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Thérapeutique

Publié le 30 nov 2013Lecture 6 min

Risque de lésion du pied chez le patient diabétique - Comment le grader en pratique et pourquoi ?

C. JOURNOT, Podologue, Ramonville ; J. MARTINI, Diabétologie, CHU Toulouse-Rangueil M.-C. CHAUCHARD, Diabétologie, Coordination Réseau Diabète Midi-Pyrénées (DIAMIP), CHU Toulouse-Rangueil


Les troubles trophiques des pieds des patients diabétiques sont fréquents et souvent graves. Ils sont à l’origine de la détérioration de la qualité de vie du patient et de handicap fonctionnel (séquelles d’amputation au niveau du membre inférieur). Ils peuvent engendrer des hospitalisations prolongées (durée moyenne de séjour : 18 jours en 2003) qui représentent un poste de dépenses important. 

Réaliser la gradation du risque podologique est un geste simple et rapide qui représente un précieux investissement pour un avenir du patient diabétique en bonne santé podologique ! Basée sur l’interrogatoire du patient et l’examen clinique des pieds, la gradation prend moins de 5 minutes et comporte 4 étapes. ÉTAPE 1 : recherche d’une neuropathie périphérique On teste la sensibilité à la pression fine ou sensibilité protectrice à l’aide d’un monofilament (figure 1). La perte de sensibilité est définie par une mauvaise perception du monofilament de 10 g (Semmes-Weinstein 5.07). Ce dernier doit être appliqué à 3 sites de la face plantaire à chacun des deux pieds : sur la pulpe du gros orteil et en regard de la tête des 1er et 5e métatarsiens (figure 2). Lorsqu’il est appliqué correctement (figure 3), il exerce une pression de 10 g sur la peau. L’application doit être répétée 3 fois sur le même site, sans ordre déterminé. Deux fausses réponses sur trois sur un même site, signent l’existence d’une neuropathie et d’un risque d’ulcération.   Figure 1. Exemple de monofilament. Figure 2. Figure 3. Test au monofilament. ÉTAPE 2 : recherche d’une artériopathie au niveau des membres inférieurs Un des critères suivants suffit pour diagnostiquer l’existence d’une artérite et prédire un risque de lésions des pieds (figure 4) : - non-perception de deux pouls au même pied (pédieux et tibial postérieur) ; - antécédent de chirurgie vasculaire artérielle sur le membre inférieur ; - claudication intermittente.   Figure 4. Exemple de pied artéritique (pied maigre, peau fine et dépilée). ÉTAPE 3 : recherche de déformations Les déformations les plus fréquemment rencontrées sont : orteil(s) en griffe ou en marteau, pied(s) creux, hallux valgus, quintus varus, chevauchement(s) d’orteils, déformations type pied de Charcot (figure 5). La présence de zone(s) d’hyperkératose plantaire signe une hyperpression et donc une déformation sous-jacente du pied.   Figure 5. Quelques exemples de déformations. A : Hallux valgus ; B : Pied creux et orteils en griffe ; C : Ostéoarthropathie sévère : pied de Charcot ; D : Kératome au niveau d’une zone d’hyper-appui plantaire. ÉTAPE 4 : recherche par l’interrogatoire et l’examen clinique d’antécédents de plaie chronique, de chirurgie du pied ou d’amputation La plaie du pied sera qualifiée de chronique si elle a duré ≥ 1 mois. Un antécédent de chirurgie conservatrice ou non, ou d’amputation sera également pris en compte.   Gradation (tableau 1) : • Un patient qui ne présente pas de neuropathie sera de grade 0 hormis s’il a un antécédent lésionnel (auquel cas, il sera grade 3). • Un malade porteur d’une neuropathie isolée sera de grade 1. • Un patient présentant une neuropathie accompagnée d’une artériopathie et/ou de déformations sera grade 2. • Tout patient présentant un antécédent de plaie chronique du pied ou de chirurgie est grade 3 et le restera toute sa vie durant.   International Consensus on the Diabetic Foot ; 2011. Pourquoi dépister les patients à risque de lésion du pied ? À 3 ans, un patient de grade 0 a un risque d’ulcération de 5,1 % alors qu’un patient de grade 2 a un risque de 18,8 % de plaie du pied et 2 % d’amputation. Les plus hauts grades sont à plus haut risque de complication podologique et, selon Peters, 64,5 % des patients de grade 3 ont développé une plaie à 3 ans et 25,8 % une amputation (tableau 2). Parmi les patients de grade 3, 84,2 % de ceux qui avaient déjà été amputés ont présenté une plaie et 36,8 %, une nouvelle amputation. On comprend bien l’importance de la prévention du trouble trophique et de l’amputation devant ces chiffres alarmants de récidives des diverses complications podologiques.   