publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Congrès

Publié le 14 fév 2013Lecture 7 min

Microbiote et obésité

M. DEKER, d’après la communication de B. Vialettes, Marseille


32es Journées Nicolas Guéritée
Chaque individu est constitué de son propre corps et abrite une masse bactérienne, son microbiote intestinal, qui vit en symbiose avec lui. Les 540 000 gènes de ce microbiote viennent le compléter, ce qui laisse supposer que ce microbiote puisse participer à la genèse de certaines affections, touchant non seulement le tube digestif mais aussi le métabolisme. À ce titre, le microbiote intestinal pourrait être impliqué dans l’obésité et le syndrome métabolique. 

Les milliards de bactéries du microbiote intestinal peuvent être classées sous forme de phyla, c’est-à-dire de parentés structurales. Cette grande diversité peut se réduire ; en effet, 40 espèces représentent 99 % de la diversité : les Firmicutes représentent 60 % du microbiote, parmi lesquels figurent les staphylocoques et Clostridia ; les Bacteroidetes incluant Bacteroides, un peu plus de 10 % et les Actinobacteria comprenant les bifidobactéries.  L’étude de ces bactéries est difficile car seulement 30 % d’entre elles peuvent être cultivées avec les méthodes classiques de coproculture, ce qui nécessite de faire appel à des méthodes de multiplication des coprocultures ou à rechercher les séquences communes à ces diverses espèces par diverses méthodes plus ou moins sophistiquées. Le microbiote, une signature qui nous est propre Le microbiote provient principalement de nos mères et diffère selon le mode de délivrance (germes plutôt d’origine vaginale si accouchement par voie basse, ou plutôt cutanés si accouchement par césarienne). Dans les premiers temps de la vie, le microbiote est surtout constitué de bifidobactéries ; il se complète ultérieurement et atteint une certaine stabilité après l’âge de 3 ans ; en vieillissant, le taux de Bacteroidetes augmente et celui des bifidobactéries diminue. L’origine ethnique induit quelques différences, au sein même des grandes régions géographiques. Il en est de même des habitudes alimentaires et des traitements antibiotiques. La biomasse intestinale, un véritable organe microbien Elle contrôle le risque d’infection, elle participe à la conformation du système immunitaire digestif (à cet égard, elle pourrait participer au déterminisme du diabète de type 1, selon certains travaux), elle régit le développement et la perméabilité des microvillosités intestinales, elle permet de synthétiser certaines vitamines, elle intervient dans les processus de digestion et d’assimilation de l’énergie et le stockage des nutriments énergétiques. De nombreux substrats nutritionnels qui ne sont pas digestibles par les enzymes du tube digestif vont subir dans le côlon une fermentation anaérobique qui donnera naissance à des substrats énergétiques (formate, lactate, acides gras à courte chaîne comme le butyrate, l’acétate, le propionate) qui sont absorbés. Cet afflux de métabolites énergétiques dans la partie terminale de l’intestin pourrait jouer un rôle dans le métabolisme lipidique. Les expériences fondatrices Des souris axéniques soumises à une diète conventionnelle occidentale, donc propice au développement de l’obésité, ont un gain de poids nettement inférieur à celui de souris ayant un microbiote intestinal normal. Leur graisse abdominale est nettement moins volumineuse, de même que la taille de leurs adipocytes. Si l’on ensemence l’intestin de ces souris axéniques avec une flore normale provenant d’animaux normaux, ces souris développent un morphotype identique.  De multiples mécanismes sont avancés pour expliquer ces phénomènes :  • le microbiote intestinal hydrolyse des sucres complexes, créant de nouveaux substrats qui agissent sur le foie et le muscle, participant à la genèse d’une stéatose hépatique et d’une insulinorésistance ;  • les acides gras à courte chaîne libérés dans le tube digestif peuvent influer sur la sécrétion du GLP-1, pouvant participer à un certain degré d’hyperinsulinisme, sur la régulation du peptide PYY, donc interférer avec la prise alimentaire, et agir sur le facteur fasting-induced adipose factor (FIAF) qui est un inhibiteur de la LPL (lipoprotéine lipase adipocytaire), d’où un rôle potentiel en favorisant l’accrétion adipeuse ;  • il peut aussi jouer un rôle sur le GLP-2 qui contrôle la perméabilité villositaire et favorise le passage des endotoxines (LPS, TLR-4), pouvant participer à la micro-inflammation associée à l’obésité. Que se passe-t-il chez les sujets obèses ? Les travaux de R.A. Ley se sont intéressés à la flore intestinale de souris normales ou ob/ob caractérisées par l’absence de leptine : ces