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Congrès

Publié le 25 avr 2019Lecture 7 min

Comment explorer et traiter la gastroparésie chez le patient diabétique ?

Michèle DEKER, Paris - D’après une communication de Bruno GUERCI aux 38es Journées Nicolas Guéritée

La gastroparésie est un état chronique caractérisé par un retard de la vidange gastrique en l’absence d’obstruction mécanique, lié à une perturbation de la motricité gastrique et éventuellement grêlique. Le diabète est l’une des causes de gastroparésie, responsable dans environ un quart des cas. L’incidence de cette complication, qui entre dans le cadre de la neuropathie autonome diabétique, varie selon les populations de patients étudiées.

Cliniquement, la symptomatologie peut être fruste, mais aussi très invalidante. La gastroparésie diabétique débute progressivement et il est difficile de faire le lien entre les signes dyspeptiques et la pathologie diabétique. Les signes digestifs les plus fréquents sont les nausées, les vomissements postprandiaux, la satiété précoce, les ballonnements, la gêne ou les douleurs épigastriques ; dans les cas les plus sévères, elle peut entraîner une déshydratation et un amaigrissement. Les patients diabétiques de type 1 seraient plus fréquemment touchés que les patients diabétiques de type 2, mais c’est surtout l’ancienneté du diabète qui détermine cette pathologie. D’autres signes de dysautonomie sont souvent associés (neurovessie, neuropathie autonome cardiaque). La physiopathologie met en cause le pacemaker gastrique situé au niveau du corps de l’estomac, avec une perte des cellules de Cajal. Il en résulte une relaxation excessive du fundus, une hypomotricité antrale, un spasme du pylore, conduisant à une mauvaise synchronisation antro-pyloro-duodénale. Il n’y a pas de corrélation entre la gastroparésie et la neuropathie périphérique ; en revanche, une corrélation a été mise en évidence entre un retard de la vidange gastrique et la présence d’une rétinopathie, d’une maladie cardiovasculaire et d’une hypertension artérielle. Depuis la mise à disposition des nouvelles insulines rapides, certaines gastroparésies ont pu être démasquées par une instabilité glycémique avec l’apparition d’hypoglycémies postprandiales très précoces ; à ce titre la mesure continue du glucose peut contribuer à orienter vers le diagnostic de gastroparésie diabétique. Quantifier les symptômes La quantification des symptômes est nécessaire pour confirmer le diagnostic et suivre leur évolution. Le score le plus caractéristique est le Gastroparesis Cardinal Symptom Index (GCSI) (9 symptômes cotés en 6 niveaux de sévérité), gradé par le patient sur les 15 jours précédents. L’Abell Scoring permet de grader les symptômes en 3 niveaux de sévérité. Enfin, le GIQLI (Gastrointestinal Quality of Life) est une échelle validée en français, sur 36 items avec un score compris entre 0 et 144, mais elle ne comprend pas de score de vomissements. Confirmer le diagnostic • L’endoscopie digestive est indispensable pour éliminer un obstacle haut et rechercher des lésions ulcéreuses, mais ne permet pas de faire le diagnostic. Elle met parfois en évidence des résidus alimentaires qui peuvent être observés plus de 12 heures après un repas. Le transit baryté est d’interprétation délicate. • La scintigraphie gastrique est l’examen de référence pour confirmer la stase gastrique, malgré sa forte variabilité intra- et inter-sujets, et son coût. Elle doit être réalisée après un arrêt de plus de 48 heures des médicaments prokinétiques. Le diagnostic est porté en cas de rétention d’un repas test de > 60 % à 2 heures et/ou > 10 % à 4 heures. De nouveaux critères ont simplifié la procédure : une rétention > 65 % à 2 heures est considérée comme pathologique ; si elle est < 45 %, le test est arrêté, entre les deux, l’étude est poursuivie pendant 4 heures. La réalisation du test doit obéir à certaines règles : – avant de réaliser la scintigraphie, le patient doit être à jeun depuis minuit la veille (tabac inclus) ; – le repas doit être pris en 10 minutes ; – la glycémie doit idéalement être < 2,75 g/ ;  – une demi-dose d’analogue rapide de l’insuline le matin chez les diabétiques ; – au moins la moitié de chaque composant du repas doit être prise ; – l’arrêt des prokinétiques est obligatoire 2 jours avant le test, de même que les analgésiques opioïdes, anticholinergiques et antispasmodiques, et les autres médicaments susceptibles de modifier la vitesse de la vidange gastrique ; – chez les femmes non ménopausées, l’étude doit être réalisée dans les 10 premiers jours du cycle ; – après chirurgie bariatrique, gastrectomie ou hernie hiatale, les constantes sont modifiées. La glycémie doit être contrôlée lors du test diagnostique. Un ralentissement de la vidange gastrique peut être observé en cas d’hyperglycémie. L’hypoglycémie entraîne un ralentissement de la vidange gastrique, une ouverture du pylore. Il est donc recommandé de ne pas faire le test si la glycémie est > 1,80 g/l ou < 0,75 g/l. Le