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Insuline

Publié le 30 avr 2017Lecture 7 min

Tribune - Diabète de type 2 : quels traitements maintenir ou arrêter quand on commence l’insuline ?

Bernard CHARBONNEL, Université de Nantes

Souvent, lors de l’initiation de l’insulinothérapie, les patients ont empilé de nombreux traitement non insuliniques, les principaux étant la metformine, les sulfamides, les DPP4-inhibiteurs ou les agonistes du récepteur du GLP1, le tout donnant lieu à des combinatoires multiples suivant les patients et les médecins.
Il n’est sans doute pas souhaitable de tout maintenir lors de cette étape importante de l’intensification qu’est la mise en route de l’insuline, ni du point de vue économique, ni du point de vue médical : de ce point de vue, on va empiler des traitements dont chacun a ses propres effets secondaires ; c’est l’une des explications qui a été avancée pour expliquer la surmortalité dans l’étude ACCORD. À l’inverse, on craint, si on arrête les traitements en cours, de voir se déséquilibrer plus avant le diabète, ce qui découragera le patient au moment de cette période délicate qu’est la mise à l’insuline et rendra la titration de l’insuline basale plus difficile.

Il serait donc souhaitable de disposer d’études ayant spécifiquement étudié cette question du maintien ou de l’arrêt des différents traitements non insuliniques, lors de cette phase de la transition vers l’insuline. Toutefois, s’il existe de nombreuses études sur les combinaisons des différentes classes thérapeutiques à l’insuline (le dessin typique de ces nombreuses études de combinaison est d’ajouter un traitement non insulinique chez des patients déjà sous insuline et insuffisamment contrôlés), il n’y a pas ou très peu d’études sur la période de transition elle-même. Autrement dit, est-il utile ou non de maintenir des traitements qui, par définition, ne suffisent pas à contrôler la glycémie puisqu’on institue l’insuline, ce qui est différent que d’intensifier secondairement une insulinothérapie insuffisante en y adjoignant d’autres médications ? Pour résumer ce que j’en connais et donner mon point de vue dans ce qui est une tribune : La metformine Il y a un consensus pour la maintenir, en raison de différentes études qui montrent une meilleure HbA1c, une moindre prise de poids, pas de sur-risque hypoglycémique, un certain degré d’épargne insulinique(1). Les sulfamides Leur association à l’insuline est globalement déconseillée, car différentes études ont montré un sur-risque hypoglycémique, sans amélioration de l’HbA1c, et avec une prise de poids, lorsqu’on combine des sulfamides à l’insuline(2). Cependant, au moment de la transition, il a également été montré, dans des études observationnelles et non dans des études randomisées, qu’un arrêt brutal des sulfamides, au moment où commence l’insulinothérapie, peut se traduire par un déséquilibre glycémique qu’il est relativement difficile de « rattraper », ce qui décourage le patient, et rend plus difficile la titration des doses d’insuline basale. Il est donc recommandé de maintenir au début le sulfamide, de le diminuer au moindre incident hypoglycémique et d’essayer de l’arrêter lorsque l’insulinothérapie est bien titrée. Les agonistes du récepteur du GLP1 En pratique, c’est sans doute la question principale, d’autant que de très nombreux patients sont mis sous agonistes du récepteur du GLP1 comme premier injectable, avant l’insuline. Dès lors, la question se pose souvent : faut-il ou non maintenir un traitement injectable qui coûte cher et qui, par définition puisqu’on passe à l’insuline, ne donne pas une diminution glycémique suffisante. On sait que leur association à l’insuline donne de bons résultats, avec une meilleure HbA1c, pour une moindre dose d’insuline, sans sur-risque hypoglycémique, et avec un avantage pondéral… Il s’agit donc d’une excellente option d’intensification de l’insuline. Mais ceci ne répond pas à la question de la phase de transition. Autrement dit, faut-il maintenir un agoniste du récepteur du GLP1 prescrit avant l’insuline et qui, par définition puisqu’on institue l’insuline, ne donne pas un résultat glycémique satisfaisant ? La question se complique, pour les agonistes du récepteur du GLP1, du fait qu’en plus de leur action hypoglycémiante, ils ont une action de perte de poids, qui peut, à vrai dire assez rarement, être dissociée de l’action hypoglycémiante. Il faut par ailleurs souligner à cet égard que la perte de poids moyenne sous agonistes du récepteur du GLP1 est de l’ordre de 2 kg, ce qui n’est peut-être pas suffisant comme argument pour maintenir le médicament. Mais il y a de très bons répondeurs, en gros 25 % des patients, chez qui cette perte de poids est importante, le seuil arbitraire de 5 % d’IMC étant souvent retenu pour caractériser ces très bons répondeurs. Il n’y a pas d’étude qui ait réellement posé la question de la