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Hypoglycémie

Publié le 30 nov 2011Lecture 6 min

Risque hypoglycémique des traitements antidiabétiques et mortalité - Que disent les grandes études (ACCORD, ADVANCE, VADT, etc.) ?

B. CHARBONNEL, Université de Nantes

On sait que les grandes études d’événements cardiovasculaires publiées en 2008 ont été dans l’ensemble décevantes, puisqu’elles n’ont pas démontré un bénéfice cardiovasculaire d’un strict contrôle glycémique chez les patients diabétiques de type 2.
On sait aussi qu’une stratégie dite « intensive » s’est en revanche accompagnée, dans ces études, d’une importante augmentation du risque d’hypoglycémies sévères.
On sait enfin que, dans deux des trois grandes études en question,  ACCORD et  VADT, la stratégie dite « intensive » des traitements antidiabétiques s’est accompagnée d’un excès de mortalité. Le risque hypoglycémique est au centre du débat…

Pas de bénéfice cardiovasculaire évident, un bénéfice modeste sur le risque microvasculaire, pour l’essentiel sur l’albuminurie, un risque accru d’épisodes hypoglycémiques sévères et peut-être un sur-risque de mortalité, beaucoup d’éléments qui semblent militer, après les grandes études en question, en faveur d’un traitement antidiabétique qui ne soit pas trop intensif. Faut-il dès lors abandonner, du moins pour de nombreux patients, la valeur cible traditionnellement recommandée, d’une HbA1c < 6,5 % ? À vrai dire, depuis 3 ans, le débat est ouvert et n’est sans doute pas près d’être clos. Une des questions importantes de ce débat est de savoir si l’excès de risque de mortalité observé dans ACCORD est lié ou non aux hypoglycémies sévères. Cela a été la première interprétation qui a été donnée après les résultats d’ACCORD, mais il apparaît que les choses sont sans doute plus complexes.   État actuel des données   Il existe un rationnel pour relier hypoglycémies et mortalité cardiovasculaire Une hypoglycémie sévère peut être directement à l’origine d’un décès, c’est le classique Dead in Bed syndrome, surtout décrit dans le diabète de type 1, mais des épisodes hypoglycémiques répétés peuvent aussi entraîner un état inflammatoire chronique, activer la fonction plaquettaire, être un facteur de dysfonction endothéliale, stimuler un stress oxydatif, libérer des amphétamines, être à l’origine d’une vasoconstriction, etc. Autrement dit, il existe un rationnel expérimental pour relier des hypoglycémies fréquentes à une mortalité cardiovasculaire accrue. Les hypoglycémies sévères ont été un facteur prédictif de mortalité dans ACCORD comme dans ADVANCE et VADT Dans les trois études, le nombre des hypoglycémies sévères a bien sûr été plus important lors d’une stratégie intensive du traitement antidiabétique mais, qu’il s’agisse de la stratégie intensive ou de la stratégie dite standard, dans les deux cas, la survenue d’une hypoglycémie sévère prédisait la mortalité (risque multiplié par 5 dans le groupe standard de ACCORD...), ce qui semble donner crédit à un lien de causalité entre les hypoglycémies et la mortalité. Il n’y a pas eu d’excès de mortalité dans ADVANCE mais il y a eu également beaucoup moins d’hypoglycémies sévères que dans les deux autres études, et ceci semble donc conforter le lien causal entre hypoglycémies sévères et mortalité. La fréquence des hypoglycémies sévères est moindre dans ADVANCE comparée à ACCORD Dans ADVANCE, on retrouve le même sur-risque d’hypoglycémies sévères lors de la stratégie intensive de traitement (deux fois plus que lors de la stratégie standard) mais, en valeur absolue, le nombre des hypoglycémies sévères était moindre que dans les deux autres études, simplement 3 % des patients, contre 16 % dans ACCORD et 21 % dans VADT. La raison de cette différence est sans doute liée à une population de patients différente, avec une baisse de l’HbA1c de -0,9 % sous traitement intensif, contre -1,7 % dans ACCORD et -2,5 % dans VADT, ceci en raison d’une HbA1c de départ plus basse dans ADVANCE. Il n’y a pas eu besoin, ou moins, de « pousser les traitements » pour atteindre la valeur cible, puisqu’on partait de plus bas. Il faut ajouter que la stratégie de traitement intensif prévue dans le protocole était moins agressive. Les hypoglycémies sévères