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Nutrition

Publié le 30 sep 2015Lecture 16 min

Transformations physico-chimiques des aliments (2e partie) - Quelques idées claires pour chasser des idées fausses

L. MONNIER, C. COLETTE, Institut universitaire de recherche clinique, Montpellier


Améliorer les qualités organoleptiques des aliments est une préoccupation constante des hommes. Les deux gestes anodins, qui consistent à saler et sucrer relèvent de cette préoccupation(1). Le « goût » est la sensation ressentie par le consommateur après ingestion d’un aliment. Il dépend de la « palatabilité » d’un aliment, c’est-à-dire de ses qualités intrinsèques, qui sont ultérieurement décodées par le cerveau sous forme d’un sens : le goût. Ainsi « goût » et « palatabilité » ne sont pas identiques. Le terme « palatabilité », traduction littérale du mot anglais « palatability », englobe les trois composantes organoleptiques d’un aliment : sensation en bouche (caractère onctueux, craquant, croustillant de l’aliment), saveur (salée, sucrée, amère, acide, umami), arômes (ils sont plus de 5 000 !). Les traitements physico-chimiques modifient les qualités organoleptiques des aliments pour les améliorer ou pour les sauvegarder.

Ces aliments nouveaux dont la texture ou la composition sont modifiées par l’adjonction d’additifs chimiques sont parfois mal perçus par le consommateur par rapport aux aliments traditionnels de référence auxquels ils sont supposés ressembler. Le « naturel » contre « l’industriel », le premier étant paré de toutes les vertus, le second étant affecté de multiples défauts. Telle est la croyance qui circule chez de nombreux consommateurs plus ou moins bien informés et le plus souvent désinformés par des personnes qui surfent en général sur des peurs et des arguments dépourvus de base scientifique. Le raisonnement cartésien n’est malheureusement pas toujours adapté pour répondre aux inquiétudes du consommateur. En effet, ce raisonnement part du principe que tout ce qui n’est pas démontré n’est pas vrai(2). À titre d’exemple pour démontrer l’innocuité absolue des édulcorants, il faudrait prouver l’absence de risque sur des millions de personnes ayant consommé ces produits sur plusieurs générations pendant des siècles. Ceci étant bien évidemment impossible, il existera toujours des personnes pour affirmer que l’innocuité des édulcorants n’a jamais été prouvée, qu’il existe un risque potentiel avec des conséquences à plus ou moins long terme. Dans une société où le principe de précaution est devenu un dogme quasi absolu, il est donc nécessaire d’expliquer le pourquoi et le comment des traitements physicochimiques qui sont appliqués à certains aliments, de montrer que ces procédés sont dépourvus de tout danger pour le consommateur à condition que les consommations restent dans des limites raisonnables. Les substituts caloriques Ils sont utilisés pour la fabrication des aliments dits « allégés ». Si on considère qu’un aliment est un assemblage plus ou moins complexe de trois variétés essentielles de nutriments (les glucides, les lipides et les protéines), on peut alléger cet aliment en remplaçant les parties glucidique ou lipidique par des constituants acaloriques : eau, édulcorants intenses ou substrats non digestibles. On peut également remplacer les constituants les plus caloriques, c’est-à-dire les lipides (9 kcal/g) par des protéines ou des glucides (amidons modifiés) dont la teneur calorique est beaucoup plus faible (4 kcal/g) (figure 1). Toutefois, la technologie de fabrication des allégés exige de préserver autant que faire se peut leurs qualités organoleptiques (saveurs, onctuosité, arômes). Cet objectif n’est malheureusement pas toujours possible, ce qui explique que le jugement qualitatif des consommateurs soit fréquemment en défaveur du produit allégé par rapport à l’aliment de référence. Figure 1. Méthodes utilisées pour alléger un aliment. Les glucides ou les lipides sont remplacés par des composants qui peuvent être ou dépourvus de calories, ou moins