transition vers l’insuline chez des patients déjà traités par agonistes du récepteur du GLP1. Les deux études que je connais sur le sujet ne résolvent pas la question puisqu’il n’y a pas, dans ces études, de bras contrôle où l’agoniste du récepteur du GLP1 a été arrêté : Dans la première étude(3), 60 % des patients étaient bon répondeurs (HbA1c < 7 %) au liraglutide pendant la phase avant randomisation et n’ont donc pas eu besoin d’insuline. Les autres ont été randomisés en deux bras : maintien du liraglutide + insuline détémir ou maintien du liraglutide sans insuline, autrement dit sans 3e bras où le liraglutide aurait été arrêté. C’est donc l’efficacité de l’insuline détémir qui était évaluée, avec une baisse modeste de l’HbA1c de 0,5 %. Dans la deuxième étude, l’étude 3581 de développement du IdegLira (combinaison fixe de liraglutide et de dégludec, disponible en France, alors que le dégludec seul ne l’est pas), les patients étaient sous agoniste du récepteur du GLP1, en situation d’échec métabolique avec une HbA1c de départ de 7,7 %, et ont été randomisés vers le maintien de l’agoniste du récepteur du GLP1 ou vers IdegLira, sans randomisation vers un bras où l’agoniste du récepteur GLP1 aurait été arrêté. C’est donc finalement l’efficacité de l’insuline dégludec qui a été évaluée, avec une différence d’HbA1c de 1 % sous IdegLira comparativement à liraglutide seul. Mais la question du main tien ou non du liraglutide chez ces patients chez lesquels il était en échec relatif n’est pas posée par cette étude. Faute d’étude ayant posé la bonne question, ma proposition, ouverte à débat puisqu’il s’agit d’une tribune, est la suivante : Comme règle générale, on peut poser qu’il n’y a pas d’arguments suffisants pour maintenir un traitement par un agoniste du récepteur du GLP1 qui, par définition, ne suffit pas puisqu’on institue l’insuline. La question de savoir si, en arrêtant l’agoniste du récepteur du GLP1, on aura un déséquilibre supplémentaire du diabète et une titration plus difficile de l’insuline reste une question ouverte, mais, faute de le savoir, la règle aujourd’hui serait, à mon avis, d’arrêter l’agoniste du récepteur du GLP1, cher, injectable et peu efficace par définition de la situation clinique. On peut néanmoins le maintenir à mon sens dans deux circonstances : - s’il y avait eu sous agoniste du récepteur du GLP1 une perte de poids significative, de plus de 5 % de l’IMC, pour éviter un rebond pondéral important avec l’insuline ; - en situation de prévention cardiovasculaire secondaire, du moins chez les patients sous liraglutide, étant donné le bénéfice cardiovasculaire démontré par la combinaison de liraglutide et d’insuline dans l’étude LEADER pour cette population. Les DPP4-inhibiteurs Il n’y a pas non plus d’étude qui réponde à la question de leur maintien ou non. À la différence des sulfamides, la combinaison d’un DPP4 inhibiteur à l’insuline est positive, avec un meilleur contrôle glycémique, sans prise de poids et sans sur-risque hypoglycémique (les études sont hétérogènes à ce sujet, certaines suggérant même une protection contre le risque hypoglycémique de l’insuline, d’autres une neutralité, d’autres un petit surrisque). Le principe est donc, puisqu’on simplifie les traitements au moment du passage à l’insuline, d’arrêter le DPP4-inhibiteur sauf sans doute chez les patients qui avaient été bons répondeurs initialement lorsqu’on l’avait prescrit. Pour ces derniers, comme pour les sulfamides, on craint, avec un arrêt brutal du DPP4 inhibiteur, un déséquilibre glycémique et une titration plus difficile de l’insuline. En résumé Je propose que la règle, lorsqu’on commence l’insuline, soit d’arrêter tous les traitements antérieurement prescrits, sauf la metformine. Le passage à l’insuline est clairement une nouvelle étape dans la stratégie thérapeutique du diabétique de type 2, c’est l’occasion de repartir à zéro, de simplifier les traitements, de supprimer tous les empilements antérieurs qui coûtent cher et qui présentent peut-être des risques. La crainte, validée pour les sulfamides, est de voir un déséquilibre glycémique survenir au moment d’un arrêt brutal des méditations antérieures, ce qui va décourager le patient qui vient d’être mis sous insuline et rendre la titration de l’insuline plus difficile. Il est donc possible que la bonne pratique clinique soit d’arrêter les médicaments secondairement, une fois l’insuline titrée. À cette règle générale d’arrêt, il y a quelques exceptions pour les agonistes du récepteur du GLP1, chez les très bons répondeurs en termes de perte de poids et chez les patients en prévention cardiovasculaire secondaire (maintien du liraglutide). Bref, à la question générale « Quels traitements maintenir ou arrêter quand on commence l’insuline ? », le repère pour les cliniciens est « on arrête tout, sauf la metformine ».  

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