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Diabéto-Cardio

Publié le 22 déc 2023Lecture 19 min

Les méfaits cardiovasculaires des variabilités métaboliques

Louis MONNIER*, Bernard BAUDUCEAU**, Jean-Louis SCHLIENGER***, Claude COLETTE*, *Faculté de médecine de Montpellier, **Hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, ***Faculté de médecine de Strasbourg

Depuis plusieurs décennies, il a été établi que certaines maladies ou perturbations métaboliques comme l’obésité, l’hypertension artérielle, les dyslipoprotéinémies et le diabète sucré sont associées, voire responsables d’une augmentation du risque cardiovasculaire, en favorisant l’apparition et/ou la progression de lésions d’athérosclérose. Il est classique de constater que le développement de ce type de lésions et le risque cardiovasculaire sont en général proportionnels à la durée et à l’intensité de ces perturbations métaboliques. La conjugaison de ces deux paramètres conduit au concept d’exposition « chronique » au désordre métabolique concerné.

Pour guider le thérapeute, des recommandations sont régulièrement publiées et remises à jour par des organismes nationaux ou internationaux ou par des sociétés savantes. Les auteurs de ces recommandations définissent des « constantes » cliniques ou biologiques auxquelles on affecte des seuils supérieurs ou inférieurs qu’il convient de respecter afin de réduire le risque cardiovasculaire. Le terme de « constante » sous-entend que les facteurs de risque sont stables et qu’il suffirait de normaliser leurs niveaux pour que le risque diminue. Malheureusement, l’expérience clinique montre que les « constantes » sont « inconstantes » et qu’elles fluctuent au cours du temps sur des périodes dont la durée peut être très variable(1). Pour la glycémie chez les patients diabétiques et la pression artérielle chez les personnes hypertendues, les fluctuations sont le plus souvent rapides avec en général plusieurs pics et nadirs dans la même journée. Pour le poids corporel, les variations au cours du temps sont des ondulations lentes avec des périodes alternées de prise ou de perte pondérale en fonction des fluctuations de l’apport calorique alimentaire et de l’activité physique. Dans les dyslipidémies, la nature des fluctuations dépend des fractions concernées : ondulations lentes pour les hypercholestérolémies et plus ou moins rapides dans le cadre des hypertriglycéridémies en fonction de la nature des apports alimentaires des jours qui précèdent. Ces fluctuations « métaboliques » sont-elles « per se » des facteurs de risque cardiovasculaire ou jouent-elles un rôle potentialisateur en exerçant des effets vasculaires néfastes quand le sujet est déjà exposé de manière chronique au désordre métabolique ? Cette question illustrée sur la figure 1 est importante, car, en fonction de la réponse, ceci signifie qu’il faudrait, dans le cadre d’une thérapeutique préventive primaire ou secondaire, réduire non seulement le niveau de l’exposition chronique sur la durée, mais également la variabilité des désordres métaboliques concernés. Intuitivement, on a le sentiment que le mieux serait de réduire à la fois l’exposition chronique et la variabilité, mais ce problème mérite une discussion plus approfondie qui sera développée dans les lignes qui suivent. Figure 1. L’objectif thérapeutique est de réduire à la fois l’exposition chronique à un facteur de risque (hyperglycémie, hypertension artérielle, dyslipidémie, excès pondéral) et sa variabilité au cours du temps, qu’il s’agisse de fluctuations rapides (glycémie par exemple) ou d’ondulations lentes (poids corporel par exemple). L’exposition chronique est représentée par les zones en rouge.   Variabilités métaboliques : où et comment ?   Plusieurs théories (biochimique, lipidique, mécanique, oxydative, inflammatoire, endothéliale et cellulaire) ont été proposées pour expliquer la constitution de la plaque d’athérome (figure 2)(2,3). Figure 2. Mécanismes du développement et de la progression d’une plaque d’athérome. Les facteurs circulants exercent leurs effets délétères par le biais de leur chronicité (durée et intensité de l’exposition à l’hyperglycémie, l’hyperlipidémie, l’hypertension artérielle) figurée par les rectangles en traits pointillés.   