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Thérapeutique

Publié le 01 mar 2016Lecture 8 min

Impact de l’ézétimibe en plus des statines après un syndrome coronarien aigu chez les patients diabétiques

F. SCHIELE, Université de Franche-Comté, service de cardiologie, CHU de Besançon


Après un syndrome coronarien aigu (SCA), même avec un traitement de prévention secondaire complet, il persiste chez tous les patients un « risque résiduel » qui s’exprime par un risque de décès, de récidives d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral. La réduction médicamenteuse de ce risque passe, entre autres, par le renforcement du traitement antiplaquettaire et par la baisse du LDL-cholestérol.

De nombreuses études ont montré l’impact du traitement antiplaquettaire sur le risque résiduel : un renforcement et/ou la prolongation du traitement antiplaquettaire double permet de réduire les événements thrombotiques mais augmente les complications hémorragiques. L’abaissement du LDL-cholestérol par les statines a également montré son efficacité, non seulement sur le moyen et le long terme, mais également dès la phase aiguë d’un SCA. L’étude PROVE-IT avait comparé un traitement par statines intensif (atorvastatine 80 mg) versus non intensif (pravastatine 40 mg) dans les suites immédiates du SCA et montré qu’il y a un bénéfice clinique avec un traitement intensif, avec une réduction de 17 % du risque relatif de décès, infarctus at accident vasculaire cérébral (AVC) visible dès le premier mois et significatif dès le troisième mois (figure 1). Depuis, pour tous les patients avec SCA, un traitement intensif par statines est recommandé dès la phase aiguë. La cible thérapeutique de 70 mg/dl pour le LDL-cholestérol a été extrapolée des études cliniques et finalement acceptée dans les recommandations européennes pour guider l’intensité des statines, mais le bénéfice clinique d’une baisse supplémentaire du LDL-cholestérol restait incertain. À cette question a été liée celle de l’impact clinique de l’utilisation de l’ézétimibe, inhibiteur de la protéine Niemann-Pick C1-like1 (NPC1L1) impliquée dans la réabsorption intestinale du cholestérol, capable de diminuer le LDL-cholestérol de 20 %, en plus de l’effet des statines.   Figure 1. Étude PROVE-IT comparant pravastatine 40 mg à atorvastatine 80 mg à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde : bénéfice précoce avec le traitement intensif. Résultats de l’étude IMPROVE-IT L’étude IMPROVE-IT a testé l’hypothèse d’une réduction supplémentaire du LDL-cholestérol, en dessous de la cible de 70 mg/dl chez 18 000 patients déjà traités de façon efficace par statines, en y associant 10 mg d’ézétimibe. Les patients dans les suites immédiates d’un SCA n’étaient éligibles pour cette étude que si leur taux de LDL-cholestérol sous statines (40 ou 80 mg de simvastatine) était supérieur à 50 mg/dl ou, sans statines, inférieur à 125 mg/dl, afin que le groupe contrôle ait un LDL aux alentours de 70 mg/dl. Dans le groupe simvastatine + ézétimibe il y a eu, comme prévu, une réduction supplémentaire de 20 % du LDL (LDL moyen de 54 mg/dl vs 69 mg/dl pour le groupe contrôle). Après plus de 7 années de suivi, les résultats de cette étude montrent que la baisse supplémentaire du LDL obtenue avec l’ézétimibe est associée à une baisse de 6 % des événements cardiovasculaires majeurs. Si on considère les événements cumulés sur les 7 années de suivi, cette réduction a atteint 9 %. Sur le plan de la tolérance, aucun effet adverse lié à l’ézétimibe n’a été mis en évidence, en particulier sur le risque de cancer, d’intolérance musculaire ou de calcul biliaire. Enfin, sur le plan conceptuel, l’étude IMPROVE-IT a démontré que le bénéfice clinique d’une baisse du LDL obtenue par une molécule « non-statine » est comparable à celle observée avec les statines (figure 2) et elle conforte la règle « lower is better ». Bien que ces résultats soient largement positifs, il n’a pas été observé d’effet significatif sur la mortalité, malgré une diminution numérique des décès dans le groupe traité par l’ézétimibe.   