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Foie-Appareil digestif

Publié le 30 avr 2009Lecture 6 min

Diabète et maladie cœliaque

L. CHAILLOUS, Hôtel-Dieu, Nantes

La maladie cœliaque (MC) est une maladie auto-immune dont l’association fréquente au diabète de type 1 (DT1) est connue de longue date. Les signes caractéristiques de la maladie sont inconstants, soulevant la question de l’intérêt d’un dépistage systématique de la MC chez les diabétiques de type 1.

Diabète et maladie cœliaque : une association fréquente   Que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, la fréquence de la MC est plus élevée chez les diabétiques de type 1 que dans la population générale. Dans une large cohorte d’enfants français ayant un DT1, un dépistage systématique par dosage des anticorps spécifiques a permis d’objectiver une prévalence de 1,6 % de MC prouvées histologiquement. Chez des diabétiques de type 1 adultes, la prévalence de la MC est de l’ordre de 2 à 8 %. La MC est une entéropathie inflammatoire chronique auto-immune survenant sur un terrain génétique prédisposant. Elle est provoquée par un antigène alimentaire, la gliadine du gluten, le gluten étant la fraction protéique de certaines céréales. Les similitudes entre la physiopathogénie du DT1 et de la MC expliquent leur association fréquente : – il s’agit de maladies auto-immunes où l’immunité cellulaire a un rôle central ; – on retrouve dans la MC les mêmes haplotypes HLA de susceptibilité que pour le DT1 : HLA DR4 DQB1*0302 et surtout HLA DR3 DQB1*0201.   Une maladie à l’expression clinique variable   Les signes d’appel les plus classiques (encadré 1) sont les symptômes digestifs (douleurs et ballonnements abdominaux, diarrhée, stéatorrhée) et les stigmates de malabsorption (amaigrissement, anémie, retard de croissance chez l’enfant). Les complications sont celles de la malabsorption (anémie, ostéoporose, troubles neurologiques), mais aussi un risque augmenté de lymphome digestif, et des troubles de la fertilité (encadré 2). Dans le cas particulier du patient diabétique, on peut observer une diminution des besoins en insuline ; et on évoque parfois une augmentation du risque hypoglycémique et de l’instabilité glycémique. Néanmoins, à ce jour on manque de preuves formelles d’un lien entre MC et équilibre glycémique. Des formes asymptomatiques fréquentes   À côté des formes symptomatiques, nombreux sont les patients asymptomatiques, alors même qu’ils ont les lésions histologiques intestinales caractéristiques de la MC. Chez les enfants diabétiques, seuls 40 % des cas de MC sont diagnostiqués devant des symptômes cliniques (symptômes digestifs, retard de croissance). Chez l’adulte, les formes asymptomatiques représenteraient même plus de 80 % des MC. En fait, chez les patients dont le diagnostic a été fait dans le cadre d’un dépistage systématique, on retrouve fréquemment à l’interrogatoire des symptômes digestifs à minima. Enfin, il existe des formes latentes, avec anticorps positifs mais absence d’anomalies histologiques à la biopsie du grêle.   Le dépistage de la MC repose sur le dosage des auto-anticorps anti-transglutaminase   Il existe quatre types de dosages d’anticorps (Ac) associés à la MC : Ac anti-réticuline, Ac anti-gliadine, Ac anti-endomysium et Ac anti-transglutaminase tissulaire. La performance diagnostique des Ac anti-réticuline et anti-gliadine est moins bonne et ces dosages  doivent être abandonnés au profit des Ac anti-endomysium et surtout des Ac anti-transglutaminase. Les Ac anti-endomysium sont détectés par immunofluorescence indirecte sur coupe d’œsophage de singe ou de cordon ombilical humain. Il s’agit d’une technique difficile à mettre en œuvre et à standardiser, dont les résultats sont opérateur-dépendants. En fait, le principal antigène cible des Ac anti-endomysium a été identifié en 1997 : il s’agit de la transglutaminase tissulaire. Cette identification a permis de développer un dosage ELISA utilisant de la transglutaminase recombinante, beaucoup plus facile à standardiser que le dosage des Ac anti-endomysium. C’est devenu le dosage recommandé en première intention (figure 1). Il doit être effectué en régime normal contenant du gluten. Que ce soit pour le dosage des Ac anti-transglutaminase ou des Ac anti-endomysium, les classes d’immunoglobulines recherchées sont principalement les IgA, et plus rarement les IgG en cas de déficit en IgA. Le déficit sélectif en IgA est une circonstance assez rare, mais importante à connaître car il s’associe volontiers à la MC (8 % des déficits en IgA ont une MC et 1 à 2 % des MC ont un déficit en IgA) et, surtout, il met en défaut les dosages d’IgA anti-transglutaminase et anti-endomysium. De ce fait, si un déficit en IgA est connu, il faut doser les IgG anti-transglutaminase (et/ou anti-endomysium). Et, en l’absence de déficit connu, si les IgA sont négatives et qu’il existe une forte suspicion clinique, il faudra rechercher un déficit en IgA, et doser le cas échéant les IgG. Figure 1. Recherche d’anticorps et maladie cœliaque (d’après HAS Novembre 2007).   