Ces théories sont en fait intriquées les unes dans les autres, la théorie prédominante chez un sujet donné étant sous la dépendance du principal facteur causal : – lipidique si le facteur de risque est une dyslipidémie ; – mécanique pour l’hypertension artérielle ; – biochimique en cas d’hyperglycémie ; – endothéliale et sous-endothéliale pour toutes. Le dénominateur commun est la présence de dépôts lipidiques sous-endothéliaux formés à partir de particules de LDL-cholestérol plasmatique qui ont traversé le tapis endothélial, soit parce qu’elles sont en quantité excessive dans le secteur circulant (hypercholestérolémie), soit parce que les cellules endothéliales sont altérées (soit mécaniquement par l’hypertension artérielle, soit biochimiquement par l’hyperglycémie). Au-delà interviennent des réactions sous-endothéliales de type inflammatoire, cellulaire et fibreuse avec présence de macrophages recrutés pour épurer les lipoprotéines oxydées (cellules spumeuses ou « foam cells ») avec prolifération des myocytes et transformation en cellules fibreuses dans la tunique musculaire lisse. Les macrophages recrutés dans l’intima des artères sécrètent des cytokines qui amplifient et aggravent la réaction inflammatoire. Ainsi, les cellules endothéliales sont soumises à une double agression sur leur versant intraluminal par les facteurs de risque traditionnels (augmentation de la pression artérielle, hyperlipidémie et hyperglycémie) et sur leur versant externe (du côté de l’intima) par les cytokines sécrétées par les macrophages. La réaction inflammatoire de bas grade qui en résulte peut être détectée par l’augmentation de la protéine C réactive ultrasensible (PCR)(4). Dans le diabète sucré, vient se surajouter le dépôt de protéines glyquées dans l’intima des artères sous l’influence de l’exposition chronique au glucose et des effets prothrombotiques, pro-agrégant et pro-oxydant des épisodes hypoglycémiques. Quand on sait que le risque d’hypoglycémie iatrogène se majore avec l’augmentation de la variabilité glycémique(5), on peut d’emblée concevoir que les variations aiguës de la glycémie, qu’elles soient ascendantes ou descendantes, puissent être un facteur non négligeable d’événement cardiovasculaire. Il en est probablement de même pour les autres facteurs de risque identifiés depuis l’étude pionnière de Framingham, d’où l’intérêt de parler de potentiel néfaste des « variabilités métaboliques » avec une vision plus large que celle des simples variations glycémiques.   Deux grandes catégories de variabilités métaboliques et leurs conséquences   Fluctuations aiguës • Relation entre variabilité glycémique à court terme et risque cardiovasculaire À ce jour, nous ne disposons d’aucun essai interventionnel randomisé (CRT pour « Controlled Randomized Trial ») permettant de savoir si l’excès de variabilité glycémique à court terme (fluctuations rapides et exagérées de la glycémie entre pics et nadirs) favorise le développement de complications cardiovasculaires chez les patients vivant avec un diabète sucré. Des tentatives ont été faites (études FLAT-SUGAR[6] et HEART2D[7]), mais les résultats n’ont abouti à aucune conclusion claire en raison du nombre de facteurs confondants entrant en jeu dans ce type d’étude qui nécessiterait que tous les autres facteurs de risque soient identiques et stables dans les bras interventionnels et contrôles. Ce sont les études observationnelles et physiopathologiques qui apportent des éléments de réponse. Ainsi, il a été démontré qu’il existe une forte relation positive entre les fluctuations aiguës de la glycémie et l’activation du stress oxydatif évalué par l’excrétion urinaire des isoprostanes(8) ou par les taux plasmatiques de nitrotyrosine(9). Sur le plan physiopathologique, l’hyperglycémie chronique et les fluctuations aiguës de la glycémie désignées sous le qualificatif de « vagues dangereuses » (figure 3) exercent un effet néfaste sur les endothéliums vasculaires en activant les espèces réactives de l’oxygène comme l’anion superoxyde (O2-)(9). Cette