caloriques ou indigestibles. Utilisation des édulcorants(3,4) Qu’ils soient naturels ou non, les édulcorants ont pour dénominateur commun de conférer une saveur sucrée qui est perçue au niveau de la langue. L’information est ensuite transmise et interprétée au niveau du système nerveux central. Les édulcorants sont habituellement classés en deux catégories : les édulcorants de charge et les édulcorants intenses. Les édulcorants de charge sont des sucres alcools (xylitol, sorbitol, mannitol) dont le pouvoir sucrant est voisin(1,5) ou légèrement supérieur à celui du saccharose qui est par définition égal à 1. La valeur énergétique des sucres alcools (polyols), même si elle est plus faible que celle des sucres (2,4 kcal/g au lieu de 4 kcal/g) est loin d’être négligeable. Les produits alimentaires qui en contiennent (bonbons « sans sucre » et chocolat « sans sucre ») doivent être évités ou utilisés de manière prudente par les obèses. En revanche, leurs faibles index glycémiques (de l’ordre de 8 quand on prend pour référence le glucose dont l’index glycémique est égal à 100) en font des produits intéressants chez les diabétiques de poids normal. Ce sont surtout les édulcorants intenses qui sont utilisés comme substituts caloriques dans les produits alimentaires. En effet, les édulcorants intenses ont un pouvoir sucrant qui est en général 100 à 300 fois supérieur à celui du saccharose. Prenons l’exemple de l’aspartame dont le pouvoir sucrant est égal à 200, ceci signifie que 25 mg d’aspartame (0,1 kcal) donnent la même perception sucrée qu’un morceau de sucre contenant 5 g de saccharose (20 kcal). Dès lors, il est facile de comprendre pourquoi les édulcorants intenses sont largement utilisés dans les produits ou boissons allégés. L’exemple le plus typique est celui des sodas dits « light » qui sont dépourvus de tout apport calorique alors qu’un soda normal apporte environ 40 kcal/100 ml. L’aspartame et l’acésulfame de potassium sont les édulcorants les plus communément utilisés. Ils entrent dans la composition des yaourts, des entremets et crèmes glacées allégés. L’acésulfame de potassium a une structure chimique proche de la saccharine, découverte il y a plus de 100 ans. L’aspartame est un dipeptide méthylé constitué par de l’acide aspartique et de la phénylalanine. Sa seule vraie contre-indication est la phénylcétonurie, maladie génétique rare qui touche environ 1 enfant sur 27 000 naissances. En revanche, l’aspartame est depuis plusieurs décennies la cible de croisades menées par des intégristes de la lutte anti-aspartame. Accusé par les uns de provoquer des hépato- carcinomes chez les rongeurs(5) et par d’autres des accouchements prématurés chez les femmes enceintes(6), il n’y a aujourd’hui aucun élément permettant de dire que l’aspartame exerce un quelconque effet délétère quand on reste dans les limites de la dose journalière autorisée (DJA = 40 mg/jour/kg)(7). Dans la mesure où 1 litre de Coca Cola light contient 240 mg d’aspartame, il faudrait qu’un adulte boive plus de 10 litres de Coca Cola light par jour pour dépasser cette dose. De plus, il convient de noter que la DJA est calculée en divisant par 100 la DSEIO (dose sans effet indésirable observé) qui est de 4 000 mg/kg/j (figure 2). Ceci signifie que le principe de précaution a été appliqué de manière plus que stricte pour l’aspartame. Pour clore ce débat, nous ajouterons que la consommation quotidienne d’aspartame par personne dans la communauté européenne est en moyenne de 4 mg/kg/j, soit 10 fois plus faible que la DJA (figure 2). Figure 2. Définition de la DJA (dose journalière autorisée) et de la DSEIO (dose sans effet indésirable observé). Application à l’aspartame et comparaison de la DJA et de la DSEIO avec la consommation moyenne quotidienne par habitant dans l’UE (Union européenne). D’autres édulcorants intenses sont utilisés : le sucralose (dérivé synthétique du saccharose sur lequel trois radicaux hydroxylés ont été remplacés par trois atomes de chlore), le néotame (dérivé de l’aspartame mais avec un pouvoir