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Insuline

Publié le 22 déc 2022Lecture 8 min

Quelques chiffres clés pour mieux comprendre l’hyperglycémie postprandiale

Louis MONNIER, Claude COLETTE, Faculté de médecine, Université de Montpellier

Traiter la dysglycémie du diabète sucré consiste à contrôler 4 désordres glycémiques que l’on peut désigner sous le terme de « quartet de mauvais augure », car tous individuellement ou collectivement augmentent le risque d’apparition ou de progression des complications cardiovasculaires qui, toutes choses étant égales par ailleurs, sont 3 à 4 fois plus fréquentes chez les sujets atteints de diabète que chez les personnes qui en sont exemptes. Le « quartet » est constitué par : a) l’exposition chronique au glucose, encore appelée « hyperglycémie ambiante » ; b) les excursions glycémiques postprandiales ; c) la variabilité glycémique intra- et interjournalières ; et d) les hypoglycémies.

Ces perturbations glycémiques sont plus ou moins interconnectées. À titre d’exemple, et avant toute argumentation précise, il est facile d’imaginer que les excursions glycémiques postprandiales peuvent contribuer à la fois à l’exposition chronique au glucose et aux fluctuations glycémiques désignées sous le terme général de « variabilité glycémique ». Dans les lignes qui suivent, nous avons tenté d’aller au-delà de cette simple observation et de préciser par quelques chiffres (5 au total) ce qui fait la spécificité des hyperglycémies postprandiales et qui contribue à leur importance dans le suivi du diabète sucré.   1er chiffre : une personne, qu’elle soit ou non diabétique, passe 50 % de son existence en état postprandial   Tout repas qui contient des glucides entraîne une montée glycémique qui dépend chez tout individu, qu’il soit diabétique ou non, de leur structure chimique : monosaccharidique ou oligosaccharidique pour les sucres dits simples, polysaccharidique pour les amidons(1). En dehors des monosaccharides (glucose, fructose, galactose), tous les autres nécessitent une digestion enzymatique par des disaccharidases pour les disaccharides (saccharose, lactose, maltose) ou par des amylases pour les glucides complexes. La nature chimique conditionne en partie leur biodisponibilité, les amidons étant étiquetés glucides « lents » tandis que les glucides simples sont considérés comme des sucres « rapides ». Cette distinction entre sucres lents et rapides à partir de leur structure chimique est cependant mise à mal par quelques exceptions. À titre d’exemple, le lactose (disaccharide) est en fait un sucre « lent », car il est hydrolysé par la lactase (β-galactosidase) dont l’activité est modérée et étalée au cours du temps alors que les  α-glucosidases (saccharases) comme celle qui hydrolyse le saccharose ont une activité rapide. Les glucides alimentaires ont une biodisponibilité qui peut être quantifiée par l’index glycémique, mais, quel que soit le glucide présent dans l’alimentation, ils obéissent aux constantes suivantes : – leur digestion complète s’étale sur 4 heures. C’est ce que l’on désigne sous le terme d’état postprandial(2) ; – cet état postprandial est caractérisé chez le sujet normal par une stimulation de l’insulinosécrétion et par une freination de la sécrétion de glucagon. Les deux réponses, en agissant de manière contraire, mais synergique, réduisent l’intensité et la durée de la montée glycémique postprandiale dont le pic, chez les sujets non diabétiques, se situe aux alentours de la 30e minute après l’ingestion du repas et dont la durée ne dépasse pas 2 heures. Chez les personnes ayant un diabète, les excursions glycémiques après les repas sont augmentées en amplitude et en durée en raison de la double altération de la réponse hormonale : réduction de l’insulinosécrétion et absence ou diminution de freination du glucagon. Revenant à la notion importante d’état postprandial dont la durée constante de 4 heures correspond à la digestion et à l’absorption des glucides alimentaires et tenant compte du fait qu’une personne prend en général 3 repas par jour, on peut considérer que tout individu passe la moitié de sa vie en état postprandial (figure 1)(2). Les états postprandiaux sont suivis par des états dits postabsorptifs pendant lesquels la glycémie est maintenue à la normale chez un sujet non diabétique grâce à la glycogénolyse hépatique : libération du glucose à partir du glycogène qui a été stocké dans le foie pendant les périodes postprandiales. Les états postabsorptifs ont une durée de l’ordre de 6 heures. L’état de jeûne est le troisième état métabolique. Au cours de cet état, la glycémie est maintenue à la normale chez une personne non diabétique grâce à la néoglucogenèse hépatique à partir des lactates ou de l’alanine, car les réserves en glycogène ont été consommées au cours des 10 heures qui ont précédé (4 heures d’état postprandial et 6 heures d’état postabsorptif) (figure 2)(2). Dans la mesure où l’état postprandial représente 50 % de l’état métabolique de tout individu, il est aisé de comprendre que le contrôle de l’homéostasie glucidique au cours de ces périodes, en évitant les dérives glycémiques excessives en amplitude et en durée, est un élément important dans la prise en charge des patients diabétiques.   2e chiffre : les excursions glycémiques postprandiales ont un impact de 1 % (pourcentage de point) sur l’HbA1c des patients diabétiques   L’exposition chronique au glucose peut être calculée soit en mesurant la surface sous le profil glycémique des 24 heures (AUC total, AUC = « Area Under Curve »), soit en déterminant le taux de l’HbA1c. L’AUC total a une composante comprise entre le profil glycémique des 24 heures et 3 lignes horizontales tracées vers la droite à partir des 3 valeurs glycémiques préprandiales du petit déjeuner, du repas de midi et du dîner. Cette aire, désignée sous le terme de AUC postprandial (AUCpp), correspond à la somme des incréments glycémiques après les repas. En calculant le rapport [AUCpp/AUCtotal] chez un individu donné, il est possible de déduire la part de l’HbA1c (en pourcentage de point) qui correspond à la fraction postprandiale(3). Un exemple permet de mieux comprendre ce calcul. Si un sujet diabétique a un rapport [AUCpp]/[AUCtotal] = 0,1 et si ce même sujet a une HbA1c à 8 %, la part de l’impact des incréments glycémiques postprandiaux sur l’HbA1c sera égale à 0,8 %. En utilisant ce mode de calcul chez des patients ayant un diabète de type 2 non insuliné, nous avons observé que l’impact des incréments glycémiques postprandiaux est quasiment constant (égal à 1 % en pourcentage de point d’HbA1c) quel que soit le niveau de l’HbA1c (figure 3)(3). Pour illustrer cette observation, 2 cas cliniques peuvent être proposés. Le premier sujet a une HbA1c à 7,7 %. La part liée à la glycémie postprandiale étant de 1 %, le reste de l’exposition au glucose correspond à une HbA1c à 6,7 %. Étant donné que le taux d’HbA1c chez les sujets non diabétiques devrait être en dessous de 5,7 %, on peut considérer que chez ce sujet l’autre composante de l’exposition au glucose, c’est-à-dire l’hyperglycémie basale, correspond au minimum à 6,7 – 5,7, soit 1 % en termes d’HbA1c. Le deuxième sujet a une HbA1c à 9,7 %. En appliquant le même calcul que précédemment, on peut estimer la part de l’hyperglycémie postprandiale à 1 % et la part de l’hyperglycémie basale à 3 %.   3e chiffre : 7,5 % est le seuil d’HbA1c au-dessus duquel l’hyperglycémie basale devient prédominante par rapport à l’hyperglycémie postprandiale   Cette observation découle directement du calcul que nous venons de développer et qui a été confirmé par nos propres travaux publiés dans Diabetes Care en 2003(4). En étudiant non plus la contribution absolue, mais la contribution relative de l’hyperglycémie postprandiale et basale à l’hyperglycémie globale, nous avons observé que tant que le taux d’HbA1c reste inférieur à 7,5 %, c’est l’hyperglycémie postprandiale qui est le contributeur prédominant à l’hyperglycémie globale. Au-dessus de 7,5 % d’HbA1c, l’hyperglycémie basale prend le dessus sur l’hyperglycémie postprandiale et sa contribution ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que le niveau de l’HbA1c s’élève. Ces considérations peuvent avoir un impact thérapeutique au moment du choix thérapeutique chez le diabétique avec une utilisation préférentielle de médications hypoglycémiantes ciblant plutôt les glycémies postprandiales quand l’HbA1c est ≤ 7,5 % et plutôt les glycémies basales (interprandiales) quand elle est > 7,5 %.   