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Thérapeutique

Publié le 31 aoû 2007Lecture 10 min

La greffe d’îlots pancréatiques en 2007 - L’expérience du GRAGIL

L. KESSLER, au nom du GRAGIL, Hôpital Civil, Strasbourg

Les objectifs thérapeutiques en matière de traitement du diabète de type 1 visent à prévenir les complications chroniques et invalidantes de la maladie tout en assurant au patient une qualité de vie optimale. Cet objectif passe par l’obtention d’une glycémie la plus normale possible, le plus tôt possible et le plus longtemps possible. À l’heure actuelle, seule la solution biologique qui consiste à greffer les cellules défectueuses autorégulées, soit dans le cadre d’une transplantation pancréatique, soit dans le cadre d’une greffe d’îlots pancréatiques permettrait d’atteindre ces résultats. À côté de la transplantation pancréatique, la greffe d’îlots pancréatiques est apparue comme un traitement potentiel du diabète de type 1 en raison de sa faible morbidité et de la possibilité d’étendre la source de recueil d’îlots.

Depuis 1999, le GRAGIL (Groupe Rhin Rhône Alpes Genève pour la greffe d’Ilots de Langerhans), qui regroupe sept CHU français (Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nancy et Strasbourg) autour d’un centre d’isolement d’îlots localisé à Genève, œuvre pour le développement de la greffe d’îlots pancréatiques à travers des protocoles cliniques permettant de mieux appréhender les indications de la greffe d’îlots, ses avantages et limites, ainsi que ses perspectives d’avenir (figure 1).   Figure 1. Le réseau GRAGIL. Technique de greffe d’îlots pancréatiques chez l’homme   La greffe d’îlots comprend deux étapes : – une étape réalisée au laboratoire où sont pratiqués l’isolement, la purification, puis la culture des îlots pancréatiques ; – une étape hospitalière où est réalisée la greffe chez le patient diabétique (figure 2). Après prélèvement du pancréas humain dans le cadre d’un prélèvement multi-organe chez un patient en état de mort cérébrale, le pancréas est acheminé au laboratoire dans un délai inférieur à 8 heures. La qualité du prélèvement du pancréas et, notamment, la préservation de la capsule péripancréatique sont des facteurs pronostiques importants qui vont conditionner les étapes ultérieures d’isolement et de purification des îlots. Figure 2. Les principales étapes d’isolement d’îlots pancréatiques humains. Au laboratoire La première étape au laboratoire consiste à réaliser l’isolement des îlots pancréatiques, c’est-à-dire la séparation des îlots pancréatiques du tissu pancréatique exocrine, par une technique semi-automatique faisant appel à une digestion enzymatique (libérase) du pancréas. Une des limites actuelles à la technique d’isolement d’îlots est sa faible prédictibilité en raison des variations importantes d’activité de libérase observées aux différents lots. Après digestion pancréatique, les îlots pancréatiques sont isolés des acinis exocrines par séparation selon un gradient de densité. Il est possible d’obtenir, à partir d’un pancréas humain qui comprend aux environs d’un million d’îlots, 200 000 à 400 000 îlots pancréatiques avec un niveau de pureté de 60 à 70 % (présence de 40 à 30 % de tissu exocrine) ; l’ensemble de la préparation d’îlots représentant un volume total de 2 à 4 ml de tissu (figure 3). Les îlots sont ensuite cultivés dans l’attente de la greffe. Cette période de culture,  qui permet de réaliser l’ensemble des tests microbiologiques et fonctionnels des îlots, a montré son efficacité sur le plan immunologique en améliorant la tolérance immunologique de la greffe. Toutefois, elle ne doit pas excéder 48 heures car, au-delà de cette durée, elle conduit à une lyse des cellules. Figure 3. Préparation d’îlots pancréatiques humains colorés par la dithizone en vue de greffe (A) avant et après (B) purification. À l’hôpital L’étape hospitalière va consister à réaliser la greffe d’îlots pancréatiques chez le patient diabétique sous anesthésie locale ou générale par injection intraportale de la suspension des îlots au moyen d’un cathétérisme transhépatique sous contrôle échographique. La suspension d’îlots (200 000 à 400 000 îlots) est diluée dans 250 ml de sérum physiologique, puis conditionnée sous poche de transfusion avant d’être injectée par gravité dans le foie sous surveillance de la pression veineuse portale (figure 4). Certaines équipes réalisent l’injection des îlots chirurgicalement par cathétérisation d’une veine épiploïque au décours d’une incision de McBurney. Son avantage réside dans un meilleur contrôle des incidents hémorragiques mais au prix de la morbidité plus élevée du geste chirurgical. Figure 4. Injection intraportale d’îlots pancréatiques par ponction transcutanée hépatique sous contrôle échographique (A) ; portographie après injection intraportale des îlots (B).   