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Cardiovasculaire

Publié le 21 déc 2005Lecture 9 min

Autosurveillance tensionnelle

B. BOUHANIK, J. GUITTARD, L. RICHARD-ALDERUCCIO, J. AMAR, T. BATTISTON, L. BIELER, B. CHAMONTIN, Service de Médecine Interne et HTA, CHU Rangueil, Toulouse
Il y a environ 2 millions de diabétiques en France, pour 8 millions d’hypertendus. Si le corps médical a bien compris tout l’intérêt d’autonomiser le patient diabétique par la pratique de l’autosurveillance glycémique, il est en revanche moins familier, voire plus réticent, à faire appel à l’automesure tensionnelle (AMT), qui concernerait 24 % des hypertendus en France. 
En effet, seuls 10 % des patients se sont vu conseiller l’AMT par leur médecin. 
Plusieurs raisons expliquent le faible recours à l’AMT :  – manque de temps pour éduquer le patient à l’AMT,  – crainte d’induire une anxiété, – peur de la difficulté d’utilisation chez certains patients,  – transcription erronée possible des données qui gêne la prise de décision (décrite dans 15 % des cas, d’autant plus importante que le niveau éducatif est faible). Pourtant, l’engouement des patients pour l’AMT n’est pas négligeable : 34 % des hypertendus interrogés en consultation spécialisée ont un tensiomètre et 50 % d’entre eux l’ont acheté sans prendre l’avis de leur médecin ; 55 % des diabétiques vus en hospitalisation de jour y seraient favorables.    L’AMT ne remplace pas les mesures traditionnelles de consultation ; c’est une méthode complémentaire d’investigation et de surveillance. De fervents partisans de l’utilisation des méthodes de mesures ambulatoires (automesure ou Holter tensionnel) proposent de s’en servir plus souvent avant de prendre la décision d’instaurer un traitement.   Quels sont les seuils qui définissent l’HTA en automesure ?   Rappelons d’abord que l’association entre risque cardiovasculaire et pression artérielle est continue, sans seuil au-dessus duquel le risque cardiovasculaire augmenterait brutalement. Cependant, la pratique clinique quotidienne nécessite l’élaboration de seuils d’intervention. Ces seuils correspondent soit à + 2 DS des valeurs moyennes normales, soit au 95e percentile de la moyenne des valeurs de PA dans une population de normotendus, alors qu’il eut été préférable de définir ces seuils en les corrélant au pronostic cardiovasculaire, ce que très peu d’études ont réalisé. Ainsi, l’hypertension en automesure correspond à des valeurs ≥ 135/85 mmHg, plus basses que celles retenues pour définir l’HTA en consultation (≥ 140/90 mmHg) et s’appliquent à toutes les populations, faute de validation dans les groupes particuliers comme les diabétiques. Dans la mesure où l’HTA du diabétique est définie par des valeurs de consultation plus basses (de 130/80 à 140/80 mmHg en fonction des recommandations), raison de plus pour appliquer la définition de la PA en automesure avec la plus grande rigueur, par manque de données nous autorisant à rabaisser ces seuils.   Quel appareil prescrire ?   La mesure de la PA est soumise à une grande variabilité et de nombreux appareils sont disponibles dans le commerce. Pourtant, il est indispensable de prescrire ceux ayant la norme CE, validés et fiables, dont la liste est librement consultable sur le site http://www.afssaps.sante.fr : il y en a plus de 45 ! (mot clé : automesure ; liste actualisée en octobre 2005).    Il est indispensable de prescrire les appareils ayant la norme CE, validés et fiables, dont la liste est librement consultable sur le site http://www.afssaps.sante.fr    On distingue trois types d’appareils qui font appel à la technique oscillométrique : Les tensiomètres positionnés sur le bras sont à privilégier : ce sont les plus fiables. Une seule taille de brassard est cependant validée pour un bras ayant une circonférence de 22 à 32 cm, ce qui rend leur utilisation hasardeuse chez certains patients obèses (même si les fabricants commercialisent des brassards larges !).  