souris ob/ob présentent un déséquilibre du microbiote en faveur de Firmicutes, la part des Bacteroidetes s’effondrant ; l’implantation chez des souris axéniques d’une flore provenant de ces souris obèses conduit à une accumulation de tissu adipeux. Des découvertes assez semblables ont été faites chez l’être humain, à savoir que les Bacteroidetes sont moins représentés chez les obèses. On a aussi pu montrer que certaines archées (microorganismes proches des eucaryotes, capables de survivre dans des environnements extrêmes grâce à leur équipement enzymatique particulier) sont fondamentalement diminuées chez les obèses. Par ailleurs, les lactobacilles tendent à augmenter chez les obèses.M. Million a réalisé un screening entre les sujets obèses, en surpoids, de poids normal et maigres, afin d’établir une éventuelle corrélation entre le poids et la représentation bactérienne dans le microbiote : une diminution significative des Bacteroidetes a effectivement été mise en évidence avec l’augmentation pondérale ; le Metanobrevibacter smithii diminue également au fur et à mesure que le poids s’élève. Les lactobacilles ont tendance à augmenter. Pour certains lactobacilles de cette chaîne pondérale, il n’y a pas de variation, alors que d’autres, tel L. reuteri (stimulé par le glycérol et qui sécrète des toxines dirigées contre les autres bactéries), croissent avec le poids et, inversement, pour Bifidobacterium animalis. Une métaanalyse récente montre que Metanobrevibacter, E. coli et Bacteroidetes sont associés à la minceur. Quel est le phénomène primaire ? Au final se pose la question : est-ce le fait d’avoir une flore particulière qui engendre l’obésité ou le fait d’être devenu obèse en raison de contraintes alimentaires qui entraîne des modifications de la flore intestinale ? Un moyen simple pour répondre à la question est d’étudier la flore chez des patients soumis à des régimes, ainsi que R.E. Ley l’a fait, en soumettant des obèses à des régimes hypocaloriques, hypoglucidiques ou hypolipidiques, ayant abouti à des pertes de poids majeures. En perdant du poids, les patients ont augmenté leur taux de Bacteroidetes, pour retrouver la même proportion de germes intestinaux que les sujets de poids normal. Il y a donc une réversibilité du microbiote associé à l’obésité, sans réelle différence selon le type de régime.  Chez les patients traités par un by-pass, les Bacteroidetes reviennent à la normale de même que les autres espèces. Un traitement de l’obésité passant par une modification de la flore intestinale ? Nous disposons : - des prébiotiques, nutriments servant de substrat à certains germes dont ils favorisent l’expansion,  - des probiotiques, compléments alimentaires contenant le germe que l’on souhaite voir se développer,  - des symbiotiques qui associent le prébiotique et le probiotique,  - des antibiotiques qui modifient la flore en sélectionnant les bactéries résistantes à l’antibiotique.  Le groupe de D. Raoult, partant du constat que l’industrie agroalimentaire obtient des animaux plus gros et plus gras en les traitant avec des antibiotiques, a comparé des patients recevant de la vancomycine (à laquelle les lactobacilles sont résistants alors qu’il sont sensibles à l’amoxicilline) à d’autres recevant de l’amoxicilline : les premiers ont pris 2,3 points d’IMC et les seconds 0,6 point ; 7/11 des patients sous vancomycine et 7/28 sous amoxicilline ont vu leur IMC augmenter de > 10 %. On a donc l’impression que le choix de l’antibiotique influe sur la prise de poids. Dans un essai récent, FATLOSS, une transplantation de microbiote a été réalisée chez des individus obèses, dont on a diminué au maximum le microbiote intestinal naturel et qui ont été réensemencés avec un microbiote provenant d’un individu de poids normal insulinosensible. Comparativement à un groupe transplanté avec la flore autologue qui ne bénéficie d’aucune variation pondérale, le groupe transplanté avec la flore allogénique a montré de grandes variations pondérales, une amélioration de la sensibilité périphérique à l’insuline et un meilleur freinage de la production hépatique de glucose, malgré une grande diversité des résultats.  La composition du microbiote intestinal serait plutôt consécutive à l’hyperalimentation des patients. Son déséquilibre est réversible avec l’amaigrissement sous régime hypocalorique. Les expérimentations d’allogreffe de flore intestinale semblent confirmer la théorie de R. Burcelin qui considère que la flore intestinale conditionne l’inflammation de bas grade observée dans l’obésité et le syndrome métabolique.  D’après la communication de B. Vialettes, Marseille - Paris, 23-24 novembre 2012.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème