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Épidémiologie

Publié le 30 nov 2009Lecture 9 min

Connaissances et prise en charge du diabète en France - Les leçons de Diabasis

H. MOSNIER-PUDAR, hôpital Cochin, Paris

Le diabète de type 2 est aujourd’hui une pathologie particulièrement bien étudiée, surtout au niveau épidémiologique et santé publique. Pourtant, il n’est pas bien connu dans sa dimension santé-patients. Très peu d’études, en particulier en France, se sont intéressées au vécu et à la perception du diabète par les patients eux-mêmes.

L’enquête Diabasis   Faite dans cette optique, l’enquête Diabasis, réalisée en association avec L’Alfediam (Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques) et le Delf (Diabète éducation de langue française) avait pour objectif d’évaluer les connaissances du diabète par la population générale, et surtout le vécu de la maladie diabétique chez les patients diabétiques. Ont été évalués les réactions à l’annonce du diagnostic, l’impact de la maladie sur les habitudes et la qualité de vie, le rôle de l’entourage, le suivi médical, les effets secondaires des traitements et l’observance thérapeutique. L’étude a été réalisée en population générale, par TNS Healthcare-Sofres, sur un échantillon de près de 18 000 sujets, représentatif de la population française âgée de 45 ans et plus. L’enquête a été réalisée grâce à un questionnaire adressé par voie postale. En plus des données démographiques, 37 questions au total étaient posées, 9 à l’ensemble des personnes et 28 aux seuls patients diabétiques. Le taux de réponse avoisinait les 80 %, seules les réponses des diabétiques de type 2 ont été analysées, soit 1 092 questionnaires.   Les résultats de l’enquête   Prévalence du diabète et caractéristiques de la population diabétique Dans la population étudiée, la prévalence du diabète de type 2 est de 7,7 %, plus fréquente chez les hommes (10 %) que chez les femmes (6 %). Elle continue d’augmenter avec l’âge jusqu’à 75 ans, et est fortement corrélée à l’indice de masse corporelle (< 4 % si IMC < 25 kg/m2, 8 % si surpoids et 19 % en cas d’obésité). Les caractéristiques de la population sont données dans le tableau. Le diabète, son traitement, son équilibre, son suivi Le diagnostic du diabète est fait par le médecin généraliste dans 80 % des cas et dans 74 % des cas à l’occasion d’un bilan de routine. La majorité (81 %) des diabétiques de type 2 est traitée par antidiabétiques oraux (ADO) seuls (54 % en monothérapie, 27 % en bithérapie, 10 % par ≥ 3 ADO), 10 % par ADO et insuline, et 9 % par insuline seule ; 10 % des diabétiques sont traités par des règles hygiénodiététiques seules. Le délai moyen de la mise sous insuline est de 13,8 ans. Les effets secondaires sont fréquents (61 % des patients). Leur incidence augmente avec le nombre de médicaments. Ceux le plus souvent cités sont les troubles digestifs avec la metformine (38 %), les hypoglycémies avec les sulfamides (33 %) et l’insuline (72 %). La prise de poids moyenne est de 7,3 kg sous le traitement en cours, plus fréquente chez la femme et proportionnelle au nombre de médicaments. Malgré cela, la majorité des patients est satisfaite du traitement ; la note de satisfaction est de 8,1/10. L’étude montre que le diabète de type 2, dans cette population, est relativement bien équilibré. La moyenne de l’HbA1c est de 7 %, la médiane à 6,8 % ; 60 % des patients ont une HbA1c < 7 %, 25 % entre 7 et 8 %. Les patients sont plutôt bien observants, mais l’étude met en évidence un profil de patients qui l’est moins. Ces patients ont davantage d’effets indésirables (72 % vs 57 %) et de comprimés par jour (4,6/j vs 3,7/j), une moins grande satisfaction du traitement (note 7,5 vs 8,3/10), une prise de poids plus fréquente (28 % vs 21 %), un diabète moins bien contrôlé (42 % ont une HbA1c > 7 %) et un impact plus important sur les habitudes de vie. Ils sont plus jeunes (52 % ont < 65 ans contre 43 % des compliants), plus souvent de sexe masculin (62 % vs 58 %), et plus en demande d’informations au diagnostic. La quasi-totalité des diabétiques est suivie par le médecin généraliste (93 %). Seuls 29 % ont un diabétologue, mais 71 % en consultent un en cas d’insulinothérapie ; 35 % ont un cardiologue et 41 % un ophtalmologiste. Au cours des 12 derniers mois, la moyenne des mesures d’HbA1c est de 2,8 par an ; pour plus des trois quarts des patients elle a été faite au moins une fois.   Connaissance de la maladie, besoins d’information Parmi les patients diabétiques, la connaissance du diabète est bonne : 97 % savent qu’il existe plusieurs types de diabète ; 80 % connaissent l’HbA1c, et près de 60 % son utilité. Les deux principaux facteurs responsables retenus sont l’hygiène de vie (51 %) et une prédisposition familiale et/ou génétique (39 %), suivis du surpoids (23 %) et d’une dysfonction métabolique (15 %). Malgré cette bonne connaissance, l’étude montre un manque d’informations au moment du diagnostic. La grande majorité (85 %) des patients est en demande d’explications, notamment sur la prise médicamenteuse (49 %), les risques liés au diabète (43 %), l’origine de la maladie (40 %), les modifications de l’hygiène de vie (33 %).   Perception, vécu de la maladie diabétique, degré de satisfaction des patients Le moment de l’annonce est un moment crucial dans l’histoire de la maladie. Près de 70 % des patients (68 %) ont une réaction négative au diagnostic (anxiété, peur, injustice, fatalité, révolte, colère, incrédulité). Seulement 20 % sont indifférents et 10 % soulagés (figure). Globalement, 74 % des patients diabétiques s’estiment en bonne santé, mais la moitié pensent que le diabète est une maladie grave, surtout ceux qui sont inquiets à l’annonce du diagnostic, mais aussi les femmes, ceux qui ont une durée de diabète supérieure à 10 ans, ceux traités par insuline, et ceux qui sont le plus investis dans la gestion de leur maladie. Le diabète a des répercussions sur la vie quotidienne. Ainsi un patient sur deux a introduit des modifications dans ses habitudes alimentaires. Cela concerne les repas, l’organisation des courses, les sorties au restaurant. En revanche, seul un sur trois a mis en place la pratique d’une activité physique. De son côté, la vie sociale et professionnelle est peu impactée par le diabète (voyages, relations avec les amis, travail). D’ailleurs, les diabétiques évaluent la gêne provoquée minime pour la vie de tous les jours, 40 % des patients ne sont pas gênés du tout. Néanmoins, la gêne augmente avec l’ancienneté du diabète, le déséquilibre glycémique, le traitement par insuline, chez les femmes et les moins de 65 ans. Finalement, 11 % des patients sont très gênés. Le rôle de l’entourage est très important. La moitié des patients disent recevoir de l’aide de l’entourage familial pour surveiller ou modifier l’alimentation et, pour plus du tiers, pour « vivre » avec le diabète, l’observance thérapeutique, le suivi médical et la pratique d’une activité physique. Dans la relation établie avec le médecin, la majorité des patients (66 %) se contentent de suivre les recommandations données par leur médecin. À l’inverse, 33 % des patients se montrent « actifs » dans la discussion et s’impliquent dans la gestion du diabète. Ainsi, un véritable partenariat s’installe entre patient et médecin, dans 28 % des cas avec le médecin généraliste et dans 43 % des cas avec le diabétologue. Figure. Réaction à l’annonce du diagnostic du diabète de type 2 sur un échantillon représentatif de la population française âgée de 45 ans et plus ; 68 % des patients ont une réaction négative (peur, anxiété, injustice, fatalité, incrédulité). Les enseignements de Diabasis   Diabasis apporte un éclairage nouveau sur le diabète. D’abord parce que c’est une étude faite en population générale et ainsi le reflet de ce que l’on pourrait appeler « la vraie vie », la réalité du terrain. Surtout, elle donne une photographie du diabète faite par les patients eux-mêmes. La maladie qui les touche n’est facile à vivre, ni pour eux-mêmes, ni pour leur entourage. Pour contrôler son évolution, éviter ou retarder des complications graves et invalidantes, la majorité des diabétiques sont conscients de la nécessité de s’astreindre à une hygiène de vie saine et à l’observance des traitements prescrits. Ces contraintes sont parfois jugées pesantes, d’autant plus lorsqu’à la gêne occasionnée par la maladie s’ajoutent les effets indésirables des médicaments. Le diabète est considéré comme « une maladie grave » par la moitié des patients, surtout par les femmes, en cas de sentiment d’angoisse au diagnostic, lorsque la durée du diabète est plus longue, et chez les patients traités par insuline. L’étude Diabasis montre le rôle clé du médecin généraliste dans le diagnostic et la prise en charge du diabète. En effet, le médecin généraliste fait le diagnostic du diabète dans 80 % des cas, et assure le suivi dans 93 % des cas. Apprendre que l’on est diabétique modifie radicalement la perception générale qu’une personne pouvait avoir de sa santé. La demande d’informations est alors forte (85 % des patients souhaitaient plus d’information) et la réaction est souvent négative : anxiété, peur, révolte, angoisse sont fréquentes. L’annonce du diagnostic s’avère ainsi un moment clé qui par la suite va déterminer en grande partie la manière dont le patient accepte sa maladie et gère les traitements. La réaction à l’annonce, sa reconnaissance et sa prise en compte sont probablement déterminantes pour la prise en charge et le vécu de la maladie. Ce premier contact entre patient et médecin est donc primordial (et demande du temps). Il doit faire appel chez les médecins à des compétences d’écoute, de transmission d’information et de gestion des sentiments, réactions et émotions que crée le diagnostic de diabète. Devenu diabétique, un patient sur deux adapte ses comportements. En grande majorité ce sont les habitudes alimentaires qui sont modifiées. Mettre en place une activité physique régulière est beaucoup plus difficile (seuls 11 % y parviennent). Cela souligne le manque d’efficacité des actions entreprises dans ce domaine et doit nous conduire à réfléchir sur les modalités de la réintroduction de l’exercice physique avec des dispositifs plus adaptés pour la population ici décrite. La relation établie avec le médecin dans le domaine d’adoption de comportements bons pour la santé est un élément clé de la réussite. Or, comme le montre Diabasis, elle reste le plus souvent verticale, y compris avec le spécialiste. Il s’agit donc d’un mode de relation prescriptive peu adapté à l’adoption de nouveaux comportements. Lorsque cette relation de partenariat est instaurée, elle a des répercussions très positives sur l’observance des recommandations concernant les repas, les sorties au restaurant, les courses ou les voyages. Même comme cela, elle n’influe en rien sur la pratique de l’exercice physique, ce qui traduit la difficulté majeure rencontrée à « faire bouger » les personnes. L’aide et la présence de l’entourage restent très importantes pour l’alimentation, pour « vivre » avec le diabète, comme pour l’observance thérapeutique, le suivi médical et la pratique d’une activité physique. L’équilibre du diabète est relativement bon avec 46 % des patients ayant une HbA1c < 7 %. Mais, l’étude Diabasis montre que, lorsque le diabète devient plus difficile à contrôler, en particulier lorsqu’il est par traité par insuline, le recours au spécialiste devient beaucoup plus important (76 % des patients ont vu alors un diabétologue dans l’année).   Conclusion   L’étude Diabasis, réalisée sur un échantillon représentatif de la population française, est originale et intéressante car elle évalue le vécu du diabète par le patient diabétique. On retiendra le rôle majeur du médecin généraliste pour le diagnostic, le traitement et le suivi. Le diabétologue n’intervient que plus tard dans l’histoire de la maladie à l’occasion d’une complication ou de la nécessité de traiter par insuline. Le diabète est une maladie bien suivie et bien contrôlée, mais n’est pas si facile à vivre pour les patients. Les modifications des règles hygiénodiététiques vont dans le bon sens tout en respectant la qualité de vie sociale et professionnelle. L’activité physique reste difficile. L’aide et la présence de l’entourage sont très importantes. La majorité des patients sont traités par antidiabétiques oraux et se plaignent d’effets secondaires spécifiques selon les classes médicamenteuses. L’observance thérapeutique est bonne, et conditionnée en partie par les effets secondaires et l’annonce du diagnostic qui est un moment capital et déterminant. Conflit d’intérêt : l’auteur déclare faire partie du Comité scientifique de l’étude Diabasis qui a été financée par le laboratoire Novartis. En tant que tel, elle déclare avoir perçu des honoraires comme membre du comité et comme conférencier sur invitation.

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