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Thérapeutique

Publié le 06 déc 2021Lecture 8 min

Bénéfices et risques de la chirurgie de l’obésité chez l’adolescent

Jean-Louis SCHLIENGER, Faculté de médecine, université de Strasbourg

L’augmentation de près de 50 % de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents au cours des 4 dernières décennies est d’autant plus préoccupante que la majorité des enfants obèses seront obèses à l’âge adulte et à risque de complications métaboliques et cardiovasculaires précoces(1). Ainsi, le diabète de type 2 est plus fréquent, apparaît plus précocement et relève plus rapidement d’une insulinothérapie chez les adultes qui étaient obèses à l’adolescence. L’espérance de vie des adolescents obèses est sensiblement réduite(2,3).

Prise en charge de l’obésité de l’adolescent Le traitement conventionnel de l’obésité fondé sur une prise en charge multifactorielle im pliquant des modifications alimentaires, comportementales et la lutte contre la sédentarité a des effets bénéfiques réels, mais inconstants, notamment chez les adolescents. Dans une étude multicentrique, seuls 7 % des 20 000 participants ont eu une réduction de l’IMC d’au moins 0,25 kg/m2 après 24 mois(4). L’échec est particulièrement fréquent lorsque l’IMC est > 35 kg/m2 (la chirurgie de l’obésité est une option thérapeutique validée de l’obésité sévère compliquée ou de l’obésité massive de l’adolescent, mais elle doit rester exceptionnelle)(5). La chirurgie de l’obésité est une option thérapeutique à envisager chez certains adolescents présentant une obésité sévère per sistante malgré une prise en charge de qualité. Elle permet une diminution conséquente et durable du poids et une rémission du DT2, dont la prévalence est en hausse chez l’adolescent. À titre indicatif, l’étude obser vationnelle SEARCH prévoit qu’aux États-Unis près de 85 000 adolescents présenteront un DT2 d’ici 2050(6). La prévention du DT2 chez les adolescents est d’autant plus cruciale à cet âge qu’il se singularise par une plus grande difficulté à obtenir une perte de poids significative, par un échappement plus rapide aux traitements de première ligne et par une progression plus rapide des indices prédictifs de com plications cardiovasculaires tels que l’épaisseur intima-média ou la rigidité artérielle périphérique, et l’apparition plus précoce d’HTA et de néphropathie incipiens(7,8). Les résultats de la chirurgie bariatrique chez l’adolescent Les résultats à long terme sont encore mal connus. Une revue systématique(9) et quelques grandes séries comme la Teen-LABS (Teen Longitudinal Assessment of Bariatric Surgery) aux États-Unis(10,11), l’Adolescent Morbid Obesity (AMOS) en Suède(12) et une série d’Arabie saoudite(13) fournissent des données cliniques et métaboliques à moyen et long terme permettant de se faire une opinion sur le bien-fondé et les risques de cette approche thérapeutique d’exception. Une diminution pondérale remarquable L’étude systématique de 950 ado lescents âgés de 12 à 19 ans souffrant d’obésité sévère suivis pendant au moins 3 ans révèle une diminution moyenne de l’IMC de 13,3 kg/m2 ainsi qu’une résolution de l’insulinorésistance, de l’HTA et de la dyslipidémie respectivement dans 69,9 %, 61,6 % et 57,1 % des cas. Le taux de réintervention en raison de complications postopératoires et, accessoirement, d’une perte de poids insuffisante était de 9,6 %(9). Des résultats comparables ont été rapportés chez des adolescents et des jeunes adultes suivis pendant 5 ans après un by-pass gastrique avec anse montée en Y selon Roux(12). Dans cette étude, le groupe témoin ayant suivi un programme de modification thérapeutique du mode de vie a présenté une augmentation moyenne de l’IMC de 3,3 kg/m2 au terme des 5 ans de suivi alors que l’IMC a diminué de 13,1 kg/m2 en moyenne dans le groupe opéré. La rémission de l’HTA et du DT2 était de 100 % et celle de la dysglycémie de 85,7 %. Dans une étude prospective longitudinale incluant des adolescents, la réduction moyenne de l’IMC de 15 kg/m2 après by-pass gastrique (BPG) et de 13 kg/m2 après une gastrectomie en manchon (sleeve) était associée à une rémission du DT2, de l’HTA et de la dyslipidémie dans 95 %, 74 % et 66 % des cas et à une amélioration de la qualité de vie après 3 ans. Les résultats sont globalement comparables à ceux observés chez les adultes, mais la rémission du DT2 et de l’HTA est plus fréquente chez les adolescents, ce qui plaide en faveur d’une stratégie d’intervention précoce(10). Chirurgie et DT2 Les études rapportant plus spécifiquement les résultats de la chirurgie bariatrique chez les adolescents ayant un DT2 pèchent par la petite taille des effectifs et par l’absence de définition normalisée de la rémission du DT2. Dans l’étude Teen-LABS portant sur 23 adolescents DT2 traités par by-pass, une rémission du diabète définie par un taux d’HbA1c < 6,5 % sans prise médicamenteuse, est constatée chez 94 % des sujets trois ans après l’intervention(10). Une amélioration de la tolérance au glucose et de la fonction β- pancréatique a été décrite dans l’année suivant la réalisation d’un by-pass, tant chez les adolescents diabétiques que chez ceux qui ne sont pas diabétiques. L’amélioration du métabolisme glucosé est donc la conséquence tout à la fois d’une moindre insulinorésistance liée à la perte de poids et d’une restauration de l’insulinosécrétion(14). Dans une autre étude concernant 52 adolescents DT2 traités par sleeve, le taux de rémission du diabète était de 88 % après 3 ans, avec une diminution du nombre et de la dose des médicaments hypoglycémiants chez ceux qui n’étaient pas en rémission(13). Dans une étude comparant l’anneau gastrique (n = 65) au BPG (n = 67) chez des adolescents DT2, la rémission du DT2 était plus fréquente après BPG(15). En l’état, la chirurgie de l’obésité offre une chance importante de rémission du DT2 