Figure 2. Droite de régression entre la réduction du LDL-cholestérol et les événements cardiovasculaires : place de l’ézétimibe associé aux statines. Analyse du sous-groupe des patients diabétiques Le sur-risque du patient diabétique en cas de SCA est bien documenté, expliqué partiellement par un état procoagulant, mais aussi par un moins bon contrôle de l’évolution de l’athérosclérose, deux phénomènes agissant à court et à long terme. Compte tenu de la forte proportion de patients diabétiques chez les patients admis pour SCA, le problème du sur-risque des patients diabétiques se pose très fréquemment en pratique clinique. L’analyse du sous-groupe des diabétiques de l’étude IMPROVE-IT avait donc un intérêt majeur, d’autant qu’une interaction significative sur le diabète avait été montrée dans la publication principale des résultats. Dans IMPROVE-IT, l’ajout de l’ézétimibe au traitement par simvastatine s’est accompagné, en plus de la baisse du LDL-cholestérol, de modifications d’autres molécules impliquées dans l’athérosclérose : baisse de 10 % des triglycérides, baisse de 13 % du cholestérol total, augmentation modeste de 1,5 % du HDL et baisse de 20 % de la CRP. Par ailleurs, l’ézétimibe est associé à d’autres modifications biologiques, importantes chez le diabétique, comme la baisse des remnants-like cholestérol, des particules LDL denses, de l’apolipoprotéine B48 et de la résistance à l’insuline. Diabétiques versus non diabétiques Le groupe des diabétiques d’IMPROVE-IT comprenait 4 933 patients avec un antécédent de diabète de type 2 (diabète déclaré à l’inclusion et traité par au moins un médicament antidiabétique) : 2 459 traités par simvastatine seule et 2 474 traités par l’association simvastatine et ézétimibe. Un an après l’inclusion, la baisse des molécules athérogènes avec l’ézétimibe était plus importante chez les diabétiques que chez les nondiabétiques : -43 mg/dl contre -37 mg/dl pour le LDL, mais aussi un effet plus important pour la baisse des triglycérides et de la CRP hs (tableau).    Cet effet biologique plus important chez le diabétique s’est traduit par une réduction plus marquée des événements cardiovasculaires avec une réduction de 14 % du critère principal (figure 3), de 21 % des infarctus et de 42 % des AVC. Malgré tous ces effets bénéfiques, il n’y a pas eu de réduction de mortalité cardiovasculaire. Sur le plan de la sécurité, chez les diabétiques comme pour la population générale, il n’y a pas eu d’effet adverse : pas de toxicité hépatique, vésiculaire, musculaire, pas d’augmentation des AVC hémorragiques ni de cancer.   Figure 3. Résultats de l’analyse de sous-groupe des patients diabétiques versus non diabétiques de l’étude IMPROVE-IT. Apparition de nouveaux cas de diabètes ? Une analyse supplémentaire a été conduite, chez les patients non diabétiques pour vérifier si l’exposition à l’ézétimibe, sur une longue période de 7 années, est associée à une augmentation de l’incidence de nouveaux cas de diabètes. L’augmentation de l’incidence de diabète est le seul effet adverse sérieux et irréversible démontré avec les statines. Ce risque est numériquement faible ; les métaanalyses rapportent des taux de 3/1 000 patients par an versus 1/1 000 sous placebo. Dans l’étude JUPITER avec la rosuvastatine, l’augmentation d’incidence de diabète était plus visible chez les patients ayant atteint des valeurs de LDL inférieures à 50 mg/dl. La question de l’apparition de nouveaux cas de diabète, liée à l’atteinte de valeurs de LDL très basses est d’actualité. Après exclusion des patients diabétiques, ceux qui ont développé un diabète avaient plus souvent une hypertension, une obésité abdominale ou un IMC plus important, mais l’âge, le sexe et les paramètres lipidiques étaient comparables. Le risque lié à l’exposition à l’ézétimibe n’est pas significatif (Hazard Ratio = 0,46) et l’absence d’association a été vérifiée pour 4 définitions de « nouveaux cas de diabète » : (1) initiation d’un traitement antidiabétique, (2) élévation de la glycémie à jeun au-delà de 7 mmol/l à 2 reprises, (3) déclaration