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Nutrition

Publié le 30 nov 2015Lecture 8 min

Boissons futiles et diabète de type 2*

J.-L. SCHLIENGER, Professeur émérite faculté de médecine de Strasbourg

En dehors des boissons alcooliques, les boissons et aliments qualifiés de futiles ont en commun de ne pas être indispensables à l’équilibre alimentaire, bien qu’étant souvent largement consommés au point de participer à l’identité alimentaire et sociale. Les niveaux de consommation sont très variables et peuvent dans certains cas s’apparenter à une addiction. Les modes de consommation sont tout aussi variables : chocolat en tablette en France ou sous forme de boisson en Espagne, café torréfié filtré dans les pays occidentaux ou grillé et bouilli dans les pays scandinaves, thé noir ou thé vert, boissons sucrées au saccharose, au sirop de fructose (HFCS) ou édulcorées…

*Les boissons alcoolisées qui ont fait l’objet d’un article récent dans Diabétologie Pratique (n°49 – février 2015) sont exclues.   Leur impact sur la santé étant souvent jugé de façon négative – à l’exception du thé vert – leur consommation fait habituellement l’objet de recommandations de modération, voire d’éviction dans certains régimes. Leur composition peut être complexe du fait de la présence de constituants dont certains ont des effets biologiques intéressants (chocolat, café, thé). À l’inverse, pour d’autres, la densité nutritionnelle est médiocre en regard d’une densité énergétique élevée (sodas) (tableau). Leur rôle dans la prévention ou la survenue du diabète de type 2 a été exploré dans plusieurs études épidémiologiques récentes qui incitent à revoir bien des idées toutes faites en la matière. Cacao et chocolat Jusqu’à ce que les conceptions de la prise en charge diététique du diabète aient évolué vers une plus grande tolérance, le chocolat a été prohibé dans le régime diabétique au prétexte qu’il était hyperglycémiant, hyperénergétique et vecteur d’acides gras saturés. La meilleure connaissance des constituants du chocolat et les données de cohorte récentes ont conduit à adopter une vision radicalement différente… au point de se demander si la consommation régulière de chocolat noir ne serait pas souhaitable dans le diabète. Le profil nutritionnel du cacao chocolat est remarquable en dépit d’une densité énergétique élevée (> 500 kcal) liée à sa teneur en glucides et en lipides qui pourrait être problématique s’il était consommé en quantités importantes. L’index glycémique du chocolat noir est étonnamment bas (22 contre 70 à 90 pour le pain blanc et 60 pour une poudre chocolatée sucrée). La composition en micronutriments antioxydants de la famille des flavonoïdes (flavonols et procyanidines) et en magnésium susceptibles d’influer sur le risque de diabète est remarquable. Enfin, la prise d’un ou deux carrés de chocolat noir après un repas composé n’a pas de conséquences tangibles sur l’équilibre glycémique. Par ailleurs, la consommation régulière de chocolat noir est associée à une amélioration de la sensibilité à l’insuline imputée aux flavonoïdes. Les données épidémiologiques plaident en faveur d’une relation favorable entre la consommation de chocolat et le risque de diabète de type 2 (DT2). Dans l’étude ARIC, l’incidence du diabète apparaît inversement proportionnelle à la consommation de chocolat avec un bénéfice maximal pour 2 à 6 prises par semaine (diminution du risque de 34 %)(1). Une relation inverse entre la consommation de chocolat et l’incidence du diabète de type 2 a été décrite dans la cohorte de la Physician’s Health Study(2). Les données cliniques et biologiques sont rassurantes. L’administration de 50 g de poudre de cacao versus placebo chaque jour pendant 6 semaines à des sujets diabétiques induit, comme chez les sujets sains, une vasodilatation endothélium-dépendante, une diminution modérée du LDLcholestérol, une diminution de l’oxydation des lipoprotéines LDL et une diminution des marqueurs de l’inflammation, ce qui fait du chocolat un agent protecteur contre l’insulinorésistance et le risque cardiovasculaire. Dans une étude randomisée effectuée pendant un an chez des femmes diabétiques, la consommation de 27 g/jour de