activation est elle-même suivie par une cascade d’événements métaboliques délétères : production excessive d’hexosamines, de polyols, de produits avancés de la glycation (« Advanced Glycation End Products » [AGE]), de protéine kinase C et diminution de la disponibilité du monoxyde d’azote (NO)(9), un puissant vasodilatateur dont le métabolisme est réorienté vers la synthèse de substances nocives : peroxynitrites et nitrotyrosine. Ces perturbations conduisent à une « dysfonction endothéliale », à une altération des cellules murales (accumulation de polyols) qui tapissent le versant externe des membranes basales des vaisseaux capillaires et à une accumulation de protéines glyquées dans les membranes basales qui deviennent fragiles et poreuses. Toutes ces anomalies contribuent au développement de la microangiopathie du patient diabétique. Figure 3. Représentation schématique des « vagues dangereuses ». Les fluctuations aiguës de la glycémie, de la pression artérielle et des triglycérides plasmatiques s’accompagnent d’une activation de certaines voies métaboliques, en particulier d’une activation du stress oxydatif avec dans un premier temps une production exagérée d’anion superoxyde (O2 •-) suivie dans un deuxième temps par une cascade métabolique conduisant à la formation de substrats biochimiques ayant un effet néfaste sur les parois vasculaires : hexosamines, polyols, produits avancés de la glycation, protéine kinase C, peroxynitrite et nitrotyrosine.   La plupart des médicaments antidiabétiques agissent à la fois sur l’exposition chronique au glucose et sur la variabilité glycémique à court terme. Certains méritent une mention particulière : les inhibiteurs de la DPP4, les inhibiteurs du SGLT2, les incrétinomimétiques (analogues du GLP-1 ou analogues doubles du GLP-1 et du GIP dans un avenir proche) et les insulines prandiales. À cet égard, il convient de noter qu’environ 50 % de la variabilité glycémique à court terme s’explique par les incréments glycémiques postprandiaux, ce qui signifie que le contrôle des apports glucidiques au moment des repas ne doit pas être négligé si on souhaite combattre efficacement les fluctuations aiguës de la glycémie. Enfin, il ne faut pas oublier que l’une des relations qui sont le mieux établies est celle qui existe entre le risque d’hypoglycémie et l’excès de variabilité glycémique(5). Étant donné que les épisodes hypoglycémiques sont associés à une augmentation du risque cardiovasculaire, le premier message est que toute réduction de la variabilité glycémique ne peut être que bénéfique, le deuxième message étant qu’il est préférable d’éviter la prescription de médications antidiabétiques susceptibles d’entraîner des hypoglycémies. Quand les patients diabétiques sont insulinés, l’insulinothérapie basale, qu’elle soit prescrite isolément ou couplée à des bolus prandiaux d’insuline rapide et ultra rapide (schéma basal-bolus) doit être réalisée avec des analogues lents (glargine U100 par exemple) ou de préférence ultralents (glargine U300 ou dégludec) pour lesquels les risques d’hypoglycémies, en particulier nocturnes, sont plus faibles. Il faut toutefois savoir que le risque d’hypoglycémie chez un patient diabétique insuliné n’est jamais nul car la quasi-éradication de ce risque ne pourrait être atteinte que si la variabilité glycémique à court terme était identique à celle des sujets exempts de diabète, avec un coefficient de variation du glucose plasmatique < 27 %. Le coefficient de variation du glucose (CV glucose exprimé en %) est égal au rapport suivant : ([déviation standard de la glycémie autour de sa moyenne des 24 heures]/[moyenne glycémique des 24 heures]) x100. Ce coefficient ne peut être obtenu que par l’utilisation d’un enregistrement glycémique continu en ambulatoire (« Continuous Glucose Monitoring » ou CGM) qui est de plus en plus utilisé dans le diabète de type 1, mais qui reste encore confidentiel dans le diabète de type 2.   • Relation entre variabilité à court terme de la pression artérielle et risque cardiovasculaire Sur le plan physiopathologique, les à-coups tensionnels (« vagues dangereuses ») (figure 3) retentissent mécaniquement sur l’endothélium vasculaire où ils entraînent un stress oxydatif qui facilite le passage des protéines et des particules de LDL dans le sous-endothélium. De plus, les poussées tensionnelles contribuent à activer l’agrégation plaquettaire. La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) permet d’explorer la variabilité tensionnelle sur le nycthémère(10). Normalement, le profil tensionnel des 24 heures est régulier et harmonieux avec une diminution des valeurs de la pression artérielle au cours de la période nocturne, les sujets normaux étant de ce fait désignés sous le terme de « dippers ». Quand cette réduction nocturne de la pression artérielle est insuffisante (< 10 %), on parle de « non dippers ». La majoration de la charge pressive liée à la disparition de la baisse normale de pression artérielle en période nocturne, directement responsable d’une augmentation de la masse ventriculaire gauche, pourrait constituer un meilleur indicateur du risque cardiovasculaire global que la pression diurne ou que la moyenne tensionnelle sur 24 heures. De plus, la variabilité de la pression artérielle nocturne évaluée par la MAPA est significativement associée à la survenue d’événements cardiovasculaires après ajustement sur les principaux facteurs de risque cardiovasculaire et sur la pression artérielle mesurée sur 24 heures(11). Les fluctuations nocturnes de la pression artérielle peuvent être dues aux apnées du sommeil qu’il faut systématiquement rechercher. En ce qui concerne la variabilité diurne de la pression artérielle, elle peut être favorisée par une série de facteurs tels que l’activité physique, le stress, la consommation d’alcool, de café ou de sel. Chez les patients diabétiques, la présence d’une neuropathie autonome cardiovasculaire joue un rôle important, car elle est fréquemment associée à une élévation nocturne des chiffres tensionnels. En revanche, des hypotensions très handicapantes peuvent survenir dans la journée lorsque le sujet passe en orthostatisme. • Relation entre fluctuations à court terme des triglycérides plasmatiques et risque cardiovasculaire Les hypertriglycéridémies sont fréquentes dans les états d’insulinorésistance qui concernent en particulier le diabète de type 2 et les obésités viscérales et de manière plus générale les syndromes plurimétaboliques(12). Les hypertriglycéridémies sont responsables d’une augmentation du risque cardiovasculaire à travers plusieurs mécanismes, qu’ils agissent directement ou indirectement. Tout d’abord, et de manière indirecte, les hypertriglycéridémies sont associées à une diminution du HDLcholestérol plasmatique et à une production de petites LDL-denses très athérogènes. De manière directe, les triglycérides plasmatiques sont, comme toute fraction lipidique circulante, captés par les macrophages qui migrent dans le sous-endothélium vasculaire pour donner une réaction inflammatoire avec production de cytokines toxiques pour les cellules endothéliales (figure 2) et pour exercer ultérieurement une action prothrombotique et pro-agrégante. Le risque lié à l’exposition chronique à l’hypertriglycéridémie peut être aggravé par des à-coups hypertriglycéridémiques observés en période postprandiale immédiate ou un peu plus tardivement en période post-absorptive. Au cours de l’état postprandial, il est bien connu que la lipémie (taux de triglycérides) augmente et ceci d’autant plus que la charge alimentaire en lipides (95 % sous forme de triglycérides) est élevée. Après avoir traversé la barrière intestinale, les triglycérides exogènes (alimentaires) entrent dans un circuit métabolique au cours duquel ils sont d’abord transportés par les chylomicrons avant d’être hydrolysés et épurés au niveau du tissu adipeux sous l’influence de la lipoprotéine lipase(13). Chez un sujet normal, l’épuration des chylomicrons plasmatiques est rapide et l’ingestion de triglycérides ne donne lieu qu’à une augmentation très modeste de la lipémie au cours de la période postprandiale. Chez le sujet insulinorésistant, la lipoprotéine lipase, normalement activée par l’insuline, n’exerce plus son action normale d’épuration des triglycérides, ce