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Thérapeutique

Publié le 14 oct 2013Lecture 8 min

Statines et risque de diabète : où en sommes-nous ?

M. FARNIER Point médical, Dijon

Les statines sont parmi les médicaments les plus prescrits à travers le monde en raison de leur bénéfice bien démontré dans la prévention primaire et secondaire des événements cardiovasculaires liés à l’athérosclérose. Au cours des dernières années, un débat est apparu sur l’effet diabétogène des statines, effet maintenant mentionné dans les précautions d’emploi aux États-Unis et pour certaines statines en France. De nombreuses publications récentes apportent des informations complémentaires vis-à-vis de ce risque.  

Quel est le niveau d’évidence de ce risque diabétogène ? Dans les essais contrôlés de prévention cardiovasculaire utilisant les statines, l’incidence de nouveaux cas de diabète et/ou la détérioration de l’équilibre glycémique de diabétiques connus n’avaient pas été définies comme un critère principal de jugement. À la suite de l’étude JUPITER, où est apparue une augmentation d’environ 25 % de l’incidence des diabètes rapportés par les investigateurs sous rosuvastatine 20 mg par rapport au placebo, des métaanalyses ont évalué à 13 % dans l’une(1) et à 9 % dans l’autre(2) le risque de développer un diabète de type 2 sous traitement par statine par rapport au placebo. Dans la seconde métaanalyse, le risque n’était pas corrélé avec la variation du LDL-cholestérol, mais apparaissait plus important chez les sujets âgés. Le rapport entre le bénéfice cardiovasculaire et le risque de diabète restait largement favorable au traitement par statine, mais cette métaanalyse montrait une grande hétérogénéité d’une étude à l’autre.  Le débat a été relancé en 2012 par des données de la Women’s Health Initiative(3) : dans une analyse réalisée à partir de 153 840 femmes postménopausées âgées de 50 à 79 ans et sans diabète à l’état basal, un traitement par statine a été trouvé associé à une augmentation du risque de diabète d’environ 50 %. Cette étude n’avait pas la possibilité d’examiner le rôle éventuel du type et de la dose de statine utilisée. Un risque similaire avait été déjà rapporté dans une analyse complémentaire de JUPITER évaluant le bénéfice de la rosuvastatine en fonction du sexe(4) : le risque de développer un diabète chez les femmes incluses dans JUPITER était de près de 50 % (HR : 1,49 ; IC 95 : 1,11-2,01 ; p = 0,008). Mais les femmes incluses dans JUPITER n’avaient pas les mêmes caractéristiques cliniques que les hommes, avec globalement davantage de syndrome métabolique et un poids plus élevé. Le risque est-il plus important avec les fortes doses de statines et les statines les plus puissantes ? La réponse est probablement oui. En effet, dans une métaanalyse de 2011(5) comparant simultanément le bénéfice cardiovasculaire et le risque de développer un diabète dans les 5 larges essais de prévention cardiovasculaire comparant une stratégie modérée et une stratégie intensive de traitement par statine, en termes de risque relatif, la stratégie intensive diminue l’incidence des événements cardiovasculaires de 16 %, mais majore le risque de développer un diabète de 12 %. En termes de risque absolu, il existe toutefois toujours un bénéfice vis-à-vis de la prévention cardiovasculaire par rapport au risque de développer un diabète : il y avait 1 cas additionnel de diabète pour 498 patients comparativement à 1 événement cardiovasculaire évité pour 155 patients traités pendant 1 an de façon intensive. Mais ce rapport bénéfice/risque est en population générale. Qu’en est-il pour des populations particulières ? Y a-t-il des éléments prédicteurs de ce risque ? Dans une analyse complémentaire de l’essai SPARCL comparant atorvastatine 80 mg et placebo, le traitement par statine a induit un excès de risque de diabète évalué à 37 % et, surtout, il a été mis en évidence des prédicteurs indépendants de ce risque : la glycémie à jeun, l’index de masse corporelle (IMC), la présence d’une hypertension et le taux des triglycérides(6). Cela a conduit à réaliser une analyse complémentaire des essais TNT et IDEAL(7) dont l’objectif était de comparer l’évolution des événements cardiovasculaires et des nouveaux cas de diabète dans deux groupes de patients à bas risque et à haut risque de développer un diabète en fonction de la présence d’au maximum un facteur de risque ou de plus d’un facteur de risque qui corresponde aux constituants classiques du syndrome métabolique. Comme il apparaît sur la figure, un traitement par atorvastatine 80 mg par rapport à une stratégie plus modérée (atorvastatine 10 mg ou simvastatine 20 à 40 mg) induit un bénéfice cardiovasculaire dans les deux groupes à bas et haut risque de développer un diabète. Dans le groupe à bas risque, il n’y a aucun risque supplémentaire de développer un diabète. Ce risque apparaît significatif uniquement chez les patients ayant les caractéristiques du syndrome métabolique.    