4). Conclusion   La prescription de la vitamine D devrait s’inscrire dans un modèle « hormétique »*. La carence en vitamine D est délétère car elle conduit à des perturbations du métabolisme phosphocalcique et osseux : hypocalcémie, rachitisme, ostéomalacie. Les surcharges en vitamine D peuvent conduire à la précipitation de calcium dans divers organes : cavités rénales, parois artérielles. En fait, les doses de vitamine D doivent être maintenues dans une zone « homéostasique » permettant d’aboutir à des taux normaux pour les métabolites de la vitamine D, incluant la 1,25(OH)2D. Ces conclusions sont totalement en accord avec celles émises par Rosen dans un article publié récemment  dans le N Engl J Med7: « En dépit de l’intérêt porté par les médias sur le rôle potentiel de la vitamine D pour réduire le risque de certaines maladies chroniques, les supplémentations en vitamine D ne peuvent être recommandées de manière routinière pour réduire le risque de cancer ou de maladies cardiaques. Ces allégations ne restent que des hypothèses qui nécessitent une confirmation par des essais contrôlés, randomisés sur de larges populations ». Nous en sommes malheureusement très loin… * Se dit d’une substance présente en très faible concentration dans l’organisme mais qui lui est indispensable. Note : Une partie de cet article a fait l’objet d’une conférence donnée par Louis Monnier lors du congrès annuel de la Fédération nationale des associations régionales d’endocrinologie-diabétologie-métabolisme (Fenarediam) qui s’est déroulé à Saint-Pétersbourg (Russie) en juin 2011.

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