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Publié le 25 oct 2022Lecture 9 min

La prise de position de la SFD 2021… en pratique quotidienne - Une observation d’un patient vivant avec un diabète de type 2 et présentant une coronaropathie

Bruno GUERCI, service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, hôpital Brabois Adultes, Philippe Canton et CIC Inserm, ILCV, CHRU de Nancy

Vous recevez pour la première fois Jean, âgé de 56 ans… Ce patient présente un diabète de type 2 évoluant depuis plus de 10 ans. Son histoire cardiovasculaire est dominée par :
– un athérome diffus carotidien avec une sténose > 50 % à gauche ;
– une maladie coronaire pour laquelle il a subi un geste de revascularisation par angioplastie avec pose de 2 stents, il y a 9 mois.
Il vous indique avoir renforcé le contrôle de son alimentation depuis son événement cardiovasculaire.

Il présente une HTA traitée depuis 15 ans, une dyslipidémie mixte athérogène, un syndrome d’apnée obstructive du sommeil appareillé, une rétinopathie diabétique non proliférante minime. L’IMC est à 31,2 kg/m2, la pression artérielle à 145/85 mmHg, pas de trouble trophique (pied diabétique de grade 1) et un indice de pression systolique > 0,9. Données biologiques : HbA1c à 7,7 %, LDL à 0,85 g/L, TG à 2,32 g/l, HDL à 0,41 g/L, DFG à 58 mL/min (stade 3A), rapport albumine/créatinine urinaire > 30 mg/g confirmé à 2 reprises. Traitement antidiabétique : – metformine 1 000 mg 5 2/jour ; – sitagliptine 100 mg/jour. Traitement cardiovasculaire : – aspirine 100 mg/jour ; – clopidogrel 75 mg : 1 cp/jour ; – nébivolol 5 mg : 1 cp/jour ; – amlodipine 10 mg + telmisartan 80 mg : 1 cp/jour ; – atorvastatine 40 mg : 1 cp/jour.   ∣ D’après la prise de position de la SFD actualisée en 2021, que proposer à ce patient ?   À l’analyse du dossier clinique du patient et en accord avec lui, vous proposez d’adapter le traitement. Selon la prise de position de la SFD 2021, deux options préférentielles se dégagent dans cette situation bien particulière sur le plan cardiovasculaire. Un traitement par un AR GLP-1 ayant apporté la preuve d’un bénéfice cardiovasculaire, aux doses utilisées dans les études, sous réserve du respect des précautions d’emploi, et ce, quel que soit le taux d’HbA1c ; à ce jour, il s’agit du liraglutide, du dulaglutide, ainsi que du sémaglutide mais avec un niveau de preuve moins élevé. Un traitement par un iSGLT2 ayant apporté la preuve d’un bénéfice cardiovasculaire, aux doses utilisées dans les études, sous réserve du respect des précautions d’emploi, et ce, quel que soit le taux d’HbA1c ; à ce jour, il s’agit de l’empagliflozine et de la dapagliflozine, seuls iSGLT2 commercialisés en France.   ∣ Première option : introduire un AR GLP-1   Le choix de remplacer l’iDPP4 par un AR GLP-1 se justifie à plusieurs niveaux chez ce patient. Prioritairement à toute autre raison, c’est la situation de maladie cardiovasculaire établie qui impose d’introduire un traitement dont les bénéfices de protection cardiovasculaire ont été largement démontrés dans toutes les études conduites à cet effet. Qu’il s’agisse du liraglutide avec l’étude LEADER, du dulaglutide avec l’étude REWIND ou du sémaglutide injectable avec l’étude SUSTAIN-6, seuls AR GLP-1 actuellement disponibles et remboursés en France, la prescription d’un de ces AR GLP-1 chez des patients DT2 et atteints de maladie cardiovasculaire à des degrés variables ou à haut risque cardiovasculaire, s’est traduite par une réduction d’un critère composite cardiovasculaire, le MACE (pour Major Adverse Cardiovascular Events) après une période de suivi allant de 2,1 à 5,1 années. Cette ré duction du risque relatif de présenter un MACE était de 10 à 15 % (12 % dans une récente métaanalyse). En regroupant toutes les données des études de protection cardiovasculaire, une réduction de la mortalité cardiovasculaire, des infarctus et AVC non mortels, et même de la mortalité toutes causes confondues, est également observée. Pour notre patient, ayant déjà une atteinte coronaire et présentant un risque d’accident vasculaire cérébral du fait de sa sténose carotidienne, les indications sont donc évidentes. A contrario, laisser en place un traitement par iDPP4 n’apparaît pas judicieux, car les iDPP4 ont certes démontré une sécurité d’emploi sur le plan cardiovasculaire (à l’exception de la saxagliptine qui présentait un signal d’alerte vis-à-vis du risque augmenté d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque), mais aucun bénéfice de protection