sucrant multiplié par 4 000 par rapport au saccharose) et enfin le rébaudioside A, plus connu sous le nom de Stevia. Ce dernier édulcorant mérite quelques commentaires supplémentaires car il bénéficie d’un préjugé favorable lié à son statut de produit « naturel ». Extrait d’une plante originaire d’Amérique du Sud (Stevia rebaudiana), il a un pouvoir sucrant élevé : 200 à 300 fois celui du sucre de table. Une faible partie est absorbée par le tube digestif. Elle est ensuite métabolisée au niveau du foie, puis éliminée par voie biliaire et urinaire. L’apport calorique est nul. La reproduction du goût sucré est excellente avec cependant un arrière-goût de réglisse. Son utilisation dans les produits et boissons allégés ne cesse d’augmenter et pourrait progressivement se substituer à celle de l’aspartame et de l’acésulfame de potassium. Les substituts caloriques de nature protidique, lipidique ou glucidique La part lipidique de l’aliment est remplacée soit par des nutriments digestibles, moins riche en calories que les lipides, soit par des nutriments indigestibles. Les nutriments digestibles peuvent être des protéines ou des amidons modifiés Dans ce cas on remplace les lipides, qui fournissent 9 kcal/g, par des substrats dont le contenu énergétique est deux fois plus faible (4 kcal/g). - Les protéines utilisées comme substitut lipidique Elles sont utilisées dans les crèmes glacées. Elles sont constituées par un mélange de 2 protéines, issues du lait et de l’oeuf, et par des agents de texture indigestibles (gommes). Le plus difficile, quand on remplace des lipides par des protéines, est de reproduire le caractère onctueux du produit alimentaire. C’est pour cette raison que les crèmes glacées allégées n’arrivent jamais à atteindre la palatabilité de leurs homologues traditionnels en dépit des efforts réalisés par l’industrie alimentaire. - Les amidons modifiés utilisés comme substitut lipidique(8,9) Les amidons modifiés sont utilisés dans la fabrication des sauces industrielles et de certains desserts sucrés allégés et surgelés. Les chaînes d’amidon subissent une dénaturation (appelée rétrogradation) (figure 3) au cours de leur refroidissement ou de leur congélation. Afin de préserver leur texture, on peut modifier ces amidons en introduisant des radicaux phosphorés, qui stabilisent leur structure. Cette transformation permet au réseau des chaînes d’amidon de garder l’eau emprisonnée dans leurs mailles (figure 3). Leur texture est ainsi préservée donnant au consommateur une sensation en bouche qui reproduit au moins partiellement l’onctuosité des produits de référence : sauces et desserts glacés. À cet égard, rappelons qu’une sauce traditionnelle est en général un mélange à parts égales d’eau et de lipides. Figure 3. Les chaînes d’amidon (représentées en vert) sont des polymères du glucose à haut poids moléculaire. Lors du refroidissement après chauffage, les chaînes d’amidon organisées en réseau sont soumises au phénomène de rétrogradation (effondrement de la structure). Ce phénomène s’accompagne d’une exsudation des molécules d’eau (représentées en bleu) qui sont normalement emprisonnées dans le réseau des chaînes d’amidon. Pour éviter ces phénomènes, on peut modifier les amidons en insérant dans les chaînes des radicaux phosphorés (en rouge) qui stabilisent la structure en réseau. Les molécules d’eau restent ainsi emprisonnés dans les mailles du réseau. Les nutriments indigestibles Ils sont surtout utilisés sur le continent nord-américain sous forme de substituts de nature lipidique ou glucidique non dégradables par les enzymes du tube digestif. - Les substituts lipidiques Ce sont des substances désignées sous le terme de sucro-esters. Leur armature est constituée par du saccharose dont les fonctions alcools sont estérifiées par des acides gras. Connus sous le nom d’OLESTRA, ces sucro-esters ont l’onctueux des corps gras mais leur absence de dégradation dans le tube digestif empêche leur absorption. L’apport calorique est donc nul. Le risque est de voir apparaître une stéatorrhée si leur apport est excessif. - Les substituts de nature glucidique Ils sont constitués par des polydextroses, c’est-à-dire par des polymères du glucose non digestibles. Ces polymères sont constitués par un réseau de molécules de glucose reliées au hasard par des liaisons, différentes des liaisons 1-4 ou 1-6 qui relient habituellement les unités de glucose dans les amidons naturels (amylose ou amylopectines). Ces liaisons inhabituelles sont peu ou pas attaquables par les différents enzymes qui participent à la dégradation des amidons dans le tube digestif : a-amylase et glucosidases. Ces polydextroses ont une valeur calorique de l’ordre de 1,3 kcal/g, nettement inférieure à celle des amidons naturels (4 kcal/g). Traitement des corps gras alimentaires pour les faire passer de l’état liquide à l’état solide Deux procédés peuvent être utilisés : l’inter-estérification et l’hydrogénation. Les corps gras alimentaires sont constitués par des triglycérides dont les fonctions alcool du glycérol sont estérifiées par des acides gras qui peuvent être saturés ou désaturés. Le point de fusion du corps gras est élevé quand l’acide gras est saturé, il diminue avec le degré de désaturation de l’acide gras. Le point de fusion est la température qui marque la frontière ente l’état liquide et solide du corps gras. Au-dessus du point de fusion, le corps gras est sous forme liquide, en dessous il est solide. À titre d’exemple, les points de fusion sont les suivants : - triglycérides constitués par de l’acide palmitique (saturé) = 63° C ; - triglycérides constitués par de l’acide oléique (mono-insaturé) = 13° C ; - triglycérides constitués par de l’acide élaïdique (isomère transmono- insaturé de l’acide oléique) = 44° C ; - triglycérides constitués par de l’acide linoléique (polyinsaturé) = -5° C. Considérons les deux extrêmes : l’acide palmitique et l’acide linoléique. Un corps gras riche en acide palmitique reste solide tant que la température ne dépasse pas 63° C. Ceci explique que les margarines riches en acide palmitique soient toujours solides à la température ambiante. En revanche, un corps gras riche en acide linoléique devient liquide dès que la température est supérieure à -5° C. C’est pour cette raison que l’huile de tournesol, qui contient 65 % d’acide linoléique est toujours liquide à température ambiante. Pour fabriquer un corps gras solide (margarine au tournesol) à partir de l’huile de tournesol, il est donc indispensable de réduire le pourcentage d’acide linoléique soit par inter-estérification soit par hydrogénation(10). Le procédé d’inter-estérification consiste à faire une recombinaison entre 2 types de triglycérides, les uns provenant de l’huile de tournesol (riche en acides gras polyinsaturés), les autres provenant d’un corps gras riche en acides gras saturés. Par échange on obtient un corps gras ayant une teneur intermédiaire en acides gras saturés et polyinsaturés avec un point de fusion situé entre celui de l’huile de tournesol et celui du corps gras riche en acides gras saturés. En choisissant judicieusement les proportions respectives des triglycérides riches en acides gras saturés et polyinsaturés, on peut obtenir un corps gras dont le point de fusion est supérieur à la température ambiante habituelle, c’est-à-dire qui reste solide à l’état normal. Le procédé d’hydrogénation consiste à transformer une partie des acides gras polyinsaturés en acides gras saturés en hydrogénant les doubles liaisons, c’est-à-dire en les faisant disparaître. Malheureusement, ce procédé aboutit à la fabrication d’isomères trans d’acides gras (les acides gras naturels ont une configuration cis). La transformation d’un acide gras désaturé en son isomère trans s’accompagne d’une linéarisation de la chaîne carbonée avec perte des propriétés antiathérogènes et antithrombogènes de l’acide gras dont ils sont issus. C’est pour cette raison que le procédé d’inter-estérification est de plus en plus utilisé. Fabrication des corps gras allégés Les régimes amaigrissants sont en général basés sur une