chocolat enrichi en flavonoïdes stabilise les signes d’athérome et améliore l’élasticité artérielle(3). L’amélioration de la sensibilité à l’insuline après l’ingestion de chocolat noir a également été observée chez des sujets sains. Le chocolat noir empêche la dysfonction endothéliale et le stress oxydatif induits par une hyperglycémie provoquée chez le diabétique(4). Le chocolat apparaît comme un agent protecteur contre l’insulinorésistance et le risque cardiovasculaire. Il est vraisemblable que les propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires des polyphénols du cacao interagissent avec la physiopathologie des troubles métaboliques et des complications du diabète. Dans un modèle expérimental de rats hypertendus rendus diabétiques par la streptozotocine, l’exposition à des extraits de cacao, prévient l’apparition d’une néphropathie diabétique. Des études cliniques complémentaires sont évidemment nécessaires pour vérifier les bienfaits du chocolat sur les complications cardiovasculaires et rénales du diabète. Dans cette attente, une consommation régulière et maîtrisée de chocolat noir peut être tolérée dans le DT2 sans craindre de déséquilibrer l’équilibre glycémique. Café Le café est une boisson acalorique très populaire, connue pour ses propriétés tonifiantes liées à la présence de caféine. Son impact sur la santé est habituellement perçu comme négatif lorsqu’il est consommé en excès : irritabilité, insomnie, tachycardie, HTA, céphalées et manifestations d’addiction. Sa forte teneur en polyphénols (500 mg/tasse) a fait reconsidérer l’effet d’une consommation régulière et modérée sur la santé. Plusieurs études épidémiologiques ont suggéré l’existence d’une relation inverse entre la consommation de café et l’incidence du DT2. Par ailleurs, l’augmentation de la consommation d’une tasse de café par jour est associée à une diminution du risque de diabète de 11 % dans une cohorte de professionnels de santé alors que la diminution de la consommation de 2 tasses par jour est associée à une augmentation du risque de 17 %(5). Les données cliniques et expérimentales sont en faveur d’un effet favorable de la consommation de café sur la prévention du diabète de type 2 et sur celle de ses complications. Une réduction de la mortalité de 40 % a été rapportée dans une importante cohorte d’hommes et de femmes, et la consommation d’au moins 3 tasses de café par jour est associée à une diminution de la mortalité globale et cardiovasculaire chez des sujets diabétiques. Une métaanalyse a conforté l’effet protecteur de la consommation de café qui est proportionnel au nombre de tasses consommées. La réduction du risque de diabète est de 8 % (RR = 0,92 ; IC : 0,90- 0,94) pour une tasse de café et de 6 % pour le café décaféiné ; elle s’élève à 21 % pour la consommation de 3 tasses et atteint 40 % pour la consommation de 10 tasses ! (ce qui n’est évidemment pas recommandable)(6). Les mécanismes d’action sont discutés et vraisemblablement multifactoriels. Les polyphénols contenus dans le café exerceraient une action antagoniste contre la caféine qui, ingérée en aigu et de façon occasionnelle, élève la glycémie et diminue la sensibilité à l’insuline. Expérimentalement, certains composés phénoliques comme l’acide chlorogénique réduisent l’absorption intestinale du glucose et inhibent l’activité de la glucose-6-phosphatase. Les composants du café agiraient également comme des prébiotiques capables de modifier le microbiote et la digestion ultime. D’autres auteurs ont suggéré un effet sur les hormones intestinales, notamment le glucagon-like peptide. En fait les mécanismes d’action du café sur le métabolisme glucosé restent hypothétiques(7). Thé Le thé est la boisson la plus consommée dans le monde après l’eau. Les feuilles de thé (tout particulièrement de thé vert) se singularisent par une forte teneur en flavonoïdes et en méthylxanthines (caféine, théobromine). C’est aux propriétés antioxydantes des catéchines, constituants principaux des flavonols du thé, qu’ont été attribués les bénéfices pour la santé d’une consommation régulière de thé vert mais il est vrai que la consommation de thé tend à être associée à un style de vie plus sain. Les