Modalités de la greffe d’îlots pancréatiques   Depuis les 10 dernières années, les progrès réalisés dans les techniques d’isolement d’îlots ont constitué une avancée importante permettant de greffer un plus grand nombre d’îlots chez le patient diabétique. Les données récentes des groupes nord-américains rapportent que la greffe d’îlots nécessite pour un patient l’injection de 10 000 îlots/kg de receveur, ce qui nécessite, compte tenu du rendement de la procédure d’isolement d’îlots, l’injection d’un nombre équivalent en îlots provenant au moins de deux pancréas humains. Deux injections itératives d’îlots au minimum seront pratiquées à 3 mois d’intervalle chez un même patient. Comme pour toute greffe, la greffe d’îlots est réalisée en compatibilité ABO entre le donneur et le receveur et après un cross match négatif (ganglion du donneur + lymphocytes du receveur). La deuxième avancée dans le domaine de la greffe d’îlots pancréatiques a été le recours à des protocoles d’immunosuppression n’utilisant plus de corticoïdes et faisant appel à des associations de sirolimus (Rapamune®) et d’inhibiteurs de calcineurine (tacrolimus, Prograf®) utilisés à faibles doses du fait de leur effet diabétogène. L’induction de la greffe est actuellement réalisée à l’aide d’anticorps antirécepteur de l’interleukine 2 (daclizumab, Zenapax®) administrés juste avant la greffe et toutes les deux semaines pendant un mois et demi après la greffe. La durée d’hospitalisation pour la greffe d’îlots est en moyenne d’1 semaine.   Les indications de la greffe d’îlots   Les indications de la greffe d’îlots pancréatiques concernent actuellement des diabétiques de type 1 en insuffisance rénale terminale, relevant d’une transplantation simultanée de rein et d’îlots pancréatiques, ou des diabétiques de type 1 insuffisants rénaux déjà greffés du rein. Chez ces patients, la transplantation pancréatique n’a pu être réalisée en raison de leur état macrovasculaire très altéré, notamment coronarien, incompatible avec la morbidité particulièrement élevée de la transplantation de pancréas. Dans cette indication, l’immunosuppression, déjà en place pour la greffe de rein, permet d’induire la tolérance des îlots pancréatiques. L’obtention d’un équilibre glycémique optimal est recherchée afin de protéger le greffon rénal de l’effet délétère de l’hyperglycémie. La deuxième indication de greffe d’îlots pancréatiques concerne les diabétiques de type 1 non compliqués, en grande instabilité glycémique, en échec thérapeutique. Ce type de diabète, malgré un traitement insulinique optimisé, se caractérise par la survenue d’hypoglycémies sévères définies par la nécessité d’avoir recours à une tierce personne pour la correction de l’hypoglycémie et soumettant par conséquent le patient à un risque vital. Dans cette indication, le risque évolutif spontané de la maladie diabétique est jugé plus important que le risque lié à la technique de greffe d’îlots et à la mise en place du traitement immunosuppresseur. Chez ces patients, la transplantation isolée de pancréas peut être une alternative thérapeutique mais au prix de complications chirurgicales plus importantes. Du fait de la toxicité néphrologique des protocoles d’immunosuppression actuels, seuls les diabétiques à fonction rénale conservée et stable dans le temps peuvent bénéficier d’une greffe d’îlots sans risquer de voir leur fonction rénale se dégrader.   Des résultats encourageants   En 2000, le groupe canadien d’Edmonton, pionnier dans la greffe d’îlots chez les patients diabétiques non insuffisants rénaux, rapportait sur une période d’un an une série consécutive d’insulino-indépendance chez 7 diabétiques de type 1 à grande variabilité glycémique après greffe d’îlots pancréatiques. De nombreuses équipes européennes et nord-américaines ont reproduit ces résultats, et ont montré que la correction des fluctuations glycémiques et la disparition des hypoglycémies s’accompagnaient d’une amélioration de la qualité de vie :  80 % des patients sont sevrés d’insuline à 1 an ; après 5 ans de suivi, l’insulino-indépendance n’est retrouvée que chez 10 % des 47 patients mais avec un C peptide sanguin positif chez 80 % d’entre-eux, ce qui suggère une prolongation du bénéfice métabolique, même si le retour à une insulinothérapie exogène est nécessaire. L’ITN (Immune Tolerance Network) qui regroupe 10 centres nord-américains et européens a rapporté des résultats comparables dans les centres qui avaient la plus grande expérience dans le domaine, à la fois de l’isolement d’îlots et du maniement de l’immunosuppression. Chez les diabétiques de type 1 greffés du rein, 70 % des patients sont sevrés d’insuline après 1 an de greffe alors que les autres patients ont un contrôle métabolique optimal avec un taux de C peptide sanguin positif et une normalisation de l’HbA1c, même si de petites doses d’insuline sont nécessaires. Les problèmes auxquels se heurte la greffe d’îlots sont les complications hémorragiques de la procédure d’injection des îlots (10 % des cas) et les effets secondaires, surtout néphrotoxiques et hématologiques, des protocoles d’immunosuppression. Il