réduction des apports en graisses alimentaires car leur métabolisme est préférentiellement orienté vers le stockage dans le tissu adipeux. La réduction des apports en graisses alimentaires est malheureusement accompagnée par une perte de la « palatabilité » alimentaire, car les graisses sont vectrices de l’onctueux (l’une des composantes majeures de la sensation en bouche) mais également de nombreux arômes. Le consommateur se trouve donc confronté à un dilemme : perdre en qualité alimentaire pour perdre du poids. L’utilisation de corps gras allégés est en apparence une méthode qui pourrait concilier ces deux faits en apparence incompatibles. C’est pour cette raison que l’industrie agroalimentaire propose au consommateur toute une variété de corps gras allégés (beurre ou margarine). Soulignons d’emblée que les beurres et margarines normales ont une teneur moyenne en graisses de l’ordre de 85 %, les 15 % restants étant sous forme d’eau. Un corps gras solide est considéré comme allégé lorsque sa teneur en lipides est inférieure à 80 %, ce qui signifie que l’on introduit une quantité d’eau croissante au fur et à mesure que l’on diminue le pourcentage en lipides. Les termes de margarines ou de beurres allégés utilisés par le grand public ne sont pas reconnus par le codex alimentarius pour lequel la dénomination légale est celle de « pâtes à tartiner ». C’est sous cette dénomination que ces produits alimentaires sont vendus par la grande distribution. Essayer de faire coexister dans le même milieu une phase lipidique et hydrique est une mission délicate car ces deux phases sont normalement non miscibles. L’état qui permet leur cohabitation porte le nom d’émulsion dont la définition est la suivante : « état colloïdal caractérisé par l’existence de particules dispersées (phase dispersée) dans une phase liquide continue (phase continue) d’un autre constituant(11) ». Les margarines et le beurre sont des émulsions où les phases dispersée et continue sont respectivement l’eau et l’huile (figure 4). À l’inverse, les mayonnaises et les crèmes glacées sont des émulsions où la phase dispersée est l’huile tandis que la phase continue est l’eau (figure 5). Pour alléger ces produits, il faut accroître la proportion d’eau. Pour que ces émulsions, enrichies en eau, soient stables, il est indispensable d’introduire des émulsifiants qui sont des agents amphipolaires munis d’un pôle hydrophile et d’un pôle lipophile, l’un des deux pôles étant en général prédominant par rapport à l’autre. Le choix de l’émulsifiant dépend de la nature de l’émulsion. Dans les émulsions où la phase lipidique est majoritaire, il est préférable d’utiliser des émulsifiants ayant un pôle lipophile prépondérant. Par exemple, pour stabiliser une margarine on utilise plutôt des lécithines d’oeuf (phospholipides polaires) ou des diglycérides. À l’inverse, lorsque la phase hydrique devient majoritaire, il est préférable d’utiliser des émulsifiants ayant un pôle hydrophile prépondérant tels que des monoglycérides, des protéines ou des agents stabilisants hydrophiles (alginates, amidons modifiés). La production de pâtes à tartiner riches en eau, de crèmes glacées allégées et de mayonnaises allégées fait appel à ces émulsifiants hydrophiles. Grâce à eux, il est possible d’obtenir des pâtes à tartiner contenant 80 % d’eau et 20 % de lipides, c’est-à-dire ayant une composition inverse à celle des margarines et des beurres normaux. L’inversion est telle que l’eau (phase dispersée) des margarines et des beurres normaux devient la phase continue dans les pâtes à tartiner. C’est pour cette raison que l’appellation margarines « allégées » et beurres « allégés » est incorrecte car ces produits, appelés « pâtes à tartiner », ne correspondent pas au même type d’émulsion que les margarines et beurres dont ils se réclament. Figure 4. Émulsion type margarine ou beurre normal. L’eau est dispersée sous forme de gouttelettes (phase dispersée) dans une phase huileuse (phase continue). La stabilisation de l’émulsion est obtenue par des émulsifiants