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Thérapeutique

Publié le 13 mar 2013Lecture 6 min

PCSK9 : une cible d’avenir pour le traitement des hypercholestérolémies

B. CARIOU, Clinique d’Endocrinologie, CHU Nantes


La prise en charge des dyslipidémies demeure une priorité pour réduire le risque cardiovasculaire, notamment chez les diabétiques. Les stratégies visant à augmenter le HDL-cholestérol (HDL-C) ayant été décevantes ces dernières années (échec des essais cliniques avec les inhibiteurs de la CETP et l’acide nicotinique), l’abaissement du LDL-cholestérol (LDL-C) demeure la cible prioritaire. En effet, les différentes métaanalyses des essais randomisés d’intervention avec les statines démontrent clairement que l’abaissement du LDL-C s’accompagne systématiquement d’une réduction des événements cardiovasculaires.
Néanmoins, certains patients à très haut risque ne parviennent pas à atteindre l’objectif strict de LDL < 0,7 g/l sous des doses maximales de statine, alors que d’autres tolèrent mal ce type de traitement (myalgies essentiellement). Il existe donc une place pour le développement de nouveaux traitements hypolipémiants ciblant le LDL-C, plus puissants et mieux tolérés que les statines.

PCSK9 : un inhibiteur endogène du récepteur du LDL (LDLR) PCSK9 (Proprotein Convertase Subtilisin Kexin Type 9) est une protéine exprimée essentiellement dans le foie, le rein et l’intestin. Elle est le 9e membre de la famille des proprotéines convertases (PC) qui activent une multitude de substrats (hormones, neuropeptides, etc.) en les clivant et sont ainsi impliquées dans de très nombreux processus biologiques (par exemple, PC1 dans le clivage de la pro-insuline en insuline). PCSK9 se clive elle-même dans le réticulum endoplasmique, progresse dans le Golgi et est finalement sécrétée dans le sang. Contrairement aux prodomaines des autres PC qui peuvent être à nouveau clivées à distance du site de synthèse de l’enzyme, libérant ainsi leur activité enzymatique, le prodomaine de PCSK9 reste intact et demeure lié à la protéine, une fois celle-ci sécrétée dans le plasma. Ainsi, mis à part elle-même, il n’est pas connu d’autre substrat à PCSK9. La seule activité biologique clairement reconnue de PCSK9 est celle d’inhiber le LDLR. En l’absence de PCSK9, la lipoprotéine LDL, riche en cholestérol, se lie à son récepteur via l’apolipoprotéine B et l’ensemble est endocytosé dans l’hépatocyte. Alors que la particule de LDL est orientée vers les lysosomes où ses composants sont métabolisés ou recyclés, le LDLR est redirigé vers la surface de l’hépatocyte pour lier et épurer une nouvelle particule de LDL. PCSK9 circulante interrompt ce cycle en se liant au domaine extracellulaire du LDLR, agissant ainsi comme une protéine chaperone. L’ensemble est endocytosé, mais au lieu de repartir vers la membrane, le LDLR et PCSK9 sont détruits dans les lysosomes. En somme, plus les concentrations plasmatiques de PCSK9 sont élevées, moins la quantité de LDLR présent à la surface de l’hépatocyte est importante et plus la cholestérolémie augmente. L’expression de PCSK9 est finement régulée par les concentrations intracellulaires de stérols, tout comme celle du LDLR. Un abaissement de la teneur en stérols, notamment en réponse aux statines qui inhibent la synthèse de cholestérol, se traduit par une augmentation de la synthèse de PCSK9... et du LDLR (qui pour rappel est le mécanisme moléculaire de l’effet hypocholestérolémiant des statines). PCSK9 est donc un frein à l’effet des statines et sa neutralisation devrait amplifier leur effet hypocholestérolémiant. PCSK9 : une recherche translationnelle accélérée L’identification de variants hyper- ou hypocholestérolémiants de PCSK9, c’est-à-dire « gain » ou « perte de fonction », a permis non seulement la découverte du gène, mais également de valider la preuve de concept de l’inhibition PCSK9 comme une nouveau moyen d’abaisser la cholestérolémie et de diminuer le risque cardiovasculaire. En 2003, PCSK9 a été identifié comme étant le 3e gène responsable de l’hypercholestérolémie familiale autosomique dominante (après le récepteur au LDL [LDLR] et son ligand l’apolipoliprotéine B). À l’inverse, l’étude de la cohorte américaine ARIC a révélé que deux variants non sens de PCSK9 (Y142X, C679X) à l’origine d’une protéine tronquée affectent 1 Afro-Américain sur 40. Ces variants non sens s’accompagnaient d’une valeur moyenne de LDL-C abaissée de 28 % et d’un risque de maladie coronaire diminué de 88 % sur une période de 15 ans. Dans la même étude, un second variant faux sens (R46L) affectant 1 individu caucasien sur 30, abaissait le LDL-C de 15 % et le risque de maladie coronaire de 47 %. Ces résultats impressionnants (supérieurs à ceux retrouvés dans les essais d’intervention avec