4e chiffre : 50 % de la variabilité glycémique est due aux excursions glycémiques postprandiales   La variabilité glycémique à court terme est définie par les fluctuations intra ou inter-journalières de la glycémie entre pics et nadirs. Plusieurs index ont été proposés pour son évaluation, les plus classiques étant le coefficient de variation du glucose ([déviation standard/moyenne glycémique sur 24 heures] x 100), le MAGE (Mean Amplitude of Glycemic Excursions) et le MODD (Mean Of Daily Differences). Les 2 premiers explorent la variabilité intrajournalière, le deuxième la variabilité interjournalière. Intuitivement, on peut penser que les excursions glycémiques postprandiales participent à la variabilité glycémique, mais la question qui se pose est : à quel degré se situe leur contribution ? La réponse est fournie par l’analyse post hoc d’une étude qui a été conduite en testant et en comparant l’effet additif d’une gliptine (la vildagliptine) sur l’équilibre glycémique de patients ayant un diabète de type 2 traité par metformine(5). En mesurant la relation entre la modification d’amplitude des excursions glycémiques postprandiales (ΔAUCpp) et celle de la variabilité glycémique (ΔMAGE), il apparaît que les 2 paramètres sont fortement corrélés avec un coefficient de détermination R2 égal à 0,48 (p < 0,0001) (figure 4), ce qui signifie qu’environ 50 % de la variabilité glycémique est expliquée par les montées glycémiques postprandiales. Ainsi, toute mesure thérapeutique qui prétend réduire la variabilité glycémique doit obligatoirement amortir les excursions glycémiques postprandiales.   5e chiffre : 160 ou 180 mg/dL ? Quelle est la valeur limite que les excursions glycémiques postprandiales ne devraient pas dépasser ?   Ces 2 valeurs sont respectivement proposées par l’International Diabetes Federation(6) et l’American Diabetes Association(7). La différence paraît en apparence faible, mais encore faudrait-il répondre à la question suivante : à quels niveaux d’HbA1c correspondent des maximum glycémiques postprandiaux égaux respectivement à 160 et 180 mg/dL ? En analysant les profils glycémiques moyens obtenus chez des patients diabétiques de type 2 ayant des niveaux différents d’HbA1c allant de valeurs < 6,5 % à des valeurs > 9 %(8), nous avons pu constater que le maximum glycémique du nycthémère obtenu après le petit déjeuner était fortement corrélé au niveau de l’HbA1c (figure 5). L’analyse de la droite de corrélation indique que 160 mg/dL correspond à un taux d’HbA1c égal à 7 % tandis que 180 mg/dl correspond à un taux de 7,5 %. Si on retient que l’objectif idéal est d’atteindre un taux d’HbA1c < 7 % chez la majorité des patients diabétiques, c’est donc la valeur de 160 mg/dL qui paraît la plus appropriée comme seuil à ne pas dépasser pour la glycémie postprandiale. Encore faut-il préciser que cette valeur devrait être mesurée après le petit déjeuner et entre la 60e et la 120e minute avec une moyenne autour de la 90e minute après le début du repas. Il faut signaler que le maximum glycémique après un repas glucidique ou une charge glucidique (hyperglycémie provoquée orale par exemple) survient d’autant plus tard après le début du repas que les désordres glycémiques sont plus prononcés. Chez un sujet normal le pic postprandial survient vers la 30e minute, chez un intolérant au glucose vers la 60e minute et entre la 60e et la 120e dans le diabète patent(9,10). Cet article fait suite à un symposium qui s’est tenu le 30 septembre 2021 dans le cadre du congrès annuel de l’European Associat ion for the Study of Diabetes : « Postprandial Glycaemic Excursions: Implication for Health and effects of nonpharmacologic interventions », B. Ahrén et L. Monnier

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