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Editorial

Publié le 15 avr 2021Lecture 4 min

Il y a cent ans naissait le traitement du diabète !

Jean-Louis SCHLIENGER, Université de Strasbourg

Que d’événements depuis la découverte de l’insuline il y a cent ans par Banting, Best, Collip et Macleod à Toronto ! L’insuline a d’emblée sauvé des milliers de vies de jeunes et de moins jeunes atteints de diabète « maigre » ou de type 1 à une époque où la « diète absolue » — en fait un épouvantable régime de famine — passait pour le traitement moderne du diabète qui prolongeait la vie de quelques mois au prix d’une qualité de vie exécrable.

La découverte de l’insuline est une révolution qui a peu d’équivalents dans l’histoire de la thérapeutique. Du jour au lendemain, elle a transformé une maladie aiguë inéluctablement fatale en une maladie chronique contre laquelle il a fallu mettre en place de nouvelles stratégies pour prévenir des complications insoupçonnées, dont la dernière, validée par l’étude DCCT, date de la fin du siècle. Depuis sa découverte, l’insuline a fait l’objet d’innovations constantes pour améliorer sa qualité, mieux maîtriser sa cinétique d’action et faciliter son administration jusqu’à basculer dans les turbulences prometteuses de la technologie avancée et du numérique, faisant du diabétique de type 1 un être « augmenté ». Connu depuis trois siècles, le diabète gras est resté au bord du chemin thérapeutique, livré à quelques gesticulations diététiques parfois contreproductives jusqu’au mitan du XXe siècle. L’arrivée des sulfamides puis de la metformine a ouvert une ère nouvelle dans sa prise en charge peu de temps avant que des études épidémiologiques fondatrices élèvent cette maladie à la gravité sous-estimée au rang de facteur de risque majeur. L’allongement de la durée de vie, l’association à des comorbidités comme la NASH, le cancer et les troubles cognitifs ont imposé de nouvelles exigences thérapeutiques chez des personnes souvent fragiles. Ce n’est qu’à la toute fin du siècle dernier que l’étude UKPDS et l’étude STENO ont convaincu les adeptes de la médecine fondée sur les preuves, l’une de l’importance du contrôle métabolique strict, l’autre du bénéfice d’une prise en charge intensive et multifactorielle des facteurs de risque, jusqu’à faire du DT2 une « maladie » cardiovasculaire. « Lower is better » est devenu le mantra dont le déploiement n’a pas manqué de trouver ses limites avec la survenue d’hypoglycémies induites par les sulfamides et le recours plus fréquent et sans nuance à l’insuline. Comme souvent, le mieux est l’ennemi du bien. Au début de ce siècle, une rafale de nouvelles molécules allait changer la face du DT2 et installer de nouveaux paradigmes. Les inhibiteurs de la DPP4 ont renforcé l’action de l’intouchable metformine sans majorer le risque d’hypoglycémie. Les agonistes des récepteurs du GLP-1 puis les inhibiteurs du SGLT2 ont ajouté à la sécurité d’action la notion de bénéfice cardiovasculaire, preuves à l’appui (celles-là mêmes qui font si cruellement défaut à la metformine). Les particularités d’action de ces nouvelles molécules passées au crible d’essais thérapeutiques de plus en plus complexes ont conduit à remanier les recommandations pour la pratique en faisant une place à chacune d’entre elles. Il en est ainsi de la prescription des agonistes des récepteurs du GLP-1 chez les patients présentant une maladie athéromateuse diffuse ou à haut risque alors que les inhibiteurs du SGLT2 s’avèrent plus adaptés aux patients souffrant d’une insuffisance cardiaque ou d’une néphropathie. Ces acquis thérapeutiques remarquables ne suffisent pas à optimiser le traitement même si la diversité des procédures et des molécules rapproche du Graal qu’est la personnalisation du traitement. Comme dans toute maladie chronique, la part du facteur humain est considérable dans le diabète et nécessite un suivi médical régulier dans le cadre d’une alliance entre le prescripteur et le patient, associant la compétence et l’empathie de l’un à la motivation et la résilience de l’autre. Quelles que soient l’excellence et la pertinence des prescriptions, le patient reste un sujet vulnérable en proie aux émotions, aux représentations, bref à l’irrationnel et à l’ambivalence, que le bon sens ne parvient pas toujours à contrôler et que le prescripteur a souvent du mal à entendre. Le maintien d’une qualité de vie honorable est un objectif aussi important que le contrôle métabolique. Au-delà des capteurs, des pompes, de l’autocontrôle ou de l’autosurveillance, des algorithmes qui se complexifient, des molécules « high-tech » et des concepts savants, il reste le vertige de la faillibilité et la tentation de la fuite face aux contraintes nombreuses qui brident la spontanéité, la liberté et les projets de vie. Comme pour toute maladie chronique, la prise en charge du diabète ne peut faire l’économie de l’éducation thérapeutique et d’une relation soignant-soigné fondée sur la proxémie, l’écoute active, l’accueil des émotions, le respect et le soutien sans qu’il y ait de place pour un jugement. Cent ans après la découverte de l’insuline suivie de la découverte de nombreuses molécules antidiabétiques et de l’élaboration d’autant de concepts et de stratégies, le diabète reste une maladie incurable et contraignante où la variable humaine est au premier plan. Parce qu’il y a autant de diabètes que de diabétiques, sans doute devrait-il y avoir autant d’approches thérapeutiques que de diabétiques en subordonnant les recommandations à la réalité, le pensé au vécu !

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