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COVID-19

Publié le 30 juin 2022Lecture 11 min

Impact du confinement lié à la Covid-19 sur le contrôle métabolique et l’accès aux soins chez les personnes atteintes de diabète

Lisa LUDWIG, Nicolas SCHEYER, Bruno GUERCI, Endocrinologie, diabétologie & nutrition, CHRU de Nancy, hôpital Brabois adultes & ILCV université de Lorraine, Vandœuvre-lès-Nancy

Fin 2019, l’émergence d’un nouveau coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2) à Wuhan (Chine) a entraîné une pandémie mondiale et une crise sanitaire internationale sans précédent. Depuis lors, des mesures exceptionnelles ont été prises par les gouvernements du monde entier, guidés par les autorités de santé publique, afin de ralentir la propagation du virus et d’éviter l’engorgement des systèmes de santé.

│Contexte de l’épidémie de Covid-19 Fin 2019, l’émergence d’un nouveau coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2) à Wuhan (Chine) a entraîné une pandémie mondiale et une crise sanitaire internationale sans précédent. Depuis lors, des mesures exceptionnelles ont été prises par les gouvernements du monde entier, guidés par les autorités de santé publique, afin de ralentir la propagation du virus et d’éviter l’engorgement des systèmes de santé. En France, un confinement national a été mis en place avec l’ordre de rester à la maison pendant environ deux mois (du 16 mars au 13 mai 2020) afin d’augmenter la distance sociale et de limiter les mouvements de population. Par ailleurs, les rendez-vous de soins courants hospitaliers ont été annulés, afin de réallouer les ressources médicales vers les unités de coronavirus (Covid-19) et de limiter les contacts entre les personnes au sein des hôpitaux ou des salles d’attente. Sur la base de plusieurs études épidémiologiques, le Haut Conseil de la santé publique a considéré que certaines personnes présentant des pathologies sous-jacentes étaient plus exposées au SARS- CoV-2, notamment les personnes diabétiques, non contrôlées ou présentant des complications secondaires (données de l’étude CORONADO). Si ces mesures ont certainement contribué à contenir la pandémie et à assurer la sécurité des personnes vulnérables, elles ont également généré une diminution drastique du recours aux soins médicaux non liés à la Covid-19. Une plateforme française populaire de prise de rendez-vous médicaux a notamment enregistré une baisse de 44 % de l’activité des médecins généralistes et de 71 % des médecins spécialistes entre janvier et avril 2020. Les raisons du renoncement aux soins comprenaient la peur d’être infecté (38 %), la peur de déranger le médecin (28 %) ou la fermeture du cabinet médical (17 %). De plus, les consignes de rester à la maison ont imposé des changements dans les habitudes quotidiennes, y compris la limitation de l’activité physique, des changements dans le régime alimentaire ou même dans les niveaux de stress et d’anxiété, ce qui peut avoir affecté le contrôle glycémique ou l’adhésion au traitement chez les personnes atteintes de diabète. En effet, plusieurs études menées auprès de personnes atteintes de diabète de type 2 ont rapporté des changements négatifs dans les habitudes alimentaires et les envies de manger à la suite du confinement lié à la Covid-19, plus précisément, une augmentation de la consommation de glucides, d’aliments sucrés et de « snacks » alors que l’activité physique diminuait. À l’inverse, plusieurs études ont montré des effets neutres ou bénéfiques du confinement, en particulier chez les diabétiques de type 1 utilisant une surveillance continue ou flash du glucose (CGM/FGM), ce qui suggère que le fait d’avoir un mode de vie plus régulier et de disposer de plus de temps pour la gestion du diabète peut contribuer à améliorer le contrôle métabolique, du moins à court terme. │Étude CONFI-DIAB : des données clinico-biologiques, ainsi que de consommation de soins auprès d’une population diabétique suivie en soins tertiaires Une étude transversale auprès d’un large échantillon