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Études

Publié le 31 mai 2012Lecture 6 min

ACCORD-Lipides : quelles leçons vis-à-vis de l’association statine-fénofibrate ?

M. FARNIER, Point Médical, Dijon

L’étude ACCORD dans son bras « Lipides » est jusqu’à présent la seule étude de prévention cardiovasculaire ayant évalué l’association entre une statine (simvastatine dans ACCORD) et le fénofibrate.

Pourquoi envisager une association entre une statine et le fénofibrate ?   Même si un traitement par statine réduit significativement les événements cardiovasculaires et, dans certains essais de prévention, la mortalité totale et/ou cardiovasculaire, il persiste un risque cardiovasculaire résiduel substantiel sous statine. Or, les analyses complémentaires des essais sur les statines ont montré de façon constante que le risque résiduel est plus élevé chez les patients ayant des triglycérides (TG) élevés et/ou un HDL-cholestérol (HDL-C) bas, et ceci même si les objectifs LDL-cholestérol (LDL-C) sont atteints. L’une des stratégies médicamenteuses possibles pour agir sur ce risque résiduel sous statine serait donc d’associer un fibrate pour obtenir en particulier une action complémentaire sur les paramètres TG et HDL-C. Toutefois, cette association a rapidement été décrite comme étant à risque accru de myopathie et de rhabdomyolyse et, de ce fait, cette association statine/fibrate a fait l’objet de précautions d’emploi. Toutes les données récentes ont montré que le risque accru de myopathie est observé essentiellement lors de l’utilisation d’un fibrate, le gemfibrozil, qui doit être considéré comme contre-indiqué en association avec une statine. À l’opposé, l’utilisation du fénofibrate en association à une statine n’induit pas plus de risque de myopathie que l’utilisation de fortes doses de statine. C’est d’ailleurs une leçon importante de l’étude ACCORD-Lipides réalisée spécifiquement chez des patients diabétiques de type 2 et randomisés en deux groupes traités, soit par simvastatine et fénofibrate, soit par simvastatine et placebo : la tolérance à long terme de l’association simvastatine/fénofibrate a été excellente au terme d’un suivi moyen de 4,7 années, sans augmentation du risque de myopathie et de rhabdomyolyse par rapport au groupe simvastatine seule. À noter que l’étude ACCORD-Lipides a également confirmé le rôle des anomalies TG et HDL-C vis-à-vis du risque résiduel sous statine puisque les patients sous simvastatine seule du sous-groupe préspécifié ayant une dyslipidémie athérogène caractérisée par TG élevés et HDL-C bas avaient un risque résiduel d’événements cardiovasculaires beaucoup plus élevé que les patients avec TG et HDL-C normaux. Le risque résiduel observé dans le groupe placebo, c’est-à-dire chez les patients recevant la simvastatine seule, et avec dyslipidémie athérogène, était comparable au risque résiduel observé chez les diabétiques en prévention secondaire de cette étude.   Quelle place pour une association statine/fénofibrate ?   Dans l’étude ACCORD-Lipides comparant l’association simvastatine et fénofibrate à la simvastatine seule, il n’a pas été mis en évidence de bénéfice cardiovasculaire significatif sur le critère principal de l’étude regroupant les infarctus du myocarde non mortels, les accidents vasculaires cérébraux non mortels et les décès cardiovasculaires. Il n’y a donc aucune indication à associer systématiquement le fénofibrate à une statine chez tous les diabétiques de type 2. Toutefois, dans l’analyse préspécifiée du sous-groupe ayant une dyslipidémie athérogène, l’addition du fénofibrate à la simvastatine a diminué de 31 % la morbi-mortalité cardiovasculaire à 5 ans par comparaison à la simvastatine en monothérapie comme illustré sur la figure. Réduction du risque d’événements cardiovasculaires dans ACCORD-Lipides : sous-groupe préspécifié avec dyslipidémie. Les résultats de ce sous-groupe sont