relations entre la consommation de thé et le diabète sont assez ténues du fait de l’absence de grandes études de cohorte. Une métaanalyse suggère que la consommation quotidienne de plus de 3 tasses de thé diminue le risque de syndrome métabolique et de diabète de type 2 dans les populations asiatiques mais non dans les populations occidentales par rapport aux non-consommateurs (RR = 0,84 ; IC : 0,70-0,97). Il ne semble pas y avoir d’effet spécifique du thé vert(8). Les mécanismes sont hypothétiques. Des arguments expérimentaux font la part belle à l’action antioxydante qui améliorerait à la fois la fonction ß pancréatique et la sensibilité à l’insuline en diminuant le stress oxydant, mais on en reste actuellement au stade des interrogations quant à la possibilité d’un effet direct des extraits de thé. L’administration d’extraits de thé vert à des doses conséquentes n’a cependant pas d’effet significatif sur le taux d’HbA1c chez des sujets diabétiques(9). Il reste que la consommation de thé vert, boisson acalorique, participe à un modèle alimentaire recommandable. Les boissons sucrées Ces boissons qui comprennent les sodas, la limonade et les jus de fruits sucrés, à l’exclusion des boissons précédentes sucrées, sont accusées de contribuer aux conditions nutritionnelles favorisant l’apparition de l’obésité, du syndrome métabolique et du DT2. Elles sont caractérisées par leur teneur élevée en saccharose ou en fructose (le high fructose corn sirop ou HFCS, dérivé de l’amidon de maïs est largement utilisé par l’industrie nordaméricaine pour ses propriétés sucrantes) bien que d’autres constituants potentiellement intéressants puissent être présents dans ces boissons. Les données épidémiologiques les plus récentes décrivent sans conteste une association positive entre leur consommation et le risque de DT2 selon une courbe dose-réponse persistant après ajustement, entre autres, sur l’apport énergétique et l’IMC. La substitution par de l’eau, du thé ou du café non sucrés ou par des boissons édulcorées diminue l’incidence du diabète de 25 %. Une réduction de 2 % de l’apport énergétique imputable aux boissons sucrées détermine une réduction de l’incidence du DT2 de 15 %(10). Dans la cohorte des professionnels de santé, le quartile supérieur des consommateurs de l’ensemble des boissons sucrées, y compris les boissons édulcorées, présente un RR de DT2 de 1,24 (1,09-1,40) par rapport au quartile inférieur. Après ajustement, la relation avec les boissons sucrées persiste alors que celle avec les boissons édulcorées disparaît. Le remplacement d’une boisson sucrée (240 ml) par une boisson non sucrée est associé à une diminution du risque de 17 %(11). Les mécanismes en jeu sont encore discutés : adiposité plus importante liée à un apport énergétique supplémentaire (environ 150 kcal par unité de boisson), effet satiétogène moindre des liquides, absorption rapide des glucides avec une hyperglycémie et une hyperinsulinémie excessives, ou effet d’un des additifs contenu dans les sodas ? La mise en évidence d’une augmentation du risque de DT2 avec la consommation de boissons édulcorées rapportée dans quelques études est plus polémique et fait encore l’objet d’un débat(12). Leur action s’exercerait par une augmentation de la prise alimentaire lors du repas qui suit une prise de boisson édulcorée du fait d’une moindre satiété, sans effet propre sur l’homéostasie glucosée. Conclusion  Les boissons futiles ont toutes peu ou prou un effet sur le risque de diabète de type 2, contrairement à l’eau dont on admet qu’elle a un effet neutre. Comme attendu, la consommation de boissons sucrées conventionnelles et, peut-être, de boissons édulcorées augmente le risque de diabète. En revanche, le cacao et le chocolat (liquide ou solide), le café et le thé, à un moindre degré, semblent à même de réduire l’incidence du diabète par des mécanismes encore discutés. La substitution des premières par les secondes étant associée à une diminution documentée du risque, il est possible de proposer une alternative à l’eau chez les consommateurs de boissons sucrées.     L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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