n’a pas été rapporté à ce jour de lymphome induit. Du fait du nombre limité d’îlots qu’il est actuellement possible d’isoler à partir d’un pancréas et de la nécessité de greffer 10 000 îlots/kg, les diabétiques de type 1 de poids < 70 kg et à faibles besoins en insuline (< 0,7 U/ kg/j) sont actuellement les meilleurs candidats à la greffe d’îlots. An sein du GRAGIL, depuis sa création en 1999, 52 patients diabétiques de type 1 ont bénéficié d’une greffe d’îlots pancréatiques, dont 14 patients pour instabilité glycémique avec, chez les 10 derniers patients greffés depuis 1 an, une insulino-indépendance chez 3 d’entre eux et chez 5 patients un succès « métabolique de la greffe », c’est-à-dire une disparition des hypoglycémies avec une HbA1c < 6,5 % et une diminution de plus de 50 % des besoins insuliniques (figure 5).  L’étude de la qualité de vie de ces patients montre une amélioration globale à 6 mois et qui se maintient à 1 an malgré la reprise du traitement insulinique chez la moitié d’entre eux. Au niveau français, le groupe G4 du Nord de la France, qui regroupe 3 CHU autour du centre d’isolement de Lille, rapporte, à 1 an, une insulino-indépendance chez 10/12 patients mais avec une quantité d’îlots pancréatiques injectés par patients > 10 000 îlots/kg de receveur. Figure 5. Enregistrement continu du glucose sous-cutané au moyen d’un Holter glycémique chez un patient diabétique de type 1 traité par pompe portable à insuline avant (A) et après transplantation d’îlots pancréatiques humains (B). En 2007, la transplantation d’îlots pancréatiques ne permet pas encore d’obtenir une insulino-indépendance durable. Cependant, en restaurant une sécrétion insulinique endogène sur une période prolongée, elle permet de restaurer un équilibre et une stabilité glycémique optimale chez des patients diabétiques de type 1 en échec thérapeutique.   Des obstacles à surmonter   La greffe d’îlots pancréatiques se heurte actuellement au nombre limité de pancréas humains disponibles, mais également à la nécessité de disposer d’une équipe chirurgicale de prélèvement d’organe formée à la transplantation, d’un laboratoire d’isolement d’îlots ayant une expérience et une grande maîtrise dans la procédure d’isolement des cellules.   Le réseau GRAGIL Afin de permettre à un plus grand nombre de patients diabétiques de pouvoir bénéficier d’une greffe d’îlots pancréatiques, se sont développés des réseaux multicentriques regroupant des équipes cliniques autour d’un laboratoire d’isolement d’îlots pancréatiques. Le GRAGIL est un des premiers réseaux multicentriques à avoir démontré la faisabilité et l’efficacité de la greffe d’îlots dans ce mode de fonctionnement. Son expérience a donné l’impulsion à la création du groupe G4 du Nord de la France qui réunit les CHU d’Amiens, Caen, Rouen, autour du laboratoire d’isolement d’îlots de Lille, et également au regroupement d’équipes nord-américaines et scandinaves. Ce travail en réseau permet d’optimiser les procédures de prélèvement, de transport, de greffe des îlots pancréatiques. Il a l’avantage également de pouvoir réaliser des protocoles cliniques et d’évaluer ainsi de nouvelles modalités thérapeutiques.   Deux problèmes majeurs - La source limitée d’îlots potentiellement greffables. - La perte progressive de viabilité des îlots après greffe, soit par dévascularisation, soit par rejet des îlots greffés. Même si l’amélioration des techniques d’isolement et de purification du pancréas humain permet d’espérer de meilleurs rendements avec une plus grande reproductibilité, le nombre de pancréas humains disponibles constituera une sévère limitation à l’extension des indications de la greffe d’îlots face à un nombre croissant de patients diabétiques. Le développement de nouvelles sources de tissu insulinosécréteur – cellules souches embryonnaires ou lignées cellulaires – représente un avenir prometteur. Le contrôle de la réaction de rejet, associé éventuellement à la récurrence de l’auto-immunité, constitue également un enjeu majeur pour le développement de la greffe d’îlots, notamment chez le diabétique de type 1 non compliqué. Chez ces patients, l’utilisation actuelle de drogues immunosuppressives toxiques limite actuellement la greffe d’îlots au diabétique de type 1 greffé du rein ou à grande instabilité glycémique.   En conclusion   La greffe d’îlots pancréatiques est aujourd’hui une alternative thérapeutique chez les diabétiques de type 1 greffés du rein contre-indiqués à la transplantation pancréatique en raison de leur  atteinte macrovasculaire sévère. Du fait de sa faible morbidité par rapport à la transplantation pancréatique, elle peut être proposée au diabétique de type 1 à fonction rénale normale et présentant des hypoglycémies sévères malgré un traitement insulinique bien conduit. La détermination du degré de l’instabilité glycémique est fondamentale afin de bien évaluer pour le patient le bénéfice/risque de ce traitement.

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