Comment orienter la prise en charge des patients selon leur grade de risque podologique ? Le guide ALD8 rédigé par l’HAS en 2007 précise les mesures préventives à mettre en place selon le niveau de grade de risque lésionnel du patient. Un patient de grade 0 doit bénéficier de la gradation podologique annuelle par son médecin traitant ou son diabétologue pour diagnostiquer rapidement l’installation de la neuropathie périphérique qui représente une aggravation nette du risque de complication et implique de mettre en place les mesures préventives adéquates dont l’éducation thérapeutique du patient vis-à-vis de la neuropathie. Un patient de grade 1 doit bénéficier d’un examen de ses pieds à chaque consultation médicale. Orienter systématiquement les patients de grades 2 et 3 vers un podologue. Quand et comment le podologue intervient-il ? Le podologue intervient en prévention primaire (grades 0, 1 et 2) et en prévention secondaire après cicatrisation (grade 3). Son domaine de compétence comprend les soins de prévention, l’appareillage podologique et l’éducation thérapeutique du patient. À noter que, conventionnellement, seuls les patients diabétiques de grade 2 ou 3 peuvent bénéficier d’un remboursement des consultations podologiques par la sécurité sociale (100 % s’ils sont en ALD). Sur prescription médicale : - les patients de grade 2 seront remboursés pour un bilan podologique et 3 consultations podologiques par an ; - les patients de grade 3 pour un bilan et 5 soins annuels. En cas de nécessité de soins plus fréquents, il faudra encourager le patient à consulter le podologue plus souvent dans le souci de maintenir une prévention la plus efficace possible. Il faut souligner que certains patients de grade 0 ou 1 nécessitent des soins préventifs podologiques et devront avoir recours au podologue en dehors du forfait podologique. Les soins et l’appareillage podologique Il ont pour but de : - limiter, voire éviter l’apparition de l’hyperkératose (figure 6), - répartir les pressions en augmentant la surface d’appui, - protéger la zone fragilisée, - permettre le chaussage et la marche, - prévenir les récidives.   Figure 6. Exemples de soins podologiques.  Les principaux appareillages sont : - les orthèses plantaires thermomoulées, afin de répartir au mieux les pressions au niveau de la plante des pieds (figure 7) ; - les orthoplasties de repositionnement dites « correctrices », protectrices ou de comblement (figure 8).    Figure 7. Orthèse moulée. Figure 8. Orthoplasties.   L’éducation thérapeutique du patient et/ou de son entourage Le patient bénéficiant d’un suivi podologique est vu régulièrement par le professionnel (tous les 2 ou 3 mois suivant son grade de risque), ce qui permet de mettre en place un plan de soins mais aussi une démarche active d’éducation thérapeutique. Il travaille avec le patient pas à pas en priorisant les objectifs pédagogiques individuellement : hygiène des pieds, hydratation plantaire régulière, surveillance des pieds et des chaussures, choix des chaussures, éviction des situations à risque vis-à-vis de la neuropathie périphérique sont autant de points cruciaux à aborder avec lui. Le podologue est un des acteurs de la prévention et articule son intervention avec les autres soignants, le patient et son entourage. La prévention podologique, le dépistage précoce de la plaie et l’organisation de sa prise en charge efficace sont du rôle du médecin. Ces missions complexes et de longue haleine seront facilitées par l’intervention d’une équipe multiprofessionnelle autour du patient et de son entourage. En conclusion  La gradation podologique est un geste simple et rapide, à la portée de tous les médecins. Elle permet d’orienter les patients à plus haut risque de plaie vers une prise en charge préventive, multiprofessionnelle dont le suivi podologique représente un maillon essentiel. Sitôt la présence d’une neuropathie périphérique authentifiée, une démarche préventive podologique doit être mise en route au premier plan de laquelle l’éducation thérapeutique du patient vis-à-vis de la perte de sensibilité est primordiale. Les patients à plus haut risque nécessitent une surveillance rapprochée. La prévention podologique est l’affaire de tous. Elle est complexe et doit être multiprofessionnelle. Le patient ou ses aidants (en cas d’incapacité) représente un maillon essentiel qu’il faut impliquer. La plaie du pied diabétique n’est pas une fatalité, elle est le plus souvent évitable.   

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