Figure. Risque de diabète et bénéfice cardiovasculaire durant un traitement par atorvastatine à forte dose : influence des facteurs de risque à l’état basal (analyse complémentaire des essais TNT et IDEAL)(6).   Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble que le risque de détérioration de l’équilibre glycémique soit surtout observé avec les fortes doses de statines, mais surtout chez des patients ayant les caractéristiques du syndrome métabolique et peut-être aussi, de façon plus fréquente, chez les sujets âgés, chez les femmes et dans des populations asiatiques.  Le risque est-il le même avec toutes les statines ? La réponse est alors beaucoup plus difficile… En effet, il faudrait disposer d’études spécialement réalisées pour répondre à cette question, et jusqu’alors nous n’avons que des suggestions venant de diverses publications. Il a été par exemple montré que la pravastatine 40 mg n’a pas d’effet délétère sur l’homéostasie du glucose par comparaison avec la rosuvastatine 10 mg, mais la baisse du LDL-cholestérol était, comme attendue, plus importante sous rosuvastatine(8). Toutefois, ce résultat est en accord avec des données récentes évaluant l’impact de différentes statines sur le risque de diabète. Dans une métaanalyse de 17 essais randomisés incluant plus de 110 000 patients(9), par comparaison avec un placebo, la pravastatine 40 mg n’est pas associée avec le risque de développer un diabète, la rosuvastatine 20 mg est associée avec un risque de 25 % et l’impact de l’atorvastatine 80 mg est intermédiaire. Dans une base de données canadienne limitée à de nouveaux patients traités par statine âgés d’au moins 66 ans et sans diabète initial, en prenant comme élément comparateur la pravastatine, le risque de nouveaux diabètes n’est apparu significatif que pour l’atorvastatine, la rosuvastatine et la simvastatine (tableau)(10). Le risque absolu de nouveau diabète était d’environ 31 et 34 pour 1 000 patients-années pour respectivement l’atorvastatine et la rosuvastatine. Mais ces données peuvent être le reflet de la puissance de la statine, sans qu’il s’agisse d’une différence liée à la molécule en elle-même.    Que sait-on du mécanisme de cet effet délétère ? La réponse est assez simple : rien n’est certain avec des données contradictoires dans la littérature, en particulier entre des modèles animaux et des données humaines(11). L’hypothèse d’une augmentation de l’insulinorésistance est toutefois la plus retenue, sans que l’on connaisse exactement le mécanisme moléculaire et le niveau d’action. Un effet direct sur les cellules b n’est pas exclu. Finalement, que faut-il retenir ? À l’analyse des différentes études publiées ces dernières années, il est difficile de réfuter l’association entre un traitement par statine et le risque de détérioration de l’équilibre glycémique. Ce risque est sans doute négligeable pour de larges catégories de patients, mais semble plus important pour certains sous-groupes prédisposés (profil du syndrome métabolique, sujet âgé, femme, sujet asiatique, etc.). Ce risque paraît surtout significatif avec les fortes doses de statines et il est possible que toutes les statines n’aient pas le même effet diabétogène. Il existe surtout un besoin évident d’études complémentaires, d’une part, pour comprendre le mécanisme de cet effet et, d’autre part, pour déterminer le rapport bénéfice/risque d’une stratégie thérapeutique par statine à forte dose comparativement à des stratégies associant statine à faible dose et autres classes d’hypolipémiants n’ayant pas d’effet délétère sur l’homéostasie du glucose.  En pratique  Chez des patients à haut risque cardiovasculaire, et en particulier en prévention secondaire, il n’y a pas de raison de stopper un traitement par statine, même si un diabète apparaît. Le rapport bénéfice/risque reste favorable au traitement par statine. Il est en revanche raisonnable de conseiller de surveiller la glycémie, en particulier chez des patients prédisposés comme ceux ayant le profil du syndrome métabolique. Chez des sujets diabétiques de type 2, le traitement par statine ne doit pas non plus être remis en cause. La détérioration de l’équilibre glycémique est possible mais reste modérée. La question la plus difficile est l’attitude en prévention primaire chez des sujets non diabétiques. Le rapport bénéfice/risque pour des populations à risque cardiovasculaire faible ou modéré doit être évalué au cas par cas. En particulier, pour des sujets à plus haut risque de développer un diabète, cette information doit être fournie aux patients et discutée avant de décider de commencer un tel traitement. Dans tous les cas, cet effet délétère de plus en plus documenté doit faire renforcer les mesures hygiénodiététiques lors de l’instauration du traitement par statine pour éviter soit l’apparition d’un diabète, soit la détérioration de l’équilibre glycémique chez un diabétique connu.

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