sont un facteur prédictif non spécifique de morbi-mortalité (figure 1)(1) La survenue d’une hypoglycémie sévère, dans ACCORD comme dans ADVANCE (même s’il y en a eu moins dans ADVANCE) prédit la survenue des événements cardiovasculaires, mais aussi celle des événements microvasculaires, prédit la mortalité cardiovasculaire, mais aussi la mortalité non cardiovasculaire, prédit encore la survenue des cancers, des bronchopneumopathies, des maladies de la peau, etc. Bref, cette absence de spécificité fait quelque peu douter qu’il y ait un lien de causalité dans l’association épidémiologique observée entre hypoglycémies et événements.   Figure 1. Une hypoglycémie sévère prédit la morbi-mortalité mais sans spécificité. Résultats adaptés de l’étude ADVANCE(1), où il n’y a pourtant pas eu un excès de mortalité, mais où le nombre des hypoglycémies sévères était moindre que dans ACCORD et VADT. Cette valeur prédictive des hypoglycémies sévères vis-à-vis d’une morbi-mortalité accrue, mais sans spécificité, est identique dans l’étude ACCORD.   Il n’y a pas de lien de temporalité entre l’événement hypoglycémique et la mort Dans ACCORD, il s’est écoulé en moyenne 1 an entre l’événement hypoglycémique (néanmoins prédicteur de mortalité) et la survenue du décès, qu’il soit vasculaire ou non. L’adjudication des causes de mortalité n’a retenu l’hypoglycémie comme cause « possible » que dans moins de 10 % des cas Et il faut rappeler, quelles que soient les intuitions médicales de chacun, que l’adjudication par un comité ad hoc en aveugle, est la méthode scientifique reconnue pour déterminer, dans une grande étude, quelle est la cause du décès.   L’hypoglycémie sévère est un marqueur de risque   L’hypoglycémie sévère sous traitement antidiabétique intensif désigne par conséquent un groupe de patients à risque de mortalité, mais n’est pas la cause de la mort. Il est important de rappeler qu’une association (marqueur de risque) ne veut pas dire causalité (facteur de risque) (figure 2). L’analyse fine des données des grandes études d’événements montre que l’hypoglycémie est un marqueur de risque de mortalité et non pas la cause de la mort, sauf peut-être dans certains cas individuels. Différents facteurs (dits confondants) peuvent augmenter le risque de survenue à la fois d’une hypoglycémie et d’un événement clinique, par exemple les maladies hépatiques, les maladies rénales, un déclin cognitif, le cancer, différentes médications, des problèmes de comportement… Il est intéressant d’observer, dans ACCORD, que les patients les plus susceptibles de présenter une hypoglycémie sévère n’étaient pas, comme on aurait pu le croire, les patients les mieux équilibrés, avec une HbA1c très basse, mais plutôt, au contraire, ceux qui étaient mal équilibrés, malgré l’intensification du traitement. Pour différentes raisons, qui peuvent être physiopathologiques, mais aussi être comportementales, y compris une mauvaise observance du traitement, variable d’un jour à l’autre, ce sont ces patients mal contrôlés et chez lesquels on intensifiait le traitement qui ont présenté le plus grand risque d’hypoglycémies sévères. Ce sont les mêmes qui étaient à haut risque de mortalité, sans qu’il y ait apparemment de lien de causalité entre hypoglycémie et mortalité. Au total, l’hypoglycémie sévère sous traitement antidiabétique intensif désigne un groupe de patients à haut risque de mortalité, mais n’est pas la cause de cette dernière.   Figure 2. Association (marqueur de risque) ne veut pas dire causalité (facteur de risque). En pratique   Cela veut évidemment dire, encore plus qu'avant les grandes études d'événements, qu'il faut éviter le risque hypoglycémique des traitements antidiabétiques, plutôt choisir des classes thérapeutiques qui ne donnent pas d'hypoglycémies, ou être prudent dans les posologies des sulfamides hypoglycémiants ou dans les doses d'insuline, a fortiori chez les patients âgés à risque vasculaire. En cas d'hypoglycémies à répétition, il faut savoir qu'on est devant un patient fragile et il faudra sans doute réadapter alors la stratégie de traitement, y compris l'objectif d'HbA1c et les médicaments ou schémas thérapeutiques utilisés pour l'obtenir.

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