les statines) sont probablement dus au fait que les concentrations de LDL-C sont abaissées dès le plus jeune âge. Ce travail a été pionnier car il a clairement démontré l’efficacité et la sécurité (les porteurs de ces variants non sens sont en bonne santé) d’une inhibition prolongée de PCSK9 en termes de protection cardiovasculaire. Il aboutira aux premiers essais cliniques avec des inhibiteurs pharmacologiques de PCSK9 en 2012, soit moins de 10 ans après l’identification du gène… Quelle stratégie d’inhibition ? Il existe principalement deux grandes classes d’inhibiteurs de PCSK9 en cours d’évaluation clinique, tous en préparations injectables : les anticorps monocolonaux et les oligonucléotides. Les anticorps monoclonaux ciblent la protéine circulante afin d’empêcher son interaction avec le LDLR et sont à l’heure actuelle testés dans des essais cliniques de phase 3. Les oligonucléotides (du type anti-sens ou SiRNA) entraînent une dégradation de l’ARNm de PCSK9 ou de sa traduction, et donc la diminution de la synthèse protéique. Ces molécules sont actuellement évaluées dans des essais de phase 1. Il est prématuré de prédire l’efficacité relative de ces deux stratégies. Effectivement, la fonction intracellulaire de la protéine, si elle en a une, est peu décrite. Elle pourrait être révélée, à l’avenir, par la comparaison des effets obtenus avec les anticorps et les oligonucélotides. Une dernière stratégie (conceptuelle pour l’instant…) serait de bloquer la maturation et donc la sécrétion de PCSK9 en inhibant son activité catalytique au niveau intracellulaire. Les essais cliniques avec les inhibiteurs de PCSK9 : des résultats très prometteurs En 2012, les résultats des essais de phase 2 obtenus avec 2 anticorps monoclonaux anti-PCSK9 (Sanofi-Regeneron© et Amgen©) ont été publiés. De façon rassurante, les résultats obtenus sont comparables avec les deux molécules. Chez des patients à haut risque cardiovasculaire (hypercholestérolémie familiale hétérozygote), déjà traités pas des doses maximales tolérées de statine (± ézétimibe), les anticorps anti-PCSK9 entraînent une diminution impressionnante du LDL-C de 60 %. Quasiment 100 % des patients atteignent l’objectif de LDL-C < 0,7 g/l. L’effet sur le HDL-C est neutre (une légère augmentation de 5 à 10 %, parfois significative, a été décrite dans certaines études), alors qu’une baisse des triglycérides d’environ 15 % est observée. En revanche, fait surprenant et inexpliqué, il a été observé une diminution significative de la Lp(a) d’environ 20-30 %, qui pourrait conférer une protection cardiovasculaire supplémentaire. La tolérance a été très bonne sur ses études de courte durée (i.e. 12 semaines), avec l’absence d’effets indésirables graves. Les essais de phase 3 sont actuellement en cours, de même que les essais de morbi-mortalité cardiovasculaire qui viennent de démarrer. Plusieurs questions demeurent en suspens : • Quelles sont les conséquences à long terme de taux très abaissés de LDL-C (certains patients atteignant des taux < 0,25 g/l) ? • Quel sera l’effet des inhibiteurs dans le cadre des dyslipidémies mixtes associées au diabète de type 2 et à l’insulinorésistance (LDL-C « normal » mais LDL petites et denses, HDL-C bas, triglycérides élevés) ? • Quelles sont les conséquences de l’inhibition de PCSK9 sur l’homéostasie du glucose et le risque de diabète ? • Quelle est l’efficacité à long terme de ces anticorps monoclonaux (développement d’anticorps spécifiques), même s’il s’agit d’anticorps humanisés) ? En pratique : quelles sont les populations cibles ? Les populations cibles de ce nouveau traitement sont celles les plus à risque : - hypercholestérolémie familiale hétérozygote (voire homozygote) ; - prévention secondaire cardiovasculaire, qui n’atteignent pas l’objectif de LDL-C sous une dose maximale tolérée de statines ; - une autre population cible est celle des patients intolérants aux statines. Conclusion L’inhibition de PCSK9 ouvre un nouveau champ dans le domaine de la prise en charge des hypercholestérolémies, en ciblant de façon spécifique et complémentaire des statines le LDL-C. Les résultats de phase 2 avec des anticorps monoclonaux sont très encourageants et les études de phase 3 sont déjà en cours. Outre le coût du traitement, un des freins au développement de ces inhibiteurs concerne la voie d’administration (injections SC), qui constitue un réel changement dans le domaine de la lipidologie. À l’avenir, il est probable que le positionnement des inhibiteurs de PCSK9 dépendra, en partie du moins, des résultats des études de morbi-mortalité avec les nouveaux inhibiteurs de CETP (l’anacétrapib et l’evacétrapib qui abaissent également le LDLC), qui présentent l’avantage d’une prise per os.

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