qui se traduit par une augmentation plus ou moins forte et prolongée de la lipémie postprandiale(13). Ainsi, un sujet insulinorésistant peut présenter des à-coups hypertriglycéridémiques (figure 4) postprandiaux qui se surajoutent à l’hypertriglycéridémie chronique si la charge lipidique au moment du repas est excessive et particulièrement si elle est trop riche en acides gras saturés(12). Ces à-coups hypertriglycéridémiques peuvent être assimilés aux « vagues dangereuses » (figure 3)(8) déjà évoquées plus haut pour les pics hyperglycémiques et les poussées tensionnelles, car ils activent le stress oxydatif et la cascade métabolique qui participe à la constitution de lésions cardiovasculaires. À ces à-coups postprandiaux viennent se surajouter des poussées hypertriglycéridémiques à distance des repas, en période postabsorptive (figure 4). Ces derniers sont plus longs et retardés et sont liés à des perturbations de la circulation des triglycérides endogènes produits par le foie sous forme de VLDL(14). Les substrats qui participent à ces poussées d’hypertriglycéridémie post-absorptive sont au nombre de 3 : les calories au sens large du terme, les glucides rapides (saccharose, glucose, fructose…) et l’alcool. C’est ainsi qu’un repas trop copieux, trop riche en produits sucrés et arrosé avec des boissons alcoolisées peut conduire quelques heures plus tard (par exemple le lendemain matin si le repas est pris le soir) à une montée anormale des triglycérides, laquelle vient se greffer sur l’hypertriglycéridémie de base. Dans les deux cas de figure, qu’il s’agisse d’une poussée hypertriglycéridémique postprandiale immédiate ou postabsorptive décalée dans le temps, selon que les désordres portent respectivement sur la circulation des triglycérides exogènes ou endogènes, les conséquences sont identiques sur le plan de la toxicité vis-à-vis des parois vasculaires artérielles. La répétition de ces épisodes contribue à l’installation durable de lésions vasculaires. Figure 4. Schéma illustrant les poussées d’hyperlipémie (hypertriglycéridémie) postprandiales et postabsorptives. Les premières concernent la circulation des triglycérides exogènes (chylomicrons) et sont induites par une charge lipidique excessive au moment des repas. Les deuxièmes, qui concernent la circulation des triglycérides endogènes (VLDL), sont induites par 3 types de substrats (les calories en général, les glucides rapides et l’alcool) et surviennent à distance du repas inducteur (en période postabsorptive). Dans les 2 cas, les patients ont un état d’insulino-résistance avec en général une hypertriglycéridémie chronique (taux des triglycérides plasmatiques >1,5 g/L).   Les mesures pour éviter ces poussées d’hypertriglycéridémie sont essentiellement diététiques : réduction de l’apport calorique avec une mention particulière pour les graisses saturées, réduction drastique des apports en sucres rapides et suppression des boissons alcoolisées. Ces mesures diététiques contraignantes, souvent difficiles à faire admettre par le patient et à mettre en œuvre sur le long terme, vont également agir sur l’exposition chronique aux triglycérides. D’autres mesures sont fréquemment nécessaires, car, en dehors de leur diéto-dépendance, les hypertriglycéridémies sont également diabéto-dépendantes et peuvent répondre favorablement à certains traitements pharmacologiques. En effet, toute amélioration du contrôle glycémique est susceptible de réduire l’hypertriglycéridémie, voire de la faire disparaître. Enfin, chez tous les patients, qu’ils soient ou non diabétiques, il est possible d’agir pharmacologiquement, de préférence avec les fibrates qui activent la lipoprotéine lipase.   