de personnes atteintes de DT1 et de DT2 a été menée afin d’évaluer l’impact global de l’isolement et du confinement dus à la Covid-19 sur le contrôle métabolique et la consommation de soins. Afin d’identifier les personnes qui avaient besoin de soins médicaux urgents à la fin du premier confinement Covid-19 en France, un autoquestionnaire a été envoyé la semaine précédant la fin du confinement par courrier postal à toutes les personnes diabétiques qui étaient suivies pour des soins de routine dans les 6 mois précédant le confinement par un diabétologue du Centre hospitalier régional universitaire de Nancy (n = 2 076). Nous avons analysé les données de toutes les personnes adultes diabétiques qui ont renvoyé le questionnaire de hiérarchisation des soins rempli ainsi que les données des dossiers médicaux existants. Le critère de jugement principal était la variation des taux d’HbA1c entre la période précédant et celle suivant le confinement mis en place du 17 mars 2020 au 11 mai 2020 (55 jours consécutifs). Les données des 6 mois précédant le début du confinement ont été comparées aux données des 6 semaines suivant la fin du confinement. Évolution du poids et de l’HbA1c Cette analyse a porté sur 870 personnes atteintes de diabète, 59,8 % étaient des hommes, l’âge médian était de 65,0 ans, l’IMC médian de 28,6 kg/m2 ; 63,1 % étaient atteints de DT2 (DT1, 30,7 %) et la durée médiane du diabète était de 20,0 ans. Les traitements étaient assurés par antidiabétique oral (49,8 %), agonistes des récepteurs au GLP-1 (20,1 %), injection(s) d’insuline (59,5 %), dont 24,5 % par insuline basale seule, avec en moyenne 3,0 injections/jour, et pompe à insuline pour 22,7 % des patients. Les dispositifs d’autosurveillance étaient un lecteur de glycémie avec bandelettes (50,5 %) ou un Flash Glucose Monitoring (46,7 %). Enfin, on retrouvait des comorbidités cardiovasculaires (53,0 %), néphrologiques (41,7 %), neurologiques (39,1 %), ophtalmologiques (45,4 %) et une hypertension (76,5 %). Les taux médians d’HbA1c avant et après l’arrêt du confinement étaient respectivement de 7,7 % et 7,4 %, soit une réduction significative entre les deux périodes. Les analyses stratifiées du critère primaire ont suggéré une réduction significative constante de l’HbA1c indépendamment du type de diabète. En outre, une réduction significativement plus importante de l’HbA1c a été constatée chez les participants qui avaient perdu du poids en comparaison de ceux dont le poids était resté stable ou qui avaient pris du poids pendant le confinement. Concernant l’évolution pondérale, 32,1 % et 15,9 % des personnes ont déclaré respectivement une prise de poids (+2,0 kg) et une perte de poids (-2,5 kg). Par ailleurs, 9,2 %, 45,8 % et 45,0 % des personnes ont déclaré des niveaux d’activité physique plus élevés, similaires ou plus faibles que d’habitude. En outre, la durée et la fréquence de l’activité physique ont été évaluées comme étant de 30 minutes une ou deux fois par semaine chez 48,1 % des personnes, trois ou quatre fois par semaine chez 24,1 % et cinq fois ou plus par semaine chez 27,8 % des personnes. En ce qui concerne l’alcool, 90,9 % des personnes ont déclaré avoir consommé moins de deux verres par jour pour les femmes ou trois pour les hommes pendant le confinement. Cette consommation a été estimée supérieure, habituelle et inférieure à l’habitude chez respectivement 5,9 %, 83,1 % et 11,0 % des personnes. Consommation de soins pendant le confinement et niveau d’observance thérapeutique Respectivement, 49,4 % et 92,3 % des personnes n’ont pas consulté leur médecin généraliste ou leur diabétologue ; 23,0 % ont bénéficié de soins infirmiers à domicile. Des analyses de sang ont été effectuées par 44,8 % des personnes, tandis que 78,3 % ont renouvelé leurs ordonnances. 