Le diagnostic de certitude est fondé sur les biopsies du grêle Malgré l’amélioration du diagnostic sérologique, la confirmation histologique reste nécessaire. Par ailleurs, il existe des cas de maladies cœliaques séro-négatives (6-9 %), si bien qu’en cas de forte suspicion clinique, une fibroscopie avec biopsies du grêle sera effectuée même si les anticorps sont négatifs. La MC se caractérise histologiquement par une atrophie des villosités intestinales (partielle, subtotale ou totale), une hyperplasie des cryptes et une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux. De même que les dosages d’auto-anticorps, les biopsies à visée diagnostique doivent être effectuées en régime normal contenant du gluten.   Le traitement reste le régime sans gluten à vie   Le traitement consiste à éliminer les céréales contenant du gluten : seigle, avoine, blé, orge.  En complément, il convient de substituer les carences nutritionnelles : fer, acide folique, calcium, vitamine D, et plus rarement vitamine B12. Les contraintes du régime sans gluten sont lourdes, et peuvent être mal acceptées chez les patients diabétiques ayant déjà des contraintes liées au traitement du diabète. Le coût des produits sans gluten peut aussi être un obstacle dans certains cas. L’observance sera d’autant plus difficile à obtenir que le patient est asymptomatique. Des conseils diététiques régulièrement renouvelés sont nécessaires pour améliorer cette observance. Le régime sans gluten améliore les symptômes digestifs et la plupart des manifestations extradigestives, réduit le risque de retard de croissance et les complications à long terme telles que l’infertilité et le lymphome intestinal. Chez les diabétiques, les besoins insuliniques augmentent mais la plupart des études ne retrouvent pas d’amélioration de l’équilibre glycémique. On observe généralement une négativation des Ac anti-transglutaminase dans un délai de 6 mois. La persistance des auto-anticorps et de l’atrophie villositaire est le plus souvent liée à des problèmes d’observance. Néanmoins, il existe d’authentiques MC résistantes au régime sans gluten bien conduit nécessitant un avis spécialisé pour recherche de complications (lymphome par exemple) ou d’autres pathologies associées.   Faut-il dépister tous les diabétiques de type 1 ?   Il apparaît logique d’effectuer une recherche de MC chez un DT1 devant la présence de symptômes digestifs, même mineurs, ou devant une carence martiale ou un retard de croissance. En revanche, la question du dépistage systématique de la MC chez les patients asymptomatiques à risque de MC, tels que les diabétiques de type 1,  reste débattue. La variabilité du tableau clinique, la non-spécificité des symptômes et la fréquence des formes asymptomatiques entraînent une sous-estimation de la MC et un retard au diagnostic estimé souvent à plusieurs années. L’intérêt d’un dépistage systématique de la MC chez les patients à risque (encadré 3) est de traiter précocement pour prévenir les conséquences nutritionnelles et les complications notamment sur l’os, la fertilité et la dégénérescence maligne. Néanmoins, ces bénéfices nécessitent une bonne observance à long terme, ce qui est difficile à obtenir chez des patients asymptomatiques. La question reste donc ouverte… Les points clés   Chez un diabétique de type 1, il faut savoir évoquer la maladie cœliaque devant des symptômes digestifs même mineurs ou un retard staturo-pondéral. Le diagnostic repose sur les IgA anti-transglutaminase et les biopsies du grêle. Le régime sans gluten améliore les complications de la MC, mais ne modifie généralement pas l’équilibre glycémique. La question du dépistage systématique de la MC chez les diabétiques de type 1 reste débattue.

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