Ondulations lentes • Relations entre variabilité glycémique à long terme et risque cardiovasculaire La variabilité à long terme est définie par les fluctuations de l’HbA1c entre 2 visites consécutives en général espacées de 3 mois, c’est-à-dire la période qui est couverte par un dosage de l’HbA1c. Pour ce type de variabilité, il est préférable d’utiliser le qualificatif de « variabilité de l’homéostasie glucidique ». Il est bien certain que l’HbA1c est rarement identique entre 2 contrôles trimestriels, mais il n’en reste pas moins qu’il est important de définir le seuil au-dessus duquel cette variabilité devient excessive. Deux études récentes(15,16) ont montré que, chez les patients vivant avec un diabète de type 2, la mortalité quelle qu’en soit la cause augmente de manière linéaire en fonction de la variabilité de l’HbA1c estimée par son coefficient de variation (%CV HbA1c = [déviation standard de l’HbA1c/moyenne de l’HbA1c] x100). Dans l’une de ces études, le hazard ratio (HR) des décès devient significatif, c’est-à-dire > 1, quand le %CV de l’HbA1c est > 4,71 %. Dans l’autre étude, c’est le chiffre de 4 % qui peut être retenu. Ainsi, il apparaît qu’un %CV HbA1c > 5 % serait le témoin d’une variabilité excessive de ce paramètre. Si on prend l’exemple d’un patient ayant une HbA1c à 8 %, la déviation standard de l’HbA1c (en pourcentage de points) devrait être < 0,4 %, ce qui signifie que 95 % des valeurs d’HbA1c devraient être comprises entre 7,2 et 8,8 % puisqu’il est bien connu que statistiquement 95 % des valeurs individuelles d’une variable donnée se situent entre 2 limites : l’une inférieure égale à la moyenne -1,96 DS et l’autre supérieure égale à la moyenne + 1,96 DS. Avant ces 2 études, il avait été montré que le risque de survenue d’événements cardiovasculaires graves était positivement associé à une augmentation de la variabilité de l’HbA1c, à la fois dans les diabètes de types 1 et 2. En conclusion, une variation de plus ou moins 10 % (2 fois la DS) entre 2 mesures consécutives d’HbA1c peut être considérée comme excessive. Étant donné que cette variabilité excessive peut résulter de plusieurs causes, les plus probables étant un mauvais suivi des mesures thérapeutiques, son interprétation vis-à-vis du risque cardiovasculaire au niveau individuel ne peut se faire qu’au cas par cas : simple marqueur, facteur causal ou les deux à la fois. • Relation entre variabilité tensionnelle à long terme et risque cardiovasculaire La variabilité tensionnelle à long terme est définie comme les variations de pression artérielle entre 2 consultations(11,17), mais sa signification n’est pas tout à fait superposable à celle de l’HbA1c pour l’homéostasie glucidique, car la pression artérielle mesurée lors d’une consultation ponctuelle n’est en aucun cas un paramètre qui traduit le niveau de la pression artérielle dans les jours ou les semaines qui ont précédé. En dépit de cette remarque, les conséquences de la variabilité de la pression artérielle sont comparables à celles de la variabilité de l’HbA1c en termes de risque cardiovasculaire. Pour éviter le biais mathématique lié à la corrélation positive qui existe normalement entre la dispersion des valeurs de la pression artérielle autour de la moyenne (la déviation standard) et la moyenne elle-même, les spécialistes de l’hypertension artérielle ont été amenés à faire appel à un index désigné sous le terme de VIM (« Variability Independent of the Mean »). Sa formulation étant relativement complexe, nous nous contenterons de dire que l’on peut utiliser le %CV de la pression artérielle, car le %CV et le VIM sont fortement corrélés avec un r de Pearson égal à 0,99. La majorité des études ont montré que la variabilité à long terme de la pression artérielle est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire et de la rigidité artérielle, indépendamment de la moyenne de la pression artérielle(17,18). Association ne signifie pas relation de cause à effet et, comme pour la variabilité à long terme de l’HbA1c, la question qui se pose est de savoir si la variabilité est un marqueur, un facteur ou une combinaison marqueur/facteur du risque cardiovasculaire, avec toutefois une conclusion : il est préférable d’éviter les ondulations lentes de la pression artérielle. • Relation entre variation du poids corporel et risque cardiovasculaire Dans ce cas, il s’agit toujours d’ondulations lentes du poids corporel, le classique « weight cycling » au cours duquel le sujet obèse fluctue entre périodes de perte pondérale quand les mesures nutritionnelles sont suivies et périodes de reprises pondérales quand ces