32,1 % ont utilisé au moins une fois les services de téléconsultation. Parmi elles, 43,4 % ont déclaré une visite en ligne avec leur médecin généraliste, 47,9 % avec leur diabétologue et 30,5 % avec leur infirmière spécialisée dans le diabète (tableau 1). Parmi les 569 personnes qui n’ont pas utilisé les services de téléconsultation, 87,6 % ont déclaré l’absence de besoin et 10,0 % n’avaient pas d’accès à Internet. Enfin, 86,4 % des personnes ont déclaré être bien informées sur les services de téléconsultation (accès aux services médicaux à distance et à la prescription médicale, couverture par l’assurance maladie), mais 71,5 % ne seraient pas prêtes à utiliser les services médicaux à distance pour leur pratique clinique courante future, une donnée qu’il faut sans doute garder en mémoire pour le futur de notre pratique médicale. Pendant le confinement, 9,7 % des personnes ont déclaré avoir oublié de prendre leurs médicaments, le plus souvent avec une fréquence d’une fois par mois maximum (40,0 %) ou d’une fois par semaine (25,0 %). Les médicaments concernés étaient principalement des antidiabétiques, des thérapeutiques cardiovasculaires et dans une moindre mesure des hypolipémiants. Enfin, 2,4 % ont interrompu leur traitement, dont 6 patients pour des raisons médicales, 5 pour une prescription non disponible et 9 pour diverses raisons personnelles, ce qui reste particulièrement faible. │Entre recommandations médicales et solidité du système de soins en France Ainsi, de manière inattendue, aucun effet délétère du confinement n’a été observé sur le contrôle glycémique. Seuls les sous-groupes basés sur le changement de poids pendant le confinement ont été associés à des résultats significativement différents en matière d’HbA1c : une légère diminution de l’HbA1c (-0,1 %) a été observée chez les personnes ayant pris du poids ou ayant un poids stable, et une diminution plus importante de l’HbA1c (-0,3 %) chez les personnes ayant perdu du poids. En outre, les personnes dont le poids était le plus élevé au départ étaient plus susceptibles d’avoir pris du poids après la période de confinement. En effet, malgré la directive de l’Organisation mondiale de la santé visant à rester physiquement actif pendant la quarantaine, une diminution des niveaux d’activité physique a été rapportée à la fois chez les patients DT2 et DT1 (respectivement de 42 % et 70 %). Dans notre étude, 45,8 % et 45,0 % des personnes atteintes de diabète ont déclaré des niveaux d’activité physique similaires ou inférieurs pendant le confinement en comparaison d’avant le confinement, ce qui est cohérent avec les résultats d’une étude menée par le Haut Conseil de la Santé publique sur un échantillon représentatif de la population française (étude COVIPREV, BEH 2020). De plus, la Société francophone du diabète recommande 150 à 300 minutes d’activité physique d’intensité modérée ou 75 à 150 minutes d’activité physique d’intensité vigoureuse par semaine, ou une combinaison des deux ; mais seule la moitié des personnes déclare atteindre les niveaux minimums recommandés (trois fois 30 minutes par semaine). Une des spécificités de l’étude CONFI-DIAB a été de mettre en perspective le contrôle métabolique à la lumière du parcours de soins global du patient. Une réduction drastique de la consommation de soins a été observée, en raison de rendez-vous reportés ou annulés permettant de réallouer des ressources médicales aux unités Covid-19, comme cela a été décrit dans d’autres pays. À l’inverse, les services de télémédecine se sont rapidement développés et ont constitué des outils utiles pour arriver en support du suivi des patients. Cependant, 10,0 % des personnes de notre étude ont déclaré ne pas avoir accès à Internet, ce qui remet en question la généralisation des services médicaux à distance, leur acceptabilité et leur développement. De plus, 71,5 % ont déclaré ne pas être prêts à utiliser ces services à distance dans le cadre d’une pratique clinique courante, même si des résultats discordants ont été rapportés précédemment dans d’autres études, montrant des taux de satisfaction plus élevés. À noter qu’aucun patient de notre échantillon de population n’a indiqué avoir eu des difficultés à accéder à une pharmacie ou à renouveler ses ordonnances, notamment grâce