d’un diabète par l’investigateur ou (4) l’association des 2 premiers critères (l’hémoglobine glyquée n’avait pas été mesurée et des tests de tolérance n’avaient pas été prévus dans IMPROVEIT). Les résultats d’IMPROVE-IT sont donc très rassurants sur l’absence de risque de diabète associé à l’ézétimibe. Ézétimibe pour tous ou uniquement pour des patients diabétiques ? L’interprétation de l’effet différentiel entre diabétiques et nondiabétiques ne doit pas faire réserver la baisse supplémentaire du LDL aux seuls patients diabétiques : l’interaction observée est quantitative et non qualitative, indiquant un effet majoré dans un groupe par rapport à l‘autre et non un effet opposé. L’apparente « non-efficacité » chez les non-diabétiques s’explique par le bon contrôle du LDL par les statines à l’inclusion qui a certainement limité l’efficacité de l’ézétimibe. Un bénéfice est uniquement visible chez les patients à plus haut risque, les diabétiques par exemple. D’autres patients à haut risque, non diabétiques, tirent aussi bénéfice de l’ézétimibe comme les patients de plus de 75 ans. De plus, comme les résultats de l’étude IMPROVE-IT s’inscrivent exactement sur la droite de régression entre réduction du LDL et réduction des événements cardiovasculaires (figure 2), il est probable que la majorité des patients ayant un LDL (sous statines) supérieur à 70 mg/dl tirent bénéfice de l’apport de l’ézétimibe tout comme de l’intensification du traitement par statines. La réduction du LDL avec l’ézétimibe correspond à un triple doublement de dose de statines.   Les recommandations des sociétés internationales qui ont été publiées après la parution des résultats d’IMPROVE-IT ont considéré l’utilisation de l’ézétimibe en post-SCA, mais sans la limiter aux patients diabétiques. Les guidelines de la Société européenne de cardiologie pour la prise en charge des NSTEMI, publiées cette année (ESC GL), donnent une recommandation de niveau IIa pour l’ajout d’un traitement « non statine » chez les patients ayant un LDL-cholestérol > 70 mg/dl malgré un traitement maximal toléré par statines (« In patients with LDL cholesterol ≥ 70 mg/dl [≥ 1,8 mmol/l] despite a maximally tolerated statin dose, further reduction in LDL cholesterol with a non-statin agent should be considered »). Les recommandations de la National Lipid Association précisent que, pour réduire les événements CV, l’ézétimibe doit être utilisé en première ligne en association avec les statines (« Ezetimibe is recommended as a firstline statin combination therapy since it has been shown to reduce ASCVD events when added to a statin in a controlled clinical trial and because it has an important atherogenic cholesterol-lowering efficacy »). On peut retenir de l’analyse du sous-groupe des diabétiques de l’étude IMPROVE-IT que : À la phase aiguë d’un SCA, une baisse du LDL en dessous de la valeur de 70 mg/dl par l’addition de l’ézétimibe aux statines est bénéfique et bien tolérée, que les patients aient ou non un diabète. Le bénéfice clinique, déjà significatif dans la population générale, est majoré chez les diabétiques pour lesquels la réduction du critère principal atteint 14 % après 7 ans d’exposition, 21 % de réduction des récidives d’infarctus et 42 % des récidives d’AVC. Il n’y a pas de réduction de la mortalité cardiovasculaire. L’absence d’effet visible chez les patients non diabétiques doit être interprétée en considérant le niveau de LDL basal des patients dans l’étude IMPROVE-IT. D’autres sous-groupes à risque, non diabétiques, comme les patients âgés, tirent également bénéfice de la baisse supplémentaire du LDL-cholestérol. Les recommandations internationales publiées récemment ont déjà incorporé l’utilisation de l’ézétimibe, sans la limiter aux patients diabétiques.  Conflits d’intérêts : L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts pour la rédaction de cet article. Liens d’intérêts avec l’industrie : honoraires pour conseil et lectures avec les laboratoires MSD, AstraZeneca, Sanofi, Amgen, Lilly, Daiichi, BMS.

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