cardiovasculaire. Quant à remplacer l’iDPP4 par un sulfamide ou un glinide, cela n’a que peu de sens clinique au vu de l’absence de protection cardiovasculaire de ces médicaments, de leur risque important d’hypoglycémie et de leur moindre efficacité sur le plan métabolique, notamment pour les glinides en comparaison au AR GLP-1. La prescription d’un AR GLP-1 chez notre patient présente aussi des avantages sur le plan clinicobiologique. Son IMC se situe au-delà de 30 kg/m2 et le bénéfice des AR GLP-1 sur le plan pondéral est largement documenté (perte de poids de -1 à -4 kg, mais parfois beaucoup plus prononcée). La puissance d’effet sur le plan métabolique avec des baisses d’HbA1c de -1 à 1,2 % chez un patient dont le taux d’HbA1c n’est pas à l’équilibre souhaité (objectif < 7,0 %) est aussi un argument pour recourir à l’instauration d’un traitement par AR GLP-1. Il en est de même de la baisse de la pression artérielle systolique de -1,8 à -4,6 mmHg. À ce titre-là, le sémaglutide à doses maximales tolérées (1 mg/semaine) apparaît plus puissant que le dulaglutide à 1,5 mg/semaine tant sur la perte de poids que sur la baisse d’HbA1c (étude SUSTAIN-7). En revanche, le niveau de preuve pour une protection cardiovasculaire est plus élevé pour le dulaglutide que pour le sémaglutide aux doses habituellement prescrites. Il est également possible de recourir depuis peu à de fortes doses d’AR GLP-1, spécifiquement pour le dulaglutide à 3, voire 4,5 mg/semaine, pour un gain de puissance sur la perte de poids (perte de 1,5 kg supplémentaire en moyenne) et la baisse de l’HbA1c (réduction supplémentaire de 0,5 %), sans pour autant savoir si ces fortes doses apportent le même bénéfice ou une efficacité plus marquée en termes de protection cardiovasculaire (étude AWARD-11). Ce sera a priori le cas également avec le sémaglutide à 2 mg/semaine dans quelques semaines ou mois pour l’utilisation de fortes doses à 2 mg/semaine (étude SUSTAIN FORTE). L’existence d’une maladie cardiovasculaire avérée/établie chez notre patient est un critère majeur d’introduction d’un traitement par AR GLP-1. On parle en effet de maladie cardiovasculaire établie chez les patients atteints d’un diabète de type 2 et présentant un antécédent d’évé nement vasculaire significatif (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ischémique, revascularisation, amputation en lien avec une ischémie…) ou une lésion athéromateuse significative (sténose de plus de 50 % sur une coronaire, une carotide ou une artère des membres inférieurs ; un angor instable/ischémie myocardique silencieuse avec atteinte documentée par imagerie ou test fonctionnel ; une claudication intermittente avec index de pression systolique inférieur à 0,9). C’est bien le cas de notre patient, et c’est dans ces situations de populations spécifiquement à haut et très haut risque cardiovasculaire que le bénéfice des AR GLP-1 pour protéger le patient d’une aggravation ou d’une récidive d’un événement a été démontré. Dans la prise de décision partagée avec le patient, il convient aussi d’aborder le mode d’administration du médicament. Il est certain que le recours à un AR GLP-1 requiert l’acceptation d’un traitement injectable. Cela dit, avec les formes hebdomadaires, la contrainte peut être considérée comme réduite, et d’ailleurs souvent bien acceptée par le patient. L’injection hebdomadaire sera donc à privilégier chez ce patient s’il en accepte le principe. Enfin, dans l’option du traitement par AR GLP-1, la question de la tolérance doit être soigneusement abordée afin de garantir la meilleure adhésion au traitement sur le long cours. En effet, les AR GLP-1 ont pour principaux effets indésirables la survenue de troubles digestifs, à type de nausées, vomissements (de l’ordre de 10 à 20 %), ou diarrhées (10 %), généralement à l’introduction du traitement, et ce pendant le premier mois. Seule une minorité de patients gardent des troubles digestifs à distance, amenant alors à une interruption du traitement par AR GLP-1 hebdomadaire (pour   1 % d’entre eux). Si cette option thérapeutique est retenue, il conviendra également de vérifier si le traitement est efficace à 3 et 6 mois sur le plan clinique et/ou métabolique. En effet, on évalue à environ 20 % des patients atteints de DT2 qui ne répondent pas efficacement au traitement par AR GLP-1 que ce soit en termes de baisse d’HbA1c, de poids, ou les deux. Cela dit, même en l’absence de réponse suffisante sur l’HbA1c ou le poids, et du fait du contexte cardiovasculaire du patient, le maintien du traitement par AR GLP-1 peut se justifier, au seul titre de la protection cardiovasculaire. Enfin, rappelons ici que le traitement par la metformine doit être maintenu sous réserve du respect des contre-indications et de la tolérance au médicament. Dans les cas où une insulinothérapie basale serait envisagée à terme chez ce patient recevant un AR GLP-1, son maintien est recommandé (cf. Avis no 17 de la prise de position).   ∣ Deuxième option   L’option d’introduire un iSGLT2 chez ce patient et non un traitement par AR GLP-1 est une alternative séduisante à plus d’un titre. La première différence porte évidemment sur le mode d’administration, sous forme de comprimés par voie orale et non d’injection, option qui peut être préférée par certains patients. De plus, il existe des formulations d’iSGLT2 en association fixe avec la metformine, permettant donc de ne pas augmenter le nombre de prises médicamenteuses sur la journée. Le mode d’action des iSGLT2 les rend simples à utiliser sur le plan métabolique, car en inhibant les cotransporteurs Na+/glucose au niveau du tube contourné proximal du rein, ces médicaments entraînent une glycosurie extraphysiologique et une natriurèse. Ils ont donc l’avantage de fonctionner chez probablement tous les patients, mais de manière plus efficace au niveau métabolique lorsque la fonction rénale est préservée (indication de prescription pour un DFG > 60 mL/min, avec indication d’arrêt si < 45, voire 30 mL/min selon les molécules). Cependant, il ne faudra pas s’attendre à la même puissance d’effet qu’avec les AR GLP-1, que ce soit sur la baisse d’HbA1c (-0,5 à -0,9 %) ou sur le poids (-2 à -4 kg). En revanche, une baisse significative de la pression artérielle systolique en observée (-4 mmHg en moyenne). Dans les études de protection cardiovasculaire, ils ont éga lement démontré leur effet protecteur chez des patients présentant une maladie cardiovasculaire avérée ou en situation de haut ou très haut risque cardiovasculaire. Mais à la différence des AR GLP-1, c’est principalement sur la réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque que les iSGLT2 ont démontré leur protection cardiovasculaire, selon un effet classe qui n’est plus discuté aujourd’hui. En revanche, seule la moitié environ des études ont réussi à démontrer une réduction du risque relatif du MACE, et seule l’étude EMPA-REG OUTCOMES a montré une réduction de mortalité cardiovasculaire. Pour notre patient, le choix vers un iSGLT2 pourrait se révéler utile, voire nécessaire, en cas de refus du patient d’utiliser une thérapeutique injectable, en cas de non-réponse clinique au traitement par AR GLP-1 ou bien sûr en cas de survenue d’effets indésirables digestifs ou autres réactions rendant impossible une observance thérapeutique optimale. Cependant, il conviendra alors de prendre un temps spécifique pour expliquer le mécanisme d’action d’un iSGLT2, et donc de prévenir le patient de la survenue probable de mictions additionnelles au cours de la journée et/ou de la nuit (par le principe même du mode d’action de ces molécules), d’anticiper le risque d’infections génitales à type de mycose (majoration du risque de 2 à 6 fois), moins fréquentes chez l’homme (5 %) que chez la femme (10 %), et d’infections urinaires basses (augmentation modérée du risque), effets indésirables principaux de cette classe de médicament. Il sera indispensable d’expliquer aussi le risque d’acidocétose euglycémique (rare, mais grave) touchant préférentiellement les patients sous insulinothérapie exclusive (donc carencés en insuline) en période périopératoire ou lors d’une infection généralisée par exemple. Il faudra aussi vérifier l’absence de contre-indication à l’usage des iSGLT2, notamment si une plaie et/ou des troubles trophiques du pied sont présents, ou en cas de terrain vasculaire menaçant au niveau des membres inférieurs, ce qui n’est pas le cas de notre patient dont l’IPS se situe à 0,9. Un argument supplémentaire pour le choix du iSGLT2 plutôt qu’un AR GLP-1 serait l’existence d’une maladie rénale chronique, définie ici par une microalbuminurie confirmée et une altération du DFG, les iSGLT2 ayant fait aussi la preuve de leur grande efficacité dans le contrôle et la stabilisation de la maladie rénale chronique du patient atteint de diabète de type 2. Et même s’il est reconnu que le bénéfice clinique sur l’HbA1c est réduit lorsque le débit de filtration glomérulaire est abaissé en dessous de 45 ou de 30 ml/min.

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