à une mesure exceptionnelle décidée par le ministère de la Santé permettant de délivrer des médicaments chroniques même si l’ordonnance était périmée. Même si la région de l’est de la France, où l’étude a été menée, a été la plus touchée par la pandémie, des mesures nationales de santé publique ont été mises en œuvre, quelles que soient les régions, ce qui suggère que nos résultats pourraient être généralisables à la France. De même, une étude nationale conduite en Île-de-France et portant sur des patients atteints de DT1 a rapporté une amélioration du contrôle glycémique, expliquée en partie par une perception plus facile du contrôle du diabète au cours du confinement. Il faut rappeler que la mise en œuvre des conseils de santé publique pendant le confinement a été différente selon les pays, avec des mesures de protection exceptionnelles, notamment en Italie qui a le plus souffert de l’épidémie de Covid-19 et des mesures restrictives associées, comparativement aux autres pays européens. Ces données sont à rapprocher de celles de consommation de produits de santé issues de l’étude EPI-PHARE (Usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de la Covid-19). Concernant les antidiabétiques, après une augmentation de 29,1 % des délivrances lors des 2 premières semaines du premier confinement, sans doute par peur de manquer de traitements ou d’impossibilité à contacter un professionnel de santé, un retour à la normale a été observé jusqu’à la fin de l’année 2021, mais avec un solde positif de délivrances (+2,4 %) par rapport à l’attendu sur cette période (figure 1). En 2021, les délivrances d’antidiabétiques sur ordonnance en pharmacie ont également augmenté, mais modérément par rapport à l’attendu, avec un solde positif de délivrances (+3,9 % et +5,8 %) pour les périodes de couvre-feu du premier trimestre 2021 et de la 3e phase de mesures restrictives de 2021 au cours du 2e trimestre. Quant aux instaurations de traitement, pour la classe thérapeutique des médicaments des maladies cardiovasculaires et du diabète, une baisse du nombre d’instaurations (donc de nouveaux malades) pendant les 8 premières semaines du premier confinement a été observée par rapport à l’attendu. Une reprise conséquente des instaurations a toutefois été notée à partir de la levée du confinement (figure 2). Cette instauration plus massive de traitement cardio-métabolique est probablement en rapport avec cette réduction subie de l’activité physique durant les confinements, la modification des régimes alimentaires et la prise de poids consécutive – en moyenne de 2 à 3 kg pour certaines études, 5 kg pour d’autres études internationales. En France, l’enquête de Santé publique France CoviPrev (14-16 avril 2020, n = 2 010) avait montré dès le premier confinement que 27 % des personnes déclaraient avoir pris du poids vs 11 % une perte de poids. La prise de poids était plus marquée en cas de situation financière très difficile, en cas de troubles dépressifs, de problèmes de sommeil et de niveau élevé d’anxiété. Par ailleurs, 57 % des personnes déclaraient trouver moins que d’habitude les aliments qu’ils souhaitent dans les magasins. Enfin, l’activité physique avait nettement diminué : près de 6 personnes sur 10 ont fait moins de 30 minutes de marche par jour, confirmant aussi les données de l’étude CONFI-DIAB. Cette tendance à une moindre activité physique et à une alimentation moins maîtrisée a pu entraîner sur le long terme des troubles glucides, lipidiques et cardio-métaboliques. La question concernant la consommation de médicaments à visée cardio-métabolique est donc celle d’un report de prescriptions en lien avec une première période de stockage par les patients de peur de manquer et/ou de ne pas disposer du recours à des professionnels de santé, ou d’un véritable rebond notamment début 2021 en lien avec une augmentation de l’incidence de nouveaux cas de diabète. Pour en savoir plus, bibliographie disponible sur demande : biblio@axis-sante.com

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