chez l’adolescent. Complications potentielles de la chirurgie En première analyse, ces données valident l’option chirurgicale chez les adolescents atteints d’une obésité sévère compli quée ou morbide réfractaire au traitement conventionnel. Toutefois, le recul est encore insuffisant pour évaluer les répercussions psychologiques et sur la qualité de vie à très long terme (tableau 1). Chez les adolescents, l’incidence de la mortalité et des effets secondaires à court terme est très faible dans les centres spécialisés de chirurgie bariatrique. L’incertitude demeure quant aux effets indésirables à plus long terme. Ils sont d’autant plus à redouter que les adolescents s’avèrent généralement moins compliants que les adultes et qu’ils ont quelques difficultés à accepter un suivi médiconutritionnel régulier et prolongé, ainsi qu’une supplémentation en micronutriments quasi définitive. C’est pourtant à ce prix que peuvent être évitées les complications carentielles telles que l’exceptionnelle encépha lopathie de Wernicke par carence en thiamine (de survenue plus précoce) ou la polyneuropathie liée à un déficit en vitamine B12. La prévalence des carences en micronutriments est mal connue chez l’adolescent, mais la supplémentation doit être systématique et indéfinie dans le temps. Les effets sur le métabolisme osseux ont été évalués récemment. Comme chez l’adulte, il existe une diminution de la densité minérale osseuse et du Z score au niveau rachidien avec une augmentation de la graisse médullaire. Toutefois la densité minérale des os longs et la force osseuse distale restent inchangées(16). Les répercussions comportementales et psychologiques ainsi que les déviances alimentaires visant à contourner la gêne alimentaire induite par le montage chirurgical (consommation de boissons énergétiques, de chocolat fondu, grignotage, etc.) sont relativement imprévisibles et justifieraient une sélection des candidats à l’aide de critères spécifiques restant à mettre au point. La situation psychopathologique semble globalement favorable après la chirurgie avec, notamment, une diminution de la prévalence de la dépression et des conduites de repli sur soi(17). En revanche, il existe comme chez l’adulte un risque de dé compensation de troubles psychiatriques préexistants à la chirurgie. Indications et contre-indications Les effets bénéfiques de la chirurgie en cas d’obésité sévère compliquée ou morbide sont évi dents au stade avancé de l’obésité où les approches multidiscipli naires spécialisées sont presque toujours mises en échec. En effet, à ce stade avancé de l’obésité, les approches thérapeutiques comportementales et pharmacologiques n’ont que peu d’effets. Les recommandations internationales et celles formulées par la HAS en 2016 fournissent des repères importants quant aux indications et aux contre-indications(18). À cette époque de la vie marquée par une grande vulnérabilité psychique et somatique, il est essentiel de prendre son temps et de bien connaître l’environnement socio- familial afin de faire des propositions adaptées au cas par cas dans le cadre d’une alliance thérapeutique de qualité. Les critères d’éligibilité et de non-éligibilité sont mentionnés dans l’encadré. Le respect des contre-indications et surtout la qualité du suivi postopératoire au très long cours sont les meilleurs garants de succès et devraient couper court au débat toujours vif qui entoure l’option chirurgicale. Celle-ci devrait être l’exception si la prévention de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent était menée précocement en soins primaires. Toutefois les obésités irréductibles et massives ne relèvent pas toujours d’une indication chirurgicale. Les obésités monogéniques ou consécutives à une lésion des centres de régulation de la satiété ou liées au syndrome de Prader-Willi, caractérisé entre autres par une hyperphagie irrépressible, ne semblent pas être de bonnes indications de la chirurgie – sauf exception –, car elle peut être responsable d’une détérioration de la qualité de vie alors que la perte de poids obtenue n’est que transitoire. Dans le cas particulier du syndrome de Prader-Willi, l’expérience est limitée, mais il semble que la chirurgie accroît parfois les troubles psychopathologiques et expose à un risque de rupture gastrique(19).   Conclusion ▪ Chez l’adolescent comme chez l’adulte, la chirurgie bariatrique est une solution thérapeutique plus efficiente que les autres traitements en termes de perte de poids et d’amélioration ou de rémission des comorbidités. ▪ Cette chirurgie ne devrait être envisagée qu’en cas d’obésité sévère ou compliquée (IMC toujours > 35 kg/m2), chez des adolescents dont la croissance est presque terminée, dans le cadre d’un encadrement multidisciplinaire spécialisé et après la démonstration formelle de l’échec d’une prise en charge conventionnelle bien conduite. ▪ La prévention des effets secondaires potentiels repose sur le savoir-faire de l’équipe médicochirurgicale et sur la régularité du suivi nutritionnel au très long cours. La capacité d’observance d’un traitement doit être démontrée avant l’intervention afin de minimiser le risque des carences nutritionnelles et des complications potentielles. ▪ La controverse développée autour de la chirurgie bariatrique chez l’adolescent ne pourra être totalement levée que lorsque les résultats d’études portant sur les effets attendus et les effets indésirables à très long terme seront disponibles et qu’il sera possible de mieux identifier les facteurs prédictifs de réussite. ▪ En pratique, la chirurgie de l’obésité par BPG ou sleeve ne devrait être discutée chez l’adolescent que lorsque les autres traitements de l’obésité ont échoué et que les conditions favorisant une compliance au long cours sont réunies. Absence de liens d’intérêts avec la teneur de ce texte.

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