Les tensiomètres de poignet, très appréciés des patients parce qu’il n’y a pas obligation de se déshabiller et qu’ils sont très simples d’utilisation. Pourtant, des erreurs de mesure ont été rapportées, liées à une mauvaise position du bras, qui aboutissent par exemple à une surestimation des mesures. Chez le diabétique de type 1 néphropathe est constatée une tendance à la surestimation des PAD par rapport à la mesure au bras. La mesure peut être faussée par l’hyperflexion ou l’hyperextension du poignet. Certains appareils disposent toutefois d’un capteur de positionnement automatique qui autorise ou non la mesure. Chez les patients pour lesquels l’utilisation des tensiomètres de bras n’est pas possible, il pourrait être intéressant de valider leur utilisation, ce qui n’a pas encore été fait. Les appareils digitaux, qu’il est déconseillé d’utiliser en 2005 (problème de la vasoconstriction périphérique et de l’éloignement du cœur qui peuvent fausser les mesures). Aucun n’est d’ailleurs référencé à l’Afssaps en 2005.  Certains appareils détectent les pulsations irrégulières et ne valident pas la mesure, ont de grands cadrans qui facilitent la lecture, se connectent à des imprimantes, font la moyenne des 2 ou 3 dernières mesures et ont une mémoire qui stocke jusqu’à 90 mesures.   Quelles sont les indications de prescription ?   Chez le diabétique, aucune recommandation précise n’est faite pour guider son utilisation, même si c’est un moyen supplémentaire possible pour tenter d’améliorer le contrôle tensionnel. Cependant, dans un travail réalisé chez le diabétique de type 2, l’AMT serait plus performante que la mesure conventionnelle pour faire le diagnostic d’HTA. Dans une population d’hypertendus, l’AMT est utilisable : – lorsqu’est suspecté un effet blouse blanche, pour assurer le suivi du contrôle tensionnel (plus qu’en faire le diagnostic car le Holter tensionnel, méthode plus sensible, est alors privilégié) ;  – pour évaluer l’impact d’un traitement hypertenseur (efficacité, durée d’action des médicaments) ; – pour réduire la période d’observation des patients hypertendus nouvellement diagnostiqués ; ainsi, des patients ayant des PA > 140/90 mmHg en consultation et > 135/85 mmHg en automesure sont dès lors considérés comme hypertendus. Cependant, des valeurs < 135/85 mmHg n’excluent pas une HTA en raison de la faible valeur prédictive positive et peuvent inciter à demander un Holter tensionnel ;  –  pour faire le diagnostic d’HTA résistante ; – pour dépister des malaises liés à une hypotension post-prandiale ; – pour améliorer les connaissances des chiffres tensionnels seuils chez les patients. En revanche, les données sur une amélioration de l’observance du traitement, souvent proposée comme indication, semblent contradictoires.  L’AMT améliore la reproductibilité des mesures, limite leur variabilité et réduit l’effet placebo lors des mesures. En recherche, l’AMT sert à mesurer l’effet antihypertenseur des traitements aussi, voire plus, efficacement que ne le fait la mesure conventionnelle. Attention, toutefois, de ne pas sous-traiter les patients en se basant seulement sur les valeurs de l’AMT pour ajuster le traitement. Chez la femme enceinte, il est classique de proposer l’AMT pour diagnostiquer un effet blouse blanche ou suivre l’effet d’un traitement mais, en pratique, les valeurs de référence pour définir une HTA aux différents stades de la grossesse manquent (à la différence de la mesure ambulatoire des PA sur 24 heures où elles existent) et l’impact bénéfique de son utilisation n’est pas démontré si bien que, pour certains, l’AMT est plus anxiogène qu’autre chose…   Quand ne pas prescrire un appareil d’automesure ?   Lorsque la mesure est source d'anxiété chez ce patient. Lorsque le patient à une fâcheuse tendance à modifier son traitement de son propre chef. La position française est assez claire et indique qu’il est nécessaire de dire au patient de ne pas modifier son traitement seul tandis que la position européenne est plus nuancée, en précisant que l’AMT convient aux patients qui souhaitent contribuer à leur prise en charge médicale…, mais elle ne précise pas de quelle façon. Ceux qui s’autogèrent ont en général une HTA modérée. Une étude sur 31 patients atteints d’une HTA modérée a montré qu’avec une éducation et des algorithmes d’augmentation des doses de médicaments, les PA sont un peu mieux contrôlées chez ceux qui s’autogèrent comparativement à ceux bénéficiant d’une prise en charge classique, mais avec comme corollaire une augmentation du nombre des visites chez le médecin… ; – en cas d’arythmie ou de bradycardie franche ; – chez le sujet victime de troubles cognitifs. Le sujet âgé peut très bien bénéficier de la technique. Cela permet parfois d’éviter de sur-traiter dans cette population ; – chez l’obèse ayant une circonférence de bras > 32 cm ; – chez le patient hypotendu, par manque de fiabilité des mesures ; – chez l’enfant, les données sont plus éparses et son intérêt non démontré.   