mesures ne sont plus respectées. Les sujets ayant un poids fluctuant ont des indicateurs de santé métabolique qui sont le plus souvent perturbés par rapport à ceux qui ont un index de masse corporelle stable : accumulation préférentielle de graisse abdominale, dyslipidémie, développement d’un état d’insulinorésistance, augmentation du risque de diabète et au-delà apparition d’un syndrome plurimétabolique(19). Plusieurs études et des méta-analyses ont établi que le risque d’événements cardiovasculaires, de décès et d’infarctus du myocarde est associé aux fluctuations pondérales indépendamment des autres facteurs de risque traditionnels. Le « yoyo » pondéral et ses conséquences sont validés par la physiopathologie et par les phénomènes thermodynamiques qui accompagnent les cures d’amaigrissement, en particulier lorsqu’elles sont trop brutales avec des régimes déséquilibrés plus ou moins folkloriques préconisés par des « pseudo-nutritionnistes ». Il convient de se rappeler que toute perte de poids chez une personne obèse conduit à la fois à une réduction de la masse grasse et de la masse maigre. La perte de masse maigre s’accompagne d’une diminution de la dépense énergétique basale, ce qui facilite une reprise ultérieure de poids si le sujet abandonne même partiellement les mesures nutritionnelles. Le rebond pondéral se fait toujours au profit de la masse grasse dont la reconstitution est thermodynamiquement plus facile que celle de la masse maigre. Ainsi, au cours du « weight cycling », le sujet obèse initialement à dépense énergétique relativement forte se transforme progressivement en un sujet toujours obèse, mais à dépense énergétique de plus en plus faible avec une accumulation sans cesse croissante de tissu adipeux, avec toutes les conséquences métaboliques qui peuvent en découler. Ainsi, il est certainement préférable : de garder une surcharge pondérale stable, à condition qu’elle reste modérée, que de s’exposer à un « yo-yo » pondéral ; d’éviter des régimes trop restrictifs en calories et de ne pas céder aux sirènes de ceux qui proposent à foison, à travers certains médias ou une certaine presse, des régimes « miracles » ayant peut-être une efficacité transitoire à très court terme, mais auxquels succèdent des effets délétères sur la durée. • Relation entre variations à long terme des lipides plasmatiques et risque cardiovasculaire Contrairement aux triglycérides plasmatiques qui peuvent être l’objet de variations rapides, le cholestérol plasmatique est relativement stable chez un individu donné. Toutefois, il peut être soumis à des variations sur le long terme. Plusieurs études ont démontré que les variations entre visites des taux de LDL-C et de HDL-C sont associées à une augmentation du risque d’accident cardiovasculaire indépendamment de leurs taux moyens(20). Les mécanismes physiopathologiques incriminés restent hypothétiques : mauvaise compliance aux traitements hypolipidémiants ou facteurs plus subtils tels que déstabilisation de la plaque d’athérome par des variations des flux de cholestérol qui pénètrent ou qui sortent de cette plaque ou par des changements plus ou moins rapides de la réaction inflammatoire qui est présente dans les lésions athéromateuses. Quoi qu’il en soit, la conclusion pratique est de maintenir les taux de cholestérol moyens chez un individu donné aux niveaux conseillés par les organismes de recommandations et d’éviter les ruptures intempestives de traitement hypolipidémiant chez des sujets traités depuis plusieurs années par des statines, par exemple. Il est bien certain que certaines campagnes faites par des idéologues « antistatines », a contrario des arguments fondés sur les essais interventionnels randomisés bien conduits, ont exercé des méfaits dans certaines populations. En particulier, nous insistons sur le fait qu’il a été établi que chez un sujet âgé traité par statines depuis des années, ce traitement doit être poursuivi sous peine de risques de survenue d’un accident cardiovasculaire. Conflit d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts avec le contenu de cet article.

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