diabète impacte la vidange gastrique, laquelle répond pour 50 % des excursions glycémiques postprandiales. • Le test respiratoire à l’acide octanoïque 13C est bien corrélé à la scintigraphie gastrique (Sp 80 %, Se 86 %), mais il a des limites méthodologiques en cas de pullulation microbienne, d’affection respiratoire. Il nécessite aussi une évaluation sur une durée d’environ 4 heures. • L’électrogastrographie et de préférence la manométrie digestive sont préconisés en dernier recours pour rechercher une étiologie si la cause n’est pas évidente. En 1re intention : diététique et adaptation du traitement insulinique Les mesures diététiques doivent être simples au départ : – fractionner les repas ; – repas de faible volume sous forme semi-liquide plutôt que solide ; – limiter la consommation d’aliments riches en lipides et en fibres non solubles ; – compléments nutritionnels oraux ; ni alcool ni tabac ; – traiter la constipation. La nutrition entérale peut être envisagée en cas de dénutrition, à raison de 60 ml/h, 12 à 15 h/j, de préférence à une nutrition parentérale. La modification du traitement insulinique peut être nécessaire, en recourant de préférence aux insulines rapides ordinaires pour les bolus, en raison d’une inadéquation possible entre la cinétique des insulines et la vidange gastrique. Les analogues rapides et ultrarapides sont relativement contre-indiqués en MDI. Si l’intensification du traitement insulinique est justifiée, c’est l’indication d’un traitement par pompe, plus ou moins associé à la mesure continue du glucose, en utilisant si nécessaire des analogues rapides en bolus carrés (sur 1, voire 2 heures), ce qui limite les risques d’hypoglycémies sévères, en particulier chez les patients ayant un non-ressenti des hypoglycémies ; le moment du contrôle glycémique postprandial doit alors être décalé à la fin du bolus. Enfin, il faut évaluer la capacité du patient à la récupération des hypoglycémies, souvent beaucoup plus longue. Le glucagon est souvent plus utilisé dans cette pathologie, d’où l’attente fondée du glucagon nasal. Traitements médicamenteux Parmi les traitements médicamenteux prokinétiques, seul le métoclopramide est autorisé par la FDA ; la dompéridone ne l’est pas. Une alerte de l’ANSM recommande la prise de dompéridone avant chaque repas, 10 mg x 3/j au maximum en raison du risque d’arythmie cardiaque. Parmi les agonistes du récepteur à la motiline, d’effet prokinétique, l’érythromycine est utilisée (hors AMM). Il existe une tachyphylaxie per os après 4 semaines. En revanche, en cures de 5 jours par voie IV lente de 125- 250 mg en 20-30 min, l’érythromycine permet d’obtenir d’excellents résultats. Il s’agit néanmoins d’un inhibiteur du cytochrome P450 comportant un risque d’interaction avec plus de 80 médicaments (risque d’allongement de QT). Il faut par ailleurs traiter les hypophosphorémies, les hypokaliémies, les hypomagnésémies avant d’envisager ce traitement. L’association de tous ces médicaments est déconseillée et d’efficacité modeste, en particulier l’association érythromycine/dompéridone. De nouveaux traitements font leur apparition. La relamoréline, agoniste de la ghréline, a fait la preuve d’une très nette amélioration comparativement au placebo(1,2). Une amélioration significative est observée dès la 4e semaine de traitement. Ce traitement est néanmoins associé à des hyperglycémies et des épisodes de cétose, voire acidocétose. Pour lutter contre le spasme pylorique, on a eu recours à des injections de toxine botulique qui permettent une amélioration des symptômes grâce à une restauration de l’activité électrique au niveau de l’antre et une diminution de l’activité électrique du pylore en manométrie antro-pylorique. Les traitements prometteurs La pyloromyotomie endoscopique permet une très nette amélioration des symptômes cliniques pour une procédure de courte durée (environ 1 heure). Toutefois, certains patients ne sont pas répondeurs et il n’existe pas de facteur prédictif de la réponse ou de l’échec. Une synthèse récente de 7 essais randomisés de cette procédure(3) montre un succès de la procédure (100 %) et une amélioration des symptômes cliniques à 1-3 mois chez 81,5 % des patients et une normalisation de la vidange gastrique dans 55,5 % des cas. La neuromodulation gastrique (GES), thérapie ENTERRA™ (Medtronic), technique d’hyperfréquence à basse énergie, est un système non encore remboursé. Une grande étude dans le cadre des thérapies innovantes et coûteuses à laquelle ont participé 22 centres, ayant regroupé le traitement de patients diabétiques et non diabétiques (gastroparésie idiopathique), montre une très bonne amélioration sur le plan clinique. Les patients sous alimentation entérale ont pu être sevrés. Une amélioration nette des symptômes à type de nausée, vomissement, douleur, ballonnement intestinal, est observée, l’efficacité étant au moins équivalente dans la population diabétique ou celle des gastroparésies idiopathiques.

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