donc en faveur de l’utilisation d’une association statine et fénofibrate, mais uniquement chez des patients à haut risque résiduel sous statine, et ayant des TG élevés et un HDL-C bas. À noter qu’une analyse complémentaire présentée à la FDA a montré que le bénéfice était significatif dans le sous-groupe avec TG ≥ 2,0 g/l et/ou HDL-C < 0,40 g/l. Certes, l’étude ACCORD-Lipides n’a inclus que des diabétiques de type 2, mais la cohérence de l’ensemble des études de prévention réalisées avec tous les fibrates avec de façon constante un bénéfice uniquement observé chez les patients avec dyslipidémie athérogène, a fait retenir cette indication particulière d’associer le fénofibrate avec une statine par les autorités européennes chez les patients à haut risque, pour lesquels les taux de TG et/ou HDL-C ne sont pas contrôlés. L’autre argument pour l’utilisation du fénofibrate en association avec une statine chez le diabétique de type 2 provient du bénéfice démontré pour certaines complications microvasculaires (réduction de la micro- et macro-albuminurie et moindre progression de la rétinopathie). Que faut-il penser de l’élévation de la créatininémie sous fénofibrate ?   Une autre réserve vis-à-vis de l’utilisation du fénofibrate aussi bien seul qu’en association avec une statine est la notion d’une élévation de la créatininémie observée de façon fréquente dans tous les essais avec le fénofibrate. Or, des analyses complémentaires récentes sont rassurantes vis-à-vis des effets du fénofibrate sur la fonction rénale. Dans une analyse complémentaire de l’étude FIELD utilisant le fénofibrate en monothérapie, il a été montré que l’élévation de la créatinine plasmatique et la diminution associée du débit de filtration glomérulaire sont réversibles lorsque le traitement par fénofibrate est interrompu avec même, au long cours, moins de dégradation de la fonction rénale sous traitement par fénofibrate. Cette réversibilité de l’élévation de la créatininémie vient d’être également observée dans une analyse complémentaire de l’étude ACCORD-Lipides : les participants qui avaient eu dans cette étude une augmentation de la créatininémie ≥ 20 % sont revenus après arrêt du fénofibrate à un même niveau de fonction rénale que les patients ayant reçu le placebo. De plus, les patients chez lesquels l’élévation de la créatininémie n’a pas dépassé 2 % ont eu une préservation de leur fonction rénale par comparaison à un groupe de référence recevant le placebo et ceci, au terme d’un suivi moyen de 4,7 années.   Conclusion   Pour traiter une dyslipidémie, l’abaissement du LDL-C par une statine reste indéniablement l’objectif principal pour réduire le risque cardiovasculaire. Mais l’étude ACCORD-Lipides milite en faveur de l’association du fénofibrate à une statine pour le sous-groupe particulier des patients ayant une dyslipidémie athérogène (TG élevés et/ou HDL-C bas). Ceci a conduit récemment les autorités européennes à autoriser comme indication thérapeutique pour le fénofibrate son utilisation en association avec une statine, mais uniquement chez des patients à haut risque cardiovasculaire lorsque TG et HDL-C ne sont pas correctement contrôlés. Il faut toutefois noter qu’aucune étude de prévention cardiovasculaire n’a été réalisée spécifiquement dans cette catégorie particulière de patients avec TG élevés et/ou HDL-C bas et il paraît très souhaitable qu’un tel essai clinique soit programmé dans l’avenir pour confirmer l’indication actuellement proposée par les autorités européennes. Conflits d’intérêts : le Dr Michel Farnier déclare avoir reçu des honoraires en tant qu’investigateur, expert scientifique et/ou conférencier de la part des firmes suivantes : Abbott, Astra-Zeneca, Boehringer-Ingelheim, Genzyme, Kowa, Eli-Lilly, Merck and Co, Merck-Schering-Plough, Novartis, Pfizer, Recordati, Roche, Sanofi-Aventis et SMB.

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