amphipolaires à pôle lipophile prépondérant. Figure 5. Émulsion type mayonnaise, crèmes glacées, pâtes à tartiner. Les lipides sont dispersés sous forme de gouttelettes (phase dispersée) dans une phase hydrique (phase continue). La stabilisation de l’émulsion est obtenue par des émulsifiants amphipolaires à pôle hydrophile prépondérant. Transformation des amidons L’amidon est présent dans les végétaux sous forme de granules intracellulaires denses. Il existe deux grandes variétés d’amidon : l’amylose et l’amylopectine. Les amidons sont des hauts polymères du glucose à structure linéaire (amylose) ou ramifiée (amylopectine). Les amidons peuvent être modifiés, dénaturés ou dégradés par la double action de l’eau et du chauffage (gélatinisation) avec ultérieurement une rétrogradation lors du refroidissement. La gélatinisation des amidons Sous l’effet du chauffage et de l’eau, les grains d’amidon augmentent en volume, perdent leur structure semi-cristalline, et une partie de l’amidon (amylose surtout) est solubilisée dans l’eau. La solution devient visqueuse. Il se forme de l’empois d’amidon. Ce phénomène est appelé gélatinisation des amidons. La rétrogradation des amidons Si on refroidit les amidons gélatinisés, ils vont être l’objet d’un nouveau phénomène appelé rétrogradation des amidons. Sur le plan physico-chimique, ce phénomène est caractérisé par une perte d’eau et par un remaniement des amidons qui se condensent pour donner une structure semi-cristalline différente de celle des amidons natifs initiaux. C’est le phénomène de la rétrogradation (figure 3), qui sera d’autant plus intense que le chauffage initial aura été plus fort, que l’empesage (formation d’empois d’amidon) aura été plus poussé et que la perte d’eau aura été plus importante. Les deux phénomènes, gélatinisation suivie d’une rétrogradation plus ou moins forte, sont utilisés dans l’industrie agro-alimentaire pour la fabrication de produits industriels ou semi-industriels : farines instantanées, corn flakes, « vermicelle chinois »… Les amidons fortement rétrogradés, tels qu’ils sont obtenus dans les « vermicelles chinois » aboutissent à des aliments lentement dégradables dans la lumière du tube digestif, c’est-àdire à index glycémiques faibles. La rétrogradation des amidons est un phénomène qui n’est pas toujours avantageux. C’est le cas en particulier pour la fabrication de sauces industrielles fabriquées à partir d’amidons. Dans ce cas, il faut éviter le phénomène de rétrogradation qui aboutirait à des sauces peu gélifiables au moment du réchauffage et donc peu présentables, avec apparition de deux phases : l’une hydrique en surface et l’autre semi-solide caractéristique des amidons rétrogradés. Pour éviter ce phénomène, il faut modifier les amidons pour empêcher leur rétrogradation et donc leur effondrement. Ceci peut être obtenu grâce à l’introduction de radicaux phosphorés qui stabilisent le réseau des chaînes d’amidon (amidons réticulés)(8,9) (figure 3). Ce type de modification est utilisé pour la fabrication des sauces industrielles ou des desserts sucrés allégés et surgelés. Conclusion Au terme de cette deuxième partie sur les traitements des aliments, nous espérons que le lecteur pourra mieux appréhender le pourquoi et le comment des transformations subies par les aliments. Même si elles ne sont pas forcément nécessaires, elles peuvent être utiles. À titre d’exemple, la consommation de produits alimentaires allégés et d’édulcorants pour maigrir ne conduit en général à aucune perte de poids si leur utilisation ne s’inscrit pas dans le cadre d’un programme nutritionnel médical structuré et personnalisé. En revanche, leur utilisation peut être utile pour contourner les contraintes engendrées par le suivi de régimes de restriction calorique. Il est certain que bien d’autres aspects auraient pu être envisagés mais nous nous sommes limités à ceux qui sont le plus couramment rencontrés dans la vie quotidienne des patients et au-delà de tous les consommateurs. 

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