Par ailleurs, on rappellera qu’un tensiomètre est destiné à être utilisé au domicile et que les résultats sont comparables, qu’ils aient été mesurés par le patient ou par l’entourage. En revanche, l’AMT dans les pharmacies avec des appareils peu validés n’est pas fiable ; sa pratique n’est pas non plus validée dans des structures de soin.   Les modalités d’utilisation : 3 x 2 x 3 valent mieux que 1 x 365   Elles sont répertoriées dans l’encadré. Comme pour la mesure au cabinet, la mesure nécessite le calme, l’absence d’effort physique intense, de prises d’excitants, de tabac. Avant l’achat, le patient doit être éduqué à la technique par son médecin qui lui indiquera notamment de noter le relevé des mesures sur un carnet (donné par la firme) ou sur une feuille de relevés téléchargeable sur http://www.automesure.com. Le Comité français de lutte contre l’HTA a élaboré des brochures destinées à améliorer la connaissance des patients (et des médecins !) notamment sur les modalités pratiques de mesure, téléchargeables gratuitement sur  http://www.comitehta.org/. La fréquence de la pratique des mesures est mal documentée :  – au départ, les mesures peuvent être préconisées 7 jours de suite ; – par la suite, il paraît nécessaire de réaliser au moins 4 mesures par jour pendant 3 jours d’activité de suite. Le comité français de lutte contre l’HTA recommande 3 mesures, 2 fois par jour, 3 jours de suite.    Valeur pronostique de l’AMT   Une métaanalyse montre que le contrôle tensionnel est discrètement meilleur lorsque les patients utilisent l’AMT comparativement à la mesure conventionnelle, d’environ -2 mmHg, baisse suffisante pour améliorer le pronostic cardiovasculaire. Les résultats pronostiques d’une étude de cohorte suggèrent d’ailleurs que les valeurs de référence seuils pour définir l’HTA sont 137/84 mmHg. Une étude prospective japonaise a montré que l’AMT a une meilleure valeur prédictive de la mortalité que la mesure conventionnelle en consultation.  Très récemment, une étude de cohorte française chez 4 939 hypertendus âgés a montré que l’AMT a une meilleure valeur pronostique que la mesure conventionnelle. Elle aide à démontrer que les patients présentant un effet blouse blanche (PA élevées au cabinet mais normales en AMT pour 13 % d’entre eux) ont le même pronostic que les hypertendus contrôlés. Enfin, ce travail souligne tout l’intérêt de rechercher une HTA masquée (encore appelée reverse white coat hypertension ou isolated home hypertension), qui concerne 9 % d’entre eux (PA normales en consultation, élevées en AMT) : ces patients voient leur risque cardiovasculaire multiplié par 2 comparativement à des hypertendus contrôlés, risque qui est comparable par ailleurs à celui des hypertendus non contrôlés. Il s’agit plus volontiers de femmes cumulant les facteurs de risque vasculaires et la fréquence de l’HTA masquée diminue avec l’âge.    Chez le diabétique de type 2, l’AMT permet de trouver une HTA masquée dont la valeur pronostique n’est pas établie. Chez le diabétique de type 1 néphropathe, l’AMT est plus utile que la mesure conventionnelle pour prédire l’évolution de la néphropathie.  En conclusion   Si l’AMT n’est guère rentrée dans les mœurs des diabétologues, elle offre pourtant certains avantages dans des situations bien précises, à condition d’une éducation thérapeutique bien menée chez un patient souvent coutumier du fait, mais aussi d’un investissement en temps du médecin.  Son utilisation dans le diagnostic de l’HTA est réel, mais il reste toutefois à démontrer qu’une adaptation thérapeutique basée sur l’AMT permet une meilleure prévention cardiovasculaire que celle basée sur des mesures conventionnelles en consultation.

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